40 - This is the freak show

Deux mois. Deux mois que nous étions peinards à Wynwood. Pourquoi peinards ? Et bien parce que tous les mois, la tradition voulait qu’une Voix se déclenche, comme ça de façon inopinée, et se diffuse dans tous les bâtiments : dortoirs, couloirs, et même salles de classes alors que nous étions en plein cours. Et elle balançait des rumeurs parfois si affreuses, que les concernés se barraient au courant, ou au contraire s’en foutaient, et les autres se moquaient bien. En règle générale, ce n’était pas quelque chose de très bon pour soi, et les élèves étaient si dissipés après ça… Le pire était que les profs n’avaient aucun contrôle la dessus, puisqu’ils n’étaient jamais au courant de quand elle allait frapper, et surtout ils étaient parfois au cœur même des rumeurs. Ce lycée c’était vraiment le bordel général, et là alors que je m’étais dis qu’elle avait fini par abdiquer, le vieux micro grésillant se fit entendre alors que je me rendais tranquillement en salle de musique. Du coup, par réflexe, je me stoppais net.

Il fallait croire que cette absence était justifiée, puisqu’elle n’y alla pas de mains mortes, exposant clairement deux secrets, de deux jeunes filles : Scarlett, que je ne connaissais ni d’Adam, ni d’Eve, et Vicky ma chef chez les Alpha Psi. Deux choses qui me filèrent des frissons dans le dos, rien de très joyeux en ce qui les concernait, et je ne savais pas où me mettre dans cette histoire, ni d’ailleurs quoi en penser, d’autant plus que ça semblait être autre chose qu’une simple rumeur balancée comme ça, mais bel et bien des faits réels. Certes, je n’accorde pas de crédit aux potins, je trouve ça ridicule, mais ça semblait être si vrai, mais si surréaliste à la fois.

Je croisais mes bras, et m’adossais contre le mur, continuant d’écouter les petites mésaventures de la jeunesse dorée de Wynwood, et je ne fus pas surpris d’entendre parler de ce couillon de Samuel. Satisfait qu’il se fasse lyncher en public, j’affiche un petit sourire satisfait, mais qui disparut bien vite quand cela concerna mon ami Eric. Décidément, elle était déchainée aujourd’hui, et je n’appréciais guère qu’on s’applique autant à dire du mal des autres, à ruiner leur vie ainsi. Je connaissais Eric depuis pas mal de temps maintenant, et j’étais bien placé pour savoir que ce n’était que diffamation, et ça m’énervait. Je ne devrais pas, je savais que ce n’était pas vrai, et d’ailleurs pourquoi je réagirais à un tissu de mensonges. Je devrais faire comme d’habitude, passer mon chemin et ne plus y penser, oui c’est ça que je devrais faire, et j’étais prêt à continuer ma route faisant abstraction de cette voix, sauf que j’entendis mon nom, et je me figeais net. Raide comme une statue, je l’entendais citer mon nom. Shin Young Hae, oui c’est bien moi. Mon corps se raidit, et étrangement ça fait beaucoup plus d’effet quand c’est vous qui êtes au cœur du tapage.

De suite mes pensées se tournent vers Maira. Je ne savais pas où elle se trouvait au moment même, mais je ressens une gêne atroce, j’aimerais me cacher au fond d’un trou, et surtout qu’elle n’ait même pas entendu ces quelques paroles. Aussi, je me voilais la face, et la Voice venait de clairement prendre les devant, me prenant de court, et me mettait au pied du mur. La vérité je la niais depuis trop longtemps déjà. Seulement, il y avait un autre problème à l’équation, qui me bloquait et éveillait en moi un sentiment nouveau. Mon cœur se serrait, et mon estomac se nouait. Shane. Décidément, ce nom ne me plaisait pas, et le type qui le portait aussi. Depuis trop de temps j’en entendais parler, mais je ne disais rien, si Maira s’entendait bien avec, après tout que pouvais-je bien faire.

Un peu secoué, je reprends néanmoins le chemin initial que j’avais prévu, bien moins motivé qu’avant, et avec comme seul but, essayer d’éviter Maira, de peur de ne pas savoir quoi dire lors du face à face. Une chose était sure, tout Wynwood était au courant de ce que je me cachais depuis quelques jours, j’étais en kiff sur elle.