Erreur sur la marchandise [ft. Carry]

"C'est magnifique ici ! J'avoue que c'est plus que cliché, mais c'est quand même magnifique. J'aurai jamais pensé me faire avoir comme ça ... Je sais même pas comment tu t'y ai pris pour me faire venir ici. Tu peux remercier ta belle gueule hein !" Ouais, bien sur qu'il le pouvait. Ce gars était vraiment doué. Il avait mené Carry par le bout du nez jusque dans cet endroit splendide. Bon, ce n'était pas qu'elle regrettait de l'avoir suivi, non ce n'était pas ça. Loin de là. En fait, ce qui l'emmerdait, c'était plus le fait d'être tombé dans le panneau si facilement. Elle qui, habituellement était si compliquer à amadouer ... En plus, elle avait toujours fait tout son possible pour ne pas devenir une fille facile et ne jamais en avoir l'air et là, à cause de ce gars et de son sourire plus que ravageur, tous ses principes tombés à l'eau. M'enfin, tant pis. Il reconnut alors que, comme l'avait suggérer la demoiselle, il devrait remercier son "joli minois plus souvent" puisque selon lui, il le méritait. Beh putain, s'il le méritait ! Pire que ça ! Et surtout, pas seulement ça ! Son sourire, ses yeux bleus, son corps parfait ! Là, s'en était trop, même pour elle. S'il continuait avec ses airs séducteurs qui semblaient si naturels, elle risquait comment surement, beaucoup d'autre avant de tomber sous son charme, si ce n'était pas déjà fait ! Et cela, seul Dieu, le savait. sans s'en rendre compte, elle le dévorait des yeux. Décidément, elle le trouvait beaucoup trop craquant pour un mec aussi simple. Aucun superflu, rien de faux. Soit il cachait bien son jeu, soit il était vraiment sincère et vrai. L'Australienne opta pour la seconde possibilité. Elle n'avait pas envie de se prendre la tête. Il enchaîna ensuite, en lui assurant qu'elle pouvait-elle aussi, remercier son physique. Et c'était vrai, elle pouvait mais .. Elle ne le faisait pas. Dans la catégorie des "ne se préoccupe pas de leur allure et apparence", la brunette était facilement dans le top five. Elle faisait partie des rares nanas qui ne jouaient pas que de leur corps. Certes, ça lui arrivait, mais ce n'était que de temps à autre, quand ça l'arrangeait.

"Donc comme ça, t'es à Wynwood ... J't'ai jamais vu. C'est cool de voir de nouvelles têtes, (surtout la sienne se disait-elle intérieurement) ça change de d'habitude ! Mais je me demandais, le lycée est vachement loin d'ici alors, comment t'as atterri ici ?" Question des plus inintéressante mais pas tout à fait. sans le savoir, celle ci, allait mener à une réponse à laquelle, l'Alpha Psi, ne s'attendait pas et qui la surpris. Il lui apprit qu'il était là depuis environ un moins et qu'il n'arrivait pas à se dire que c'était à présent chez lui. Voilà ce qui l'interpella en premier, mais il n'y eut pas que cela. Il ajouta qu'il avait durant sa vie, très souvent déménagé et qu'il avait envie de se poser. Étrangement, ceci, elle ne percuta pas, c'était comme si elle n'avait pas entendu cette dernière phrase. En effet, la jeune fille était toujours bloquée sur ce qu'il avait dit juste avant, soit "J'ai jamais réellement eu de chez moi jusqu'à maintenant." Impossible ... Ce sentiment dont il parlait, sonnait familièrement dans l'esprit de Carry. Étaient-ils pareils ? Aucune idée, mais c'était du moins, ce qu'elle semblait croire. Ils ressentaient la même chose à ce niveau. Comme un vide, un manque de chaleur. Ses yeux bruns étaient accrochés à ceux bleutés d'Evan, et elle ne voulait plus s'en détacher. Elle avait clairement l'impression d'être lui et qu'il était-elle. Ça pouvait paraître poussé, mais c'est ce qu'elle ressentait, à cet instant. Elle ne savait rien de lui, et comme pour elle, elle ne savait pas ce qui le poussait à se dire qu'il n'avait jamais eu de chez lui. Elle se souvenait juste que même dans la maison où elle avait grandi, elle ne s'y sentait plus bien. C'était justement ce qui l'avait poussé à partir soudainement. Elle s'était tirée en quête d'un endroit chaud et paisible pour elle, rien que pour elle. Vraiment, la révélation qu'il venait de lui faire, l'avait quelque peu bouleversé. Un flot d'émotions qu'elle n'avait plus ressenti depuis un bon gros moment, circulait de nouveau en elle. C'était bien ! Elle se disait que peut être, elle avait enfin trouvait la bonne personne. Celle qui la comprendrait, qui l'écouterait et la soutiendrait. C'était juste exceptionnel. Elle ne pensait pas que cette personne existait et pourtant, elle était peut-être avec elle, là, tout près.

À partir de cet instant, elle se tût, s'asseya dans l'herbe et ne trouva rien d'autre à faire que de le remerciait pour le blouson et le spectacle magnifique qui s'étendait à leurs pieds. Elle aurait voulu, lui dire merci pour ce qu'il avait dit, mais elle avait préféré s'abstenir de peur d'avoir l'air idiot. Oui, il avait raison, ce n'était peut-être qu'un blouson, mais il la réchauffait. Il la protégeait du froid qu'elle n'avait pas prévu. La jeune fille avait ramené ses genoux contre sa poitrine plaçant ses mains dessus pour pouvoir y caler plus confortablement sa tête. Evan, entre temps, s'était assis, puis allongé dans l'herbe toujours aussi humide que lorsqu'elle avait posé ses fesses au sol. La bouteille de rhum en main, elle avala trois gorgées avant que son compagnon du soir, ne tende son bras et ne lui propose indirectement de venir s'y blottir. Sur le coup, elle hésita.

"Excuse-moi, mais j'ai vraiment l'impression de tourner dans un de ces vieux films bien pourris que ma mère m'emmenait voir de force quand j'étais gosse. Qu'est-ce qui va se passer après hein ? On va s'embrasser sous le ciel étoilé ? L'amour brille sous les étoiles et tout ça ?"

Elle ricana légèrement, mais finalement ... Elle ne résista pas longtemps et se fit lentement glisser jusqu'au jeune homme. S'allongeant sur le flanc, elle plaça sa tête sur l'épaule - étonnement confortable - d'Evan et posa son bras sur le torse de celui ci. Leurs corps se réchauffaient mutuellement et avec la main posée sur la poitrine du jeune homme Carry pouvait sentir son cœur battre à une allure plutôt rapide. Sans doute était-ce dû à l'alcool puisque, contrairement à l'Alpha Psi, il avait bu avant d'arriver jusque-là et pas qu'un peu. Si ses souvenirs étaient bons, il s'était enfilé trois bières, plus le rhum qu'il buvait à présent. Elle, elle avait à peine eu le temps de finir son mojito. Fallait dire qu'elle avait voulu éviter que ce gars magnifique lui file entre les doigts. En y pensant, elle avait complètement mis de côté l'objectif premier qui l'avait amené à suivre ce garçon et donc, qui était de fini la nuit avec lui, dans un lit - si possible - et de passer un moment agréable avec lui. Pourtant ... De cela, il n'en était même plus question ...

Toujours collé l'un contre l'autre, l'Australienne sentait des caresses qui partaient du bas de son dos, qui remontaient le long de sa colonne vertébrale et qui finissaient par s'arrêter entre ses omoplates avant de repartir dans le sens inverse, et ce, à plusieurs reprises. C'était agréable. Silencieusement, ils regardaient le ciel. Enfin ... La demoiselle, elle, était partagée entre l'immensité bleutée qui la surplombait où les yeux clairs de l'inconnu. Du coup, ne sachant pas quoi décider, elle faisait balader son regard de l'un à l'autre pour profiter des deux, insistant plus sur les iris de l'homme qui lui servait d'oreiller. Lui, avalant trois nouvelles gorgées de rhum, se décida à briser le silence et lâcha : 'Tu veux savoir comment je suis vraiment arrivé ici ? Je crois que ... Ouais, je suis prêt à te le raconter." Il croyait, mais à entendre l'hésitation qui émanait de sa voix, on voyait qu'il n'en était pas certain du tout. Pourtant, c'était sans gêne et en toute tranquillité qu'il se lança. Sans crainte de jugement, il se confia. De toute façon, elle n'était pas la pour critiquer. Au fond, elle n'aurait pas apprécier que quelqu'un se permette de faire quelconque commentaire sur sa vie, sur son histoire, alors elle ne voyait aucun intérêt de le faire. "Ne fait pas à autrui ce que tu n'aimerais pas qu'on te fasse" n'est-ce pas. Au contraire, elle se surprenait à être véritablement intéressée par ce qu'il racontait. Elle qui s'était toujours dit que son histoire à elle n'était que pire catastrophe - bien que oui, elle l'était-, celle d'Evan l'était tout autant si ce n'était pire. Sans beaucoup d'hésitation, il évoqua son enfance ... Il était un enfant battu ... Puis, il enchaîna sur sa relation un peu compliquée qu'il entretenait avec sa mère et qui ne s'améliorait pas et enfin, il fit mention de son homosexualité. Son ... Son homosexualité ?! N'aurait-elle pas du réagir lorsqu'il en parla ? En fait, non ... Elle était tellement captivée par le son et le contenu qui s'échappait de la bouche de l'inconnu qu'elle ne prit même pas la peine de relevait ce petit détail. Cependant, ce à quoi elle ne pensa pas était qu'elle avait dragué un gay, qu'elle était collée à un gay, qu'elle aurait pu coucher avec ce même gay et qu'elle n'avait même pas remarqué qu'il était ... GAY ! Il avait franchement bien roulé dans la farine pour le coup .. La véritable question était de se demander à quels moments comptait-il le lui dire, s'il comptait le dire hein. Boh ... Elle ne se posait même pas la question, elle s'en tapait franchement. Quand il termina son récit, elle se rendit enfin compte que durant tout le temps où il avait parlé, elle s'était considérablement rapprochée de lui, renforçant l'étreinte qu'avait commencé à exercer son bras quelques minutes plus tôt. Il n'avait vraiment pas eu de chance. Elle aurait presque pu s'en vouloir de s'être apitoyer pendant un an sur son sort alors que d'autre, au même moment où elle prenait des cours particuliers qui ne l'intéressait pas, vivaient des situations désastreuses. Elle ne savait pas si elle devait dire quelque chose ou pas. Elle n'osait pas ... Elle avait peur de briser ce moment, de le détruire complètement. Elle avait l'impression, qu'il était intime, chaleureux et bon. Oui, elle était bien avec lui, et ce qu'elle ressentait lui faisait du bien. Pourtant, elle trouvait cette sensation pire qu'étrange. Après tout ... Ils ne se connaissaient ni d'Adam, ni d'Eve, alors pourquoi ? Pourquoi avait-elle l'impression d'être si profondément lié à se parfait inconnu ?

Après un long moment sans bruit, elle leva la tête vers le conteur et ne sachant pas trop quoi dire, lâcha bêtement un "Ça va ? Elle avait peur de briser ce moment, de le détruire complètement. En fait, c'était la seule chose qui lui était venue à l'esprit puisqu'elle s'était dit que ça n'avait pas dû être facile de raconter toute sa vie à une personne qu'il n'avait jamais croisée avant ce soir. Ça avait dû être compliqué émotionnellement d'en parler, de revenir sur son passé. C'était souvent des choses difficiles à raconter. Elle se mit alors à penser qu'il ne devait pas être très à l'aise avec une demoiselle collée si fortement à lui alors qu'il n'était pas attiré par elle, ni par n'importe quelles filles. Elle décida donc, à contre cœur, de se détacher.
C'était fou, ce que leur rapprochement lui avait procuré une sensation de chaleur ... Tellement qu'a peine séparé de lui, elle ressentait déjà la fraîcheur de ce mois de mars.

[i]"Tu sais .. Tu n'avais pas à te forcer. Ce doit pas être agréable de m'avoir eu attaché à toi tout ce temps ... Ça me fait marrer de me dire que je me suis fait berner comme ça. J'vais t'avouer un truc, heureusement que tu stoppes la plaisanterie maintenant .. Parce que, j'ai tellement l'impression qu'on se ressemble que j'aurais réellement pu craquer pour toi ... C'est vrai quoi ... Je ne rencontre pas des gars comme toi, tous les jours ... Les mecs bien, ça ne court plus les rues de notre temps ..."

Alala ... Pendant qu'il avait détaillé sa vie de A à Z, elle avait malheureusement un peu forcé sur le rhum ... Ce qui forcément l'amenait à dire des conneries. Elle venait d'admettre qu'elle aurait pu clairement tomber amoureuse de lui, alors que deux jours auparavant, elle ne se serait pas imaginée éprouver quelconques sentiments pour quiconque. N'importe quoi, vraiment ... Elle se rendait compte qu'elle devait freiner sur la boisson avant de dire trop de truc gênants mais ... Trop tard. Roulant sur le côté et s'allongeant face au ciel, elle soupira.

"Tu veux que je te dise ... Mon père me déteste ... Mais je m'en fous hein, je le déteste aussi. Au moins, c'est réciproque ... Après tout, je ne suis qu'une erreur de la vie, une indésirée. J'ai entendu ça toute ma misérable vie, jusqu'à mes seize ans. Il a baisé ma mère, comme tant d'autre avant et tant d'autre après. Manque de chance, à trop faire le chaud, ce connard l'a mise ne cloque et neuf mois plus tard, j'ai fait la connerie de naître ... J'me demande toujours pourquoi y'a pas eu de problème à l'accouchement ou un truc comme ça .. J'aurai peut-être du mourir, ça aurait évité bien des problèmes tiens ... Bon, on ne peut pas non plus dire qu'il ne se soit pas vengé, non loin de là ! Crois-moi ... Il a bien foutu en l'air mon existence pendant seize ans de ma misérable vie. Il a tout fait, mais vraiment tout pour que j'ai une enfance à chier ... Il est doué pour ça. Vraiment très fort putain !"

Les larmes, oui, les larmes lui montaient aux yeux et ça l'agaçait. D'habitude, ça ne l'affectait pas mais l'alcool n'aidant pas, elle contrôlait difficilement ses émotions. Elle renifla. "Eh merde ... Elle qui voulait camoufler qu'elle pleurait,s'était vendue toute seule. Carry aurait très bien pu s’arrêtait là dans se lamentations mais elle avait atteint le point de non retour.

"Le pire, c'est qu'il continue, aujourd'hui encore. Il continue de jeter sur tout ce qui bouge et il hésite pas à payer pour se faire sucer ... Il laisse ma mère seule avec mes deux frères comme il la laissait seule avec moi avant que les garçons naissent ... Et pendant qu'elle pleure et qu'elle souffre, lui passe son temps dans des bordels, mais monsieur s'en fou. Monsieur ne se cache même pas ... Tu ... Tu sais quoi ... C'est qu'un .. qu'un salopard ! Il ne faut pas s'étonner si ... Si j'ai une mauvaise image .. de ... Des mecs !"

Tant pis .. Elle était cramée. Ses phrases étaient ponctuées par des sanglots qu'elle peinait à ravaler. S'essuyant les joues avec la manche de son chemisier blanc qui en devins transparent, elle se redressa et rouvrit une bouteille qu'elle entama directement. Rappelons que l'ancienne avait été finie durant le récit d'Evan. De toute manière, un peu plu, un peu moins, ce n'était pas comme si elle devait conduire ou quoi que ce soit après, alors ... Elle n'était plus du tout à ça près.

"Je me sens tellement conne ..." Oui, elle sentait vraiment stupide ... Elle avait envie de partir en courant, de se cacher, de s'enfouir dans un trou à l'abri de tout ... Elle avait honte.

"J'ai tellement honte ... Putain, l'alcool .. Ça craint ! Je ... Je suis désolée, c'est débile de te dire tout ça ... Je me déteste merde ..."

Ça ne lui ressemblait pas du tout de se livrer comme ça, de se dévoiler, de pleurer devant quelqu'un. Ça ne lui était sans doute jamais arrivé d'ailleurs. Elle espérait qu'avec la nuit, les larmes qui perlaient sur ses joues ne se verraient pas. Elle les essuyait toujours avec son bras mais celles-ci ne cessaient de mouiller ses joues ... Elle avait beau s'en vouloir, elle se disait tout de même qu'il s'était confié, qu'elle en avait fait tout autant et qu'ils étaient, au moins, quittes, c'était déjà ça de fait.
Puis, à bien y regarder .. L'Australienne se sentait ... Libérée. Oui, c'est exactement ça, libéré d'un poids qu'elle avait gardé en elle, pendant un certain nombre d'années. Elle se sentait mieux, et ça .. Étrangement, grâce à lui.

Ploploplop:

La voix qui déraille pouvait signifier n'importe quoi. Pour Carry, c'était l'échec total et l'abandon de la tentative « voix mielleuse ». Pour lui, elle ne savait pas comment il l'avait interprété. Il ne dit rien suite à la présentation de la demoiselle, il l'observa simplement. Puis, il eut une réaction qui, aux yeux, de la jeune fille, faisait très gentleman. Ce gars était définitivement bien élevé. En effet, sans doute suite au frisson qui avait parcouru la brunette et la réaction de celle-ci, il lui avait offert volontiers sa veste en cuir, qui lui avait déposé sur les épaules. Tout de suite, son buste se réchauffa un peu, mais elle ne s'en rendit pas compte. Ce qui la marquait le plus c'était la taille de ce blouson. Il en disait long sur celui qui le portait. L'inconnu en question était visiblement plus musclé qu'il n'y paraissait. Elle était persuadée que si elle passait ses bras dans les manches, elle flotterait à l'intérieur. Elle s'abstenu donc de le faire pour éviter de ressembler à ... à un enfant qui s'amuse à jouer les grandes personnes dans les habits de son père. Pour joindre le geste à la parole, le gars dit : « Tiens, enfile ça, je voudrais pas que tu meurs de froid avant la fin de la soirée ». Mourir maintenant n'étais pas dans les projets de l'Australienne qui envisageait des choses qui rendait, en général, les gens plus ... Vivants. Pourtant, elle n'eut rien le temps de dire puisqu'aussi tôt sa phrase terminée, il prit la main de l'Alpha et l'entraina avec lui daignant enfin se présenter. Evan. C'était un joli prénom de deux syllabes, facilement mémorisable et qui lui allait bien.

Mais dans la main, il la trainait jusqu'à une épicerie ouverte, malgré l'heure tardive. Ils entrèrent, lui devant et elle, lui emboitant le pas. Sur leur passage, le caissier –un vieux type au ventre rond et aux sourcils épais - ne silla pas. C'était à se demander s'il avait remarqué leur présence. Evan semblait connaître les lieux puisque, directement, il se dirigea vers le rayon souhaité : alcool. Ils s'arrêtèrent quelques instants devant l'étalage, le temps que le jeune homme prenne ce qu'il avait en tête. En voyant les prix, l'Australienne s'étonna.

« Et beh ... Ils ne se font pas chier ici ... Ils devraient augmenter encore ! Tant qu'à faire dans l'excessif, autant pousser au max... Sérieux, pour finir bourré et –pour certain - au-dessus de la cuvette des toilettes, ça ne vaut surement pas le coup de dépenser à ce point ! »

Sa remarque ne l'intéressait visiblement pas, puisqu'il ne répliqua rien et de toute manière, il devait pour se le permettre. Sans doute était-il un gosse de riche tout comme elle, à la différence qu'il en profitait et pas elle. Elle devrait peut-être fait pareil, après tout son père était blindé alors au lieu de le laisser jeter son argent dans des bordels pourquoi ne pas l'utilisait à ses fins ? Ça pourrait s'envisager. En tout cas, elle y réfléchirait, à l'occasion. Devants les multitudes de bouteilles, son compagnon de nuit décida de prendre du rhum et de la bière. Il porta tout, tout seul, jusqu'à la caisse. Alors qu'il posait ses achats sur le tapis roulant, le vieux monsieur leva brusquement la tête. Il ne les avait donc vraiment pas vus entrer. Il les regardait avec de grands yeux étonnés. À l'avoir su, qu'il n'avait pas fait attention à eux, ils auraient pu s'enfuir avec la marchandise, ni vu, ni connu... Mais, ils n'étaient pas si malhonnêtes que ça quand même ... Sortant de l'épicerie, Carry sentit une nouvelle vague de fraicheur. La même que quelque seconde plus tôt, celle des mois de mars. Elle se retourna vers le grand brun qui était en T-shirt. Il n'avait pas froid ? Si c'était le cas, ça ne se voyait pas du tout. L'un à côté de l'autre, ils marchaient, lui, la guidant vocalement et elle suivant ses instructions à la lettre. Elle n'aimait pas beaucoup ça, cette impression d'être menée par le bout du nez lui déplaisait. De plus, elle ne savait pas où il l'emmenait, mais elle ne s'inquiétait pas plus que ça. Certes, elle aurait pu se dire qu'il était peut-être un violeur recherché par le FBI, ou une connerie dans le genre, mais ce n'était pas son style. Elle n'avait pas peur. Elle n'était pas de celle qui se méfie des inconnus –même si elle était un minimum sur ses gardes - ou à imaginer constamment le pire. Son inconnu à elle n'avait franchement pas la tête d'un tueur en série –même si elle savait qu'il ne fallait pas se fier aux apparences.

Tantôt à droite, tantôt à gauche, ils passèrent dans une, puis deux ruelles et qu'autres passages pour aller où il voulait. Ce n'était pas très loin de là supérette dans laquelle ils s'étaient approvisionnés, mais elle commençait à en avoir assez. Juste au moment où elle se disait qu'il se foutait d'elle, il la stoppa la priant de fermer les yeux et de l'attendre. Ce à quoi, elle répondit légèrement amusé :

« Fermer les yeux ? T'as cru qu'on avait quel âge, c'est en maternelle qu'on fait ça normalement non ? »

En vrai, la maternelle, elle ne savait pas ce que c'était. Elle n'y avait jamais mis un pied. Ce n'était donc, qu'une supposition, de ce que les enfants normaux faisaient. Malgré sa remarque, elle obéit en le prévenant qu'il avait intérêt à ce que son plan vaille le coup. Puis silence. Juste des bruites de plastiques qui venaient troubler le gros blanc. Elle en déduit qu'il avait peut-être posé les sacs qui transportaient les boissons. Puis un craquement. Il s'approchait d'elle. Elle voulait ouvrir les yeux pour voir ce qu'il faisait, mais elle n'en eut pas le temps puisque les mains d'Evan, jusqu'ici occupé par les achats, vinrent se poser sur ses paupières. Elle ricana, d'un rire surpris.

« C'est pas vrai ... Tu m'emmènes ou comme ça ? Tu sais à quoi ça me fait penser ? À un film bien pourri à l'eau de rose devant lequel pleurent les sensibles. J'ai pas l'habitude de ce genre de chose moi ! »

Ils avançaient au rythme du jeune homme puisque, derrière elle, c'est lui qui menait la marche. Carry avait l'impression de monter, de ne plus être sur du plat, mais plutôt en pente. Comme sur une colline, enfin ... D'un coup, ils s'arrêtèrent. Les mains qui jusqu'à présent lui obstruaient la vue, disparurent et laissèrent son champ de vision parfaitement libre. Elle ouvrit ses yeux clairs qui s'agrandissaient lorsqu'elle découvrit la beauté de ce qui s'étendait à ses pieds. « Tadaaaaaaa, bon, je sais, c'est un peu cliché, mais je sors le grand jeu. Je reviens, je vais chercher de quoi se rincer le gosier ».

C'était cliché et pas qu'un peu, et ça, elle ne se gênerait pas de lui dire lorsqu'il serait de retour. Mais aussi cul-cul que cela puisse paraitre, c'était tout de même ultra splendide. Miami de nuit. Elle avait, certes, déjà trainé dans le Miami obscur, cependant ça n'avait strictement rien à voir avec ce qu'elle voyait maintenant. Elle passa par-dessus le banc, - sans doute prévu pour observer confortablement - afin de se rapprocher un peu plus de l'immensité lumineuse qui s'offrait à elle. Autour d'elle des arbres et en face le vide. Il y avait tant de boules de lumière que c'était comme si le ciel était à présent sous la demoiselle. Il y avait des milliers de taches minuscules qui ressemblaient à des étoiles. C'était peut-être exagéré, mais de là où elle était, elle avait l'impression de dominer le monde, l'univers même. Elle avait l'impression qu'il n'y avait plus qu'elle et la ville. C'était beau. Pourtant son observation fut interrompue lorsque celui qui lui avait montré se panorama éblouissant lui tendit une bouteille. « À la tienne, jolie demoiselle. »
S'emparant du rhum, elle l'ouvrit et bu deux gorgées.

« C'est magnifique ici ! J'avoue que c'est plus que cliché, mais c'est quand même magnifique. J'aurai jamais pensé me faire avoir comme ça ... Je sais même pas comment tu t'y ai pris pour me faire venir ici. Tu peux remercier ta belle gueule hein ! »

En regardant attentivement, elle aperçut la plage et le lycée. C'est fou ce que s'était minuscule !

« Donc comme ça t'es à Wynwood... J't'ai jamais vu ... C'est cool de voir de nouvelles têtes, ça change de d'habitude ! Mais j'me demandais, le lycée est vachement loin d'ici alors, comment t'as atterrit ici ? »

La question était inutile, comme tout ce qu'elle avait dit avant. Ce qu'elle voulait, c'était en apprendre plus sur lui, mais elle ne voulait pas avoir l'air trop intéressé ! Jetant un coup d'œil au sol, elle s'asseya. L'herbe était humide, sur qu'elle aura, en se levant, le cul mouillé, mais tant pis, c'était plus confortable que de rester debout.

« Euh ... Merci pour le blouson et pour ça ... », elle pointa du doigt l'horizon. Beh ouais, c'était cliché mais sans lui, elle n'aurait sans doute jamais eu le plaisir de voir cette merveille.

Elle était vraiment pitoyable et elle le savait. C'était d'ailleurs étrange que le canon auquel elle avait lâché sa phrase à la con ne lui ait pas rit au nez. En plus d'être beau, il était poli. Elle s'étonnait aussi qu'il ne lui ait pas fait remarquer à quel point elle était à chier. En y pensant, si un mec l'aurait abordé de cette manière –ce qui avait déjà été le cas-, elle n'aurait pas hésité une seule seconde. Pour commencer, elle l'aurait toisé un petit moment, un rictus moqueur aux lèvres. Ensuite, elle lui aurait dit froidement qu'il serait mieux pour lui d'arrêter de chercher des phrases de dragues sur internet, puisque de toute manière, ça ne risquait pas de marcher. Et enfin, elle lui aurait clairement fait comprendre qu'il perdait son temps avec elle, les gros lourds ce n'était pas pour elle. Mais là, c'était elle dans cette situation et franchement, ce n'était pas la sensation la plus agréable de l'univers. Elle avait juste envie de faire comme si de rien n'était, partir et passer à autre chose. Visiblement, les pensées négatives étaient inutiles puisque les lèvres du brun esquissèrent un sourire. Tout n'était peut-être pas totalement perdu. Il lança « Oh, tu sais, dans cette ville, on m'a déjà eu avec pire que ça ! Et puis, avec un si joli minois, je pense que tu peux te permettre n'importe quoi ». Devait-elle comprendre que c'était un mec facile ? Cette pensée la fit sourire, mais intérieurement.

Un joli minois, oui. Cependant, elle n'était pas spécialement du même avis que lui. Elle avait tout pour plaire, sauf qu'elle s'en foutait royalement. Elle ne faisait pas vraiment attention à son apparence, s'habillait avec ce qui lui tombait sous la main, en gros, elle se négligeait. Par chance, aujourd'hui, elle n'avait pas pioché dans son armoire un sarawel délavé et un vieux t-shirt pourri. Ça aurait pu foutre en l'air son plan. Donc, d'après ce qu'il disait, il venait ici tous les soirs.. Sa première phrase d'approche sonnait encore plus faux lorsqu'elle apprit ça. Ils ne pouvaient pas s'être déjà vus. S'il venait chaque jour, il l'aurait au moins aperçu. Heureusement que ce n'était pas le cas, sinon, elle aurait eu l'air complètement stupide à dire « On ne s'est pas déjà vu ? ». Franchement ... Elle aurait réellement perdu toute crédibilité. Le fumeur fit une réflexion sur la boisson immonde qu'il servait dans ce bar, ce qui fit rire faiblement l'Australienne et dans un murmure, elle souffla « y a pas que la bière qu'est dégueulasse, le mojito aussi. Mais heureusement, y a d'autre distraction dans ce bar.. ». La distraction en question, c'était lui. Elle serait sans doute déjà parti s'il n'avait pas trainé ici. Elle ne regrettait plus d'être venue, loin de là.

Les yeux de l'inconnu se posèrent sur la demoiselle, qu'il regarda de haut en bas et de bas en haut. C'était presque déstabilisant. Elle avait l'impression de passer un scanner où chaque portion de son corps était analysée. Ses jambes, son bassin, sa poitrine... Ce n'est pas que ça la gênait au contraire, c'était flatteur et plaisant. Vêtue uniquement de son petit chemisier, il fallut qu'un courant d'air frais vienne lui caressait la nuque pour qu'elle se rende compte qu'il faisait froid. Encore une fois, elle s'était fait piéger par la chaude journée qui avait touché la ville aujourd'hui, comme hier et les jours précédents. Tout son corps fut parcouru de frisson qui la força à se frotter les bras pour s'auto-réchauffer. Autant dire qu'un peu d'aide n'aurait pas été de refus mais il ne fallait pas aller trop vite en besogne. La voyant faire, il sourit à nouveau et jeta sa clope. Dans l'obscurité, on voyait bruler le peu qu'il restait de la cigarette. Le beau jeune homme mit la main dans ses poches et en sortit son paquet. « Quoi, il ne va pas fumer encore quand même ? ». Non, ce n'était pas tout à fait ça. En fait, il voulait juste le proposer à la brunette. Le bras tendu, un large sourire sur le visage, il lui offrait deux options. Soit la clope, soit quelque chose au bar. Et ... C'était tout ? Elle avait le choix entre une cigarette ou un verre ... Si elle ne faisait pas dans l'originalité, lui non plus. M'enfin ...

« C'est gentil mais je ne fume plus. J'ai arrêté toute ces merdes, ça m'a franchement apporté que du mauvais... »

En effet, à l'instant où elle prononçait cette phrase, elle repensa à sa grosse déconne de l'année précédente. Clope, joint et alcool avait été de la partie. Trois filles déchirées pour trois garçons dans le même état qu'elles mais malhonnêtes en plus. Ils ont tous déconné mais le dernier joint avait été de trop pour Carry. Elle avait été complètement stone avant de perdre connaissance pendant trois jours. Certes, une cigarette n'allait pas la tuer, mais elle savait parfaitement qu'elle risquait de recommencer ses conneries.

« Alors, un verre c'est pas de refus, seulement, tu l'as dit toi-même. La bière est mauvaise et j'peux te dire que le mojito n'est pas le meilleur de la côte ... »

Sous-entendu : « Et si on allait ailleurs ? ». Franchement, ce n'était pas dit qu'il comprenne, les garçons sont limités niveau description des messages cachés. On ne peut pas leur en vouloir.. Ce n'est pas vraiment leur faute, si leur sexe est remonté jusqu'à leur cerveau et désorganisé le tout. Elle regardait avec un air envieux, en se disant que la suite de la soirée, c'était à lui de voir. Retourner dans ce bar miteux rempli de mec qui la regarderait avec des grand yeux et ne voudrait plus qu'une chose prendre la place du brun qui l'accompagné et ensuite aller finir la soirée ailleurs. Ou alors, partir tout de suite dans un endroit plus calme où ils pourraient discuter tranquillement tous les deux et envisageaient après la suite. Mais elle changea d'avis, au fond, pourquoi ce serait lui qui déciderait ? Pourquoi ne prendrait-elle pas les devant ? Au risque de se prendre un gros vent, pire un ouragan, elle se lança avant de se souvenir qu'un détail lui avait échappé. Elle ne connaissait pas le prénom de cet homme –puisque oui, on pouvait parler d'homme dans son cas. Ce n'est pas que ça l'intéressait plus que ça mais ça serait plus pratique. Elle lui demanda tout en se présentant :

« Et sinon, c'est quoi ton prénom ? Juste pour que je sache qui je devrai remercier à la fin de la soirée. Moi, c'est Carry. J'étudie ... Enfin, étudier est un grand mot mais, j'étudie à Wynwood. Enchantée ! »

L'Australienne avait délibérément pris un ton mielleux.. Échec total. Elle n'avait tellement pas l'habitude et ça lui allait tellement mal. Sa voix sonnait comme celle d'une fille hyper gentille et remplie d'amour. Tout son contraire à elle en gros .. Tout ce qu'elle détestait. Sa voix à elle, était un peu grave, mais jolie, c'était fluide. Vers la fin de la phrase, elle n'avait tellement pas été convaincue elle-même qu'elle avait déraillé pour retrouver son timbre normal. Il avait sans doute remarqué. Elle enchaînait les gaffes ...