Eris Melody, ou la Discorde en musique... [Terminée]

« Un corps élégant. Une prestance qui ne tient que d'elle. Un port de tête marqué, une silhouette longue et fine aux formes légèrement épurées, comme si on les avait légèrement gommées. Eris est plutôt belle, dans son genre. Elle respire la grâce, une grâce qu'elle entretient d'ailleurs sans aucun souci. Elle aime à être propre sur elle, même si l'élégance n'a rien à voir avec le reste de sa personne. Car finalement notre princesse n'a rien de réellement élégant. Elle s'habille généralement de blanc ou de rouge, on ne la verra jamais en noir : ses cheveux ont la couleur du sang, ramenée en quelques anglaises attachées sur le sommet de son crâne, décorées de grelots, de rubans soyeux et d'autres instruments divers et variés. Elle ne choisit rien au hasard, et se trouve parfaitement belle dans son style dépareillé et légèrement gotique. En fait c'est un style qui n'appartient qu'à elle : chaussettes à rayures, robes ou t-shirts troués et déchirés, maquillage ourlé d'un rouge sanguinolent, pour elle rien n'est choisi à la hâte. Comme beaucoup de femmes elle passe du temps à choisir tout son maquillage avec soin. Elle affectionne tout particulièrement de dessiner des coeurs sous ses yeux, coeurs pleurant en général des larmes de sang. Oui, vous l'avez constaté, le mot "sang" revient souvent dans sa description physique : mais après tout c'est à partir de là que la jeune femme fabrique toute son apparence. Des doigts de pianiste, des jambes au galbe élancé et parfaitement proportionné... rien à voir avec sa poitrine, qu'elle juge trop petite, et ses hanches qu'elle juge trop étroites. Finalement notre rebelle ne ressemble pas vraiment au commun des mortels : en effet, son surnom étant enfant était "la sorcière". Pas pour rien finalement... et qu'est-ce que c'est que cette paire de rangers noire qu'elle trimbale sans cesse avec elle ?! »

« Elle est dans un rêve permanent. On dirait qu'elle ne pourra jamais en sortir, à moins de proprement réfléchir, et de trouver l'idée juste. Elle est torturée. Elle est stupide. Mais incroyablement maline. Incroyablement intelligente, non prude et on ne peut plus fine. On pourrait la croire cruelle, froide et rebelle. Et on aurait bien raison de penser ça, maintenant que j'y réfléchis. La jeune femme a le caractère d'un serpent. Silencieuse, elle n'aime pas le contact des autres personnes, et le fuit autant qu'elle le pourra. Moins il y a de monde, mieux elle se porte. Au final, elle ne sait pas vraiment ce que c'est, progresser dans la vie, puisque pour elle tout n'a été que régression. Vous aimeriez bien le savoir pas vrai ? Mais vous ne saurez rien. Eris dispose d'un panel absolument terrible de secrets qu'elle cache dans son coeur. Et elle les gardera, quitte à tuer pour qu'ils ne soient pas dévoilés. Elle est un mystère à elle toute seule, et seul son sujet peut témoigner du peu d'affection qu'elle apporte au genre humain, cette méprise qui pourrait s'apparenter à une violente misanthropie. Elle méprise les valeurs humaines et morale telles que l'amour, le respect, la protection, le devoir d'aider son prochain. Elle ne vit que pour elle, et cherchera à briser quiconque tentera de mettre fin à sa rêverie. Férue de musique, sa voix est un véritable trésor pour les oreilles : mais qui l'entendra, puisqu'elle ne chante jamais en public ? C'est, de plus, une férue de philosophie. On la trouvera généralement posée, dans un coin, assise en tailleurs contre un mur ou un arbre, munie d'un bouquin, de son violon et d'une paire d'écouteurs d'où jaillira une musique puissante, et correctement violente.
En bref, Eris est l'archétype même de la conne : et vous imaginez même pas à quel point elle aime ça. »

« Je suis née à Madrid. De mère espagnole et de père anglais, notre richesse n'avait d'égale que notre célébrité dans la ville. Ma mère, la bobo par excellence, appréciait de foutre tout son fric par les fenêtres pour sauver les bébés baleines. Je ne voyais que peu mes parents. Mon père, avocat, ma mère, ministre renommée, n'étaient pas souvent dans notre manoir pour s'occuper de leur fille chérie. Enfant déjà, j'étais un véritable démon, et je menais une vie impossible à Filipa, la nourrice payée grassement pour s'occuper de moi. Cette femme était un véritable trésor de douceur. Mais pas moi. Déjà petite, je la faisais tourner en bourrique, pour me venger de cette mère et de ce père trop absent. Je voulais sortir de l'infamie dont ils faisaient preuve envers moi, à savoir me dire bonjour une fois par semaine et m'offrir un cadeau bien cher sur le marché. Je n'en avais rien à faire. La plaisanterie dura quinze ans, jusqu'à mon entrée dans un lycée fort onéreux, en Espagne. Mes parents m'avaient placée en pensionnat, pour que je cesse de martyriser ma jeune soeur Alexandra, de six ans. Je n'y pouvais rien si je méprisais ma famille. Pour moi, ils m'avaient lâchement abandonnés. Et je ne pourrais jamais pardonner une telle infâmie. J'étais cependant douce et gentille avec les autres, attentionnée avec mes amies, et joyeuse. Pourquoi suis-je devenue quelqu'un d'autre à présent ? Je l'ignore. Non, en fait. Je le sais parfaitement. J'ai souffert, trop souffert. J'ai un secret. Des secrets. Enfouis dans mon coeur, que je ne veux pas faire sortir, par peur de déplaire ou d'effrayer. Je ne peux pas me faire juger par mes actes manqués. Je ne veux pas être dévorée, rongée par la souffrance. Pourtant il est temps. De tout expliquer. De m'enfuir, de laisser faire. Je voulais partir. Mais la providence m'a dépassé, avant que je fasse le moindre geste.

Je m'en rappelle encore, de cette missive express que j'avais reçu dans mon pensionnat. Elle disait que mes parents étaient morts avec ma petite soeur d'un accident de voiture. Collision avec un camion de tomates. Tout le pays était en deuil, mais certainement pas moi. C'était le pensionnat qui était à présent responsable de moi, et toute la fortune qui m'avait été léguée dormait profondément dans un compte en Suisse, et ce jusqu'à ma majorité. J'avais la certitude que je pourrais m'en sortir, et si le pays était en deuil, pour moi il n'y avait pas eu meilleure nouvelle de toute ma vie que la mort de ces parents que je méprisais. Deux ans s'écoulèrent pasiblement dans le pensionnat, calmement. Jusqu'à ce qu'il arrive.

Jusqu'à ce que tu arrives...

Un professeur de philosophie. Il avait quoi, trente ans ? Je ne lui aurai pas donné plus. Mais nous nous sommes plus. Nous nous sommes si vite plus. Lui, cheveux légèrement bouclés et chatain clair, un air timide peint sur le vsage comme une seconde promesse. Il respirait la beauté juvénile dont il n'avait pas encore réussi à se débarasser. Moi, dix-sept ans, une gamine aux allures de femme, à la tenue dépareillée aux couleurs violentes. Je n'étais pas très douée en philosophie. Je n'avais pas de raisonnement logique. Et lorsqu'il se proposa timidement de m'aider, je sentis que la brèche était en train de s'ouvrir à moi. Tout commença par des cours particuliers, donnés une heure tous les deux jours à dix neuf heures, dans la salle de permanence. Puis des promenades journalières, à midi, dans l'immense parc du pensionnat. Tous les sujets de conversation étaient traité, tous. Nous nous apprivoisions, nous apprenions à nous connaître. Il s'appelait Liam. ça lui allait si bien, Liam. Liam Nasri. Et il ne me fallut que trois mois pour que je tombe follement amoureuse de lui. Un amour qui fut réciproque.

Je le voyais tous les jours. Parfois même, j'allais en cachette dormir dans sa chambre. Il m'apprit toute la tendresse de l'acte amoureux, me montra tout son attachement et son affection. Pour la première fois je me sentais aimée de quelqu'un. Et ça me plaisait. La tête pleine de projets, nous voulions avancer, plus loin, toujours plus loin.

Jusqu'au jour de mon anniversaire. Le jour de mes dix huit ans, j'appris qu'il était marié depuis trois ans. Marié. Comment avais-je pu être aussi stupide ? La haine s'insinua en moi, et ne voulut plus me quitter. Je haïssais ce fieffé menteur. J'avais la rage dans mon corps, dans mon sang. Ce que je fis ? Je refuse d'en parler. Il vous suffira pour cela de découvrir mon secret. Mes secrets...

A dix-neuf ans, je quittais le pensionnat, pour m'inscrire à Wynwood. J'étais recherchée, et il n'y avait sans doute que dans cette école que je me ferais oublier. J'avais changé radicalement de caractère. J'étais devenue... une sorte de monstre. Silencieuse et cruelle. Tuer, ne me dérangeais plus. Cela m'amusait même. Comment avais-je pu en arriver là ?

Vous aimeriez le savoir, n'est-ce pas... »