Young and Beautiful [PV Aiden] -Terminé

La jeune femme me dit qu'elle se demandait parfois si l'on avait que ce que l'on méritait. Je n'étais pas d'accord non plus. Certes, j'avais ce don de mettre dans des ennuies plus gros que moi, car dans le fond, je n'étais pas quelqu'un d'entièrement bon, je ne prétendais pas l'être d'ailleurs. J'aimais cette adrénaline, cette liberté, mais aussi, j'aimais me battre, m'affirmer, me prouver que j'existe et que je peux être fort, dominer, avoir le pouvoir de faire ce que bon me semble. Mais nous avons tous notre par d'ombre, non?

« Ca m'étonne d'entendre de tels mots de ta part... »

Après ce qu'elle avait vécu... Elle pensait l'avoir mérité? Qui mérite d'être enfermé des mois avec un fou comme compagnon? Est-elle sadique? Se hait-elle à se point, pour ne pas se respecter ainsi?

« Je pense plutôt que la vie est ce qu'il y a de plus injuste. On ne décide pas grand chose, on subit... »

Je n'avais pas choisi beaucoup de choses dans ma vie, elle était battis sur une suite de causes à effets. La police n'avait pas aidé non plus Vicky, ce qui ne m'étonna pas tant que ca, je n'avais pas beaucoup d'estime pour les policiers, ils étaient si facile à berner, et si long à comprendre...

Le jeune femme se justifia ensuite, sur le crime que j'étais à présent certain qu'elle avait commis. La survie. Ce n'était pas très différent de la protection que je revendiquais. On survit en se protégeant. En fait, j'eu plutôt l'impression que Vicky me reprochait ca car elle se le reprochait à elle-même. Elle regrettait car elle aurait préféré fuir.

« On n'a pas toujours le choix. »

Lui répétai-je à nouveau, pour l'apaiser. Elle s'était surement retrouvée dans la situation de tuer ou être tué. Pour moi et mon instinct de survis ultra développé, ce choix n'en était pas un, car je n'envisageais pas une seconde de me laisser mourir sans me battre, quitte à devenir quelqu'un d'autre. Un meurtrier. La seule raison pour laquelle j'aurais pu mourir aurait été pour protéger mes proches, comme Jack, le frère d'Alma, l'a fait pour moi. Dans un cas de figure comme celui de Vicky, c'était une fatalité, non un choix. Mais j'avoue que me concernant, je rentrais souvent dans le tas, même quand je pouvais fuir, car dans le fond, j'aimais l'action et je ne voulais pas louper une occasion de me battre, de prendre des risques.

La jeune femme me fit connaître son point de vu sur les armes, qu'elle détestait, tout comme les hommes qui les utilisaient. Elle me détestait donc, et curieusement, cela ne m'étonna pas tant que ca. Pour elle, j'étais comme tous ces types cruels et sans coeur, qui n'hésitent pas à faire du mal dès que l'occasion se présente. Et dans le fond, elle n'avait pas tort. J'étais quelqu'un de violent, d'impulsif, et j'en avais conscience, inutile de le nier. Je ne me contrôlais pas, je pense que mon passé y était pour beaucoup, mais cela n'excusait rien. Je pouvais comprendre son point de vue, car parfois je me détestait moi-même, mais je ne pouvais y adhérer tant ce monde des armes et de la violence était le mien. J'avais toujours trempé la dedans, depuis mon plus jeune âge. On ne se sort pas de son univers comme ca, c'est lui qui vous créé et fait ce que vous êtes.

J'enlève mon regard de la route pour le tourner vers elle lorsqu'elle dit qu'elle s'est haïs à la seconde où elle avait posé son couteau. Je ne lui avais pas demandé de détail, elle est une inconnue pour moi, et pourtant, elle me parle de choses intimes, secrètes. Car je peux la comprendre. Sa phrase, ses mots, son ressentiment font écho en moi, au plus profond de mon être. Je sais ce qu'elle ressent. Et avec un couteau, je sais que c'est beaucoup plus choquant que de tirer avec un pistolet. Il faut en vouloir... vraiment. Planter plusieurs fois son arme dans le corps dur de sa victime, recevoir son sang chaud qui gicle, vous aveuglant, entendre le déchirement de sa chaire... Vicky est marquée de ces images, tout comme j'ai les miennes. C'est bien pour ca que je préfère avoir une arme digne de ce nom, pour faire les choses rapidement, facilement, ne pas m'attarder, ni m'apitoyer.

Vicky déclara qu'elle était morte le jour où elle avait du tuer, qu'elle n'était plus celle qu'elle était.

« Oui, je sais... »

Répondis-je calmement.

« ...je sais ce que tu ressens. »

J'étais passé par là moi aussi, même si nos situations n'étaient sans doutes pas comparables. Je soupirai, repensant à la première fois que j'avais tué. C'était celle qui m'avait marqué le plus, évidemment, surtout qu'il ne s'agissait pas de tuer un inconnu... mais quelqu'un de proche, que je haïssais néanmoins, mais sans qui j'aurais eu une toute autre vie. J'avais pris conscience pour la première fois du danger que je représentais, pour les autres comme pour moi-même. Mon impulsivité m'avait contrôlé, poussé hors de moi. J'avais été profondément marqué par mon acte, ne me reconnaissant plus... J'avais passé des mois à me reconstruire. Et sans doutes ne l'étais-je toujours pas entièrement aujourd'hui. Et puis j'avais tué d'autres gens... Une fois que vous aviez passé le pas, tout basculait, prenant une autre dimension. La morale s'assouplissait, vous trouviez des excuses, des circonstances atténuantes pour choisir la facilité. Plus de distinction réelle entre le bien et le mal. Rien n'était grave. J'avais mes propres raisons, et le plus souvent, je n'avais pas le choix, mais tout de même, j'aurais pu emprunter un autre chemin. Comme j'avais déjà tué une fois, je savais que j'en étais capable, et que rien ne m'empêchait de le refaire... alors je l'avais refait, et plusieurs fois même, comme si finalement, j'y avais pris goût. J'avais la haine. Contre tout. Et je me vengeais. J'envoyais tout en l'air, les conséquences n'ayant plus d'importance au stade où j'en étais. J'étais un meurtrier. Et ca me dégoutait de voir les choses sous cet angle. Je me haïssais.

La jeune femme me tira soudain de mes pensées, me demandant pourquoi je lui parlais de ca. Elle se mit à pleurer à chaudes larmes, ce qui me fit me garer sur le bas côté, car je sentais que je ne maitrisais plus cette situation. Nous étions presque arrivés. Elle aurait même pu descendre ici si elle le voulait, afin de me fuir, moi et la violence que je représentais pour elle. Je ne répondis rien à sa question. N'était-ce pas elle qui m'avait parlé de mon arme, puis de son dessin de meurtrier? Ce n'était pas le moment de l'accuser ou d'être de mauvaise foi. Pour faire la conversation, il fallait être deux, j'avais mes torts également. Au lieu de ca, je regardai à nouveau le dessin, comprenant que Vicky s'était elle-même représentée. Repensant à ses paroles, je relève mes yeux vers elle et déclare:

« Tu es toujours une femme tu sais... »

Je voudrais lui essayer ses larmes, mais je n'ose pas l'effrayer, alors je reste immobile, comme si je n'étais pas digne de la toucher. Je voulais même rajouter qu'elle était une femme charmante, mais je m'abstiens, redoutant qu'elle trouve cela approprié.

« Tu as commis des erreurs, mais l'erreur est humaine. Personne n'est parfait. Tu n'avais pas le choix, tu as fais comme tu as pu. Ne te torture pas en te rendant plus coupable que tu ne l'es, ou en voulant changer les choses... Le vrai coupable, c'est celui qui t'a enfermé. Le fait que tu regrettes et que ca te ronge prouve que tu as un coeur et que tu es quelqu'un de bien. »

Sinon, jamais elle ne se serait mise dans un état pareil. J'évitai de penser à ce qu'il en était me concernant, car moi, je ne ressentais plus cette culpabilité depuis un moment déjà... Je m'étais fait à l'idée. J'étais dépourvu de compassion pour mes victimes, que je haïssais profondément. Et j'avais répété mes erreurs, contrairement à elle. Même si j'avais toujours mes cauchemars et mes vieux démons qui me hantaient... Je lui faisais la morale, parce que je savais que je valais bien moins qu'elle. Je ne voulais pas qu'elle se mette dans un tel état, par ma faute.

« Je ne peux pas en dire autant de moi. »

Je me sentais lamentable.

« C'est normal que tu ne sois plus la même après ca... Qui le serait? Tu n'aurais jamais du vivre de telles choses... »

Moi, j'avais connu la violence tout jeune. Elle faisait partie de ma vie. Mais elle. Elle me paraissait si fragile, si vulnérable. Elle ne venait pas du même monde que moi. Pourquoi était-ce tombé sur elle? C'était tellement injuste. J'éprouvais une telle haine contre la vie. Contre son bourreau pour lui avoir infligé ca. Elle avait fait ce qu'elle avait du pour se sortir de cette situation, et maintenant, elle en était choquée à vie. Sa vie ne serait plus jamais la même. Tout comme elle. Elle avait perdu celle qu'elle était, et c'était un point de non retour. Je m'étais perdu moi aussi, mais il y avait de cela bien longtemps déjà...

La jeune femme ne me répondit pas lorsque je lui avais demandé spontanément si elle avait déjà tué quelqu'un. Aucune réponse. Mes sourcils se froncèrent. Je ne trouvais pas ca normal. Elle aurait du me répondre tout de suite un truc du genre 'bien sur que non'. Mais rien. Elle avait donc tué. Son silence était pour moi comme un aveux, révélateur. Mais qu'est-ce que cela changeait au juste? Je n'allais pas la juger. J'étais dans le même cas. Elle me coupa ensuite, affirmant que nous avions toujours le choix.

« C'est faux ! »

M'exclamai-je hors de moi, la coupant aussi subitement qu'elle m'avait coupé. Je n'avais pas eu beaucoup le choix dans ma vie, j'avais toujours du faire avec, comme on dit, m'adapter à tout un tas de conditions extrêmes, horribles. Ma vie m'apparaissait parfois comme une fatalité. Quand j'étais dans la merde, j'avais beau tout essayer, il était difficile d'en sortir. Je ne choisissais pas d'en arriver là. Tout comme je n'avais pas choisi mes actes. Je n'avais pas le choix. Cette phrase que je me répétais dans ma tête me permettait de supporter beaucoup de choses. J'étais coupable, certes, mais j'avais des circonstances atténuantes. Je n'aurais pu le supporter sans cela.

Elle me dit ensuite qu'elle avait le choix. Je ne savais pas très bien de quoi elle parlait, où elle voulait en venir. Elle avait eu le choix de tuer, et elle avait tué? C'était ce que je devais comprendre? Qui avait-elle tué, son bourreau? Elle m'appris que ce n'était pas lui représenté sur ce dessin, alors qui était-ce? Ce qu'elle me fit ensuite concernant Zona me mit la puce à l'oreille, car ces paroles là, je les avais fortement pensé. Je m'étais répété plus de mille fois que je n'étais pas quelqu'un de bon pour elle, qu'il valait mieux que je la quitte, car j'allais lui attirer des ennuies. Évidemment, je n'allais pas avouer ca à la brune à côté de moi, après tout ce que je lui avais dit. Surtout que maintenant que je sortais avec Zona, mon point de vue avait quelque peu changé. Elle me rendait meilleur, et je voulais croire, pour elle, pour nous, que j'étais capable de la protéger, vraiment.

C'était assez étrange de voir à quel point Vicky me ressemblait dans ce qu'elle disait, ou ce qu'elle avait fait. Pourtant, nous n'avions vraiment rien de comparable à première vue, nous étions même tout l'opposé. Elle, petite, fragile, et moi, froid et impassible. Mais nous avions eu notre dose de malheur, peut-être même plus que la dose, alors nous pouvions nous comprendre sur certains points.

Un silence s'installe. Je ne lui demande pas plus de détails sur ce qu'elle m'a avoué. J'ai bien compris qu'elle avait tué quelqu'un, mais je ne veux pas en savoir plus. Elle a ses raisons, son passé, ses secrets. Tout comme j'ai les miens. Je n'ai aucune envie de parler de ca, et je sais qu'elle aussi. Alors pourquoi insister? Je passe sur un motte de terre, ce qui secoue la voiture. La jeune femme revient ensuite sur mon arme. Décidément, ca l'intrigue. Elle ne comprend pas ma façon de me défendre. La défense par l'attaque... c'est pourtant bien connu.

« On ne peut pas toujours fuir... Sans mon arme, il y aurait bien longtemps que je ne serais plus là. »

J'avalai ma salive, convaincu par mes paroles, puis je développai:

« Je n'ai aucune chance de m'en tirer sans, crois-moi. C'est ma seule option. Les types qui veulent ma peau n'en sont pas à leur premier coup, et ils sont très forts à ce jeu là. »

Avec ces sales types, je n'avais vraiment pas l'impression de me salir les mains. Certains ne méritaient que ca, je rendais service à la société en les éliminant. Certes, je n'avais pas eu à faire qu'à des malfrats, mais les autres, je les blessais juste, j'évitais de les tuer lorsque je le pouvais.

« La police ne peut rien contre ces types, sinon, il y a bien longtemps qu'ils seraient en taule. »

Tout comme moi d'ailleurs.

« Et puis... C'est compliqué, c'est des vieux règlements de compte... »

Ni l'un ni l'autre ne tenait à ce qu'un flic vienne fourrer son nez dans ces histoires. D'ailleurs, les flics étaient des hommes comme d'autres, ils avaient beau porter l'uniforme et les armes, ils n'étaient pas des hommes de la rue comme nous, ils n'avaient pas connu nos galères pour survivre jour après jour. Je décidai d'orienter la discussion sur elle, car j'avais l'impression d'en avoir beaucoup trop dit. Enervé contre moi-même, je voulus me venger en en devenant indiscret. Mais comme elle semblait me reprocher mon attitude, je lui reprochai la sienne.

« Alors dis-moi, puisque toi tu as toujours le choix et que tu préfères te protéger en fuyant... pour quelles raisons tu l'as fait, hein? Parce que tu l'as fait, n'est-ce pas? »

Tuer quelqu'un. Oui... Elle l'avait fait elle aussi. Chacun ses excuses, ses circonstances atténuantes. Quelles étaient les siennes? Comment arrivait-elle a chasser cette culpabilité d'avoir pris une vie? Elle avait forcément un moyen... J'étais direct. J'étais blessant. Mais j'étais à vif. Ses paroles me révoltaient, car sa vision était différente de la mienne. Elle se faisait passer pour une sainte, qui n'aime pas la violence, moi je voulais qu'elle me montre son vrai visage. Elle avait ses vieux démons elle aussi, elle n'était pas à sa place pour me faire la leçon de moral.

Je ne répondis rien à la réponse que Vicky me fit quant à sa présence en ces bois. No comment. Elle avait peur d'être seul avec un inconnu... endormis. Ca aurait presque été ridicule si je n'avais pas su quelle était son histoire, son passé traumatisant que je pouvais comprendre. J'avais moi même un lourd passé derrière moi, il faisait l'homme que j'étais aujourd'hui, j'en avais conscience. On gardait des séquelles de tout ce qui nous arrivait. Elle avait été attirée par le bruit. J'étais quelque peu étonné qu'elle ne prenne pas peut en entendant un coup de feu. Mais je pense que la curiosité devait l'avoir emporté sur tout le reste, même si c'était très risqué. J'aurais très bien pu être un dingue, un fou furieux.

Nous nous installâmes dans ma voiture, et je me mis à rouler. Vicky me fit remarquer qu'un flingue pouvait tuer contre sa volonté.

« Une voiture aussi, et pourtant, tout le monde conduit. »

Elle-même était montée à bord, comme une grande. Il y avait surement plus de risque d'avoir un accident de voiture que de tuer quelqu'un inopinément avec un flingue.

« Je ne suis pas novice dans le domaine, je sais ce que je fais... »

Lui fis-je remarquer calmement, car je possédais un flingue depuis très longtemps. Je savais que je ne tuerais personne par accident. Je m'y connaissais bien en armes, très bien même. Sans aucuns doutes bien plus qu'elle. Comme le fait de tuer. Elle me raconta comme cela changeait un homme... Rien n'était plus pareil, tout devenait gris... J'avalai ma salive, quelque peu mal à l'aise. Le fait qu'elle me parle de ca me gênait. Mais qui était-elle pour dire ca?

« Tu as déjà tué quelqu'un? »

Lui demandai-je spontanément, sur la défensive car je me sentais agressé par sa remarque. Je pensais que sa réponse était négative, sinon, elle ne dirait pas ca. Dans ce cas, elle ne savait pas vraiment ce que ca faisait. Moi, j'avais déjà commis pas mal d'erreurs dans ma vie, et j'avais déjà tué. Je me pinçai la langue, me répétant qu'elle ne pouvait rien savoir de moi. Je m'en voulu aussitôt de lui avoir demandé ca, comme si je lui demandais si elle était déjà monté à cheval ou je ne sais quoi. Ma question pouvait la blesser, surtout avec ce qu'elle avait vécu. Mais trop tard, c'était dit. Quant à moi, je ne tenais pas vraiment à me confier sur ce sujet. Déjà qu'elle avait peur de moi... Et je ne parlais jamais de ca. Je rajoutai, maladroitement:

« Désolé, mais je pense qu'on ne peut jamais savoir, tant qu'on n'est pas dans la situation... Et dans la vie, on n'a pas toujours le choix. »

La jeune femme me montra ensuite un dessin. Celui d'un homme. Mes yeux se posèrent sur lui, elle me dit qu'elle ne le considérait plus comme un homme depuis qu'il avait tué... Je baissai les yeux un instant – chose rare pour quelqu'un comme moi- puis je reportai mon attention sur la route. Elle avait dit 'ceci' pour le décrire, et non 'cet homme', ce qui m'avait interloqué.

« Ce type... C'est celui qui t'a enfermé? »

Lui demandai-je toujours aussi indiscrètement, mais au pire elle me remballait. Je n'avais rien à perdre. C'était une question, et pourtant, je l'avais presque affirmé, comme si je le savais déjà. Qui cela pouvait-il être d'autre que ce taré? Je ne voulais pas que Vicky me compare à lui, je ne voulais rien avoir à faire avec lui. Je n'étais pas un taré, j'essayais de m'en convaincre. Vicky ignorait tout de mon passé, et fort heureusement. Mais j'avais l'impression qu'à cause de son bourreau, elle mettait tout le monde dans le même sac: un agresseur potentiel. Or, un meurtre n'était pas toujours un crime. Il y avait la défense, la vengeance, et tout un tas d'autres nuances... l'accident aussi, comme elle l'avait dit mais c'était plus rare.

Alors que j'étais dans mes pensées, elle me demanda ce que je craignais quand je l'ai visé avec mon flingue quelques instants plus tôt. Je sentis une montée d'adrénaline me parcourir en pensant à ca, de la peur peut-être. Elle avait le don de me poser des questions qui dérange, me faire réfléchir sur qui j'étais et ce que je faisais.

« J'ai... Je t'ai pris pour quelqu'un d'autre, c'est tout. »

Répondis-je brièvement mal à l'aise, tentant un regard rapide vers elle, puis me reportant sur la route. L'intersection que je passai tombait bien, car je pouvais feindre d'être occupé avec les vitesses à changer. Je n'avais pas répondu à sa deuxième question, à savoir si j'étais recherché. Etait-on recherché lorsque personne ne savait qu'on était coupable? Comme la jeune femme s'inquiétait pour Zona, je la rassurai à ce sujet:

« Ne t'en fais pas pour Zona, elle me connait depuis plusieurs années maintenant. »

J'apprends qu'Ari à vécu des choses difficiles, j'en suis reconnaissant à cet homme d'être intervenu même si je ne fais qu'y penser au lieu de le lui dire. Je n'étais pas du genre peu bavard, mais il me fallait un certain degrés de sentiment de sécurité pour me mettre à parler comme une pipelette. Avec Seb et Zack, c'était toujours moi qui tenait la conversation, je leur faisais même assez confiance pour leur raconter les aventures que je vivais dans mes pensées. Le sourire de Seb, son regard marron sur moi, ses paupières qui tombent de fatigue, ces souvenirs me font sourire et mon cœur se serre silencieusement de bonheur. Je lui souris quand il me certifie qu'il est sérieux. J'étais loin de tout ça, j'avais avoué à un homme qui ne m'aimait pas mes sentiments et je m'aventurais à désiré un autre hors de ma portée. Je parles des bois, avec amertume, oubliant totalement que j'étais l'une de celle que je critiquais au final.

« Dans ce cas qu'est-ce que tu y faisais? »

Je regarde sur le côté, me sentant idiote. Il pourrait me trainer avec des menottes, j'aurais certainement la même mine dépressive sur le visage.

« Je me suis endormie dans le bus et le conducteur prenait sa pause... Je tousse pour masquer mon embarras, et j'ai eu trop peur de rester seul avec un inconnu. »

Bimbadaboum, c'est à peu près ce qui m'arrive. Surtout dis comme ça, j'évaluai l'ampleur de ma logique défaillante. Devrais-je lui dire ce qui m'a poussé à m'enfermer si loin dans les bois ? Il risquerait d'en parler à Ari et je n'étais pas prête à retourner sous thérapie éreintante pendant des mois. Une visite par semaine me suffisait.

« Le bruit m'a juste attiré vers toi »

Je regardais le chemin qu'empruntait mes pieds pour ne pas le lancer sur le chemin des questions, j'étais nulle en mensonge, pire je détestais en prononcer. Tant que je gardais le miens si profondément enterrer, je ne pourrais en retenir aucun autre. Il parle de l'arme comme d'un moyen d'être en sécurité, faute au monde d'aujourd'hui. Attentive à ses mots, je regarde le paysage devant moi, pensive. Arrivant à la voiture, je le laisse déverrouiller les portes et j'ouvre de mon côté en regardant le siège passager. Je connais une histoire qui avait mal fini et qui commençait de la même manière. Des flashs, un sourire, une main qui se tends, un air confiant, je me mords la langue et je m’assoies brusquement en croisant les bras devant moi, oubliant la ceinture. Un rire de petite fille résonne dans mes oreilles et je me frotte le visage pour feinter la fatigue plutôt que paraître pour une traumatisée. Je me redresse, adossant ma tête au siege.

« Un flingue peut tuer contre ta volonté, quand tu tues quelqu'un, rien n'est pareille, tout devient gris... Je croise le regard d'Aiden, un silence et mes lèvres se serrent dans un mouvement contrarié. Je l'ai déjà vu changer un homme en la pire chose qui soit. »

J’agrippe le carnet de dessin. J'en sors un papier, complètement gribouillé, par une trace de blanc, j'ai complétement rempli l'espace entre le personnage et le décor qui rajoute à la scène, son côté dérangeant. Je n'ai jamais pu dessiner son visage correctement, en revanche je l’imageais très bien en homme noir carbone, dont les yeux jaune contrastais avec l'obscurité des lieux, des ailes ressemblant à des branches d'arbres décharnées par l'hiver. Une expression très cruelle sur le visage. Je le montre à Aiden, le regardant d'en dessous.

« Ceci avait l'habitude d'être un homme avant qu'il ne tue la première fois... »

Je regarde à nouveau le pare-brise, alors qu'il démarre et que je ne me sente que plus gênée. Ce n'est pas comme si ça l'intéresser et à parler comme ça, j'allais finir par l'encourager à me faire parler. Une idée crucifie ma culpabilité ambiante pour tourner la tête soudainement vers Aiden.

De quoi avais-tu peur pour viser quelqu'un que tu ne connais pas ? Si c'est seulement pour ta sécurité comme tu dis... Ari sors pas avec un mec rechercher hein ?

Lorsque je lui parlai de ma copine, elle eut un léger temps de réflexion, puis comprit qu'il s'agissait de Zona. Etait-il si improbable qu'un type comme moi soit avec une femme comme elle? Elle m'apprit qu'elle connaissait Zona depuis toute petite, ce qui me surpris car Zona ne m'avait jamais parlé d'elle. Enfin, je me doutais bien qu'il y avait encore des chsoes de sa vie que j'ignorais. Vicky avait d'abord connu Zack. Ce prénom me fit serrer les dents, instinctivement. Je n'appréciais pas le cousin de Zona, je lui avais cogné dessus lorsque j'avais appris que Marissa m'avait trompé avec lui. Tout ceci était de l'histoire ancienne maintenant, mais j'étais quelqu'un de rancunier, je n'oubliais rien. Ce qui me dérangeait, c'était que d'une façon ou d'une autre, il fallait toujours que ce Zack apparaisse dans la conversation, dans ma vie...

Vicky passait ses été chez Zack, et il y avait Zona. J'essayai de m'imaginer la scène, avec quelques difficultés, car tout ca faisait un drole de mélange. Vicky ne ressemblait en rien à Zona, au niveau de son comportement... ajouté à cela Zack... La jeune femme me retourna la question. Je répondis:

« Eh bien moi, c'est à Las Vegas que je l'ai rencontré, justement. »

J'avais connu Zona lorsqu'elle avait arrêté de la voir, comme si nous nous étions passé le flambeau. Comme Vicky avouait elle-même ne pas connaître grand chose de la vie de Zona car cette dernière ne lui en parlait pas, je ne voulu pas m'attarder trop sur le sujet, à dire que nous avions vécu dans la rue, etc... Je ne voulais pas commettre de gaffe, je savais le sujet délicat. J'ajoutai simplement pour plus d'informations, car ma réponse n'était pas suffisante par rapport à tout ce qu'elle m'avait dit:

« Je l'ai défendu alors qu'elle se faisait agresser par un type un soir... Et puis on a sympathisé. »

Elle m'apprit que les Woods et Zona avaient été ses seuls amis durant quelque temps. Je voyais l'importance qu'elle semblait leur accorder, et je lui fis savoir ce qu'il en était de mon côté:

« Je tiens beaucoup à elle, tu sais... C'est pas une histoire juste comme ca entre nous. C'est plus que ca. »

Zona était ma deuxième relation sérieuse, après Marissa. Je n'en avais pas eu 50, même si j'avais connu pas mal de filles juste pour un soir. Je voulais que Vicky sache que c'était du sérieux entre nous, qu'elle ne croit pas que je faisais semblant, ou que je me foutais d'elle. Elle était un peu de sa famille, alors elle devait le savoir. Je ne comptais pas être juste un mec de passage.

Nous arrivâmes alors sur un sentier, et Vicky me demanda ce que je faisais dans les bois. Du moins, c'est ainsi que je compris la question.

« Dans ce cas qu'est-ce que tu y faisais? »

Lui demandai-je intrigué car elle ne comprenait pas une chose qu'elle avait elle-même fait. Que faisait-elle dans ces bois? Moi, c'était évident, je m'entrainais au tir, mais elle? Avant de tomber sur moi et de me dessiner, que comptait-elle faire? Comme elle le disait: personne ne nous y attend, personne ne nous entends...

« C'est justement pour ca que je suis venu là, à l'abri des regards. J'ai jamais aimé la foule... »

Et surtout, je ne comptais pas que quiconque assiste à cet entrainement de tir. Ils ne l'auraient pas compris. Comme moi je ne comprenais pas les gens. Je n'étais pas sociable, et j'avais besoin de m'isoler pour mieux me retrouver. Et paradoxalement, j'avais besoin de mes proches pour être bien. Mon petit groupe de personnes que j'estimais et qui comptait beaucoup pour moi. Les autres étaient des parasites, ils ne servaient à rien. La jeune femme me posa alors une question à laquelle je ne m'étais pas attendue, mais qui semblait logique. En fait, c'était même étonnant qu'elle ne me l'ai pas demandé plus tôt. Pourquoi j'avais une arme? Pour moi, c'était quelque chose d'évident, mais j'avais remarqué que ca en choquait plus d'un. Ce qui explique mon isolement.

« Pourquoi pas? »

Lui demandai-je, retournant sa question. Pour moi, c'était le non port d'une arme qui était choquant. Je ne voyais que des avantages à être armé, je répondis:

« On vie dans un monde de dingues... »

Elle devait en savoir quelque chose, avec ce qu'elle avait vécu.

« Je suis armé pour me protéger, moi et mes proches. On ne sait jamais ce qui peut nous tomber dessus... »

Je n'avais jamais été tranquille. J'avais trempé dans tellement de choses depuis très jeune que je n'étais jamais à l'abri d'un règlement de compte. Lorsque j'étais allé à la rencontre de Vicky, je l'avais pris pour un espion, ou un type de mon passé qui m'aurait retrouvé.

« ...Mais j'évite de m'en servir quand j'ai le choix, crois-moi. C'est plus une question d'habitude, un besoin de sécurité... »

Je ne pouvais pas me passer d'une arme, sinon, je me sentais exposé, vulnérable. Mais je préférais me battre à mains nues, car c'était moins radical. Avec un flingue, on enlevait une vie directement, sans autre alternative, et une fois la balle partie, il était trop tard pour faire marche arrière. Mieux valait épuiser l'adversaire, et voir ce qu'on pouvait en faire d'intelligent ensuite... Je ne voulais pas lui raconter plus de détails sur mon passé, car elle avait déjà bien assez peur de moi comme ca.

Nous arrivâmes près de ma voiture que j'avais stationné sur un chemin de terre, loin de la ville. Je déverrouillai les portes, puis m'installai à la place du conducteur, espérant bien que Vicky monterait à mes côtés...

Il lui ressemble, d’une manière leurs visages se confondent et je ne parle même pas du monstre de mes cauchemars. Garder un œil sur lui, resté dans son dos, cela me convenait. Leurs carrures, leurs cheveux, ça au moins c’était différent. Grant était certainement plus grand, mais je m’attachais à l’image qu’il m’envoyait pour ne plus être effrayé d’Aiden. En marchant dans les bois, j’avais les yeux lourds, les paupières fatiguées, le contre coups des larmes. Je les frottais machinalement, essuyant les dernières parcelles salées, avant de me mettre à chanter, le seul moyen pour moi de me réconforter. Le chant m’a toujours aidé quand mon père ou les garçons Woods n’étaient pas là. Ma voix s’éteint et Aiden se retourne vers moi, un léger sourire sur les lèvres. Mon cœur manque un battement, reconnaissant la même mimique de Grant… Mon imagination était mon meilleur outil et parfois ma meilleure ennemie. Il me complimente sur mon chant. Je marmonne, embarrasser.

« …Mer..ci »

J’esquisse un rapide sourire avant de regarder le sol et ranger des mèches derrière mon oreille. Continuant d’avancer, il parle de sa copine. Je relève la tête en fronçant les sourcils, ne comprenant pas. Après un léger instant de réflexion, je comprends qu’il parle d’Ari.

« Depuis que je suis toute petite je crois… J’ai connu Zack en premier, car mes parents et les leurs étaient amis. Depuis l’âge de mes cinq ans, j’ai passé chaque été à Miami, chez les Woods. Arizona y était aussi avant qu’elle ne déménage pour Las vegas… »

Le seul été que nous avions manqué était celui de ma captivité. Je me souviens avoir perdu notion du temps dans cette cage en terre.

« Comment vous vous êtes connus avec Ari ? Elle ne me parle presque jamais de sa vie… »

Je soupçonnais mon état traumatique responsable de cette non confidence. Je me souviens de ma mère chuchotant aux enfants présents chez les Woods de ne pas m’embêter et de faire attention à moi. Ne pas me chahuter, ne pas me questionner, ne pas peser sur mes épaules. Ma mère partait d’un bon sentiment, mais elle a été la première à m’isoler socialement parlant. Je me souviens du sourire de Sebastian, de sa gentillesse, de sa tendresse. Comment n’aurais-je pas pu tomber amoureuse de lui ? Sa mère aussi, était ce que j’avais toujours voulu de la mienne.

« Ari et les Woods ont été pendant un long moment mes seuls amis. »

Je ne disais pas ça pour attirer la sympathie, mais bien pour dire la vérité, expliquer ce qui me donne autant confiance en la jeune fille. Ce qu’elle représente pour moi, l’importance qu’elle a. Nôtre marche nous amène enfin sur un sentier, ce qui me réconforte. La lumière est bien plus claire que sous les feuillages. Mais qui dis sentier, dis personne qui se balade. Nous croisons un couple, riant, se tenant par le bras. Ils nous dépassent et je les dévisage sans m’en rendre compte.

« Je ne comprends pas… » Dis-je réellement perturber.

« Qu’est-ce qu’il y a de bien à s’enfoncer dans les bois. Personne ne vous entends, personne ne vous y attends »

Je regardais droit devant moi, dans le vague. Les mots de Grant dans ma tête. « Ce genre d’endroit est le moule des survivants, savais-tu que les plus reculés des ethnies étaient en général les meilleurs chasseurs ? » Je secoue la tête, chassant son souvenir. Il n’était pas le plus horrible de mes souvenirs, mais il faisait partie d’un passé tordue, d’une morale que j’avais totalement oublié.

« Pourquoi tu portes une arme ? »

Lorsque j'avais couru après la jeune femme, je me demandais pourquoi j'éprouvais ce sentiment de vouloir m'obstiner avec elle. Je ne voulais pas la laisser seule dans ces bois qu'elle n'avait pas l'air de connaître, je craignais pour sa sécurité, elle me paraissait si fragile... Et le fait que je connaisse son passé y était aussi pour quelque chose, c'était certain. Comment ne pas être touché par son histoire.? Comment rester indifférent et la laisser partir? Je ne voulais pas qu'elle ait peur de moi, qu'elle me fuit comme si j'étais le mal incarné. Pourtant, alors que je courais à ses trousses j'avais bel et bien cette impression de la rattraper comme une proie. Je la sentais tétanisée, elle avait les mains sur ses oreilles, pour ne plus rien entendre. Quels étaient ses sons qu'elle voulait éviter? Je me sentais coupable, je voulais rattraper le coup, changer le tir, qu'elle n'ait pas cette mauvaise impression me concernant.

Je lui passai son téléphone, et je l'observer converser avec ma copine, n'entendant que ce que disait Vicky. Elle explosa en sanglots, sous la pression, alors que moi je regardais la scène, parfaitement immobile, comme si j'étais transparant. Je voulais me faire oublier. J'avais disparu. Elle dit à Ari que ca n'allait pas. C'était de ma faute. Mon revolver lui avait fait peur. Quel idiot j'avais été de l'aborder de la sorte, c'était très maladroit. Je me sentais coupable, pleinement, de l'avoir mis dans cet état de choc. J'hésitai à partir, mais je ne pouvais pas, j'étais enraciné dans le sol, attendant la suite, espérant que Zona arriverait à la calmer.

La jeune femme fini par raccrocher, puis releva les yeux vers moi, avec un regard différent. Je compris qu'elle avait compris. Zona avait du réussi à la convaincre, je ne sais comment, car moi, j'avais échoué. Vicky me dévisageait, un peu honteuse. Elle s'excusa, disant qu'elle avait encore perdu les pédales. Quelque part, ca me rassura un peu, car cela sous entendait que ce n'était pas la première fois que cela lui arrivait, et donc que le problème ne venait pas forcément de moi... Enfin, moi non plus ce n'était pas la première fois que ca m'arrivait. Beaucoup de gens me craignaient, mais ils préféraient m'éviter et ce n'était pas à ce point là.

« C'est... C'est pas grave. »

Bafouillai-je, quelque peu choqué par tout ca, un peu essoufflé de ma course. En fait, si, ca avait de l'importance pour moi, ca m'avait heurté au plus profond de mon être, mais je ne voulais pas qu'elle s'excuse. Sa réaction était compréhensible. C'est moi qui aurait du agir autrement, je n'avais fait que la brusquer dès le départ. Je n'avais vraiment aucun tact.

« Alors tu viens maintenant? »

Lui demandai-je, comme elle avait l'air de changer son point de vue me concernant. Elle me dit qu'elle me suivait, mais qu'elle préférait garder une distance entre nous deux.

« Ok, comme tu voudras... »

Répondis-je, un peu déçu de sa méfiance, mais le principal était qu'elle accepte que je la raccompagne, pour ca, j'étais prêt à beaucoup de conditions. Et puis, moi aussi je me méfiais des inconnus, alors qu'aurais-je pu espérer de plus? Je repris la direction d'où nous étions venus, pour aller rejoindre ma voiture. Dans la précipitation, je ne m'étais pas rendu compte de toute la distance que j'avais parcouru. Vicky ne disait pas un mot. Je n'avais pas besoin de me retourner pour la sentir derrière moi. Je l'entendais marcher, calmement. Il y avait toujours une sorte de tension entre nous.

Un blanc pesant s'installa, mais ce n'était pas rare que cela m'arrive. Je n'étais pas très bavard, et encore moins doué pour faire la conversation. Surtout après ce qu'il venait de se passer. Je me sentais épuisé émotionnellement parlant, tout ceci m'avait retourné. La jeune femme se rapprocha de moi, comme si elle craignait encore quelque chose. Sauf que cette fois, ce n'était pas moi. Cette fois, elle se rapprochait de moi pour être en sécurité. Je préférais largement ca, c'était encourageant pour la suite. Elle se mit à chanter, ce qui me surpris. Je décidai de lui parler, au risque de me faire rembarer:

« J'y connais rien en musique, mais tu chantes bien... »

Je m'étais retourné vers elle, essayant de me montrer sympathique. Puis, j'ajoutai:

« Il y a longtemps que tu connais ma copine? »

Je parlais de Zona bien sur. J'étais bien curieux de savoir comment elles s'étaient rencontrées toutes les deux. Comme quoi il y avait encore des choses dans la vie de Zona que j'ignorais... C'était grace à elle que Vicky avait changé d'avis, quel hasard qu'elle ait décidé de l'appeler.

Je courrais à travers les branches, la lumière, la chaleur, tout me criait que c’était différent, que je n’avais plus 11 ans, que je n’étais plus la gamine d’il y a six ans. Mes poumons s’emplissent d’air, se paralysent, je respire mal, je salive, je tousse, et Aiden me rattrape en un clin d’œil. La panique s’empare de moi, l’image de cet homme se juxtapose sur les traits du jeune homme. Sa taille, sa carrure, c’était tout ce qu’ils avaient pourtant en commun. Je pousse un cri et des larmes perlent aux coins de mes yeux. Des flashs reviennent, les premiers rappels de mes médicaments. Je l’avais fui sans même lui donner le bénéfice du doute, j’avais couru sans même un regard en arrière, laissant mon portable derrière moi sans regret. Un objet tel que celui-là était si futile quand votre vie en dépendait. Je porte mes mains à mes oreilles pour faire taire ces cris qui hurlent dans ma tête. Elles me hurlent d’arrêter, elles me supplient, et j’en pleure de plus belle, j’ai le cœur qui va exploser, pourquoi je n’arrive pas les ignorer. Je m’arrête, me retourne, regarde où se trouve mon ravisseur. Il est là devant moi, me tendant le téléphone et je dois secouer la tête pour que mes larmes arrêter de flouter ma vue.

« c'est Arizona, je la connais ! Elle veut te parler ! »

Ari ? Comment pouvait-il la connaitre ? J’attrape le cellulaire du bout des doigts, le lui arrachant des mains comme si m’attarder quelques secondes allait lui laisser l’occasion de m’attraper, je ne veux pas qu’il se rapproche. Entre deux sanglots, je soupire un « Allo ? Ari… » J’explose en sanglot et j’entends la voix de mon amie.

"Vicky? C'est Ari, tout va bien? Je ne sais pas trop ce qu'il se passe avec Aiden, ni même pourquoi il a ton téléphone mais sincèrement tu risques rien avec lui"

J’essaye de taire mes pleures, avec ma paume libre, je frotte mes yeux, un à un. Mes épaules sont secouées par ma respiration maladroite. Mon cœur tambourine ma poitrine.

« Non… non ça va pas, c’est qui lui… comment tu peux être sur… Et… et… il a un révolver »

Je trouvais ces arguments nobles d’être étudier de près. Si Seb et Zack trouvait mon Liam effrayant, ils devraient peut-être toucher un mot sur les fréquentations d’Arizona aussi. Aiden avait quelque chose qui me terrifiait et me fascinait. La voix d’Ari se fait douce, certainement pour me calmer, mais je la sens aussi agacer.

« Pour le revolver j'en sais rien. Je crois que Delonte lui a refourgué, un pote à lui et je suppose qu'il s'entrainait, c'était ce qu'il m'avait dit, mais il n’est pas dangereux du tout. Je le connais depuis plusieurs années, il m'a sorti d'embrouilles à plusieurs reprises et actuellement c'est mon copain donc vraiment t'as rien à craindre avec lui, Vicky, il te fera jamais de mal sinon je te jure qu'il s'en sortira pas comme ça" »

Je porte un nouveau regard sur Aiden, essayant de faire partir l’image de mon ravisseur de son visage. Les bois sombre s’éclaircissent peu à peu. Les ombres de mes souvenirs avaient envahis de peur mes sens et ma réalité.
« T’es sure ? » « Oui Vicky, écoute moi un peu. » « D’ac…accord » Je raccroche en levant les yeux honteusement sur Aiden. Rangeant mon HTC dans mon sac en bandoulière. J’essuie mon visage des deux mains avant de prendre une grande inspiration tremblante pour retrouver un peu de courage.

-Je suis désolé… J’ai encore perdue les pédales.

Je faisais assez confiance en mon amie d’enfance pour juger qu’Aiden était digne de confiance, même l’aura qu’il dégageait à mes yeux était beaucoup trop menaçante. Liam était grand et carré, son visage exprimait beaucoup de force et de dureté, mais ses yeux et son sourire avait le don de vous rassurer, de vous affirmer l’étendue de sa douceur. Lors de notre première rencontre, il avait capté tout de suite à quel point j’étais craintive et me parlait d’une voix toujours très calme et basse. D’accord, l’homme en face de moi n’avait pas l’air d’un monstre non plus. Mais je les devinais complétement différent d’un simple regard.

-Je, je te suis, mais on peut garder cette distance s’il te plait, dis-je les mains agrippant la lanière de mon sac, ma tête vide de toute musique en cet instant.

Je détestais ces moments où ma raison avait complétement pris le dessus. Me montrant la grandeur de ma folie, me rappelant à quel point j’étais pathétique et incapable de me débrouiller seule.  Il commença à marcher dans le sens opposé ou j’allais en fuyant et nous remontions le cours du sentier. Regardant mes pieds, je rangeai mes mains dans mes poches, courbant le dos sous mes épaules. Les feuilles et le bois craquaient sous mes chaussures. Pas un bruit, sauf celui de la forêt et du vent. Le silence entre nous. Mes yeux se fixèrent dans le vide et j’ignorais mon hôte devant moi, ignorant même s’il se retournait vers moi pour s’assurer que je le suivais bien. J’aimais la chaleur de Miami, même l’hiver était différent de la Californie. S’il pouvait y faire une chaleur horrible, le froid pouvait s’insinuer jusque dans vos os. Surtout quand il fait humide. Un craquement dans mon dos me fait me redresser et j’accélère le pas, réduisant la distance que j’avais pourtant instauré avec Aiden. L’idée que quelqu’un me suive m’avait traversé et je craignais encore de me faire enlever… Des notes de guitare prirent possession de mon crâne et tout était bon pour couvrir le moindre son suspect.

Of all the things I've believed in
I just want to get it over with
Tears form behind my eyes
But I do not cry
Counting the days that pass me by

I've been searching deep down in my soul
Words that I'm hearing are starting to get old
It feels like I'm starting all over again
The last three years were just pretend
And I said,

Je continuai malgré le regard étonné de mon accompagnant. J’avais toujours un regard méfiant, mais mes lèvres continuèrent de bouger, chanter m’apaisait, me calmait, me rassurait, là où ma mère ne le faisait jamais.

Goodbye to you
Goodbye to everything I thought I knew
You were the one I loved
The one thing that I tried to hold on to
The one thing that I tried to hold on to



HRP : Lien de la chanson ici

La jeune femme avait eu une réaction très vive lorsque je lui avais proposé de la raccompagner en voiture. Elle était marquée de par son histoire, je pouvais le comprendre, aussi j'avais insisté sur le fait qu'elle pouvait me faire confiance. Je faisais ca pour son bien. Elle ne pourrait pas craindre indéfiniment le monde et les gens qui l'entourent, sinon, elle vivrait un enfer au quotidien. Elle devait être plus forte que ca, bien plus forte... J'étais de ceux qui pensent que les épreuves nous endurcissent. Peut-être pas pour tout le monde, mais moi en tout cas, je fonctionnais comme ca. Aujourd'hui, j'étais quelqu'un de dure, mais prêt à tout affronter, malgré tout ce que j'avais déjà enduré. Je ne sais pas d'où je puisais toute cette force en moi, mais elle était bien là, prête à surgir à tout moment. La vie me donnait des coups, et moi, ca me donnait envie de les lui renvoyer.

La jeune fille essuya une larme, et me dit qu'il fallait se méfier des gens. Je serrai les dents, en guise de réponse. Elle ne me croyait pas. Évidemment. Qu'est-ce que je pensais? Qu'une fille comme elle pouvait faire confiance à un type comme moi? J'étais un monstre à ses yeux. Elle m'avait observé, avec mon arme, elle était terrorisée par moi, ca crevait les yeux. Cela me rappelait de mauvais souvenirs de mon enfance bien encrés en moi, ou déjà, les autres élèves me fuyaient parce que je n'étais pas comme eux. Je ne savais pas quoi lui répondre. Peut-être qu'elle avait raison de se méfier de moi après tout. Je ne lui voulais aucun mal, mais elle ne pouvait pas en être sure. Je connaissais son histoire, je voyais donc où elle voulais en venir. Je finis par céder:

« Tu as raison, il vaut mieux ne pas faire confiance aux inconnus. »

Je pouvais comprendre sa réaction. Cela dit, il y avait toujours un problème, et je le lui fis remarquer.

« Mais comment tu comptes rentrer dans ce cas? Tu ne pourras pas toujours te débrouiller par toi-même... »

Il fallait qu'elle apprenne à accepter l'aide que les autres pouvaient lui offrir, cette main que je lui tendais par exemple. Toute seule, elle aurait beaucoup de mal dans sa vie, elle me paraissait si vulnérable. Elle me dit qu'elle allait appeler quelqu'un. Je croisai les bras, sceptique. Ok. J'attendais de voir ca. Ca captait dans ces bois au moins? Dans tous les cas, je ne comptais pas partir sans être sur qu'elle était en sécurité. Elle attendit un instant, puis rien.

« Tu vois ! C'est pas une bonne idée ! »

Lui fis-je remarquer, mais elle s'entêta à appeler quelqu'un d'autre. Elle raccrocha presque aussitôt. Venais-je de lui faire entendre raison? Non, c'était autre chose. A mon avis, elle venait de comprendre qu'appeler cette personne ne servirait à rien. Si j'avais su qu'il s'agissait en plus de Zack, avec qui je m'étais battu quelques mois plus tôt, j'aurais d'autant plus été de cet avis. La jeune femme pensa alors à une certaine Arizona. Elle s'écarta pour l'appeler, me tournant le dos et s'éloignant peu à peu, sans parler à qui que ce soit au téléphone. J'avais peur pour elle, elle était toute seule. Je décidai de la suivre, mais c'était une mauvaise idée, car elle prit peur et couru à toute allure, laissant tomber son portable sur le sol.

« Eh, mais attends !! T'as oublié ton portable ! »

Je ramassai l'appareil en question, comptant bien le lui rendre. Avant de courir à sa suite -sachant que je la rattraperais facilement car je courais bien plus vite qu'elle- je vis que l'appel était encore en cours. J'entendis même une voix s'écrier 'allo? Vicky?'. Je m'empressai de répondre aussitôt, reconnaissant la voix de ma petite amie parmi mille:

« Zona !! C'est Aiden ! Il faut que tu parles à Vicky, elle ne veut pas me croire... »

Je lui expliquai rapidement la situation, et je rattrapai la jeune femme en même temps, elle avait l'air de vouloir le récupérer son portable, car elle avait fait demi-tour. Je le lui tendis, laissant Zona la convaincre car je savais que moi, elle ne me croirait pas.

« c'est Arizona, je la connais ! Elle veut te parler ! »

La forêt, les arbres, la terre battue, il ne manquait plus que la pluie pour me refaire vivre l’enfer. Je suis à deux doigt de perdre mon sang froid, je sens déjà les picotements de la peur, les fourmis paralysantes de la terreur d’autrefois. Ce garçon me parle de mauvais souvenirs, les vagues flashes ce qu’il m’est arrivé commence à me submergé et me bouleverser en silence, compressant mon estomac. Le cri des filles, leurs visages déformés par la douleur, la lueur des néons dans le bunker. Le couteau… Ma main tremble et je la range en croisant mes bras sur ma poitrine. Perdue, je me retourne, lui demandant mon chemin. Mon sang quittait mon visage de plus en plus, le froid envahissait mes veines. Je n’avais pas pris mes médicaments…

« Je suis venu en voiture. Je te raccompagne si tu veux... »

« NOOON ! »

Une phrase que j’ai déjà entendu et qui me fait hurler rien qu’en y repensant. Je recule d’un autre pas. Les sourcils froncés, les yeux grands ouverts, ce sont les souvenirs de ce sourire manipulateur, de cette porte coulissante d’un fourgon qui s’ouvre et de ce ton faussement amical que mon ravisseur avait utilisé.

« C'est peut-être pas facile à croire comme ca, mais tu peux me faire confiance, je ne te veux aucun mal. Si ca avait été le cas, ce serait déjà fait tu ne crois pas? »

Je suis perplexe, ma raison sait qu’il a tort, mes tripes me hurlent dessus, me faisant la moral des derniers jours. Je mourrais d’envie de courir dans la chambre de Seb, de me rouler dans ses bras et me rassure de sa voix douce, comme il l’a toujours fait. J’essuie une larme nerveuse qui perlait au coin de mon œil. Une dualité en moi, m’obligeait à prendre la réaction du garçon devant moi.

« Parfois… Les gens savent être patient et se monter amicale… Si tu connais mon histoire, tu sais ou je veux en venir » Rétorquais-je d’une voix tremblante.

Partir dans les bois semblait soudainement plus effrayant que quelques instants plus tôt. Sans ce bruit tonitruant pour agiter ma curiosité, ma conscience froussarde, prenait le dessus sur tout. Je me forçais à m’imaginer flottante dans l’eau, seule, au milieu d’une piscine. Pensant que mon imagination pourrait permettre à mon être de se calmer et de chasser toutes ces horreurs qui hantent mes nuits. Il me donne son nom et je lève la tête en écarquillant les yeux, réalisant alors qu’il essayait d’être bien. Je pousse un gémissement hasardeux comme toute réponse.

« Je vais appeler quelqu’un, ça sera mieux »

Je décoche mon téléphone, ma première réaction est d’appeler Seb. Je colle le combiné à mon oreille et j’entends les tonalités défiler. Je m’impatiente, agitant nerveusement mon genou d’avant en arrière. Je tombe alors sur le répondeur et soupire. « Un instant, j’essaie quelqu’un d’autre. » Je compose le numéro de Zack et je raccroche à la première tonalité, réalisant qu’ils sont tous les deux à l’entrainement. Je me mords la lèvre et je sens mes nerfs lâcher peu à peu. « Mais OUI , punaise Arizona ! » Je cherche frénétiquement dans mon téléphone. Le téléphone sonne. Une fois… Deux fois… trois fois… Je sens déjà les larmes me monter aux yeux, réalisant que je tombais peu à peu dans un piège. Liam ? Je n’osais pas appeler le garçon de peur de le déranger et qu’il me trouve ennuyante. Du coin de l’œil, alors que je m’étais tourné et l’avait perdu de vu, je le vie s’avancer et ouvrir la bouche. Mon instinct pris le pas et je me mis à hurler. « AAAAAAAAAAh » Sautant en arrière, je me mets à courir comme un animal qu’on avait effrayé. Je laisse tomber mon téléphone et piétiner le sol en dessous de moi. En pleure, je réalisais, comme projeter de mon propre corps, en train de m’observer, que j’avais laissé place à l’une de mes crises de terreurs. Je fuyais alors Aiden comme si je fuyais ce jour où l’on m’a sorti de ce trou. Comme cette fois où j’ai attaqué de mes petites mains, le policier qui était venu m’aider. Je ne réfléchissais plus qu’à une chose, ma survie…



HRP : J'ai proposé à Arizona, si elle veut intervenir de manière "phonique", si jamais tu décidais qu'Aiden ramasse le téléphone et qu'Ari décroche.

La jeune fille avait d'abord contredis le fait que nous puissions nous connaître, m'affirmant qu'elle avait une bonne mémoire et qu'elle s'en serait souvenu sinon. Il est vrai qu'en général, on me voyait une fois, on retenait qui j'étais, je marquais mon passage comme on dit, malgré ma discrétion. Des mecs baraqués comme moi, ca ne passe pas inaperçu. J'avais la curieuse impression qu'en disant cela, elle affirmait ne pas vouloir qu'on se connaisse, comme si c'était impossible ou qu'elle avait des choses de son passé qu'elle cachait précieusement, des choses que je n'avais pas le droit de savoir.

En lui prouvant que je la connaissais via la télé, je vis le visage de la jeune femme se décomposer peu à peu. Son teint devint soudain livide, et elle regarda nerveusement les environs pour s'assurer que personne ne nous écoutait. Je pouvais comprendre que l'évocation de son passé et de ce qu'il lui était arrivé n'était pas une partie de plaisir pour elle, et que surtout, elle tenait à garder ca secret. Elle ne chercha pourtant pas à se défiler, et m'affirma que c'était bien elle. Je m'y attendait, mais pourtant, je n'en revenais toujours pas. Elle, ici. Le monde était tellement petit... Cette fille m'avait marqué, sans que je m'explique vraiment pourquoi, car des cas comme elle, il y en avait tous les jours dans les médias. Et aujourd'hui, voilà qu'elle se trouvait face à moi. Comme si j'avais su qu'un jour, je la rencontrerais. J'en étais troublé.

Elle me demanda ensuite ce que je comptais faire, question qui me prit au dépourvu mais à laquelle je répondis en toute franchise, spontanément, en haussant les épaules.

« Rien. Ca change rien... »

Je me rendais compte de ma maladresse. Dans mon étonnement, elle avait sans doute cru que le fait qu'elle soit passée à la télé et ait vécu un drame allait avoir une incidence sur ma façon de la voir, ou ce que j'attendais d'elle. Mais je n'attendais rien d'elle. Je ne la connaissais pas. Je ne la jugeais pas. Bien sur que ca changeait tout pour elle, on ne ressors pas indemne d'une telle horreur, mais j'avais mes propres expériences et je savais combien le fait d'être quelqu'un de normal est important dans ces circonstances. Je n'allais pas la traiter avec pitié, par respect pour elle et ce qu'elle était.

Elle regarda le ciel avec agacement en pestant sur la Californie, notre Etat d'origine.

« Moi aussi, j'y laisse de mauvais souvenirs... »

Marmonnais-je tout comme elle, de sorte à ce qu'elle puisse m'entendre. Je voulais lui faire savoir que tout comme elle, j'avais un passé bien à moi. Il faut dire que j'avais énormément vécu. Je n'avais pas que des mauvais souvenirs, bien sur, mais je tenais à montrer à cette fille que nous n'étions pas si différents qu'elle pouvait le croire, et surtout, que je ne la jugeais pas sur son passé, puisque j'avais moi même le mien.

Elle ramassa son dessin, je remarquai qu'il demeurait une certaine peur en elle, je l'aurais sentie à des kilomètres. C'est quelque chose qu'on apprend à reconnaître quand on vit dans des conditions particulières, comme lorsque je vivais à la rue par exemple... Elle me dit alors qu'elle va partir. C'est son choix. J'aimerais la retenir, parce qu'elle m'intrigue, mais qui suis-je pour ca? Je n'ai aucun droit sur elle. Je vois bien que l'envie de connaître l'autre n'est pas partagée. Je l'observe partir, comme une apparition qui s'éteint... lorsqu'elle se retourne vers moi. Surpris, j'attends de voir ce qu'elle va rajouter. Elle ne sait pas où se trouve l'arrêt du bus. Je réponds une fois de plus spontanément:

« J'en ai aucune idée. »

Puis je me justifie:

« Je suis venu en voiture. Je te raccompagne si tu veux... »

Je doutais franchement qu'elle accepte, mais elle n'avait pas vraiment d'autre choix, si? Comme j'étais armé et que je devais l'impressionné, je lui dis:

« C'est peut-être pas facile à croire comme ca, mais tu peux me faire confiance, je ne te veux aucun mal. Si ca avait été le cas, ce serait déjà fait tu ne crois pas? »

J'avais rangé mon flingue dans mon jean, voulant lui prouver ma bonne fois. Je plongeai mon regard dans le sien, essayant de mon montrer convaincant. Je ne tenais pas à la laisser seule dans ces bois qu'elle ne connaissait pas. Elle n'avait pas le choix. Je ne l'abandonnerais pas comme ca. J'aurais ca sur la conscience. Et puis, c'était pour moi l'occasion de faire plus ample connaissance.

« Au fait, je m'appelle Aiden. »

Elle n'en avait surement rien à foutre, puisqu'elle ne m'avait rien demandé, mais peut-être que savoir que je portais un nom me rendrait plus humain?

L’homme en face de moi essayé de me calmer, il parlait d’une voix tranquille et j’essayais de raisonner mes sens pour que mon cœur s’arrête de battre si fort et qu’il revienne prendre place dans ma tête. Perdue, le souffle court, j’avais en vain, balancé mes dessins pour me justifier. Je savais que c’était idiot de ma part de rester dans les parages. Une arme ? Nan mais qu’avais-je en tête. Cette peur qui m’animait, m’était familière mais elle n’arrivait pas à la cheville de cette peur qui m’avait habité pendant ces mois de captivité. Il me souffla de garder le dessin. Je rangeai le reste de mes papiers dans mon sac, je n’irais pas chercher celui qui est à ses pieds, préférant garder une distance de sécurité entre nous. Il me demande si on se connait, je fronce les sourcils, perplexe.

-Non, non pas du tout, j’ai une bonne mémoire, je me serais souvenu sinon.

Mes craintes grandissent, en arrivant ici, je m’étais vite habituer à passer inaperçu, à ne plus être la célébrité local. A être une inconnue comme les autres, une simple personne triste de banalité.

« Attends, t'es pas passée à la télé il y a quelques années? Je viens de Californie, je me rappel... Je t'ai vu, je sais ce qu'il t'es arrivé... »

C’est ce que je craignais, il se souvint de moi, par réflexe je regarde autour de nous, comme pour m’assurer que nous étions seul et que personne ne nous écoute. Je n’aime pas qu’on sache qui j’étais sans que j’eusse besoin de me présenter. D’ailleurs il continue, et redonne même mon prénom. Victory… Dans la bouche de Liam, ça avait plus de charme, là, ça m’évoque les ennuis en perspective. Je pousse un long soupire angoissé. Frottant mon front, mal à l’aise.

-Oui c’est moi, balançais-je maintenant plus blasée qu’autre chose.

Je regarde le sol d’un air las, me souvenir de cette caméra figé sur moi alors qu’un policier me tenait dans ses bras et me sortait de ce bunker. Je ne l’avais pas plus remarqué que ça ce jour-là, voir la lumière du jour était nouveau, inédit après dix mois dans les profondeurs de la terre. J’étais en pleure, encore effrayer, le propre visage de ma mère m’avait été inconnu. Je ne reconnaissais rien n’y personne. Mes yeux s’éteignit à ces souvenirs et se levèrent du sol, jusqu’au regard curieux du garçon. Me parant d’un bouclier plutôt fragile, j’ouvris la bouche.

-Tu compte faire quoi maintenant ?

Je regarde le ciel, essayant de réfléchir. Je marmonne à ma propre attention, mais il pouvait m’entendre. « Je déteste vraiment la Californie… » Je sens son regard sur moi, ça m’agace, j’ai peur d’y lire de la pitié ou de la moquerie. J’aimais être inconnue, être banale, inexistante. Même l’acharnement d’Inaya me plaisait plus que sa question. Car si elle était horrible avec moi, elle l’était seulement parce que c’était dans sa nature et non parce qu’elle s’imagine que je suis une horreur de la nature. Je le pense déjà assez moi-même. Dans un désir de reprendre courage je m’approche pour ramasser mon dessin qui se trouvait à ses pieds. Plus je m’approche, plus ma peur reprends le dessus.

-Je… je vais partir, je m’étais trompé d’arrêt de bus de toute manière.

La feuille tremble dans ma main maladroite. Il est près, trop près de moi. Je me redresse et il me domine de sa taille imposante et de ses larges épaules. Je peux largement le décrire comme séduisant et le bleu de ses yeux me rappelle ceux de Liam. Je lui tourne le dos avec empressement, ne cherchant pas à m’éterniser. J’avance, d’un pas, puis deux, puis… je m’arrête. Mais ? Je me rends compte que je ne connais pas le chemin de retour, que je n’ai fait que suivre le son de son arme sans même faire attention au paysage. Ma gorge se serre et l’impression d’être prise au piège à nouveau me terrifie. Je me retourne sur lui, les yeux en détresse et honteux.

-Aheu… L’arrêt de bus ? Il est dans quelle direction. On est loin dans la réserve naturelle ? Je ne me souviens plus si j’ai marché longtemps pour venir ici.

Je déteste la forêt en plus. Et moi, pauvre idiote, je m’enfonce au milieu des arbres sans prendre le temps de noter des repères. Bonne mémoire mais un sens de l’orientation horrible. Je me trompais encore de chambre dans un simple bâtiment.

Le jeune femme tremblait de peur. J'aurais pu déceler une telle émotion de loin. C'était à se demander comment elle arrivait encore à tenir debout. Elle réussit à parler, s'excusant, m'affirmant qu'elle ne dirait rien concernant mon arme. Franchement, je ne m'en souciais pas vraiment. Elle ne savait même pas comment je m'appelais, je n'avais pas peur de ce qu'elle pourrait dire, ni à qui elle pouvait le dire. Je n'aimais pas la façon qu'elle avait de s'excuser, se rabaisser plus bas que terre. J'avais l'impression que j'aurais pu lui faire faire n'importe quoi, et pas uniquement parce que j'avais ce pistolet entre mes mains. Elle me paraissait tellement fragile. Oui, je l'avais déjà vu quelque part, mais où... C'était ce à quoi je réfléchissais alors qu'elle continuait de s'excuser en voyant que j'avais compris qu'elle me dessinait. Je ne comprenais pas du tout ce qui avait motivé son acte, je ne pensais pas être assez intéressant pour qu'on puisse faire un dessin de moi. Ce qui m'intrigua, c'était sa façon de se justifier dans la précipitation, et de me supplier de ne pas la tuer.

J'avais l'impression d'avoir un grand pouvoir sur elle, ce qui me fit afficher une mine embêtée. Je ne voulais pas de ce pouvoir. Je ne comptais pas lui faire de mal. Je ne voulais pas qu'elle soit prête à tout pour que je lui épargne sa vie. Car je ne comptais pas lui ôter. Que ce serait-il passé si elle était tombé sur un type perturbé -plus perturbé que moi dirons nous- et qu'il avait voulu profiter d'elle? Elle lui donnait là l'occasion parfaite de le faire. Je comprenais bien qu'elle avait peur de moi, et je voulais changer la situation.

« Calme toi ! C'est rien, d'accord? »

Dis-je lorsqu'elle s'agita pour me montrer ses dessins. J'y connaissais rien à l'art, je ne pouvais pas juger de son talent, mais je la croyais, elle n'avait pas besoin d'agir ainsi. Quant à mon dessin... Franchement, je n'en voulais pas. J'étais pas du genre à m'afficher sur les murs de ma chambre.

« Tu peux le garder. »

Je l'observai toujours attentivement, puis lui demandai-je:

« On se connait non? »

Je fronçai les sourcils comme si quelque chose clochait car je ne me souvenais pas lui avoir adressé la parole. J'avais du la voir quelque part... Mais où? C'est là que je me rappelai: à la télévision. Je dis de vive voix, avec la spontanéité maladroite qui était la mienne:

« Attends, t'es pas passée à la télé il y a quelques années? Je viens de Californie, je me rappel... Je t'ai vu, je sais ce qu'il t'es arrivé... »

Je recherchai ce prénom peu commun qu'elle pouvait bien porter... Et il m'apparut soudain. Je demandais, sur de moi:

« T'es Victory c'est ca? »

Je me rappelais encore de cette histoire qui m'avait marqué, quelques années plus tôt, lorsque je vivais encore en Californie. Cette fille qui avait été séquestrée durant 10 mois dans la cave d'un taré... J'étais persuadé que c'était elle, même si cette Victory que j'avais vu était bien plus jeune que la femme qui se trouvait face à moi... C'était son expression apeurée et perdue que je reconnaissais bien, plus que ses traits. Que faisait-elle ici? Tant de mystère me captivait. Je saurais rapidement à sa réaction si je faisais fausse route ou pas.

Aujourd'hui est le premier samedi suivant la rentrée scolaire. Je n'ai évidemment pas été enchanté de reprendre les cours, mais je dois avouer que l'année que je m'apprête à faire en fac de sport a l'air bien plus intéressante que je ne l'aurais pensé. Ce que j'apprécie particulièrement est le fait qu'il n'y ait que peu de cours théoriques. En fait, la plupart du temps, je ferai du sport, et les examens seront beaucoup pratiques aussi. Moi qui pensais faire cette année à l'arrache, en attendant de trouver un travail stable, je vais peut-être finir par y prendre goût.

Bref, aujourd'hui, j'avais décidé de sortir loin de la ville afin de tester la nouvelle arme à feu que je m'étais procurée, par l'intermédiaire de Delonte, qui était arrivé à Wynwood à mon plus grand étonnement. Delonte était un amis que j'avais connu par l'intermédiaire de Jack, à l'époque où je vivais dans les rues de Las Vegas avec ce dernier, sa soeur Alma, et Zona. Une connaissance en plus du passé qui me prouvait que quoi qu'on fasse pour le fuir, il refait toujours surface un jour ou l'autre. Delonte me rappelait Jack et cette époque où l'on faisait pas mal de conneries et de trafic en tout genre. Je n'avais pas eu à insister beaucoup auprès de Delonte pour qu'il me trouve cette petite merveille que je tenais entre les mains, et comme c'était un pote à moi, il me l'avait filé pour rien.

Tenant l'arme entre mes mains, je me sentais rassuré, comme si j'avais retrouvé une partie de moi-même. J'avais cette sensation qu'il ne pouvait rien m'arriver. Ce n'était pas de la puissance, je n'aimais pas cette façon de voir les choses. Pour moi, il s'agissait d'un outil indispensable à ma survie, qui me faisait me sentir enfin apaisé quelque peu. Tout seul au milieu de la nature, je me sentais bien, détendu. Il n'y avait personne dans les environs, ce qui état volontaire de ma part car j'avais décidé de venir m'entrainer un peu au tir, histoire de voir ce que donnait ce pistolet en action. Comme j'étais venu en voiture, j'avais pris quelques canettes de bière qui trainaient dans mon coffre -vides bien sur- et je les avais disposées sur des troncs d'arbres, ou sur le sol, afin de les utiliser pour cibles.

Après m'être reculé suffisamment de mes objectifs, je me mit à viser une première canette, me concentrant. Je retrouvais cette sensation incroyable, cette tension qu'il règne juste avant que mon doigt décide d'activer le tir... Feu ! La canette vola en éclat dans un bruit que j'avais pensé plus discret. Ce n'était pas si grave, car qui aurait pu me repérer ici? Pas l'un de ces putains de flics en tout cas, ils étaient bien trop occupés à se tourner les pouces au commissariat, ou à emmerder les automobilistes avec leurs contrôles... C'était l'un de ces flics qui m'avait confisqué mon arme, lorsque j'avais défendu Ambre de son agression et que nous nous étions fait arrêter tout deux. Depuis, je n'avais pas retouché à une arme, et je me rendais compte aujourd'hui à quel point cela avait pu me manquer.

Je tirai sur plusieurs canettes, accelerant mon allure, un sourire s'affichant sur mes lèvres en constatant que je n'avais pas perdu la main du tout. C'était comme remonter sur un vélo après des années... Sauf que ce vélo là a le pouvoir de mettre fin à une vie. Alors que je rechargeais une fois de plus mon arme, j'eus l'instinct de m'assurer que j'étais toujours bien seul, presque comme si inconsciemment, j'avais sentis cette présence, entre les arbres, qui m'observait d'un oeil vif. Il faut dire que mes sens étaient particulièrement développés pour ce qui était de sentir les choses de ce genre. J'avais appris à les déceler en vivant à la rue, là où le danger pouvait surgir de n'importe où, et ce, n'importe quand.

Une fois les balles en place, je remis mon flingue en position prêt à tirer. Je visai une canette, me concentrant sur la présence que j'avais sentis, l'infime bruit que cette personne avait pu produire en craquant ne serait-ce qu'une branche d'arbre, puis mon pistolet changea de cible et se braqua soudainement dans sa direction. Oui, il y avait bien quelqu'un, là, tout prêt, qui m'observait. J'en aurais mit ma main à couper. Mais j'étais loin de me douter de qui il s'agissait... Je marchai d'un pas décidé vers la personne que je visais, imaginant un briguant cherchant à régler ses comptes. Ma respiration s'accéléra lorsque j'écartai les branches, prêt à me faire sauter dessus quand.... surprise.

Je tombai nez à nez avec... une femme. Une jeune femme qui me regardait avec de grands yeux bruns apeurés. Me rendant compte de la situation qui était loin d'être ce que j'avais cru, je baissai aussitôt mon arme, voyant qu'elle était prête à fuir en courant. A me fuire.

« Non attends ! C'est pas ce que tu crois ! N'ai pas peur ! »

Je ne voulais pas qu'elle me craigne. Je ne voulais pas lui faire le moindre mal, mais comment l'en convaincre? Je ne sais pas ce qui l'empêcha de partir, mais elle resta là. Ces yeux et cette expression, je les connaissais, mais il m'était pour l'instant impossible de dire où je les avais vu. Je plissai mes yeux, la regardant sans comprendre, essayant de trouver pourquoi j'avais la sensation de la connaitre. Mon regard perçant glissa sur le dessin qu'elle était en train de faire...

« Qu'est-ce que...? »

Mes yeux clairs trouvèrent à nouveau les siens. Cet homme qu'elle avait dessiné sur ce papier, je le reconnu très bien. Car c'était moi. J'en restai sans voix.