Just Dance [Alexandra et Mikah]

- Je ne cherche pas à flatter ton ego, je me contente d'exprimer mes pensées les plus sincères.

Oh, le vilain, il me fait rougir! Je souris niaisement et je lui tape l'épaule, histoire de lui montrer que c'est méchant de se moquer. Je déteste rougir, en plus. C'est tellement désagréable de sentir ses joues en feu et de savoir qu'elles sont devenues rouge tomate! Il me répond ensuite qu'il a flashé sur Ty, et je fronce les sourcils. Je m'inquiète pour lui. Il est trop gentil, trop naïf, trop bon enfant. Il risque de se faire très mal à ce jeu-là, et je ne le veux pas.

- Tu es adorable. Mais ne t'en fais pas, il est vraiment gentil, juste un peu bizarre peut être mais on s'ennuie pas avec lui.

Je fronce encore plus mes sourcils épais, mais je ne dis rien. Je crois que je vais aller lui en toucher deux mots, à ce Ty. J'espère juste que si Mikah l'apprend, il ne m'en voudra pas. Je ne veux pas être intrusive ni mettre leur histoire à l'eau, mais juste m'assurer de la sincérité du dit garçon. J'essaierai d'être plus discrète qu'à mon habitude, c'est tout.

En attendant, je vais ruminer mon plan dans ses bras, pour qu'il ne voit pas que mon cerveau tourne à plein régime. Alors, comment je peux faire? Déjà, comment l'aborder? Comment amener le sujet de façon discrète? Et s'il se bloque? Et s'il refuse de me répondre? Et si ses sentiments ne sont pas sincères, je fais quoi?

Bon, ça me soule de me gâcher un si bon moment en m'inquiétant pour lui. Je ne vais quand même pas bousiller un si beau bonheur! Je verrai plus tard pour le sieur Ty. Je me retire de l'étreinte de Mikah, et je lui demande, inquiète, s'il a des options cet après-midi.

- Eh bien non, je n'ai pas d'option le lundi. Tu sais quoi ? On remettra ça de temps en temps si tu veux bien. On s'appelle et on se rejoint quelque part et je t'apprendrais plein de pas de break et tu verras que tu vas progresser.

Il a l'air plutôt content. Je ne peux pas lui refuser ça! Alors je lui lance un de mes plus beaux sourires, un sourire heureux et comblé.

- Tu as de la patience alors!

Je ris, puis sors mon emploi du temps de mon sac. Je ne le connais pas encore très bien. Je fronce les sourcils, déçue, et je réponds:

- J'ai juste éco de 15h30 à 16h, mais ça devrait pas poser de problème.

Je le regarde dans les yeux et je souris. Je sens que je vais passer une super année à ses côtés.

- Non... Euh si ! Je suis soulagé d'ailleurs que tu vois les choses comme ça ! Enfin, on est d'accord hein, tu es une fille formidable et vraiment belle et si j'étais quelqu'un un peu plus..."normal", j'aurais probablement craqué sur toi, il n'y a rien de personnel.

Je ris. Il est vraiment trop mignon!

- T'as pas besoin de flatter mon ego, je t'en veux pas.

Il me caresse la joue de son index droit et je souris de plus belle. Ce geste m'enhardit à poser la question qui me titille depuis que je sais qu'il est gay. Il répond, un peu gêné:

- C'est... Non je n'ai personne mais il y en a quand même un qui... je crois que je suis tombé sous le charme.

Il se passe la main dans la nuque et je l'encourage du regard, soudainement devenue la meilleure amie toujours à l'écoute de ses amis et prête à leur donner des conseils pour les aider. J'adore ce rôle, et ça tombe bien, parce que les seuls amis que j'avais ne voulaient qu'être écoutés. J'ai peut-être l'air bavarde, mais, au fond, je préfère écouter, parce que je sais que ça fait du bien de parler, même si moi j'ai du mal à appliquer cette règle. Comme dirait ce brave Flaubert, "écouter, c'est renoncer à la rage de vouloir conclure".

- Mais ce n'est qu'un ami hein ! Et c'est un excellent ami ! Il s'appelle Ty, je ne sais pas si tu le connais, moi en tout cas, je le trouve plutôt pas désagréable à regarder... Pour mon avis bien sûr !

- Haha, je te crois. Tu me le montreras un jour? Si ça se trouve, ça sera un de mes amis aussi. Comme je suis arrivée seulement hier, je n'ai pu faire que ta connaissance et celle de Molly. En plus, je n'ai pas eu cours aujourd'hui, merci monsieur le proviseur.

J'espère juste qu'il sait dans quoi il s'embarque et qu'il ne souffrira pas trop. Je ne veux que le meilleur pour lui, et je m'engage à l'aider s'il a besoin de moi. Je serai toujours là pour lui, quoi qu'il arrive, quoi qu'il cache, et quoi que les rumeurs de la redoutable Voice puissent dire sur lui. Il peut compter sur moi.

- Fais attention, quand même. Il est digne de confiance?

Je réalise alors ma bourde. S'il l'aime, forcément qu'il lui fait confiance! Je risque de le blesser. Je rectifie alors le tir, mais je ne sais pas si ça va réussir.

- Enfin, je veux dire, te brûle pas les ailes, quoi. Je veux pas que tu souffres, ajouté-je dans un souffle.

Alors je me blottis contre lui. Je sens qu'il se crispe -il ne doit pas avoir l'habitude des contacts humains- mais, peu à peu, il se détend. Je me sens bien dans ses bras, protégée par quelqu'un qui m'aime et me ressemble. Pas comme un petit ami ou quoi, non, juste comme un meilleur ami, je suppose. Il n'y a rien d'ambigu entre nous, je ne le souhaite pas et, de toute manière, ça n'arrivera pas. Je veillerai au grain.

Après quelques temps, on se sépare et je regarde ma montre. Vache, le temps est passé hyper vite! Il est déjà presque l'heure des options. J'espère que je n'ai pas mis Mikah en retard avec toutes mes bêtises. Je me tourne vers lui et lui demandes:

- Tu as des options cet après-midi?

Il a l'air un peu perdu, alors je lui rafraîchis la mémoire.

- On est lundi après-midi, au parc, en train de discuter et de manger des sandwichs alors qu'il va être l'heure des options. Aujourd'hui, le proviseur m'a dispensée de cours -si on peut dire ça comme ça-, mais toi? Tu as des options?

Mikah se met à sourire, et je lâche un soupir énorme.Je ne m'étais même pas rendue compte que je retenais mon souffle. J'ai envie de rire, de pleurer, de hurler, de chanter, de le prendre dans les bras... Enfin, je sais pas trop ce qui m'arrive, quoi. Je suis tellement soulagée que ça nous arrange tous les deux. Vous y croyez, vous? Un ami comme j'en ai toujours rêvé qui arrive le premier jour de ma rentrée dans un lycée et un lieu qui me sont totalement inconnus. Je pense que c'est un envoyé de Dieu, un ange gardien, c'est pas possible autrement.

- Wow... C'est inattendu. Mais...pourquoi tu rêvais d'avoir "un meilleur ami gay"?

- Euh.. Ben, tout simplement parce que, comme ça, je suis sûre que ça ne dépasse pas l'amitié! Fin, c'est pas que je t'aurais pas aimé si t'étais hétéro, mais j'ai toujours eu peur de m'attacher à des garçons que j'aimais bien. Je ne voulais pas qu'ils croient que leurs sentiments pourraient être réciproques alors que je ne l'aurais jamais envisagé.

Je rougis.

- Enfin, voilà quoi. C'est pas très clair, hein?

Un rire nerveux s'échappe de ma gorge. Décidément, on dirait que ça m'arrive souvent. Mais, peu à peu, je me relaxe et mon rire devient plus franc, plus vrai. Je me sens tellement ben avec lui juste à côté...

Tout ce que je viens de lui dire est vrai. Quand j'étais plus jeune, et même maintenant, je n'osais pas approcher les mâles parce que j'avais peur qu'ils veuillent plus que ce que je pouvait leur offrir. Je ne voulais que de l'amitié. Alors je commençais par me lier d'amitié, et quand je voyais qu'on devenait trop proches, je ne voulais rien savoir, quoi que mes amies me disaient, et je cessais de le fréquenter du jour au lendemain. Je ne donnais plus de nouvelles, je l'évitais dans les couloirs, je l'envoyais bouler dès qu'il me parlait, jusqu'à ce qu'il comprenne le message. Ça me faisait mal de leur faire du mal, mais je n'ai jamais su ni pu vraiment expliquer pourquoi je faisais ça.

- Bon, alors maintenant que tu m'as dit ça, je peux te poser une question indiscrète?

Je n'attends même pas sa réponse, ma curiosité est trop forte et elle me brûle la langue. J'espère juste qu'il ne le prendra pas mal, ce n'est pas mon but, loin de là. Ma curiosité a déjà blessé nombre de personnes, donc je me méfie, mais là, les mots sortent tout seuls, sans que je puisse en arrêter le flot.

- T'as quelqu'un dans le viseur? demandé-je, un sourire espiègle venant s'afficher sur mon visage.

Ma question semble l'étonner. C'est presque comme si je voyais son cerveau enregistrer l'information, l'analyser, en trouver le sens pour enfin la transmettre à son esprit. Je crois que je l'ai déstabilisé, parce qu'il me regarde, la bouche ouverte, et finit par lâcher:

- Euh...

Ok, merci Mikah, ça m'aide beaucoup! Je l'encourage du regard, essayant de ne pas paraître trop curieuse ou impatiente. Il reprend, hésitant:

- Non... Non je ne sors avec personne...

Son attitude m'a l'air vraiment plus que bizarre. Il me sonde, histoire de voir comment je vais réagir je suppose. Non mais, Alex, tu t'attendais à quoi avec une question pareille? Ben ouais, quoi, il doit croire qu'il t'a brisé le cœur. Je fronce les sourcils et, d'un soupir rageur, je pousse cette petite voix loin dans un recoin de ma tête. Je sais que je devrais le rassurer, lui dire que ce n'est pas ce qu'il pense, qu'il peut me dire sans crainte qu'il en aime une autre...

A ce moment-là, je remarque que quelque chose ne va pas chez mon voisin de droite. On dirait qu'il est en proie à de terribles réflexions. J'ai soudain l'impulsion de poser ma main sur son épaule. Je vois bien qu'il ne va pas bien, et ça me fait du mal à moi aussi, même si je ne sais pas ce qui le torture à ce point. Est-ce que c'est de ma faute? Est-ce que, par ma question plus qu'indiscrète, j'ai ravivé des souvenirs douloureux? Si c'est le cas, je m'en voudrais à mort. Je ne veux pas perdre un si bon ami à cause de mon impulsivité.

J'essaye de réfléchir vite à quelque chose à dire, mais que faire quand on ne sait pas ce qui ne va pas? Je déteste cette sensation d'impuissance. Je ne veux pas le perdre, je ne veux pas, je ne veux pas. Ben alors fais quelque chose!!!, me hurle la petite voix. Tiens, elle revient en force, celle-là. J'ouvre la bouche, j'inspire un coup, et...

- Je... Suis gay.

Je manque de m'étrangler sur mon propre souffle. Il est gay???

- Oh. Oh. Oh!

Ouais. Ça fait un peu père Noël, mais en fait, ça donne plus ça, même si c'est Taylor Lautner. Enfin bref, je me sens un peu conne d'avoir dit ça, comme si je devais dire "oh" pour enregistrer ce qu'on vient de me dire. Mais j'ai compris, c'est l'important, non?

Il relève la tête et je vois à son regard qu'il ne sait pas trop comment interpréter mes "oh", justement. Hum. Je sais pas trop comment expliquer ce que je ressens, mais je vais dire la première chose qui va me passer par la tête. Ce sera sûrement très con et maladroit, mais ça aura le mérite d'être franc et honnête.

- J'ai toujours rêvé d'avoir un meilleur ami gay.

Je souris, je rougis et je me mords la lèvre inférieure.

- Hum. Je veux dire... Enfin... Je ne veux pas paraître groupie, mais... C'est vrai.

Il vient s'asseoir à côté de moi et prend son sandwich. Je croque à pleines dents dans le mien. Le silence s'est installé entre nous, relaxant et radicalement différent de l'ambiance de tout à l'heure. Pour autant, il ne me dérange pas. Je me délecte des senteurs du printemps, du goût du pain sur ma langue, de la complicité silencieuse entre nous, de notre amitié plus forte à chaque seconde.

- Ça va?

Je me tourne vers lui, les sourcils froncés.

- Ben oui, pourquoi ça n'irait pas?

Un sourire énorme éclaire son visage. Sa bonne humeur est terriblement contagieuse et je me retrouve avec un sourire aussi grand que le sien sur le visage. Une hilarité (qui n'est pas sans rappeler l'adrénaline) s'empare de ma cage thoracique, la faisant gonfler, enfler d'une joie qui ne peut pas déborder et qui reste coincée dans le corps. C'est pas si désagréable. Je me sens tellement bien avec lui, tellement heureuse.

- Comment ça peut ne pas aller quand je me sens aussi bien avec toi?

Je détourne le regard avec un petit rire nerveux. Je suis très téméraire aujourd'hui. J'espère juste qu'il va pas croire que j'ai un béguin pour lui. C'est pas le cas, loin de là. Même si je serais tentée de dire que ça dépasse l'amitié, bien que j'en sache rien, puisque tout ça me passait à des kilomètres au-dessus de la tête avant d'arriver à WHS. C'est presque comme si les autres êtres humains, mis à part mes parents, venait de débarquer sur Terre comme par magie. Je n'ai jamais eu de vrais amis, juste de vagues connaissances, et je ne m'en plaignais pas. Mais maintenant que ma mère m'a larguée seule en pleine nature, ça fait du bien de se sentir aimée et entourée.

- Si je peux me permettre, tu sors avec une fille? demandé-je innocemment.

Ah bah bravo, si maintenant il croit pas que tu l'aimes, c'est que c'est vraiment, vraiment un abruti fini.

Par terre dans la pelouse, je me fais tuer à coup de chatouilles. Je n'en peux plus de rire, j'ai mal aux côtes et un point de côté, je n'arrive plus à respirer. Je demande en riant à Mikah d'arrêter, je demande grâce, et tout ce qu'il trouve à me répondre c'est:

- C'est quoi le mot magique ??

Raah, mais c'est pas vrai! Je suis à moitié morte de rire et je suis au bord de l'étouffement, et lui, il trouve quand même un truc pour m'embêter.

- S'il te plaît! Stop, arrête, j'en peux plus!

Il se relève, moi aussi, et je sens mon ventre qui commence à protester. Danse, yoga, jeux, on dirait pas, mais ça donne faim.

- Bon, c'est pas tout ça mais... Moi, j'ai faim!

- Oh oui c'est vrai.

On se retourne et on revient vers le campement. Alors que je vais me baisser pour prendre mon sandwich, mon ami le fait à ma place. C'est adorable de sa part. Comme quoi la galanterie existe toujours (même si je ne sais pas si on peut appeler ça de la galanterie à proprement parler). Je tends la main pour l'attraper.

- Merci, c'est gen...

Je n'ai même pas le temps de finir ma phrase -ni de finir d'allonger le bras, d'ailleurs- que Mikah met mon repas hors de portée.

- Hé! Rends-le moi! dis-je, indignée.

- Si tu le veux, faut le chercher.

Il recule de quelques pas, content de sa blague, puis fais volte-face et commence à courir. Je souris. Il ne sait pas que je ne suis forte qu'en athlétisme, ni que c'est mon domaine sportif de prédilection. Je ne suis pas née avec de grandes jambes pour rien. Je m'élance, trottinant doucement d'abord. Mon chien, étonné, se lève et me suis. Il commence à courir aussi, et il accélère quand je le fais.

Malheureusement pour moi, je crois que j'ai sous-estimé la capacité de mon adversaire. Surtout que j'ai faim et que je ne peux pas courir très vite sans rien dans le ventre. J'accélère quand même, poussant sur mes réserves. Il n'est pas très loin, encore un peu plus, juste un peu... Je pique un véritable sprint, et, au moment d'arriver à son niveau, je saute. J’atterris sur son dos, mais ça ne semble pas vraiment le déséquilibrer. Pourtant, il n'a pas l'air de peser beaucoup plus lourd que moi.

Surpris pendant un moment, il rit et me garde sur son dos, me promenant dans le parc comme des parents le feraient avec leur enfant. Mon Dieu, j'ai honte. Je crie et je me débats, riant comme je ne l'ai jamais fait auparavant.

- Non! Laisse-moi descendreuuuuuh! Je veux descendre!

Il rit. Soudain, une idée me vient. Je vérifie qu'Helsinki nous suit toujours. Coup de chance, c'est le cas.

-Hel! Le sandwich!

Je lui montre du doigt le trésor que le jeune homme tient dans sa main. Mon chien semble comprendre, prend son élan et saute. Mikah ne s'y attendait pas, et Helsinki récupère sans mal mon repas de midi. J'espère juste qu'il ne bavera pas dessus...

Profitant de la surprise de mon ami, je glisse de son dos et pars à la poursuite de mon sandwich. Je le récupère et, victorieuse, je m'allonge dans l'herbe de notre "campement" pour enfin manger en paix.

- Allez, bouffon, viens manger, on va être en retard pour nos options après.

Je lui lance une grimace agacée. Je déteste ne pas réussir quelque chose. Surtout que, quand c'est lui qui le fait, ça paraît tout de suite très simple. Il a l'air un peu surpris que je me sois énervée comme ça, mais en même temps, il n'a pas la mentalité d'un Khi. C'est un artiste; pour lui, profiter de la vie, lâcher prise et apprécier chaque petit moment doit être d'une facilité déconcertante. Je me vante parfois de pouvoir profiter des petits bonheurs de la vie, mais ce n'est qu'en partie vrai, je n'y arrive pas tout le temps. Et, après tout, le bonheur n'est vrai que s'il est partagé, non?

Sur ces réflexions plutôt optimistes, je remarque qu'un léger sourire s'est dessiné sur les lèvres de mon ami.

- On va essayer autre chose. Tu vas travailler ton équilibre en joignant tes mains en l'air et en tenant sur une jambe. Un peu comme une pose de yoga.

Comme je m'y attendais, il exécute l'exercice en question. Ça n'a pas l'air extrêmement difficile, bien que je doute que j'aie l'air très intelligente à faire ça au milieu du parc, m'enfin. Je me mets donc en position, manquant de pouffer de rire comme une gamine. J'essaye de me concentrer un minimum, et je remarque qu'en fait mon équilibre n'est pas si mauvais que ça.

Je n'ai jamais fait de yoga mais je devrais m'y mettre. Cet exercice me relaxe, je suis bien et à l'aise. Je sens tous les muscles de mon corps se relâcher progressivement. J'étais quand même vachement tendue! Il va falloir que je me relaxe plus souvent.

Alors que je laisse mon esprit vagabonder, je remarque que Mikah se positionne devant moi. Je penche la tête d'un côté, haussant un sourcil au passage, de telle sorte que je demande "qu'est-ce qu'il y a?" sans prononcer une seule parole. Malheureusement pour moi, mon ami est d'humeur taquine aujourd'hui. Avant même de poser sa main sur moi, il explose de rire comme un gamin et me pousse d'une pression de sa paume sur mon épaule. Je pose précipitamment mon pied par terre, mais je ne peux pas me rééquilibrer, je tombe, j'attrape la première chose que je touche, en l’occurrence, les poignets de Mikah, et on tombe tous les deux dans l'herbe. Je pars d'un grand éclat de rire, suivi par celui du jeune homme. Mes cheveux détachés sont en bataille, mais je me sens remarquablement bien. Je souffle sur une mèche rebelle en riant. Mon chien vient paisiblement inspecter le lieu du drame et je le caresse doucement. Mikah se lève, me propose de l'aide pour me relever et je me hisse sur mes jambes, m'aidant de la force de l'artiste.

- T'es un vrai gamin, dis-je, sans pour autant pouvoir m'empêcher de rire.

Je me redirige vers notre "campement" pour aller finir ce foutu sandwich qui poireaute sur son sac depuis un bon moment quand je sens un poids qui bondit sur moi et je me retrouve affalée par terre sans savoir ce qu'il se passe. Je n'ai pas le temps de m'en remettre. Mon ami se met à me chatouiller, et je crains énormément les guillis. Je ris sans pouvoir m'arrêter, je n'ai plus de souffle, je suffoque et, à moitié hilare, je le supplie de s'arrêter:

- Stop... Stop!

Une fois qu'on est de nouveau sur nos jambes, je me retourne, croise les bras et lui dis en souriant:

- Bon, c'est pas tout ça mais... Moi, j'ai faim!

HRPG: J'espère que ça te va... Désolée mais j'étais pas super inspirée, si tu veux que je change quelque chose, dis-le.

Je ne vais quand même pas me mettre par terre et faire l'équilibre! Pas que ce soit le fait de me mettre par terre qui me dérange. Juste le fait de pratiquement me ridiculiser face à mon nouvel ami, parce que je sais que je n'ai pas assez de force pour tenir. Pourtant sûre de la réponse, je demande:

- C'est une blague, c'est ça?

Il me regarde, un peu vexé. Je sais que l'équilibre est une des bases de la break, et c'est quand même moi qui lui ai demandé de m'apprendre quelques pas. Mais j'avais dit "quelques pas", pas toute la danse et toutes ses bases!

- Le break ce n'est pas évident, tu aurais mieux fait de me demander une danse plus simple.

Humpf. Ah, ça, non, je ne baisserai pas les bras. Je me suis engagée dans ce merdier, maintenant j'y vais. Et j'y reste jusqu'au bout. Je suis tellement bornée que je me demande comment on va faire si je ne réussis pas les pas qu'il me montre. Je sens qu'avec me détermination, nos sandwichs vont rester très, très longtemps sur leurs sacs plastiques.

Pour montrer ma résolution, je m'exécute docilement, essayant encore et encore. Au départ, je n'arrive pas du tout à me soulever. J'y vais progressivement, d'abord avec les coudes, puis je me lève complètement. Je réussis à lever mon corps à la force de mes bras, qui aurait cru que je puisse la faire un jour? Pas que je n'aie pas de force dans les bras, mais de là à soulever tout mon poids...

Il rectifie les parties de mon corps qui ne sont pas bien placées, et je frissonne à son toucher. J'espère qu'il ne l'a pas senti. Je ne suis pas du tout habituée à ce qu'on me touche, mais je pense qu'il va falloir que je m'y habitue si je veux progresser dans le domaine. Il a beau me mettre à l'aise et me faire penser à un ami plus qu'à un quelconque garçon, il reste justement un garçon, et je n'ai pas l'habitude que les gens du sexe opposé me touchent. En réalité, je les évite le plus souvent possible, ou alors je leur fait comprendre qu'il faut respecter une distance de sécurité.

Je me relève, fière de moi, lui souris et lâche, comme une enfant:

- Et maintenant?

Il ne faut pas croire, je suis très mature comme fille. Il rit et réponds:

- Maintenant tu recommences !

Je fais la moue et m'apprête à me remettre par terre, mais il m'arrête. Visiblement, il me taquine, et il a d'ailleurs un peu de mal à calmer son rire. Je croise les bras et attends qu'il se calme, le sourire aux lèvres.

- Pareil mais maintenant tu vas te redresser un peu plus sur tes bras, comme si tu voulais mettre ton corps en diagonale par rapport à la terre, comme si...Comme si tu essayais de faire le poirier.

J'avoue que j'ai absolument rien compris à ce qu'il m'a dit. Par chance, je crois qu'il a vu que j'étais comme une poule devant un couteau et il s'est détourné de moi pour me faire une démonstration. C'est, en soi, la même position qu'avant, mais il tend plus ses bras et lève plus ses jambes. Il a l'air quand même de forcer pas mal. Alors si lui galère, moi, qu'est-ce que ça va être?

Quand il se relève, il voit que j'affiche un air dubitatif et me souris.

- C'est plutôt important de connaître la force de nos bras et notre équilibre tu vois ? Regarde, je vais te montrer.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Il refait le même enchaînement qu'au début en utilisant la figure qu'il veut me faire apprendre. Je détaille -ou du moins, j'essaye d'observer- tous ses gestes. Il finit sa danse face à moi, et je recule d'un pas, surprise. Bon, je suppose que c'est à mon tour.

Je refait l'enchaînement du début, puis tente l'exercice d'équilibre, mais je me casse la figure dans l'herbe. Imaginez si ça avait été du béton. Je me relève et retente le pas, ce n'est toujours pas bon. Je ne veux pas lâcher l'affaire, mais ça me frustre de ne pas réussir du premier coup. Ça faisait rire ma mère, d'ailleurs, parce qu'elle me disait qu'on ne peut jamais tout réussir du premier coup. Je m'obstine, mais j'ai beau faire, je n'y arrive pas, je ne comprends pas pourquoi ça ne veut pas marcher. Frustrée, je me relève, les sourcils froncés, énervée contre moi-même.

- Pourquoi est-ce que je n'y arrive pas?, demandé-je à Mikah.

Il croise les bras, les sourcils froncés. J'ai peur de l'avoir vexé en disant que je me sentais nulle. Ce n'est pas de la fausse modestie, je le jure, c'est juste que j'ai une légère tendance à me sous-estimer.

- Mais tu es douée. Autant te le dire.

Ben voyons. Alexandra Wayland, douée? Il est bien le premier à me le dire. Puis, je remarque qu'il me fixe avec insistance depuis un moment. Il prépare quoi, là? J'ai peur.

- Alors on ne va pas "éviter", on va essayer. Pour l'instant, on va voir un peu quel équilibre tu as.

Oh mon Dieu. S'il y a bien un truc au monde à part la grâce que je n'ai pas, c'est bien l'équilibre. Je commence à répliquer, mais c'est peine perdue. Mikah est déjà par terre. Génial.

Je le regarde d'abord faire. Mon cerveau de Khi entre en marche. Quoi que je fasse, je suis obligée de tout analyser. Je dois réfléchir avant de me lancer dans quelque chose, bien que ça ne m'empêche pas de foncer tête baisée parfois. D'ailleurs, quand je faisais du handball, ça exaspérait mon entraîneur. Il me disait que je réfléchissais trop. C'était bien la première fois qu'on me le disait, d'ailleurs.

Mikah positionne d'abord ses mains au sol, puis il cherche son équilibre, ne restant appuyé que sur ses poignets. Il est quand même très bon équilibriste. On ne dirait pas comme ça, mais je suis sûre qu'en réalité, c'est très compliqué. Moi, j'essaye ça, je me casse la figure à coup sûr. Il reste parallèle au sol un petit moment avant de redescendre doucement et de se remettre debout. Une fois que c'est fait, il me fait signe de me mettre par terre et d'effectuer l'exercice.

-C'est une blague, c'est ça?

Je le regarde, éberluée. Et bah non, il est sérieux. Bon. Allons-y alors.

Je me retrouve à genoux dans la pelouse. J'essaye de me remémorer les placements exacts de tous les endroits du corps de Mikah, mais la mémoire visuelle n'a jamais été mon fort. De toute manière, on a tous un équilibre différent. Je pose mes mains légèrement au-dessus du niveau de mes hanches, et je porte doucement et maladroitement le poids de mon corps sur mes poignets. Je ferme les yeux, me concentrant sur les points de mon corps, rajustant juste à temps tel ou tel endroit qui menace de s'effondrer. Une fois que je suis à peu près sûre d'être en équilibre, j'ouvre les yeux. Manque de bol, je me casse la figure. Ma concentration a été rompue; en même temps, avec un ami pro qui m'observe, c'est un peu compliqué.

Frustrée de ne pas avoir réussi, je recommence, encore et encore, jusqu'à pouvoir tenir en ouvrant les yeux. Certes, mon équilibre n'est pas encore parfait (loin de là), mais bon, c'est un début. Je me relève, fière de moi, et demande en souriant:

- Et maintenant?

HRPG: Désolée, c'est pas très long, mais je savais pas ce que tu voulais faire après...

- Depuis quand il faut être doué pour marcher ?

Je lui rentre mon poing libre dans l'épaule -pas fort, juste histoire de paraître faussement en colère.

- Hé! Je te permets pas, c'est juste que j'avais pas vu le trottoir!

Je ris et il me lâche. S'ensuit une conversation sur les options, où il me demande si j'aime l'économie.

- Je sais pas, je n'ai pas commencé les cours. Je ne faisais pas économie à Boston. Mais le commerce m'a toujours attirée. Je sais pas trop ce que je veux faire plus tard, alors je teste différents trucs, et le commerce est un métier d'avenir. Au pire, ça servira toujours pour calculer les impôts!

Je ris. C'est dingue comme je ris beaucoup avec lui. Je suis tellement à l'aise, j'ai l'impression que mes problèmes appartiennent à une autre fille que moi. Avec lui, le ciel aura beau me tomber sur la tête, je sais qu'il sera là, qu'il fera tout pour que je me sente bien, et ça, ça n'a pas de prix.

- Enfin, j'espère juste que ça correspondra à mon caractère..., dis-je en soupirant.

***

Le parc, le soleil, la danse... Ben voilà où ça nous avait menés tout ça.

- C'est vrai que je me vante beaucoup de faire tout type de danse mais c'est vrai que comme l'oriental d'ailleurs, je ne fais pas de classique haha ! Non moi je suis plutôt branché break, c'est ma petite spécialité mais sinon je sais naturellement danser le rock, le surf, tango, valse...

Ce mec ne cessera jamais de m'impressionner. Quand il veut il m'apprend le tango! J'ai toujours trouvé cette danse très belle et sensuelle, tout en restant gracieuse. Mais bon, vu que j'arrive à me casser la figure à cause d'un satané trottoir que je n'ai pas vu, on va dire que la grâce, c'est pas mon truc. On va partir sur la break, pour l'instant. Ça ne semble pas particulièrement dur et je trouve ça tellement classe.

- Tu pourrais m'apprendre quelques pas?

- Ben...Ouais ! Avec plaisir. Viens là.

Je me lève et le suis. On s'arrête un peu plus loin et il me donne ses explications. Il me montre des pas, j'essaye de les reproduire et je les recommence jusqu'à ce que je les maîtrise plutôt bien. Hum. On va dire que j'y arrive... Approximativement. Je ne suis vraiment pas douée, et je mets un moment avant d'avoir les bases. Mais je ne lâche pas le morceau! Plus déterminée que moi, tu meurs.

- Tu vois ? C'est simple comme tout et plutôt classe même si on n'est pas encore aux figures acrobatiques mais ça il faut de l'entraînement pour y arriver.

- Euh, oui, et puis, vu comme je suis douée, on va éviter, hein. Enfin, on peut essayer, mais... plus tard, peut-être, dis-je en riant.

- Oh moi je fais du dessin et des maths ! Et toi ?

Je suis trop concentrée sur ce que me dit Mikah et je manque de me ramasser sur le trottoir. Le jeune homme me rattrape par le bras.

- Oups là ! Attention.

Je rougis en me redressant et j'époussette mon jean (alors qu'il n'y a pas une seule malheureuse particule de poussière dessus).

- Désolée, je suis pas très douée.

Un rire nerveux s'échappe de ma gorge. Oh mon Dieu, Alex, reprends-toi!

- Hum hum. Pour répondre à ta question, je fais économie et supplément d'anglais.

On arrive à la boulangerie, on en ressort avec nos sacs en plastique hyper glamour qui contiennent nos casses-dalles.

- On va manger au parc?

- D'accord.

On arrive dans le parc et on s'assoit dans la pelouse, encore un peu humide depuis la pluie de ce matin, même si elle a déjà été un peu séchée par les rayons du soleil. C'est agréable d'enfin pouvoir se prélasser au soleil après un hiver rude... enfin, un hiver à Boston, quoi. Pas que je n'aime pas ma ville de la côte est, loin de là, mais ça change radicalement. C'est pas non plus la canicule -pour preuve, je supporte amplement mon sweat avec une veste en cuir par-dessus- mais c'est un temps de printemps doux du nord. Enfin bref.

On commence à manger, chacun perdu dans ses pensées. J'aimerais vraiment en savoir plus sur mon nouvel ami, alors je lui demande:

- C'est quoi tes passions dans la vie? A part le dessin?

- A part le dessin ? Eh bien je dirais que toute ma vie tourne autour de la danse, rien de plus. J'adore la danse ! C'est incroyable comment on sait exprimer tant d'émotions dans toute cette gestuelle du corps. Une expression qui n'appartient qu'à l'individu, qui plus est artistique et sportif à la fois.

- La danse? Wow, c'est...

Je m'arrête, cherchant le mot, les sourcils froncés. Et puis, un peu pour l'effet de suspense, aussi, j'avoue. Je ne veux pas lui faire du mal, juste le taquiner indirectement en lui faisant croire que je ne trouve pas ça classe du tout. Mais ce n'est pas le cas, bien sûr. C'est pas très clair, tout ça... Je crois que je ne suis pas normale comme fille.

- Génial! m'exclamé-je, le visage lumineux. J'ai fait de la danse classique quand j'étais toute petite. Mais je suppose que c'est pas ce que tu fais, dis-je en riant.

Il me répond que ce n'est en effet pas ça, et quand il m'apprend qu'il fait de la breakdance, je manque de sauter comme un petit lapin. Euh... C'est quoi ces comparaisons, Alex?

- De la break? Sérieux?

J'ouvre des yeux grands comme des soucoupes, une vraie gamine devant ses cadeaux de Noël. Mikah doit maintenant me prendre pour une boulette agoraphobe, hyperactive, gamine, folle et particulièrement conne. Génial!

Je me mords la lèvre inférieure. J'ose pas lui demander. Je le fais? Je le fais pas? Je le fais.

- Tu pourrais m'apprendre quelques pas?

Le temps, pluvieux et carrément désagréable tout à l'heure, est revenu au beau fixe. On ne meurt pas de chaud non plus, mais bon, on est en février, faut pas abuser quand même. La puissance supérieure qui commande la météo doit être de même humeur que moi. Ce matin, j'étais pas franchement dans mon assiette -bon, ok, même pas du tout, vu que je me suis un peu effondrée en larmes dans les bras de Mikah- et la pluie était au rendez-vous. Maintenant, j'ai un ami, je suis heureuse et il fait beau. C'est déconcertant.

Je respire mieux, même si les couloirs sont bondés. Je crois que je suis légèrement agoraphobe: je n'aime pas être aussi serrée, pressée par d'autres corps. La chaleur qui se répand, les odeurs qui se mêlent et les bruits qui percent mes tympans me rendent nerveuse. Je me sens comme un animal acculé alors que je ne suis même pas sortie de la salle de musique. J'inspire un bon coup et je me tourne vers Mikah. J'espère qu'il ne voit pas ma fébrilité, ça doit paraître bizarre.

- Il fait beau, ça te dirait d'aller manger dehors?

Il acquiesce et me voilà baignant dans la marée humaine. Ça me dégoûte. Je manque de me tôler plusieurs fois, et je suis soulagée quand je sors du bâtiment. Je respire tellement mieux, même si l'air de Miami est loin d'être pur. Je me sens bien et je ferme les yeux un instant, la tête en arrière, pour me gorger de soleil et d'air frais. Mikah doit vraiment me prendre pour une folle. Je sens le feu me monter aux joues. Je rouvre les yeux et je me remets en marche, le regard rivé au sol, comme souvent quand je marche, en fin de compte. Je m'éclaircis la gorge et essaye de détendre l'atmosphère -ce que je ne doute pas que mon ami va faire puisqu'il est plutôt optimiste et... Enfin bref.

- Euh... Tu fais quoi comme options?

J'écoute sa réponse, la tête tournée vers lui, et manque de me ramasser. Je n'avais pas vu le trottoir et je n'ai pas levé les pieds. Oui, je ne suis pas douée. On rentre dans la boulangerie du coin et on en ressort quelques minutes plus tard avec nos piques-niques dans des sacs plastiques.

- On va manger au parc?

Il accepte. On se trouve bientôt dans l'étendue de verdure derrière le lycée. Peu de gens ont eu la même idée que nous. Tant mieux, on sera tranquilles. On commence à manger, mais ma curiosité me rattrape; je veux en savoir plus sur lui. Je pose mes mains, avec mon sandwich, sur mes cuisses et les observe pendant un instant, pensive.

- C'est quoi tes passions dans la vie? A part le dessin? demandé-je à mon sandwich avant de relever les yeux vers mon ami.

HRPG: Désolée pour le temps d'attente et les fautes, la flemme de relire ^^