I know that I do is bad, but I don't have the choice! PV Sasha B. Cobb (Terminé)

Si ça se trouve, il m’aurait sauté à la gorge si je n’avais pas parlé de Kendall. Après tout, j’y peux rien s’il n’accepte pas de voir la vérité en face. Qu’il a beau être de retour, beaucoup ne voient pas, ou ne verront pas son retour d’un bon œil. Ca risque d’être très compliqué pour lui, et j’étais curieuse de savoir si Kendall l’avait bien pris ou pas. La connaissant, elle le pardonnerait, mais avec un besoin de preuves à l’appui, comme quoi il aurait changé. A force de l’avoir côtoyé, je commençais à bien la connaître.

En tout cas, au nom de Kendall, son regard meurtrier changea, et il baissa la tête, comme si j’avais tapé dedans, pile dans le sujet tabou. En même temps, c’est comme s’il commençait à me parler de mes parents. Je détestais avoir à parler d’eux, l’indifférence qu’ils éprouvaient à mon égard ne faisait qu’agrandir de jour en jour le trou béant au fond de mon cœur. Comme si la famille n’était pas importante, et bien si, au fond, je regrette d’avoir des parents qui n’ont pas su prouver leur amour, et ont préféré m’utiliser comme une marionnette dans leurs foutus plans.

_ Encore faudrait-il qu’une confrérie veuille bien de toi…

Quoi ? Je suis méchant ? Réaliste. Je pense qu’on a tous suffisamment entendu parler de lui, en bien ou en mal, pour penser qu’il n’a sa place nulle part, si ce n’est chez les lambdas, il est trop bizarre pour pouvoir intégrer une fraternité. Il ne correspond à aucune d’elle.

_ Ca si tu as changé, je ne sais pas encore, j’ai encore rien vu, pour le moment. Alors je ne pourrais pas en juger, va falloir des preuves pour ça. J’imagine que t’as réintégré les Cannonballs du coup ?

Au fond de moi, j’espérais que non, mais rien ne l’en empêchait, et Matt n’était pas contre des nouvelles recrues, surtout à l’approche du match.

_ Et non, je ne connais pas ta vie, mais ça à la limite, c’est pas comme si je m’y intéressais vraiment tu vois.

Une façon beaucoup plus douce que de lui dire que j’en avais rien à branler en fait. Si je pouvais, je serais encore plus franc, et je pense qu’il se mettrait à pleurer, comme quand Nathan lui a craché ses quatre vérités au visage.

_ En même temps, qui ne serait pas choqué de te voir en vie. Faut être logique, t’es censé être mort et tu débarques comme une fleur. C’est genre une situation pas normale, alors expliques-moi comment tu veux qu’on se sente nous ? Alors oui, on ne se met pas à ta place, mais toi non plus tu ne te mets pas à la notre.

C’est vrai quoi ? Comme si on allait réagir normalement à une résurrection. Le mec qui est censé être mort, tu penses pas le revoir un jour en chair et en os devant toi, et Ty est choqué qu’on puisse réagir ainsi en le voyant soudainement revenir dans le monde des vivants. Bah, s’il s’imagine que je croise des morts tous les jours, il n’est vraiment pas net.

_ Une gifle ? Haha excellent. Je me moquais, un peu, bon beaucoup j’avoue. J’aurais tellement aimé voir ça. En même temps, la connaissant, je l’imaginais mal te sauter dans les bras. Tu sais, elle est loin d’être cette fille qui se laisse marcher dessus, alors tu m’étonnes, elle a pas du beaucoup apprécier le coup que tu lui as fais.

On avait passé une année entière sans jamais se lâcher, et j’avais bien vu que c’était cette fille forte, qui ne se laissait pas faire, alors remettre Ty en place, c’était tout à fait normal.

_ Et puis bon, on ne récolte que ce que l’on sème, j’ai envie de dire. Et si « certains » comme tu dis, ne veulent pas te donner une seconde chance, c’est parce qu’ils sont pas cons et naïfs au point de se faire avoir une seconde fois, en se disant que ça peut recommencer. Je peux les comprendre aussi.

Je les comprends, parce que je fais parti de ceux blasés, avec qui les mauvaises blagues ne passent qu’une seule fois et pas deux. Ensuite, il commença à me faire un speech, comme quoi je n’étais pas comme eux, blabla. Le pauvre, il comprenait vraiment rien.

_ Alors là, je t’arrête tout de suite. Tu me dis il y a deux minutes que je ne connais pas ta vie, et toi non plus tu ne connais rien de la mienne. J’ai toujours été comme ça, et non je ne suis pas Nathan, tu n’as pas tort, je ne serais jamais lui, on est deux personnes différentes, mais avec des points communs, rien de plus. Et au cas où tu l’oublierais, les Pi Sigma, on n’est pas des bisounours qui envoient de l’amour de ci et là. Donc par définition, on n’est pas les plus gentils de Wynwood, j’ai toujours été comme ça, franc, quitte à blesser, je ne vois pas en quoi je changerais. Et comme je suis franc, non je ne te crois pas. En tout cas, pour le moment, j’ai du mal, je suis encore un peu sous le choc. Faut réussir à avaler ton retour à la vie, plus le fait que j’ai encore une fois failli laisser ma vie.

Lui donner une dernière chance ?

_ Si je te laisse une dernière chance ? La tout de suite c’est non, clairement non. Faudrait vraiment que je vois en quoi t’as changé avant.

_ T’étudies, tu sèches plus, tu bois plus, félicitations. Tu veux peut-être une médaille ? Ironisais-je. Si t’étais plus le même, t’aurais tiré un trait sur ce foutu gang, parce qu’à mes yeux t’as pas changé. Pour ce que j’ai vu en tout cas, et pour ce que j’ai entendu. Alors ouais, vas-y fusille moi du regard, déteste-moi, mais je compte en rien jouer au gars gentil et compatissant avec toi.

Je ne sais pas ce qu’il essayait de me prouver en me disant qu’il avait changé, mais je n’y croyais absolument pas, je le croyais plus, je ne voulais plus le croire. Comment voulez-vous avoir confiance en quelqu’un qui a menti à tout le monde sur sa mort ? Faut être con, naïf et tenir à lui pour le pardonner. Or j’en avais personnellement rien à cirer, et bien que sa mort ne m’est pas laissé indifférent, j’allais pas lui sauter au cou, le serrer dans mes bras et pleurer de joie, être si content de le voir… Ca me faisait ni chaud, ni froid.

_ Et puis, si je me rappelle bien, tu avais déjà dis la dernière fois que tu avais changé, mais j’ai à chaque fois l’impression que ça s’empire…

Suite à quoi, il commença à m’expliquer son rôle dans le gang, qu’il n’avait pas le choix, qu’il devait survivre bla bla bla. J’écoutais à moitié, dépassé parce que j’entendais. C’était si absurde, et pourtant il y avait dans ses propres paroles une solution à son sujet. Je ne sais pas, il était quand même en senior, il allait en cours, il n’était pas aussi bête que ça. Il aurait pu raisonner tout seul, se dire qu’il y avait toujours des solutions, mais il avait fallu qu’en plus je lui mâche le travail. Je lui avais fais la leçon, je n’y étais pas obligé, mais de voir à quel point il était stupide et borné… Je ressentais le besoin de lui faire comprendre ce que j’en pensais de sa vie, et toutes ces incohérences. Je n’avais pas l’intention de le remettre sur le droit chemin, ni même de l’aider, j’avais besoin d’être franc, simplement.

Une fois que j’avais fini mon discours, méprisant, ton élevé et plein de reproches, il se mit à réfléchir, puis il me prit dans ses bras tout sourire.

_ Qu’est-ce que tu fous merde ?

J’avais réagi au quart de tour, j’y comprenais plus rien. Il avait changé du tout au tout, et le voilà qui me remerciait. De l’avoir… Sauvé. Ouais une rencontre avec Ty ce n’est pas anodin, faut suivre, et ce n’est pas évident. Il peut passer du coq à l’âne, que ce soit dans ses propos ou dans ses émotions. Il pouvait vous haïr, puis tout à coup vous vénérer. Je ne savais pas comment me sentir. J’étais complètement confus, et ça se voyait très certainement sur mon visage.

Puis, il continua dans sa lancée, et m’expliqua les raisons qui l’avait poussé à simuler sa mort, pour changer. Encore une histoire de changement. Je devais avouer, que pour moi c’était une solution relativement inutile, parce qu’il suffisait juste de prouver, et non pas simuler une mort pour revenir en force par la suite. Ca crée davantage de confusions, et il s’attire les foudres de tout ceux qui l’ont aimé. Partir, mentir, faire croire à sa mort, faire souffrir, puis débarquer comme une fleur, s’excuser et dire qu’il n’était plus le même. C’était bien facile. Mais c’était Ty. Alors au fond, était-ce aussi étrange que ça ? Non.

Quand il eut fini, je ne savais pas bien quoi répondre à ça. Je restais silencieux, un peu paumé et j’avais été rattrapé par le court des évènements. Il prit le sac à ses pieds, se leva, et alla à la rencontre du vieux qui était toujours là aux aguets, fusil en main, braqué prêt à tirer. Je me levais, pour voir ce qu’il comptait faire. Ty s’avança vers l’homme, et lui rendit tout ce qu’il avait pris. Etrangement, le vieux, bien trop heureux de récupérer ses biens, pardonna Ty et repartit. Je m’étais attendu à tout sauf à ça. J’avais espéré un petit sermon, un beau savon, comme les vieux avaient l’habitude de faire, mais là rien. Il laissa passer, et repartit fusil sous le bras, et Ty revint vers moi, jeta sa cagoule dans une poubelle, puis son portable se mit à sonner.

Je le laissais décrocher, et m’éloigna. Je récupérais au passage mes deux sacs, qui trainaient là où nous nous étions cachés après la course poursuite, et m’asseyais sur un banc au niveau du trottoir, en attendant que Ty ait fini. Alors que j’étais censé sagement rentrer chez moi, j’avais encore une fois été confronté à un événement inattendu qui avait bouleversé le cours de ma journée. Je récupérais mon téléphone, qui était situé dans la poche avant de mon sac, et commença à taper un texto à l’attention de Nathan. C’était toujours le premier que je joignais pour tout et n’importe quoi. On se racontait toujours tout, les petits détails sans importance comme les scoops qui faisaient scandales à Wynwood, et là, comme lors de notre accident avec Ty, je me sentais obligé de tout lui raconter.

Une fois le SMS envoyé, Ty revient s’asseoir à mes côtés, apparemment satisfait, mais bien décidé à changer de conversation. Son histoire de gang semblant être « réglée », il faisait comme s’il n’en avait jamais fait parti.

_ Haha, il n’y a pas eu de fête, non, mais je pense qu’il aurait été capable d’en organiser une oui. Autant être franc, il savait que Nathan le haïssait, et puis à quoi bon, ça me faisait même marrer de lui montrer ô il avait une mauvaise réputation auprès des autres. Mais sinon, la confrérie, pas grand chose n’a changé depuis ton départ, tout est comme avant.

Tout est comme avant… Enfin presque. Mais je ne saurais expliquer en quoi c’était différent, et puis j’avais pas envie d’en parler avec Ty. Lui m’exposait ses problèmes, sa vie, sans avoir peur d’être jugé, apparemment, mais j’étais loin d’avoir envie de le considérer comme mon psy. Je lui répondais, c’était déjà bien suffisant.

_ Et toi, du coup, ton retour à Wynwood, t’es dans quelle confrérie maintenant ? J’ai entendu dire que t’étais chez les RK avant ta « mort », mais je les imagine mal te ré accepter dans leur rang, ils aiment pas beaucoup les menteurs, et ceux qui jouent perso. Comment les autres, surtout Kendall, ont réagi quand tu t’es pointé comme une fleur alors qu’il y avait ta tête il y de ça quelques semaines à la page Obsèques du journal ?

A dire vrai, j’osais imaginer qu’il était chez les lambdas, je le voyais mal dans une confrérie, puisqu’au fond, quand il était chez les PS, il portait un nom de confrérie, mais c’était tout, il suivait en rien les règles de la confrérie, c’était pour lui plus un titre honorifique qu’autre chose.

Autant vous dire que dans l’état actuel, je me sentais tout sauf bien, je venais de courir comme un dératé sur plusieurs mètres, suivant Ty à la trace, coursé par un papy armé psychopathe. Et le pire dans tout ça, c’est que sachant Ty mort, je courais potentiellement derrière un fantôme. Plutôt flippant.

Je ne croyais pas à ces conneries d’esprit, ou même à toutes ces stupidités du genre l’astrologie, science de l’horoscope, l’histoire des âmes qui prennent possession d’autres corps… C’était juste un sujet sympa pour un bon film d’horreur, type Paranormal Activity, mais pas pour la vraie vie.

Certes, je n’étais pas allé de mon propre chef voir ce morceau de pierre où y avait marqué Ty, mais on nous l’avait clairement annoncé, et dans un sens même si j’avais toujours eu un problème avec j’aurais jamais souhaité sa mort, je ne suis pas inhumain à ce point, mais c’est vrai que le voir là face à moi, ça me fait un choc. Etais-je devenu vraiment fou ? C’est la question que je lui posais, s’il était vraiment là à côté de moi, où s’il ne portait qu’un masque… J’en savais rien. Mais vu la situation complètement loufoque et déjantée dans laquelle nous étions, ça ne pouvait être que Ty, je ne voyais personne d’autre capable de s’attirer des merdes plus grosses que lui.

Contre le mur, je posais mes deux sacs à terre, complètement épuisé, et pas près de bouger avant quelques longues minutes. Histoire de rester caché, et ne pas signaler notre position à l’autre vieux fou qui nous suivait comme un missile à tête chercheuse. J’étais bien heureux qu’il ait Parkinson et qu’il convulse en courant, parce que sinon, si ça avait été un tireur d’élite, j’aurais pu avoir mon nom gravé sur la tombe voisine à celle de Ty. Imaginez l’horreur. Quelle fin pitoyable, je mérite mieux que ça. Certainement pas une fin à l’opposé de ma vie actuelle. Et puis de toute façon, je préférais largement finir brûlé et placé dans un pot, que bouffé par des vers une fois enterré. Qu’on soit clair, je ne supporterais pas qu’un si beau corps que le mien subisse un pareil châtiment.

Ty était là, lui aussi adossé contre le mur, et sa cagoule enlevée, c’était bien lui, y en avait pas trente mille sur Terre des Ty, encore heureux me direz-vous, vu l’énergumène. Ou alors c’était son jumeau diabolique fou, ou je ne sais quelle théorie insensée pour essayer d’écarter le fait que c’était un mort-vivant. J’étais loin d’aimer quand des personnages de films d’horreur prenaient vraiment vie. J’étais loin d’être un trouillard, j’ai su le montrer avec brio à Halloween, et personne ne pourra dire le contraire, mais ce qui me faisait le plus peur à l’heure actuelle, c’est mon état. Si j’avais des hallucinations et que je commençais à voir Ty, je perdais clairement la boule.

Puis il me répondit : « Ty Noah Wolf est mort. Il est enterré au cimetière, t'as pas vu sa tombe ? Moi c'est Ty Noah Swan. »

Ouais, ouais, à d’autres. Sur le coup, j’avouais ne pas bien comprendre sa phrase. Encore qu’il se soit fait passé pour mort ça passe, mais qu’il me raconte des idioties pareilles, un peu moins.

_ Tu me prends pour un con, c’est ça ? Parce que t’as changé de nom de famille t’es une autre personne ? A d’autres Ty. Ce que je comprends pas, en revanche, c’est pourquoi tu t’es fais passer pour mort, parce que je suis loin de croire à la réincarnation et tout ce que ces religieux gâteux racontent sur la vie après la mort. J’ai pas vu ta tombe, j’ai entendu parler de ta mort, et sur le coup ça m’a fait peur pour ma santé de te voir face à moi, mais soyons rationnels, t’es Ty, Swan ou Wolf, qu’est-ce que ça change franchement ? T’as la même gueule, et les mêmes problèmes qu’avant. Toujours aussi dérangé.

Une chose était sure, ça m’avait confirmé que c’était bel et bien Ty, bien que j’ai du mal à comprendre ce qui a motivé une telle mise en scène. Il voulait peut-être se faire oublier pour revenir en force et montrer du changement, mais pour le moment, je voyais que ça n’avait toujours pas bougé d’un iota. Toujours en train de se jeter dans la gueule du loup, et attirer les problèmes comme un aimant et essayer de me prendre pour un débile. Je ne suis pas né de la dernière pluie, j’ai quand même un cerveau, que je n’exploite pas certes, mais je suis loin d’être con, sinon je serais encore en train de redoubler en vain la même classe, et non, j’arrive toujours à me démerder pour avoir la moyenne et passer, sans avoir bosser, donc y a un truc. Alors qu’il essaye pas de me faire gober je ne sais pas quoi, le genre d’excuse préfabriquée pour qu’on croit que c’est vraiment une autre personne.

_ Ou alors si t’es pas Ty Wolf, t’es son jumeau diabolique, mais là encore ce serait du grand n’importe quoi. Si tu pouvais juste être sincère pour une fois, ça changerait, parce que niveau mensonges t’es à chier, je sais pas comment t’as fais pour être vu comme un acteur, ou alors les autres étaient encore plus nuls que toi, mais là n’est pas le sujet.

J’étais plus confus que remonté, en vrai, j’essayais de comprendre, et au fond de lui faire cracher, je ne sais pas quoi encore, mais de lui sortir les vers du nez. C’est comme si je décidais de changer de nom de famille et d’aller dire au premier venu, oh non ce n’est pas moi, l’autre il est mort. Ou alors il a un problème dans sa tête, il a fait le deuil de son double conscient, il était schizo et s’est soigné. Je ne sais pas.

Quand il entendit le mot smarties, il se mit à rire, bizarrement, mais il riait, et bien franchement en plus de ça. A croire que je venais de dire la chose la plus absurde. Bon au moins, en vu de sa réponse, il avait enterré avec lui sa stupide obsession pour les smarties… Ou je ne sais quoi, parce que si ça se trouve c’était même pas des smarties, mais de l’ectasie ou une de ces merdes qui vous réduit le cerveau en bouillie. Qui sait, il devait peut-être être dealer, et sous la forme de bonbons de toutes les couleurs ça passait ni vu ni connu. Je ne le saurais jamais vraiment.

_ Au moins, une bonne nouvelle, tu cambrioles quelque chose d’utile, et sans demander gentiment, avec un s’il te plait au bout, félicitations, tu commences à maitriser le métier de voleur. Tu dois être fier.

Ironie quand tu nous tiens. Sérieusement, je n’ai jamais compris la motivation des gens à voler. Ca leur apporte quoi au fond ? D’être coursé, d’être poursuivi à vie, et de devoir vivre terrer dans un trou dans la crainte constante d’être foutu en taule, y a pas plus joyeux, moi je vous le dis. C’est sur que ça doit être cool, d’être constamment stressé… Mais pourtant lui prône la nécessité de le faire, parce qu’il est pauvre. Ah oui, d’accord, son ancien lui est mort et a embarqué toute la fortune avec, que suis-je bête… Comment son argent s’est dilapidé sans lui au bout pour le dépenser ? Bonne question, mais encore une fois c’est un mystère.

_ Je sais, à chaque fois qu’on se voit, je passe pour le mec cruel, dégueulasse, franc et moralisateur, mais je ne peux pas m’empêcher de te dire ce que j’en pense de tes excuses à deux balles. T’as pas le choix ? C’est tout ce que tu trouves à me dire, c’est facile ça. T’as plus de sou, ok, mais fait pas comme tous ces cons qui finissent vraiment dans la rue, tu te dis SDF, mais au fond t’es quand même hébergé quelque part, et vaut mieux parce que sinon tu dormirais au fond d’une cellule à l’heure qu’il est. Eux, ont perdu espoir, ou je sais pas, ils se sont dis, avec un peu de pitié je m’en sortirais, on me donnera des sous, ou alors pas d’études abouties pour se décrocher un job, mais toi Ty, toi, tu as cette opportunité d’étudier à Wynwood, avec quel argent je sais pas, une bourse certainement, alors mets à profit tes études au lieu de faire le con et t’embarquer dans des histoires de gang à dormir debout. Si tu tenais à ton gang, tu n’irais même pas en cours, tu risques d’être à découvert là-haut, mais au fond, tu as un rêve, tu crois à un avenir, sinon tu te casserais pas le cul à obtenir un diplôme, alors au lieu de me dire « oh j’ai pas le choix Sasha », bouge toi le cul, tu as toutes les cartes en main pour te trouver un job à côté, et gagner de la thune pour te nourrir, et l’internat offre des chambres… Alors soit t’as pas envie, soit t’es vraiment con pour ne pas avoir penser à tout ça… Puis, tu dis être le plus rusé, j’ose pas imaginer le QI des tous tes petits copains, ça doit pas voler bien haut dis donc.

C’en était même désespérant. J’avais l’impression d’être un de ces parents qui lui disaient quoi faire, qui lui mâchait le travail, parce que niveau réflexion, on ne pouvait pas dire qu’il s’y connaissait.

_ Tu préfères être pauvre que riche ? Va falloir que tu m’expliques en quoi ça coïncide avec le monologue que tu viens de me faire. Tu es dans l’obligation de voler pour survivre, mais tu préfères rester pauvre. Oui, tout à fait, t’es sur qu’il ne faut pas que tu te débarrasses d’encore un Ty dans ta tête ? Riche, c’est pas le bonheur non plus, mais au moins avoir de quoi vivre, sans craindre d’avoir une balle logée dans la poitrine le lendemain… Fin, je sais pas comment tu raisonnes, mais t’es pas mal dérangé pour aimer la vie de gang, enfin je dis ça je dis rien.

C’était un jour comme un autre, un vendredi, plus particulièrement, et j’avais fini mes options particulièrement tôt, du coup j’avais pris l’initiative de rentrer chez moi tranquillement, préférant passer le week-end dans mon repère de parfait geek, plutôt que m’emmerder à compter les moutons à l’internat. Ca faisait plusieurs semaines que je rentrais, puisqu’il ne se passait rien d’assez intéressant pour que je puisse avoir envie de zoner au lycée. Et puis, je n’habitais pas si loin, donc si je devais sortir j’étais toujours disponible, ça m’évitait juste de devoir subir la solitude le soir, la nuit, le matin, et quand tout le monde dort quoi. A la maison, j’avais mes consoles, mes habitudes, ma télé, toutes ces choses qui manquent cruellement à l’internat. Si je pouvais, je ferais venir quelques consoles, histoire de s’amuser entre PS, mais j’avais toujours peur que ça finisse dans je ne sais quel état après des soirées arrosées, où ils tenteraient de faire boire la console, considérée comme personne à part entière. Du coup, j’évitais, même si l’argent n’était pas ce qui me manquait, loin de là.

Face à mon armoire, je réfléchissais, depuis déjà cinq minutes. Je ne savais pas quelles fringues amener avec, en dehors de ceux à laver. Je profitais toujours de la machine à la maison pour faire ma propre lessive, plutôt que ceux du lycée, un peu effrayants, qui font des bruits métalliques suspects.

Cinq minutes après, j’avais plié à l’arrache quelques hauts, jeans et boxers, avant de fermer définitivement mon sac. Dans l’autre, quelques cahiers de cours pour faire croire à mes parents que je suis dévoué au travail, comme un gentil petit enfant, mon Mac, les chargeurs et d’autres bricoles qui me servent à rien mais que je ne peux me résoudre à jeter.

Suite à quoi, je fermais à clé ma chambre, salua quelques potes et partit en direction de chez moi, à pied. D’habitude, je prenais la voiture, mais mes parents en avaient eu besoin, et je n’aimais pas du tout prendre le bus, c’est pourquoi je préférais user de mes deux jambes comme moyen de transport pour rentrer, et puis ça me faisait un peu d’exercice, bien que ça ressemble en rien à ceux que Matthew me fait faire lors de nos entrainements.

Je plaquais mes écouteurs dans les oreilles, et marchais, me prenant la fumée dégueulasse des pots d’échappement en plein visage, me faisant décoiffer par les voitures qui roulaient à une vitesse phénoménale à côté de moi, et me faisant klaxonner quand je descendais du trottoir pour éviter une merde de chien, ou des poubelles qui débordent. Finalement, rien ne vaut un trajet en voiture.

Puis, je tournais dans une rue, beaucoup plus calme, avec une circulation moins dense. Il semblait n’y avoir personne, jusqu’à ce que j’entende des bruits suspects, des voix qui s’élèvent, et des coups de feu. Des coups de feu ? Pourquoi est-ce que les merdes n’arrivent qu’à moi ? J’allais rebrousser chemin, puis je pris la décision de marcher vite, histoire de dépasser la maison dans laquelle des meurtres étaient probablement en train d’être commis, mais je percutais quelqu’un.

Alors ce quelqu’un, quand je relevais la tête, faillit me faire faire un arrêt cardiaque en deux millième de secondes. Alors soit je devenais fou, soit j’avais un fantôme en face de moi. Ty était mort, et là il était face à moi, en chair et en os, et étonnement en vie. Je clignais des yeux, me les frottais, me pinçais, histoire de vérifier que je ne rêvais pas. Mais non, il était là.

_ Merde Ty, t’étais pas censé être mort toi ? Je deviens fou là.

Du moins, c’est tout ce que j’eus le temps de dire, parce que devant nous se pointa un petit vieux boiteux, aux cheveux grisonnants, et à la peau fripée comme un raisin sec, avec un fusil en main. Je savais pas contre qui il en avait, mais une chose était sure, Ty apportait toujours le malheur avec lui. Pas une seule fois, nous nous voyions sans risquer notre vie. Ce mec était un film d’action à lui tout seul.

C’est pourquoi, quand il me tira avec lui, je ne pipa mot et le suivais simplement, sans poser de questions. Sac sur le dos, plus l’autre en main, j’avais un poids qui me retardait sensiblement, pourtant je courais à en perdre haleine, histoire de pas voir une balle se loger au creux de ma tête dans les secondes qui suivaient. Le pire, c’est que le vieux était persuadé que j’étais son complice, merde merde merde, pourquoi je suis toujours là où il ne faut pas, au mauvais moment ?

On continue à courir, et il me fait signe de le suivre, on se cache, on attend encore puis plus rien. Je souffle, soulagé, mais essoufflé également. La course m’a totalement épuisé.

_ Pourquoi est-ce qu’à chaque fois que je suis avec toi, il nous arrive quelque chose de carrément dingue, où on risque potentiellement notre vie. T’as la mort qui te colle au cul ou quoi ? D’ailleurs, je me répète, mais t’es pas censé être mort toi ? Ou alors t’es comme Jesus tu ressuscites ? Parce que là je comprends vraiment plus rien.

Le temps que je me calme, que je m’assois dans un coin, et que je boive un coup, j’avais une tonne de questions qui me trottaient dans la tête.

_ Puis, pourquoi il te coursait le vieux là ? Il s’est passé quoi ? Ne me dis pas que t’as repris tes stupides activités de gang. Tu lui voulais quoi, des smarties aussi ?