But tonight I'm loving you ♫

Lettre écrite en espagnol

Soraya,

Il m'a fallu plusieurs mois pour essayer de comprendre ton choix et je ne suis pas sûr qu'aujourd'hui encore je sois totalement dans la compréhension, mais j'essaie. Vraiment, j'essaie. Il m'a fallu aussi plusieurs mois pour enfin me décider de t'écrire une lettre. Peut-être sans réponse, de toute façon on sait tous les deux que t'as assez de culot pour ne pas répondre, mais je garde espoir. J'espérais que tu reviennes, au moins une fois, mais encore aujourd'hui j'attends. Ton père m'a dit qu'il n'espérait même plus, parce que tu ne lui avais donné aucune nouvelle, pas même à ta soeur. Je sais ce que cette île représente pour toi Soraya. Je connais tes souvenirs, tes joies et tes peines. Nous avons les mêmes centres d'intérêts, nous avons vécu notre enfance ensemble, je te connais par coeur tout comme toi, et tout ça se résume aujourd'hui à un silence. Un silence de mort. Tu sais, je n'ai pas changé, ou pas beaucoup. Je suis toujours le même. J'ai juste grandi, mais pas beaucoup depuis la dernière fois. Je fais à peine 1m85 et toi, es-tu toujours aussi petite ? Ma peau garde la même teinte, cette couleur mate qui se colore un peu plus chaque jour grâce à la chaleur et au trois soleils se trouvant à San Juan. Toujours la même température, toujours le même climat ça n'a pas changé. J'ai toujours les mêmes cheveux noirs, sauf qu'ils ont poussé, maintenant. J'ai une espèce de coupe bizarre, avec une mèche rebelle. J'aime pas trop, mais il parait que ça plait, alors je laisse. En fait je m'en fiche un peu. J'ai des yeux marrons souvent recouverts de lunettes de soleil, un nez droit et une bouche pulpeuse, mais comme tu le disais souvent : c'est juste à souhait. A cette pensée, je souris jaune, parce qu'à l'heure d'aujourd'hui, la seule chose qu'il reste entre nous c'est le néant. C'est drôle, non ? Non, t'as raison il n'y a rien de drôle. J'ai toujours cette dégaine de mal rasé, parce que j'ai la flemme de le faire tous les jours. Puis ça donne un genre, parait-il la barbe de deux jours. Tu vois que parfois le fait de « piquer » ça a du bon, ça plait aux filles. A force d'exercer la plongée, de profiter de nos merveilleuses eaux turquoises, ça muscle ce qui m'amène à te dire que j'ai aussi pris en volume, mais pas beaucoup. Juste histoire de ne plus être cette petite croquette que tu connaissais. Au niveau vestimentaire, c'est toujours pareil. Souvent torse nu à force de passer ma vie dans l'eau, je m'en tiens au simple jeans basket t-shirt. Ah si, nouveauté : la casquette. Je trouve ça pratique et ça m'empêche de voir cette coupe que je garde uniquement pour être « in » lors des grandes occasions qui sont si rares. Il parait que le noir me va bien, tu le savais ? Evidemment que tu le savais, vu que tu n'arrêtais pas de me le dire. Les chemises militaires noires, tu t'en rappelles ? J'en porte parfois, mais je préfère le kaki. En fait, je ne fais pas vraiment attention aux fringues. Je prends ce qui passe à condition de ne pas ressembler à un clown de foire. Je ne fais pas attention, certes, mais il y a un minimum. Tu vois, Soso, j'ai pas tant changé que ça, j'ai juste grandi.

Tu te rappelles le temps où on partait à l’aventure ? La plongée, pour y découvrir les fonds marins. Depuis que je suis enfant, c’est mon domaine de prédilection : la plongée, le surf, les sports nautiques, tout ça. Pendant plusieurs années, on a fait tout ça à deux. Puerto Rico est peuplé de plongeurs. Certains sont professionnels et natifs de l’île, un peu comme moi avec le temps. Je ne me qualifierais pas de professionnel, mais au moins je m’en sors, et je connais les endroits à fréquenter, ou pas. Et puis il y a les touristes qui eux, veulent apprendre à connaître l’île, ils veulent profiter. Ils ne voient pas le meilleur, parce qu’il y a toujours une barrière de sécurité, s’ils savaient. Tu sais, je suis toujours ce gamin de 15 ans qui aime découvrir, qui aime explorer. Je suis curieux d’apprendre et ma vie ne s’est pas arrêtée parce que t’’as décidé de partir du jour au lendemain. Je suis toujours intéressé et d’ailleurs, j’aime passer mon temps là où on avait toujours dit qu’on irait. Tu sais, à la Isla Mona. C’est sauvage, c’est protégé et c’est paradisiaque. J’aurais pu t’attendre pour m’y rendre, le problème c’est que j’ai aucune idée de quand tu comptes te manifester et j’ai pas envie d’attendre d’être sénile pour tenter l’expédition. Tu ne m’en veux pas, au moins, Soraya ? Bien sûr que non, ça serait un peu déplacé, tu ne trouves pas ? Mais ne t’en fais pas, je ne suis pas plus rancunier qu’avant, ça me passera, mais n’oublie pas que la frustration me pousse à écrire. Le fait que tu sois en Amérique, quelque part… Miami, d’après Maira. Pourquoi Miami ? Jaloux ? Non, tu devrais savoir que je ne connais pas ce trait de caractère. Quoi que ça dépend. Parfois, je peux l’être, à condition que ce soit pour la bonne cause, mais je ne t’envie pas. Je suis patriote et je ne renie pas l’endroit d’où je viens, même pas pour ce que j’ai vécu. En général, je pense être quelqu’un de calme et sympa, c’était déjà le cas avant et ça l’est toujours. J’aime m’ouvrir aux autres, mais je peux me fermer rapidement aussi. Je ne suis pas hautain, encore moins égocentrique. J’aime la simplicité et je n’ai absolument pas l’envie ni le besoin de dépenser une somme à plusieurs zéros pour me sentir bien. De toute façon, c’est pas comme si j’en avais l’occasion. J’ai toujours vécu avec les moyens de mes parents et je ne me suis jamais plains. J’ai tendance à relativiser, beaucoup parce que la vie vaut la peine d’être vécue, donc j’en profite et je ne perds pas mon temps à me poser 50 questions. C’est un peu contradictoire, tu ne trouves pas ? Là, tout de suite, je t’en veux d’être partie et pourtant tu n’as fait que suivre ce que je prêche à longueur de temps. Ce qui m’amène à dire que je pense être une personne d’assez possessive ou égoïste, non ? Mais pour le dernier point, c’est vraiment léger. Avec les filles, je suis moi-même. Je n’aime pas passer mon temps à draguer pour le plaisir de draguer. A quoi bon montrer une personne qu’on n’est pas ? Si je dois charmer, ça sera avec ma personnalité et mon charisme naturel. J’irai pas jouer un jeu, mais ça tu le sais, non ? On le sait tous les deux. Je peux être tendre, attentionné et protecteur. Je peux être patient, la preuve je t’attends encore… Je peux être serviable et je pense être une personne de confiance. En y réfléchissant, je pense quand même être jaloux. C’est pas maladif, mais c’est souvent ce qui me pousse à lancer des piques. En fait, je suis aussi arrogant. Je suis vite blasé, mais pas déprimé. J’aime le sport, j’aime l’esprit d’équipe. Je peux passer beaucoup de temps à faire de la plongée, du surf, mais pas que. J’aime le baseball, j’en fais depuis que je suis môme et je suis plutôt bon. C’est une réelle passion et ça demande une condition physique, d’où les jogging sur la plage au petit matin. Encore une fois Soraya, tu trouves que j’ai changé ?

Soraya, te rappelles-tu vraiment de moi ? De nous ? De notre enfance ? Je vais te rafraichir un peu la mémoire: moi je suis né le 31 mai 1996 dans la ville de San Juan. Mon père est pêcheur, il a passé sa vie à faire ça, t’imagines quelle vie ? Il était pas spécialement bien payé, mais il le faisait quand même. La seule chose que j’en tire c’est que je ne m’en sors pas trop mal en poissons. Ma mère gardait des enfants dans une école primaire, comme elle nous gardait déjà lorsqu’on était enfants. J’ai trois sœurs, plus petite que moi. Il y a Lorena qui a 15 ans et qui est une vraie petite chipie. Elle essaie d’imiter les jolies danseuses des clips de Don Omar et compagnie. Après, il y a Lola, qui a 13 ans. Elle est encore très naïve, mais elle est très curieuse. Je crois que c’est celle qui me ressemble le plus et enfin, il y a Gina qui à 9 ans et elle, elle est totalement fan de toi. Elle demande toujours quand tu vas revenir et tu sais, ben j’ai aucune idée de ce que je dois te répondre. T’es un modèle pour elle et lorsqu’elle te reverra, soit elle t’en voudra, soit ce sera le plus beau jour de sa vie. A toi de calculer ton coup. Elles sont toutes les trois nées normalement, mais à la naissance de Gina, ma mère a dû choisir entre sauver sa propre vie ou celle de sa fille. Sans vraiment en toucher un mot à mon père, elle a choisit la vie de Gena en se disant qu’elles étaient bien entourées, qu’elles grandiraient comme moi j’ai grandi. A la naissance de Gena, tu faisais déjà partie de ma vie et elle s’est directement attachée à toi, ça l’a aidée, vraiment. Mon père quant à lui, ne s’est jamais vraiment remis de la mort de ma mère et disparaissait souvent en mère pour chasser ses souvenirs à l’aide d’un verre d’alcool, ou plusieurs. Il rentrait la nuit, complètement ivre et moi, je vivais avec, mais n’approuvais pas. Mes sœurs sont mes petites princesses et si je peux leur offrir deux fois plus d’attention et d’amour que mon père, c’est encore mieux. A force de voir mon père revenir ivre, on a été vivre un an ou deux chez ma grand-mère qui elle, donnait beaucoup de son temps et de son énergie. Elle nous a appris les choses simples de la vie, elle nous a appris des valeurs sûres qu’encore aujourd’hui, je suis incapable de nier. On allait à l’école du village, comme toi et Maira et plus je passais mon temps dehors à m’occuper, mieux c’était. Au bout de deux ans, mon père s’est repris en main, se rendant compte ô combien il était en train de foirer sa vie et celle de ses enfants. Il est venu nous rechercher et on a continué à grandir. A mes 10 ans, je me suis consacré au sport : la plongée avec toi, m’a ouvert les horizons sur d’autres choses comme le surf, la voile. A 12 ans, j’ai été voir mon premier match de baseball avec mon père, j’étais heureux, ça devait être notre première sortie. C’est un sport qui me passionnait déjà, mais le voir en vrai m’avait prouvé que c’était ce que je voulais faire vraiment. J’en ai parlé avec lui et rapidement, il m’y a inscrit et depuis, je n’ai plus quitté ce club, ni ce sport. En grandissant, j’ai commencé à m’intéresser aux filles. A une fille : toi. Je ne te voyais plus comme ma meilleure amie, mais comme une fille qui me hantait. Ton rire, ton sourire, ton visage d’ange et ta bouille d’enfant lorsque t’éclate de rire. Passer du temps avec toi ne devenait plus une habitude, mais un réel plaisir. J’y repensais et j’avais toujours hâte d’être le lendemain. On a découvert beaucoup de chose ensemble, on a appris beaucoup de choses aussi. On était inséparables et tu restais beaucoup trop ancrée dans ma tête et dans mon esprit. Un jour ça a été trop loin, aussi bien pour toi que pour moi. Ca nous a perdu, mais ça ne nous a pas empêché de tester, de se tester. T’étais celle que je voulais et t’étais un réel bonheur. Pendant un mois, j’ai apprécié, adoré et puis un jour t’es partie comme si de rien n’était, comme si je ne valais pas grand chose. Au début j’ai cru que j’étais le seul à subir un tel départ, mais j’ai compris que c’était encore plus dur pour ta petite sœur que pour moi. J’ai continué à côtoyer Maira de temps en temps, je voulais de tes nouvelles mais à chaque « Désolé Javier, je n’ai aucune nouvelle d’elle » je me prenais une claque, comme si c’était une nouvelle alors que ça faisait au moins 5 fois qu’elle me le disait. Aujourd’hui, je ne sais pas ce qu’il en est de nous, de toi, mais moi j’ai continué ma vie, mes études. En dernière année de lycée, toujours accro au sport, accro à cette île, accro aux découverte avec l’espoir qu’un jour tu reviennes, aussi vite que t’es partie pour me dire qu’en fait ce n’était pas un adieu, mais juste un au revoir.