Une bouteille à la mer (PV Aza)

Une bouteille à la mer.

« Il est certain, que jamais je n’aurais pu imaginer, il y a quelques temps, que je tombe un jour sur une lettre, sur ce bout de papier où l’encre y a coulé avec des sentiments, des confessions, un besoin d’expression. Pourtant cela m’est arrivé, alors que malgré mon choix de rester en retrait socialement parlant, j’avais besoin de parler, d’évacuer, et il se trouve que grâce à ça, j’ai pu te rencontrer. Ainsi, oui, comme je te l’avais déjà précisé, je jouerais le jeu jusqu’au bout, m’offrant à toi, t’accordant ma confiance. Bien que je ne te connaisse pas vraiment, elle te revient de droit.

Tu en as assez ? Quel a été ce changement qui t’as poussé à soudainement vouloir t’éloigner de cette solitude, que tu recherchais ? Au fond, je peux te comprendre, malgré la distance que l’on veut bien se donner avec les autres, on ne peut jamais vraiment s’en éloigner, se déshumaniser, puisque sans le social, nous deviendrons de pauvres âmes en peine, aliénées. Ce pourquoi, je peux très bien saisir ce choix, de vouloir s’ouvrir un peu plus, aller de l’avant, et c’est avec plaisir, que je t’aiderais à y parvenir, déjà par cet échange qui ne pourra être que bénéfique.

Au contraire, je ne trouve pas ton appréciation quant au lever du soleil, fleur bleue, ni même romantique, mais compréhensible. C’est un cadeau de la nature, et quiconque pourrait être émerveillé par ce spectacle, ces couleurs chatoyantes qui subliment le ciel. Ce n’est en rien une réflexion qui puisse être considéré de cucul, vraiment au contraire, c’est une bonne chose, que de savoir apprécier les belles choses que nous offre ce monde, je trouve que cela a même un côté bien plus poétique, et cela prouve que tu portes une attention toute particulières aux choses qui t’entoure, aussi simple et banales soient-elles.

Je dois avouer partager ce sentiment d’impatience, que j’essaie de combler tant bien que mal avec mes activités, sans résultats. Sans cesse, me revient à l’esprit cette conversation que nous avons engagés, et l’envie d’en savoir également davantage à ton sujet. C’est un véritable supplice que d’attendre trois jours, à chaque fois, mais ça en vaut toujours la peine, et après avoir pesté, et m’être acharné contre le temps, j’en oublie ma colère et mon manque de patience instantanément. Je pourrais presque dire, même si je n’y crois pas dur comme fer, que c’est un peu du bonheur en bouteille. Cette part de joie que je n’ai guère au quotidien. Un petit espoir qui renait, c’est vraiment ce que m’apporte cette conversation, elle me fait du bien.

Tu dessines ? Depuis combien de temps ? Cela me plairait de voir un jour tes œuvres. Je dois avouer ne pas avoir un don pour cet art fascinant, pour lequel je porte un intérêt certain pourtant, mais je ne crois pas être quelqu’un de manuel, je me sers plus de ma tête que de mes mains, peut-être ne suis-je tout simplement par une personne faite pour ça, hormis le violon. Mais c’est sans doute mieux ainsi, malheureusement j’ai deux mains gauches en ce qui concerne la réalisation de croquis. Cependant, ce serait vraiment intéressant de voir de quoi il retourne de ton côté.

En dehors de l’escalade, tu pratiques un autre sport ? Dis-moi tout. Et par rapport à l’écriture, je n’ai pas la chance de lire tes écrits, mais l’aperçu que tu me donnes au cours de tes lettres me suffit pour en conclure, que tu as une belle plume, qui m’impressionne tout particulièrement, je tenais à te le dire.

Et en tout cas, je trouve ça formidable de vouloir profiter de la vie comme tu le fais, c’est la meilleure solution après tout, pour ne pas nourrir des regrets par la suite, j’imagine. On a qu’une vie, au fond, et pourquoi vivre si l’on ne peut pas profiter ? Certainement la raison pour laquelle je me pose fréquemment des questions sur la raison de notre présence sur terre… Tu dois me trouver étrange, à me poser tellement de questions, à fins philosophiques presque, mais ma curiosité est telle, que je cherche des réponses, pour tout et rien, parfois j’en trouve, parfois pas. Le monde qui nous entoure est fascinant, et tout a un mystère qu’on cherche à tout prix à découvrir. Des questionnements rhétoriques aussi.

Mon moment préféré dans la journée ? Et bien, je dirais sans hésiter le soir, quand le soleil commence à disparaître calmement, loin à l’horizon, laissant dans son sillage les dernières couleurs pastel, et les premières étoiles qui apparaissent dans le ciel. C’est un tableau que j’aime admirer, et l’arrivée de la nuit, entraine indubitablement, le calme, la quiétude. C’est un moment fort agréable, où il ne fait pas encore tout à fait froid, et où l’effervescence de la ville diminue pour laisser place à une ambiance bien moins agitée, et préférable à mon côté plutôt calme et non intrépide, turbulent.

Dans l’anodin, je dirais que c’est le côté imprévisible, inattendu, un peu comme toi, en fait. Quand, soudain un événement bouscule le quotidien, sans crier garde, et vous offre une possibilité de passer à côté de cette routine banale, je dirais vraiment que ce qu’il me plait dans l’anodin, c’est l’anodin lui-même purement et simplement.

Tandis que dans le journalier, je ne suis attiré que par quelques détails. Je n’aime pas la routine matinale, poussant à se lever, sans réelle motivation, se dépêcher pour ne pas arriver à la bourre, se presser, se stresser, se mettre la pression, que de mauvaises choses, c’est déplaisant d’être contraint, cela met de mauvaise humeur. Tandis que les choses qui sont récurrentes et qui continuent à plaire malgré tout, ce sont les saisons. Bien que j’apprécie davantage un été chaud, je ne crache jamais sur un peu de neige, me rappelant ma tendre enfance, où je me jetais à terre sans avoir peur d’un vilain rhume. Je pense qu’au final, tout ce qui n’est pas attrait à une création de l’homme a de l’intérêt. Qu’en penses-tu ?

Oh non, au contraire, tu ne me fatigues pas le moins du monde, c’est un réel plaisir de te lire, et je t’encourage à continuer, le moindre détail me permet d’en apprendre plus à ton sujet, et cela m’intéresse vraiment. Et au fur et à mesure, que je te lis, te découvre, je nous trouve des points communs, et me rends compte que je te comprends bien plus que je ne pouvais me l’imaginer. Les sentiments sont des choses bien complexes à vrai dire, et chacun est libre de les exprimer, ou de les garder pour soi, rester impassible. J’imagine que derrière ta solitude, tu as du garder un certain recul, et forcément te protéger des autres en restant impassible, mais n’étant pas le moins du monde insensible, je comprends tout à fait, puisqu’il en est de même pour moi. Souvent, je me la joue Poker Face, mais comme tout être humain, je réagis différemment, et il m’arrive autant de sourire, ou même de pleurer, même si cela est une chose qui arrive que très rarement. Chacun à sa façon d’être et de réagir en fonction de la situation qui se présente à lui.

Le mot ami, me touche tout particulièrement, vraiment et sincèrement. Pour la simple et bonne raison que j’ignorais la définition exacte de ce mot avant que je te rencontre. L’amitié n’avait pas de sens propre à mes yeux, puisque je n’ai jamais pu vraiment m’enivrer de cette sensation agréable, un amour réciproque envers d’autres personnes, de la confiance, des bons moments. Cependant, grâce à toi, je commence à comprendre, et je peux ainsi dire de même que je te considère comme un ami également. Et ne pas connaître ton nom, pour le moment ne m’importe pas vraiment, puisque cela ne nous empêche pas de continuer à parler, sans pour autant être dérangé, du moins à mes yeux cela n’a pas autant d’importance que le contenu de tes lettres qui me font toujours autant plaisir.

La peur du vide, je ne sais pas vraiment d’où elle me vient, ni comment elle est arrivée, mais elle me prend aux tripes, quand je viens à m’élever trop haut, et la peur me fige, me paralyse, je ne réponds plus de rien. Je ne sais pas à quoi c’est du, et parfois c’est un peu gênant, quand il me vient de devoir changer une ampoule, ou rien que passer sur une grille, sur les trottoirs. Le vide crée un malaise énorme, et la peur de dégringoler sans jamais tomber, doit certainement venir de mauvais cauchemars, ou peut-être à cause de la mort de mon père, qui a fait une mauvaise chute, très mauvaise chute en réparant le toit. A vrai dire, je ne saurais vraiment dire si c’en est la cause, puisque je l’ai développé bien avant son décès. Si elle s’est accentuée par la suite ? Possible.

Néanmoins, je vais devoir m’arrêter ici, avec regret, mais je ne peux aisément pas continuer à écrire, et tout révéler maintenant, il faut que j’en garde pour la suite, puisque j’espère toujours qu’il y aura une suite, et j’en suis persuadé, j’y crois. Pour la prochaine lettre, il faudra la déposer sagement dans un coin sur le toit, lieu peu fréquenté où admirer le ciel est possible en toute tranquillité.

Bien à toi, G. »

L’inspiration m’était venue, d’un coup, et sans retenue j’avais laissé ma main guider ma plume sur la feuille, en remplissant plus que de coutume. Sans me rendre compte, j’avais vraiment écrit beaucoup cette fois-ci, mais mon impatience avait été telle, que cette écriture m’avait libéré, et c’était clair, ça avait été libérateur. Sur ce, après trois jours, après avoir écrit la lettre, je partis la déposer à l’endroit prévu, derrière un rideau, avant de repartir l’air de rien.


Code ▲ RomieFeather