Counting Stars [Alexandra et Kyle]

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Nos lèvres se touchent, et c'est un véritable éveil des sens. Un feu d'artifice explose sous mes paupières, envoyant des lucioles danser devant mes yeux. Je sens mon cœur bondir comme un lapin excité, c'est un oiseau fou et non plus un muscle qui est maintenant pris au piège dans ma cage thoracique. Mon souffle s'accélère, j'hésite, je ne sais pas trop quoi faire. Ça ne m'est jamais arrivé, je suis sûre que mes gestes sont maladroits. Ne pas paniquer, surtout, ne pas paniquer... Aaaaah, au secours, mais qu'est-ce que je suis en train de faire, qu'est-ce qui m'arrive? C'est la panique à bord.

Ça n'a pas l'air de déranger le beau jeune homme qui me prend par la taille et me renverse sur le sable. Nos bouches sont toujours soudées. Je sens les mains de Kyle qui m'effleurent, qui me parcourent, qui m'explorent. Elles démêlent mes cheveux pleins de sable, devenus plus rêches et collants par l'humidité, et caressent mon dos. Chaque partie de mon corps qu'il touche est électrifiée. Je me sens éveillée comme jamais; vivante, comme si je n'avais su qu'exister jusqu'à présent. Je soupire de bonheur et il profite de la brèche créée entre mes lèvres pour immiscer sa langue dans ma bouche. Je ne peux pas retenir une petit exclamation de surprise, mais il enchaine expertement le ballet et nos langues se mêlent en une danse langoureuse.

J'ai l'impression que je vais exploser. L'euphorie, la peur, le doute, la joie se battent pour conquérir mon cœur. Je sens que je vais succomber à ses caresses de plus en plus pressantes, mais une petite voix me rappelle à l'ordre. Je me dégage lentement de son étreinte, il me laisse partir. Je reste près de lui, sur le sable, blottie contre son torse. Il me regarde fixement, mais je n'arrive pas à lire ses yeux si profonds, alors je baisse les miens en rougissant. Je m'assois face à la mer, comme on était avant, et il se redresse aussi. On reste un instant comme ça et je me demande à quoi ou à qui il pense. Puis, au bout d'un moment, il se relève, avant de m'aider à faire de même. Face à lui et à ses yeux sondeurs, je rougis de plus belle et je replace une mèche de cheveux derrière mon oreille. Mes yeux font des aller-retours entre les siens et le sable.

- Bon, je crois que c'est l'heure pour moi d'y all...

Il me coupe par un baiser bref, délicat mais fougueux en même temps. Je n'ai pas le temps d'y répondre, de m'accrocher à son cou, d'explorer son corps avec mes mains; il s'est déjà retiré. Il me regarde, et je ne peux inexplicablement pas soutenir son regard impénétrable. Alors je tourne les talons. J'arrive à la lisière des palmiers et je l'entends me dire:

- Bonne nuit, Alexandra.

Je vacille sur mes jambes qui viennent de se transformer en chamallow fondu. Parle encore, ange resplendissant! Aïe, si je me mets à réciter du Roméo et Juliette, c'est que ça va pas du tout! Je ne me retourne pas, même si ça me tue, et je commence à marcher jusqu'à mon bâtiment.

Arrivée dans ma chambre, je me rappelle que Joy passe le weekend chez Curtis. Tant mieux. Je pose mes Rangers pleines de sable sur le paillasson avant d'entrer dans ma chambre. J'époussette mes habits, je les enlève et je les fous dans la panière à linge sale avant de sauter dans mon pyjama, puis dans mon lit. Je sens que je vais bien dormir ce soir.

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Dans cette nuit noire, je suis là, avec cette fille que je ne connais à peine, prêt à l'embrasser. Cet instant paraît magique, comme hors du temps. Le silence autour de nous semble s'intensifier. Nos deux bouches se rapprochent, comme attirées l'une par l'autre. Les secondes qui séparent l'amorce de mon geste du moment où ses lèvres rencontrent les miennes semblent durer une éternité, éternité durant laquelle je me rends compte à quel point cette fille (Alexandra) est unique. Je tente de la regarder dans les yeux mais elle les tient fermés. Je l'imite et je sens s'imprimer sur ma bouche un large sourire à l'instant même où se rencontrent nos deux bouches. La sienne est chaude, ses lèvres sont pulpeuses, leur contact est à la fois quelque chose de réconfortant et une expérience extraordinaire.

Tandis que nous nous embrassons, je passe mon bras autour de sa taille, d'un geste qui se veut viril et romantique. Je nous fait basculer en arrière et nous nous retrouvons allongés dans le sable, côte à côte, unis par le lien que forme notre baiser. Je passe ma main dans ses cheveux plein de sable. Je laisse mes doigts défaire les nœuds de sa chevelure. Ses cheveux sont soyeux, sa peau douce. J'aimerais pouvoir rester dans cette position pour toujours, juste contre elle, nous deux comme invincibles, prêts à se battre contre le monde entier.

Ce que je ressens à cet instant est indescriptible. J'ai pourtant embrassé de nombreuses filles dans ma vie, mais Alexandra a quelque chose de tout à fait différent des autres. Je sens qu'elle n'a pas l'habitude de ce genre de situation et ses mouvements hésitants font son charme. Il me semble alors que je suis vraiment amoureux d'elle. Ce sentiment est nouveau pour moi, bien plus fort que tout ce que j'avais pu imaginer.
Dans mon monde à moi, ce n'est pas parce qu'on sort avec quelqu'un qu'on est forcément amoureux. Les mots "je t'aime" n'ont plus de sens. Ils sont devenus communs et ont perdu leur signification, celle qui les rend si spéciaux.

C'est finalement elle qui interrompt notre étreinte. Elle se retire et me regarde avec un petit sourire dans lequel se mêlent gêne, hésitation, malice et enfin une sorte de sentiment que je ne connais pas, peut-être quelque chose proche de l'amour, peut-être ressent-elle la même chose envers moi ? Le même sentiment de magnétisme que j'éprouve pour elle ?

Je lui rends son sourire. Nous nous redressons et je laisse mon bras autour de sa taille. Elle ne le retire pas, je prends ça comme une réponse à mes questions et dirige mon regard vers la mer, bien entendu obscure à cette heure de la nuit. Je ne peux pas m'empêcher de calculer mes moindres faits et gestes, sans doute mes habitudes de séducteur qui reprennent le dessus.

Au bout d'un certain temps, lorsque je sens que le moment est le bon, je me lève, laissant tomber mon bras sur le sable en un mouvement désinvolte. Je l'aide à faire de même. Une fois que nous sommes tous les deux debout, face à face, éclairés par la lumière blanche et froide de la lune, je lui dépose sur les lèvres un dernier baiser, rapide, en guise d'au revoir. Elle semble surprise mais elle me le rend avant de me faire un geste, comme pour me dire au revoir et de s'éloigner vers les palmiers.

Cette fois, je la laisse partir.
"Bonne nuit, Alexandra" je murmure en la regardant s'éloigner.

Je prends ensuite le chemin de mon bâtiment, un pincement au coeur à l'idée de me retrouver seul.

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Je sursaute et manque d'avoir un arrêt cardiaque. Deux mains fortes viennent de se poser sur mes épaules. Ces mêmes mains me retournent et je me retrouve face à l'inconnu de tout à l'heure. Si seulement je pouvais être plus près de lui, me blottir dans ses bras forts et tout oublier. Je veux dire, il me touche encore, on est bien trop proches l'un de l'autre. Arrête, tu fais pitié, ça ne sert à rien de faire semblant. Oh, ta gueule, toi! Avant que je n'aie pu ouvrir la bouche pour protester, le jeune homme me dit:

- Salut, moi c'est Kyle.

J'ouvre grand les yeux, clignant plusieurs fois des paupières. Je ne comprends pas, là. Il rougit (enfin, d'après ce que je vois à la fable lumière de la lune), et enchaîne:

- T'es pas obligée de partir tu sais, et puis t'étais là avant moi donc si quelqu'un doit partir c'est moi. Mais je veux pas du tout partir hein? C'est pas ce que je suis en train de te dire, enfin je veux dire on fait comme tu veux, mais on peut aussi restés ici. Ici tous les deux, sauf si tu préfères être seule.

Je reste dans la même position. Je suis médusée. Je cligne des yeux encore quelques fois sans pouvoir sortir quoi que ce soit de ma bouche. Je crois que je n'ai même pas enregistré ce qu'il m'a dit, je suis trop sous le choc. C'est pas vrai, c'est pas un vrai mec en chair et en os devant moi, je suis en train d'halluciner, ou alors je suis morte et un ange m'accueille au Paradis. Oh, c'est pas vrai, pourtant j'ai ni bu ni fumé avant de m'endormir...

Je suis tirée de mon hébétude par l'ange en question qui me tire par la main et m'emmène vers le bord de l'eau. Plus on s'approche de la masse d'eau mouvante et plus il fait frais. Je frissonne. On s'assoit à la lisière entre le sable doux et le sable mouillé. Mes Rangers s'enfoncent dans ce dernier, je pense que je vais en mettre plein la chambre. J'espère juste que je pourrais faire un brin de ménage demain sans que Joy n'ai à me réprimander.

Un silence plaisant s'est installé entre nous. Je laisse voguer mes pensées sur la mer d'encre qui s'étend face à nous. Plus le temps s'écoule et plus j'ai l'impression que le monde se dessine en teintes de noir, de blanc et de gris, sauf pour l'ange resplendissant à côté de moi, qui semble rayonner de l'intérieur, sans rien faire, sans rien dire. Aïe, aïe, aïe, Alex. Dans quoi tu t'es embarquée? Sa voix chaude et grave, presque rauque par le manque de sommeil, me tire de ces pensées tortionnaires:

- Au fait, comment tu t'appelles ?

Je tourne la tête à droite et réfléchis en le regardant. Est-ce que je peux lui faire confiance? Est-ce que c'est bien raisonnable de faire confiance à son cœur au lieu de sa tête? Je ne sais pas ce qui m'arrive, mais c'est tellement plaisant que j'aimerais le vivre tout le temps, grisée comme je suis par cette sensation. Je le regarde, mes yeux détaillant chaque recoin de son visage. Je crois que je le connais déjà par cœur.

- Alexandra.

Je l'entends répéter mon prénom dans un souffle, et je me sens défaillir. Heureusement que je suis assise et bien ancrée dans le sable, parce que mes jambes viennent de se transformer en guimauve fondue. Un vent froid se lève alors de la mer et je frissonne, plus fort qu'avant. Je commence à grelotter, regrettant de m'être aussi peu couverte.

Et, sans prévenir, il me prend dans ses bras. Mon cœur palpite de plus en plus fort, j'ai peur qu'il l'entende; mon souffle est haché; je perds la boule, ma parole! Je ferme les yeux et j'inspire un bon coup pour me calmer. Mais j'ai le malheur de humer son parfum qui me fait tourner la tête à toute allure. Je me serre contre lui un peu plus fort, et je sens son être fort et vigoureux à travers ses vêtements. La chaleur de son corps se répand progressivement en moi, et j'ai vite fait de ne plus avoir froid.

Je lève la tête, prête à parler, à le remercier, à bouger, enfin, à faire quelque chose, mais il pose un doigt sur mes lèvres et m'intime de me taire. Je m'exécute, mais je ne peux pas retirer mon regard du sien, si magnétique.

Et comme des aimants qui s'attirent, nos visages se rapprochent progressivement...

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Une fille se tient debout sur la plage, elle a du se lever en m'entendant arriver. J'éprouve alors un certain sentiment de culpabilité en pensant que je l'ai sortie de son havre de paix et je me surprends à me demander ce qui l'a amené ici, sur cette plage à une heure du matin. Je m'approche d'elle et la dévisage. Elle est plus petite que moi, et dégage quelque chose que je ne pourrais pas décrire, quelque chose de différent, de simple. Elle parait naturelle et me fait un effet magnétique, je ne peux plus détacher mes yeux de son corps qui n'est pourtant pas exceptionnel comparé à celui des filles que j'ai l'habitude de fréquenter.

Je relève les yeux et je me rends compte qu'elle aussi me fixe. Elle semble soudainement gênée et bredouille des paroles que je ne comprends pas, tout en esquissant un geste pour partir. Elle fait quelques pas en direction des palmiers qui bordent la plage. Je ne la rattrape pas tout de suite. Je la laisse s'éloigner, désarmé par ce qu'elle a de spécial. Je ne sais pas comment réagir, surpris par mon propre manque de réaction. C'est la première fois qu'une fille me laisse immobile, incapable de réagir, comme hypnotisé. Hypnotisé par sa différence, son charme hors du commun peut être aussi par sa timidité. Tout chez cette fille semble unique.

Je m'extirpe enfin de ma torpeur, me décidant à agir. Je ne dois pas laisser partir cette fille, je ne peux pas la laisser s'enfuir. Je me rends alors compte que je suis déjà attaché à elle mais j'essaye de me persuader du contraire. On ne tombe pas amoureux en si peu de temps, encore moins quand on ne distingue qu'à peine la fille à cause du peu de lumière qu'offre la lune, si ? Mais non, c'est totalement impossible.

Je la poursuis sur la plage, je m'enfonce dans le sable à chaque pas, ce qui me ralentit sensiblement. J'arrive enfin à son niveau, l'attrape par les épaules, la forçant à se retourner.

"Salut, moi c'est Kyle". Je me sens rougir. Je ne pense pas avoir déjà fait pire dans le genre approche romantique foireuse.
"T'es pas obligée de partir tu sais, et puis t'étais là avant moi donc si quelqu'un doit partir c'est moi. Mais je veux pas du tout partir hein? C'est pas ce que je suis en train de te dire, enfin je veux dire on fait comme tu veux, mais on peut aussi restés ici. Ici tous les deux, sauf si tu préfères être seule". J'hésite, je bafouille, j'aimerais pouvoir m'enterrer pour ne jamais réapparaître.

Je finis pas penser que me taire resterait la meilleure solution possible. Je lui prends la main et l'entraîne vers la mer. J'ai peur de sa réaction. Je sens à son hésitation qu'elle n'est pas habituée à ce genre de situation.
Nous nous asseyons sur la sable. Un silence gêné s'installe entre nous. Je ne sais pas quoi dire et je ne veux pas prendre le risque de gâcher ce moment magique. Tout semble être réuni pour rendre ce moment inoubliable; la lune qui lui caresse les cheveux, les palmiers qui nous protègent, les étoiles, masquées par endroit par de gros nuages blancs.
Ici, à son contact, bercé par le bruit apaisant et régulier des vagues, je ressens un sentiment étrange de liberté et de calme. Je brise le silence le premier :
"Au fait, comment tu t'appelles ?"

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Un nuage passe sur la lune alors qu'un corps s'extirpe lentement des fourrés. La seule lumière qui existait sur cette foutue plage vient de s'évanouir dans la nature. J'ai l'impression d'avoir été plongée dans un film d'horreur en noir et blanc, il ne manque plus que la musique bien flippante. Inquiète, je plie un peu mes jambes, prête à courir le plus vite possible si la chose qui bouge dans les arbres s'avère être un psychopathe pervers ou un lapin blanc mutant. Ne me demandez pas pourquoi je pense à un lapin blanc mutant, j'ai juste été traumatisée par Alice au pays des merveilles quand j'étais petite.

J'ai l'impression de me retrouver à la place des héroïnes de mes livres fantastico-médiévaux, où les jeunes femmes en pantalon de toile, bottes en cuir et cape de velours se battent à coups de poignards et d'épées. Sauf que je n'ai rien de tout ça, juste mes grandes jambes plutôt rapides pour fuir comme une lâche face au danger.

A ce moment-là, la lune réapparaît, répandant une faible lumière crémeuse sur la plage. Je ne m'y attendais pas et, mon regard s'étant habitué à l'obscurité, je suis pratiquement éblouie. Mais pas par l'astre lunaire. Un autre astre se tient devant moi, brillant et chaleureux comme le soleil en pleine journée. La "chose" qui faisait du bruit tout à l'heure est en fait un jeune homme qui fait à peu près une tête de plus que moi. Il n'a pas spécialement l'air d'un psychopathe ou d'un pervers, encore moins d'un lapin mutant. Je me redresse légèrement, le détaillant de haut en bas. Son corps, d'après ce que j'aperçois à travers son sweatshirt trop grand, est incroyablement bien foutu. J'ai une soudaine envie de le toucher, de me blottir dans ses bras musclés et de sentir la chaleur de son corps contre le mien. Je me retiens de le faire, et je suis, pour une fois, heureuse du peu de lumière qu'il y a, parce que je sens mes joues prendre feu.

L'inconnu s'approche, je peux ainsi l'observer de plus près. Ses cheveux blonds tombent en boucles désordonnées autour de sa tête, formant comme une couronne de cheveux, je ne sais pas comment dire, comme une magnifique crinière. Elle semble si soyeuse, j'aimerais tellement passer mes mains dedans... Mais qu'est-ce qui m'arrive? Mes yeux effleurent les siens et nos regards se rencontrent. Le sien, ombragé par la faible lumière, ses cheveux et sûrement la cause de ses insomnies, semble d'une profondeur incroyable. Je sais qu'en réalité, ses iris doivent être marrons voire dorés, parce qu'ils semblent plutôt clairs et presque argentés à la lumière de la lune, mais ils paraissent presque noirs dans la nuit. Je n'arrive pas à lire ces yeux, et ça me déstabilise grandement, puisque je me base sur ce que je peux lire dans les yeux des autres pour me faire mon premier avis sur eux.

Je réalise alors que je suis en train de le fixer. Je ne sais plus où me mettre, mon regard fuit dans tous les sens, je me mets à bredouiller, c'est la débandade.

- Euh.. Je... Je ne voulais pas te, euh, déranger... Je vais y aller, de toute façon. Salut!

J'ai fini ma phrase très rapidement, levant un peu ma main droite en signe d'au-revoir. Je rive mon regard au sol et commence à marcher vers les palmiers, qui ne semblent plus très accueillants après la chaleur de l'inconnu. Mais qu'est-ce qu'il se passe, qu'est ce que j'ai?

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1:00 AM

Je longe les parois du tunnel qui est ma seule perspective. Je suis seul. Je n'ai aucun moyen de fuir les bruits qui se rapprochent. Ils sont incompréhensibles mais je peux distinguer des voix, hurlant des appels au secours, criant mon nom et me priant de les aider. J'aimerais pouvoir sauver ceux qui poussent ces cris mais je n'ai aucun moyen de les localiser. J'aimerais arrêter de marcher, reprendre mes esprits et m'asseoir contre les parois de pierre du tunnel mais cela est impossible. Je suis condamné à avancer, suivant toujours la même trajectoire, comme guidé par une force que je ne peux contrôler. Les voix se rapprochent, toujours plus suppliantes et un sentiment d'impuissance extrême m'envahit. Je voudrais hurler.

Je me réveille en un violent sursaut. Mon T-shirt est trempé de sueur et mes cheveux plaqués contre mon visage. Je mets une bonne minute à me rendre compte que j'ai rêvé, que j'ai encore fait ce maudit cauchemar qui me hante de plus en plus souvent, ces derniers temps. Je m'extirpe difficilement du sommeil, mais j'entends toujours ces voix implorantes dans ma tête, qui résonnent en un effrayant concert de pleurs et de cris. Je reste allongé dans mon lit, essayant de chasser ce brouhaha incessant, qui persiste et ne me quitte pas.

Je me redresse finalement, déplie mon corps encore engourdi par le sommeil et ouvre la fenêtre. Je m'assois sur la chaise de mon bureau, encombrée de vieux vêtements sales déposés ici la veille, et prend ma tête dans les mains. Je reste un instant dans cette position, avant de comprendre que je ne pourrais pas me rendormir. Je me décide donc à enfiler un jean, mes grosses Caterpillar qui traînent au pied de mon lit et un vieux sweat-shirt négligemment jeté dans un coin de ma petite chambre d'étudiant avant de sortir du bâtiment.

La douceur du soir me surprend et je me prends à rêver aux vacances passées en famille, au bord de la mer quand j'étais gamin. Tout en laissant mon esprit divaguer, je laisse mes pas me guider et m'éloigner du campus dont je vois les lumières disparaître derrière moi, comme des étoiles s'éteignant au petit jour.
En relevant les yeux, je réalise que je me dirige vers la plage, que j'aperçois de loin. Dans l'obscurité, elle semble irréelle, comme venue d'un autre monde. A sa lisière, tout devient étrangement sombre, mais calme et une certaine sérénité se dégage de ce lieu. Je suis déjà venu sur cette plage bien sûr, dès que j'ai besoin de réfléchir en fait, mais elle apparaît si différente à la lueur des étoiles... Les palmiers qui l'encerclent, masses souples et imposantes, semblent être des gardiens de cette atmosphère paisible et m'engagent à pénétrer dans l'enceinte qu'ils forment autour du sable.

Je me dirige vers la mer, marchant dans ce sable fin, qui berce la plupart de mes souvenirs de vacances. J'espère trouver près de la mer le réconfort et la sérénité dont j'ai besoin, lorsque j'entrevois une silhouette à quelques mètres de moi. Je réalise alors que je ne suis pas seul. La lune ne m'offre pas suffisamment de lumière pour distinguer les traits de mon compagnon nocturne, qui se retourne à mon approche.

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1:00 AM

Je me retourne sur le dos, les bras écartés de chaque côté de mon corps. Les chiffres de mon réveil restent imprimé dans ma rétine, comme un rappel que Morphée s'obstine à se tenir loin de moi. Heureusement que demain, c'est samedi (ou aujourd'hui, tout dépend comment vous voyez le truc, mais moi, tant qu'il fait nuit, on ne change pas de jour). Je pousse un long soupir. Ça ne sert à rien d'essayer de dormir, je n'y arriverai pas.

Je me lève le plus silencieusement possible, manquant presque de marcher sur la grosse boule de poils au pied de mon lit, qui n'est en fait "que" mon chien. Helsinki dort paisiblement, lui, sa cage thoracique se soulevant au rythme de ses respirations. Je pense que s'il pouvait ronfler, il le ferait, et ça me fait sourire. Dans le noir presque complet, j'attrape un jean et un T-Shirt et je m'habille à l'aveuglette. Je chausse mes Rangers (enfin, celles de mon père quand il était jeune, mais qu'il m'a "léguées", longue histoire), enfile un sweat et sors discrètement du bâtiment des Khi.

Le silence, bien que bizarre, me calme; j'ai l'impression qu'un poids a été soulevé de ma poitrine. En fait, c'est sûrement l'air frais de la nuit et le ciel d'encre qui me font cet effet. Je remarque avec un pincement au cœur que d'ici, je ne vois pas les étoiles à cause des lumières du campus. Je me sens peut-être calmée, mais pas prête à rentrer dans ma chambre, encore moins à dormir. Je laisse alors mes pieds me porter et je reconnais étrangement le chemin du parc. Je m'éloigne de plus en plus de Wynwood High, mais ça ne m'inquiète pas, il ne peut rien m'arriver. Après tout, je suis encore dans l'enceinte du lycée. Les bâtiments des confréries sont derrière moi et je suis dans le parc. J'ai presque l'impression que je suis en pleine nature, avec les ombres, les bruits de la nuit et l'air épais à cause de la végétation, si je fais abstraction des aménagements qui se trouvent ici. Je traverse totalement le parc et prends un chemin qui descend vers la plage du lycée.

Les semelles de mes Rangers s'enfoncent dans du sable fin. Devant moi s'étend un décor de carte postale, mais version nuit. La plage est bordée par le parc du lycée et de multiples palmiers, ce qui forme un végétation dense, et ça donne une impression d'intimité à la plage. Le sable semble me tendre les bras, m'inviter à la discrétion de cette bande de terre avant la mer. La mer est sombre, de la soie qui ondule sous le vent et qui vient s'écraser en une écume paresseuse et éphémère à plusieurs mètres de mes pieds. Le ciel, aussi noir que la mer, est parsemé d'étoiles, et la seule lumière qui règne ici est celle de la lune qui ressemble à une tache de lait dans le ciel.

Je lâche un soupir, comme si j'avais retenu mon souffle, et je me sens beaucoup mieux. Je m'assois dans le sable, les genoux relevés et les bras enlacés autour de mes jambes; je pose ma tête sur mes genoux et observe les étoiles. Faire ça m'a toujours apaisée, je ne sais pas pourquoi. Fatiguée de lever la tête vers les cieux pour observer les étoiles, je m'allonge dans le sable. Heureusement, il est fin et sec, et ne collera donc pas trop à mes habits, ni à mes cheveux. J'étends mes bras de chaque côté de mon corps -une étoile de mer échouée sur le sable- et me perds dans mes pensées et dans la voûte céleste.

Je sursaute et tends l'oreille. J'ai cru entendre un bruit, comme si des feuilles s'agitaient. Le bruit reprend, accompagné de pas lourds. Je me relève précipitamment et fais volte-face.