{TERMINE}Colocation ... sportive (Rose)

« Ma petite Daisy »… quelle connerie. Sous le jet bien chaud de la douche, la jeune femme se demandait – toute innocente qu’elle était – ce qu’il pouvait bien fabriquer avec une vache gonflable. Elle se tritura les méninges pendant un moment, en faisant mousser son shampooing préféré dans ses longs cheveux blonds, et finit par hausser les épaules en concluant qu’il devait s’agir d’un jouet pour la piscine qu’il avait oublié dans la salle de bain. Quant à la chose qu’elle l’avait remarqué prendre sur la planche du miroir, elle n’avait pas vraiment vu de quoi il s’agissait, et son instinct lui soufflait que c’était très bien ainsi. La jolie blonde sortit donc de la douche, se sécha rapidement, démêla ses cheveux et repassa sa robe légère, sans prendre la peine de se sécher les cheveux.

Bien décidée à l’obliger à ranger un peu – voir beaucoup – son bordel, la jolie Rose alla affronter le démon dans son antre. Le bordel était effroyable, et lui était couché sur son lit comme si de rien n’était, avec ses airs de Sultane… la Sultane de la Saleté. Elle sourit à cette pensée, mais quand ses pupilles acier retombèrent sur le bordel – et sur Daisy, accessoirement – cela lui ôta toute envie de le faire, et elle retrouva sa moue mi-figue mi-raisin. Elle s’approcha de son colocataire – provisoire, espérons-le – et l’attrapa par le bras pour l’entrainer dans la pièce commune. Après tout, s’il voulait régner sur un océan d’immondices dans sa chambre, libre à lui, mais la salle commune, elle y vivait aussi, et il n’était pas question qu’elle supporte ça.

« Regarde ce que tu viens de me faire faire, j'ai perdu au boss ! J'avais pas sauvegardé !! » se plaignit-il lorsque son jeu afficha en gros le fatidique Game Over.

« Oh… et bien… désolée ? » lui dit-elle, en affichant l’air de la fille qui ne l’est pas du tout. « Remercie-moi, tu finiras moi vite ton jeu, tu devras donc moins vite en racheter un autre et ça te fera économiser un peu d’argent ».

Quoi, c’était pas une raison ? Bien sûr que si.

« Quoi ? Tu veux que je range sous tes yeux ? » s’exclama l’asiatique, incrédule, quand la sportive lui annonça qu’elle le regardait.

« C’est à dire que… oui, j’aimerais bien, comme ça je suis sûre que tu le fais, tu vois ? » répondit-elle, l’air le plus sérieux du monde.

Le jeune homme afficha un sourire un peu crispé et tendit les bras face à lui, sous le regard agacé de la blondinette.

« Attend 'tend 'tend ! Tu penses que je vais tout ranger là tout de suite ? » poursuivit-il, en arquant un sourcil de surprise.

Elle soupira, croisant les bras sur sa poitrine et plantant ses yeux sévères sur lui.

« C’est vrai qu’il y a tellement de bordel ici qu’il te faudrait plus que la soirée… mais tu pourrais commencer aujourd’hui, oui ».

« Tu voulais pas me virer de cette chambre il y a pas hum 32 minutes ? Et maintenant tu me fais la risette ? »

Elle se mit à tapoter son bras du bout des doigts, tandis que son pied droit commençait à s’agiter nerveusement sur le sol.

« Les administrations, c’est lent, tu sais ? Avant que tu ne changes de chambre, les feuilles ont le temps de tomber 3 fois. Donc… oui, Kevin, je te fais la risette, si ça peut t’encourager » enchaina-t-elle, plus du tout souriante.

A ce stade, elle était vraiment… agacée. Pas encore totalement énervée, mais à deux doigts de l’être. Ah, pardon : il lui rigola au nez, ce qui acheva de la faire exploser intérieurement. AAAAH, c’était pas possible d’être aussi énervant ! Il y avait quelque chose chez ce type qui ne lui revenait pas. Et elle ne pensait pas uniquement à son bordel, non… c’était… son attitude nonchalante. Il respirait la mollesse à 3 km, et elle qui était active, voir super active, ne supportait pas ça.

« Ecoute ma p'tite Rose, t'es bien mignonne et ton sourire est charmant mais je ne rangerais rien et surtout pas aujourd'hui ».

« Bien sûr, tu as mieux à faire, sans aucun doute. Comme… battre le boss de ton jeu vidéo, c’est ça ? » siffla-t-elle entre ses lèvres, en posant son regard dégoûté sur Kevin.

« Si tu es sage » commença-t-il ensuite, l’air de rien… puis, baissant la voix : « et que j'ai pas trop la flemme… », il s’approcha et vint se placer face à elle, tout en enchainant : « je rangerai demain la salle de séjour ».

Et là… il osa lui tapoter le haut de la tête, comme on caresserait d’un air détaché la tête de son chien. La blonde ouvrit de grands yeux à la fois horrifiés et scandalisés par ce qu’il venait oser de dire et de faire. Il tourna les talons, la laissant au milieu du bordel, et retourna dans sa chambre au milieu de sa forêt de déchets. Rose resta debout dans la salle de séjour, interdite… se demandant comment il fallait qu’elle réagisse. Hurler tout de suite, ou attendre un peu, jusqu’au lendemain, voir s’il tenait sa promesse ? Au prix d’un immense effort, la jeune femme opta pour la seconde option. Elle gonfla ses poumons et reprit sa respiration, puis expira très longtemps, jusqu’à avoir la sensation d’être complètement vidée de l’intérieur. Elle fit quelques pas vers la chambre de Kevin – qu’elle devait de tout façon traverser à moitié pour rentrer dans la sienne, ce qui était tout sauf pratique. Une fois dans la salle du trône des ordures, elle fila vers le rideau et s’arrêta à hauteur de celui-ci, en se tournant vers son colocataire.

« Très bien, Kevin. Disons que je te laisse une chance de me prouver qu’on pourrait… s’entendre » lui dit-elle. « Bonne soirée ».

Elle disparut ensuite derrière son rideau et alla directement vers son lit, sur lequel elle s’allongea en soupirant. Le voyage l’avait épuisée, et même s’il n’était pas encore l’heure de dormir, elle s’endormit assez rapidement, oubliant ainsi la présence du Roi des Immondices dans sa… enfin, leur chambre.

Barbie. L’insulte suprême. C’était à cause des foutus vêtements qu’elle portait, et de son maquillage ridicule que sa mère l’avait obligée à peindre sur sa pauvre peau, qui ne demandait qu’une chose : respirer. Tout comme elle, d’ailleurs. Or, avec l’odeur qui régnait dans la chambre, c’était pas gagné. La jeune femme soupira, préférant ne pas se donner la peine de répondre. S’ils commençaient déjà à s’insulter maintenant, alors ils en viendraient aux mains dans deux semaines, et il n’était pas question qu’elle se batte avec quelqu’un de plus petit qu’elle. Enfin, dans le cas où Kevin resterait son colocataire, bien évidemment… et c’était exclu.

Quand l’asiatique jeta son paquet de chips vide vers la poubelle, et la manqua de deux bons mètres, Rose lui demanda s’il comptait le laisser là, ajoutant que ce n’était pas sa place. Kevin se retourna, un air d’idiot du village sur la figure, et observa le papier par terre. Oui, c’est de ça que je parle, bougre d’imbécile, songea-t-elle.

« Hein ? Ah oui, tout à l'heure ».

Excédée, la jeune femme leva les yeux au ciel. Quelqu’un d’autre l’aurait peut-être ramassé à sa place pour le jeter dans la poubelle, mais elle n’était pas là pour jouer les femmes de ménage. Les mecs comme ça, il fallait les mater. Et rapidement, encore bien. Si on avait le malheur de faire quoi que ce soit à leur place, alors ils comprenaient qu’on finirait par tout faire, et il n’était pas question de cela. Elle allait lui courir sur le haricot jusqu’à ce qu’il se décide à ranger son bordel. La jeune femme était bien décidée à devenir la pire des chieuses pour le faire céder.

Elle quitta ensuite la pièce pour aller se changer tranquillement dans sa chambre, sans se douter une seule seconde que son charmant colocataire était en train de l’observer grâce aux ombres chinoises projetées sur le rideau. Elle ne fit donc pas particulièrement attention à se mettre dans un coin inaccessible à sa vue lubrique. Surtout qu’elle le pensait docilement en train de ranger la salle de bain. Oui, à cet instant précis, elle avait encore un peu d’espoir. Une fois sa robe légère enfilée, la blondinette ouvrit le rideau et passa dans la chambre de son colocataire pour rejoindre la pièce commune. Cette fois, elle laissa errer ses yeux sur le bordel effroyable qui se trouvait dans la pièce, et elle se surprit à penser que finalement, la salle commune n’était pas si dégueulasse que cela. Évidemment, elle se reprit en secouant son petit minois, lorsqu’elle arriva dans ce qui avait servi à Kevin de dépotoir durant son absence. Nolan apparut dans l’encadrement de la porte, elle s’empressa de rassurer son puceau, qui la quitta rapidement. Rose appela alors son colocataire, pour voir si la salle de bain était libre. Elle eut la surprise de le voir sortir de sa chambre, où elle était passée un instant plus tôt sans le remarquer.

« Bah oui je suis pas dedans ! »

Effectivement. Il n’y avait plus qu’à espérer qu’il y soit passé juste assez longtemps pour la remettre en état… ou qu’il ne l’ait jamais dérangée, ce qui était encore mieux.

« Donc c'est Rose ton prénom » dit-il ensuite en pouffant.

La jolie blonde se pinça les lèvres, vexée. Son puceau avait une voix qui portait, pas de chance pour elle, Kevin l’avait entendu.

« Je comprends avec un tel prénom qu'on n'ait pas envie de le donner. Moi qui croyais qu'il n'y avait que mes parents pour avoir mauvais goût ! Enfin maintenant je sais comment t’appeler. Bon bain ! »

« Mon prénom est très bien, idiot » marmonna-t-elle en faisant volte-face, ses longs cheveux valsant autour de sa nuque gracieuse.

Elle se dirigea vers la salle de bain tandis que Kevin rentrait dans sa chambre. A peine eut-elle jeté un regard à l’intérieur qu’elle comprit qu’il n’avait rien rangé du tout.

« Quel porc » pesta-t-elle en fermant la porte derrière elle.

Ses yeux gris acier se posèrent sur ses shampooings et gels douche et elle constata qu’ils n’étaient pas rangés, cet idiot avait du piocher dedans allègrement. Elle se pencha en avant et ramassa les gels douche perdus dans le fond de la baignoire, pour les remettre en place. Elle fit pareil avec le savon mais ne toucha pas au gant de toilette. On ne sait jamais ce qu’il avait pu faire avec. La jeune femme enleva sa robe et attrapa un coton pour se démaquiller avant d’entrer dans la douche. Elle était en train de le passer sur son visage lorsque ses yeux se posèrent sur cette… chose. Kevin toqua à la porte précisément à cet instant.

« Hum... Rose. Tu es déjà dans la douche ou je peux entrer récupérer quelque chose ? » demanda-t-il depuis derrière la porte.

L’adolescente jeta son coton dans la poubelle et attrapa une serviette pour l’enfiler autour de son corps. Elle ouvrit en grand la porte et posa ses yeux, lançant des éclairs, sur son colocataire.

« Qu’est-ce que c’est que ça ? » lui demanda-t-elle d’une voix où pointaient son agacement et son énervement.

« Je t’avais demandé de ranger, non ? C’était pour éviter de me retrouver en tête à tête avec ce genre de chose ».

Elle inspira profondément et se poussa pour le laisser passer. Appuyée contre la porte, elle attendit qu’il récupère ses affaires.

« Dépêche-toi, j’ai pas la journée » s’impatienta-t-elle, agacée.

Une fois Kevin dehors, la jolie blonde s’autorisa enfin une bonne douche. Elle y resta un peu plus longtemps que d’habitude, découragée d’avance par le bordel qui l’attendait de l’autre côté de la porte. Une fois douchée, elle se brossa les cheveux et les laissa pendre, mouillés, sur ses épaules. Elle remit sa robe légère, toujours sans rien en-dessous, et se brossa les dents.
Une fois dehors, elle alla directement rejoindre son colocataire. Ses yeux se posèrent sur lui et elle retint une petite mine dégoûtée.

« Bon, rangement. Si tu veux foutre le bordel dans ta chambre, ce n’est pas mon problème, mais je ne vais pas supporter ça dans la pièce commune, Kevin ».

Elle s’approcha de lui et l’attrapa par le bras pour le tirer vers le petit salon. Une fois au milieu de la pièce, elle lui fit face.

« Je te regarde, d’accord ? » dit-elle en se forçant à sourire, histoire de l’encourager un peu.

La surprise de Rose était de taille, et pour cause : la jeune femme ne s’était pas attendue à avoir un colocataire… mais bien UNE colocataire. Jamais elle n’aurait imaginé se retrouver à partager sa chambre avec un garçon. Sa chambre et, oh, mon Dieu : la salle de bain ! Effarée, la jeune femme passa en revue mentalement les choses que Kevin avait dû trouver dans la salle de bain, pour peu qu’il ait un peu ouvert les armoires. Des tampons, des serviettes hygiéniques, un pot de cire chaude, un rasoir électrique, une douzaine de gels douche différents, des après-shampooing et des shampooings ayant tous leurs vertus différentes et que Rose s’amusait à combiner entre eux pour avoir de jolis cheveux. Mais ce n’était pas le pire. Rose visualisait très distinctement la boîte de capotes que lui avait donnée Emeric, son Mentor, un soir de guindailles. Il était écrit dessus, de la main du jeune homme : « Si tu ne l’utilises pas avec moi, tu seras châtiée ». Bon, c’était de l’humour évidemment – enfin… sans doute – mais à l’idée que son nouveau coloc’ ait pu tomber là-dessus, Rose se sentit mal. Elle adressa une petite prière mentale à tous les Saints pour qu’il n’ait pas mis le bazar dans la salle de bain également, mais vu l’état de leur toute petite pièce commune, la Rho Kappa n’avait pas beaucoup d’espoir que cela soit mieux dans la salle de bain. Dire qu’elle pensait se retrouver avec Kath ! Quelle déception. Échanger une cheerleader, une fille sans doute propre sur elle et avec qui elle était sûre de bien s’entendre, contre… lui ? La surprise était de taille, et non, elle ne lui faisait pas plaisir du tout. Rose maudit Nolan de ne pas lui avoir précisé la nature de cette foutue surprise, d’ailleurs. Mais soit. Peut-être était-il… gentil ?

« Ben oui, ton colocataire, ton voisin de chambre.... si il 'y avait 2 lits c'est que tôt ou tard ta tranquillité allait se voir mise à l'épreuve ! Quoi ?! L'administration a pas été foutue de te prévenir ? » soupira-t-il et Rose eut la très nette impression qu’il se payait sa tête.

Réflexion faite, il n’avait pas l’air gentil. Pouvait-elle se pendre si elle accrochait la ceinture de son peignoir au lustre de sa chambre ? Curieusement, elle avait un doute.

« Remarque ça m'étonne même pas, le contraire m'aurait surpris, j'ai été prévenu la veille que ma chambre allait être en colocation et ils ne m'avaient même pas dit que c'était avec une demoiselle. Ils ont pas froid aux yeux dans ce lycée ».

Rose darda sur lui ses grands yeux effarés. Qu’est-ce qu’il croyait, au juste ?

« Est-ce que tu te moques de moi ? » siffla-t-elle, agacée. « Froid aux yeux ou pas, ça ne change rien. Je vais demander à ce qu’on te change de chambre, il n’est pas question que… non, non, non, Kath n’a pas encore de colocataire, et oui je m’attendais à ce que ma tranquillité soit terminée, mais j’étais persuadée partager ma chambre avec une fille ».

Dommage pour elle, les changements n’étaient pas possible. Mais cela, Rose ne le savait pas encore. A nouveau, ses yeux se remplirent d’horreur quand elle les laissa glisser partout dans la pièce. Elle n’avait toujours pas bougé du pas de la porte, ne sachant pas s’il était prudent de s’aventurer au milieu de tout ce bordel, des fois qu’il s’y cacherait des rats, des slips sales ou peut-être même bien des capotes usagées, vu la dégaine du type ça ne l’aurait pas étonné. Encore sous le choc, la jeune femme prononça une petite phrase destinée à elle-même, que Kevin jugea néanmoins bon de commenter.

« Non, je suis bien réel mais je fais toujours cet effet au début puis on s'habitue ! Et puis, seigneur c'est un peu trop, appelle moi Kevin voir Kev' ! » lui dit-il, l’air fier de lui.

L’adolescente le fusilla du regard.

« C’est très drôle ».

Non, ça ne l’était pas. Pas du tout, même. Tout comme sa journée. Alors qu’elle se pensait délivrée de sa mère, elle se retrouvait finalement avec un colocataire qui avait l’air presque pire que sa génitrice qui elle, au moins, avait un sens inné de l’ordre et de la propreté. Rose ne s’était jamais considérée comme maniaque, mais il y avait des limites, quand même.

« D'ailleurs, il me semble pas avoir entendu ton prénom ? Secret défense ? ».

« Exactement » répliqua-t-elle, froidement.

Il n’eut pas spécialement l’air embêté et empoigna quelques chips, puis tendit le paquet à Rose qui le regarda d’un air à la fois dégoûté et hostile. Un air « dégoustile », qui serait sans doute le sien pour les prochains mois à venir si ce type ne dégageait pas de sa chambre.

« T’en veux… ? »

Elle ne prit même pas la peine de répondre, préférant ramasser son sac, sans songer une seule seconde qu’elle portait une robe décolletée. Lui termina son paquet de chips, le roula en boule et sous les yeux horrifiés de la jeune femme, le lança à un mètre de lui – très, très loin de la poubelle.

« Raté ! » cria-t-il, sans doute fier de lui.

Et comme il n’esquissait aucun mouvement, elle se questionna : comptait-il le laisser là, moisir au milieu de son bordel ? Ah, enfin, il se remuait ! … Dans la direction opposée ? Vers la table basse, précisément, où il attrapa un short qui trainait en se penchant en avant, histoire que Rose ait tout le loisir d’un charmant « tête à cul » avec la face souriante de Bob l’Éponge. La jolie blonde leva les yeux au ciel, tandis qu’il se couvrait d’une tenue plus décente.

« Tu vas le jeter ton papier de chips ? Parce que sa place n’est pas par terre mais dans la poubelle ».

Elle lui demanda ensuite ce qui sentait comme ça. L’odeur était discrète mais néanmoins bien présente. Kevin renifla bruyamment, ce que Rose trouva dégoûtant, et il trouva ensuite de bon ton de lui dire qu’il ne sentait rien, à par son shampooing. Bonne nouvelle, il n’avait pas été faire mumuse avec les siens. A moins qu’il ne considère que tout ce qui est à toi est à moi, vu qu’ils étaient colocataires ? Auquel cas elle s’empresserait de lui faire comprendre que ce n’était pas le cas. L’asiatique se tourna vers la Londonienne et sembla soudain se rendre compte qu’elle n’avait toujours pas pénétré dans la chambre.

« Mais entre, tu es chez toi » lui dit-il, tout en s’avançant vers elle.

Il prit la valise de Rose et la tira à l’intérieur, en lui disant qu’elle n’allait pas rester sur le pas de la porte toute la soirée. Non, en effet. Mais rien qu’à l’idée de se risquer à marcher en talons au milieu du bordel, elle hésitait. Subitement, Kevin approcha son visage de celui de sa colocataire, sur le côté.

« Bah, ça va pas ? T'es pâle on dirait que t'as vu un monstre ! ».

Elle eut un mouvement de recul et tourna son visage vers lui. Le retour de la mine « dégoustile ». Elle posa le bout de ses doigts sur le front de Kevin et le poussa en arrière.

« C’est exactement ce que j’ai vu. Pousse-toi de là ».

Une fois Kevin éloigné, elle se pencha à nouveau et retira ses chaussures, ce qui la rapprocha du sol. A présent, elle faisait plus ou moins la même taille que son colocataire, alors qu’avant elle le dépassait. Elle soupira et attrapa sa valise pour l’emmener vers sa chambre, ce qui fut rapide. Elle la posa sur son lit, rangea ses talons dans l’armoire et revint dans la pièce commune.

« Écoute… Kevin ? Je viens de passer une semaine épuisante et j’aimerais aller prendre une douche. Je vais aller dans ma chambre me changer, j’ose espérer que la salle de bain n’est pas dans le même état que la salle commune… Si c’est le cas, tu as 5 minutes pour la ranger, ça commence maintenant ».

Rose fit volte-face sans même écouter sa réponse et rentra dans sa chambre. Le rideau était tiré, elle n’eut donc pas le loisir d’observer ce qu’il se passait dans la chambre de Kevin, et honnêtement elle ne voulait même pas le savoir. Par contre, l’odeur venait jusqu’ici et ça, c’était juste pas possible. Sans prendre garde au fait que seul un rideau la séparait de la chambre de Kevin – supposé être en train de ranger la salle de bain – Rose se déshabilla et envoya sa tunique peu confortable dans la manne à linge sale. Elle ôta également sa petite culotte, qui suivit le même trajet, et se retrouva nue. L’adolescente se dirigea vers sa penderie et en sortit une robe légère, qu’elle enfila sans rien en-dessous pour aller jusqu’à la salle de bain. Elle revint ensuite dans la pièce commune, et c’est à cet instant précis que quelqu’un frappa à la porte. Cette dernière s’ouvrit sur la tête de son puceau, Nolan.

« Rose, ça va ? » lui demanda-t-il gentiment.

Elle lui sourit et le rassura, sans penser que son prénom venait d’être prononcé tout haut par le brun et que Kevin l’aurait sans doute entendu, d’où qu’il se trouve.

« La salle de bain est libre ? » appela-t-elle, sans savoir où était au juste le jeune homme.

Une mèche de cheveux blonds vint se loger dans le cou de la jeune femme qui, d’un geste impatient, la repoussa sur le côté. En vain, elle glissa à nouveau le long de sa joue pour venir lui taquiner cette partie de sa peau qu’elle avait sensible. Un claquement de langue, un soupir agacé. Nouveau geste de la main pour éloigner l’inconvenante, la propriétaire de cette main fit néanmoins attention à glisser la mèche derrière son oreille, cette fois. Ses yeux se fermèrent, cachant derrière ses paupières légèrement maquillées deux magnifiques yeux gris comme l’acier. Les légères secousses de l’avion qui la ramenait à Miami la bercèrent, et Rose Bennett se sentit glisser dans le sommeil qu’elle rêvait de trouver depuis de nombreuses heures. Son corps se relaxait, trouvant dans cette immobilité qu’elle détestait tant une source de réconfort inattendue. Un soupir s’échappa d’entre ses lèvres charnues. Ses pensées se firent de plus en plus floues, mélangeant rêve et réalité.

« Rose, chérie, où est-ce que j’ai mis mes lunettes ? »

La voix de crécelle de sa mère la fit sursauter et quitter cet état de béatitude dans lequel la jolie blonde désespérait de tomber au cours de ce vol qui n’en finissait pas. Crispée à nouveau, coincée sur son siège qui ne lui permettait pas d’assouvir sa passion première : remuer, Rose planta de grands yeux furieux sur l’être qui l’avait mise au monde.

« Sur ta tête, maman ! » pesta-t-elle d’une voix agacée.

« Juste ciel, suis-je sotte ? » rigola sa mère en s’emparant de la monture en métal qui trônait sur sa chevelure ocre.

Elle posa celle-ci sur son nez et se plongea dans la lecture du magazine de vol, pour la troisième fois depuis que l’avion avait décollé de la Sicile, où elles avaient passé une semaine de vacances. Si Rose avait été ravie de partir, elle n’en était pas moins heureuse de rentrer à Miami. Sa mère étant à Londres durant le début des vacances scolaires, la jolie sportive s’était ennuyée la plupart du temps, coincée à l’internat. Elle avait d’ailleurs presque oublié en quoi sa mère l’exaspérait, en temps normal. Mais une semaine avec elle lui avait rafraichit la mémoire… et la garde-robe. Une fois de plus, elle avait joué à la poupée avec sa fille, pleurant sans arrêt ses rêves de gloire envoyés aux orties par cette petite ingrate qui lui servait de progéniture. Une fille si belle, si élégance, si gracieuse… du gâchis, Rose, du gâchis ! Et pour quoi ? Courir ? Même pas après les médailles, ma fille ! Si seulement tu avais des priorités, dans la vie. Mais non, tu ne penses qu’à t’amuser. Tiens, essaye cette robe, je ne supporte pas l’idée de te savoir en jogging. Elle avait eu beau répliquer à sa mère qu’elle ne portait pas de jogging, puisqu’elle n’en avait pas un seul étant donné le styliste qu’elle se voyait imposer, rien n’y faisait. Elle revenait donc à Miami avec une valise pleine de nouveaux vêtements, en priant intérieurement pour que celle-ci se perde en route.

Vêtue d’une combinaison absolument importable et indécente que lui avait choisie sa mère, la jeune femme piaffa d’impatience. Elle glissa ses doigts fins aux ongles manucurés – forcément, autant pousser le vice jusqu’au bout – dans le tissus bleu marine de sa tenue et remonta son bustier qui n’avait de cesse de tomber. Du moins, c’est l’impression qu’elle en avait. Et les nœuds ridicules qui lui découvraient à moitié les seins la mettaient mal à l’aise, en plus du reste. Une hôtesse de l’air passa dans l’allée en souriant.

« Excusez-moi ? On est bientôt arrivés ? » lui demanda Rose quand celle-ci fut à sa hauteur.

« Rose ! Voyons ! » s’indigna sa mère, en relevant les yeux de son magazine. « Regarde ce petit garçon, il est calme depuis tout à l’heure, prends exemple sur lui, chérie ».

Rose suivit le regard de sa mère et aperçut un gamin de 8 ou 9 ans, de l’autre côté de la rangée, endormi sur les genoux de sa maman. Elle pesta entre ses dents serrées.

« Oui, sa mère le laisse dormir, lui ! » répondit-elle, tandis que l’hôtesse lui souriait d’un air compatissant.

« Nous arriverons dans une heure, mademoiselle ».

Une heure. Encore une heure à supporter ce calvaire. Rose posa ses doigts sur sa tempe, comme pour calmer une migraine. Ceux de sa mère s’abattirent sur le dos de sa main en claquant.

« Ne te touche pas le visage ».

Son maquillage. Elle allait abimer son précieux maquillage. Une envie d’étrangler tout qui s’approcherait monta en elle et lui serra les tripes si fort que la Rho Kappa dû se mordre la joue pour y résister. Elle mourait d’envie de courir. La sensation du vent sur sa peau lui manquait. L’impression de liberté quand elle sentait tous ses muscles s’activer dans un seul et même but également : portée en avant, propulsée à une vitesse exceptionnelle pour une jeune femme de son âge, les cheveux balayant à un rythme régulier son dos confortablement moulé dans un débardeur sportif qu’elle gardait bien caché sous son lit, avec le reste de ses affaires de sport… Tout cela lui manquait. Sa mère ne lui avait pas laissé une seule seconde de répit, et encore moins pour lui permettre d’aller courir. Cela faisait une semaine qu’elle n’avait pas couru. Une semaine qu’elle n’avait pas été seule. Sa chambre à Miami lui manquait. Son petit cocon de tranquillité… elle avait tellement hâte de s’y retrouver enfin, de s’allonger sur son lit et d’écouter le silence, après une bonne course bien éreintante dans le parc, ou avec Aiden, peut-être, dans ce petit coin de Paradis qu’il lui avait montré le jour de leur rencontre.

L’aéroport, enfin. Les roues touchèrent le tarmac et cette sensation de la liberté toute proche remplit le cœur de Rose d’excitation. L’heure précédente avait été abominable. Elle était fatiguée, sur les nerfs. Dès que le signal lumineux de la ceinture de sécurité s’éteignit, la jolie blonde arracha ce qui la retenait prisonnière de cet oiseau métallique et se jeta presque par-dessus sa mère pour passer, manquant au passage de se tordre une cheville à cause de ses chaussures à talons. Elle n’en portait jamais et n’avait par conséquent pas l’habitude de devoir faire attention à sa façon de se déplacer. Si elle se tordait le pied maintenant, ses rêves de course effrénée à travers le parc touchaient à leur fin et c’était le suicide assuré. Elle n’exagérait presque pas.

Trois quarts d’heure plus tard, la blondinette récupéra les clés de sa voiture dans son sac et ouvrit son véhicule, resté sur le parking durant une semaine. *Clic clic* fit le système d’alarme en se déverrouillant, ce qui la réconforta au plus haut point. Enfin. ENFIN LIBRE !

« Chérie, tu me déposes ? » cria sa mère en arrivant derrière elle, sa valise à la main.

Prise de panique, la blondinette jeta sa propre valise – malheureusement, elle ne s’était pas perdue – dans son coffre et sauta au volant de sa Volvo. Le moteur gronda et elle appuya sur l’accélérateur pour faire démarrer l’engin. En passant devant sa mère, elle s’arrêta et ouvrit sa fenêtre.

« Désolée maman, mais prends un taxi, ou je serais tentée de nous envoyer dans le premier mur qui passe. Bisous, je t’aime, merci pour les vacances ! »

Elle était déjà loin lorsqu’elle prononça les derniers mots de sa phrase – des fois que sa mère aurait essayé d’ouvrir sa portière pour s’imposer de force. Au volant de sa voiture, elle s’engouffra sur la voie rapide qui la ramènerait à sa chambre et arracha l’horrible coiffure que le coiffeur de sa mère lui avait faite. Elle jeta toutes les pinces sur le siège passager et libéra sa chevelure dorée, qui ondula doucement sur ses épaules. Son pied, encore coincé dans son escarpin, enfonça l’accélérateur et elle éclata de rire, ravie d’enfin se retrouver seule et libre de faire ce qui lui plaisait. Elle poussa le moteur jusqu’à rouler à du 150 km/h, concentrée sur la route. Enfin, elle prit l’interjection lui permettant de rejoindre son lycée, et le bâtiment des Rho Kappa.

*Clap* fit la portière qu’elle referma avec vigueur, une fois sur le parking. Un soupir ravi la quitta, et elle prit sa valise dans son coffre, ainsi que son sac à main. Rose poussa la porte du Bâtiment et s’y engouffra. Elle salua quelques personnes dans la salle commune, dont son « puceau », Nolan.

« Oh, Rose… il y a une surprise, dans ta chambre » lui dit celui-ci, d’une voix étrange.

Elle fronça l’espace d’une seconde les sourcils, puis lui sourit gentiment. Une surprise, qu’importe sa nature, ne gâcherait pas son plaisir d’être rentrée, bien au contraire. Du moins, c’est ce qu’elle pensait. Avant d’ouvrir la porte de sa chambre. Ou du moins… d’un endroit qui y ressemblait vaguement, mais où trainait un bordel indescriptible. Les lèvres de l’adolescente s’entrouvrirent d’horreur tandis que ses yeux glissaient d’un endroit à l’autre, effarés. Sa valise dans une main, son sac dans l’autre, la Rho Kappa releva finalement les yeux vers la personne qui se trouvait plantée au milieu de ce capharnaüm. Des pieds nus, jusque-là tout allait bien. Deux jambes, oui, c’est mieux pour se déplacer. Un… un quoi, au juste ? Rose referma la bouche, l’ouvrit à nouveau. Un boxer Bob l’Éponge, qui semblait renfermer un outil… outil, oui. Elle passa sur ce détail le plus rapidement possible pour son cerveau soudain en état de bug. Un ventre finement ciselé, un paquet de chips à la crevette qui n’avait rien à faire dans cet ensemble, et une main qui y plongeait avidement. Une serviette jetée sur une épaule qui ne ressemblait à rien d’autre qu’à une épaule, et enfin… un visage. Le visage d’un jeune homme aux traits asiatiques, qui dardait sur elle ses pupilles sombres, presque cachées par une mèche de cheveux presque blancs. Des yeux qui décrivirent une courbe vers sa poitrine, courbe que ne put manquer de remarquer Rose, tant elle était indiscrète.

« Enchanté, je suis Kevin et ton nouveau colocataire ! »

Les doigts de Rose se relâchèrent sous la surprise, et la jeune femme laissa tomber son sac. Il produisit un bruit sourd en s’écrasant au sol, mais elle n’y prit pas vraiment garde. Elle était bien trop occupée à remettre les pièces du puzzle dans le bon ordre. Ce garçon… Kevin… son colocataire ? L’origine de ce bordel ? Le propriétaire du boxer Bob l’Éponge et de ce qu’il y avait dedans ? Son colocataire ? Impossible. Effarée, elle ouvrit à nouveau la bouche sans savoir quoi dire. Il lui fallut quelques secondes pour se remettre du choc, au bout desquelles elle fit un effort considérable pour parler.

« Co… comment ça, mon colocataire ? Je ne… je n’ai pas demandé de colocataire. Tu es sûr ? » bafouilla-t-elle, en lançant un regard paniqué à sa porte pour vérifier qu’elle ne s’était pas trompée de chambre.

Malheureusement pour elle, ce n’était pas le cas. Elle était bien dans sa chambre. Ou plutôt… leur chambre.

« Seigneur, dites-moi que je rêve ».

Rose se pencha en avant sans prendre garde au fait qu’elle portait une robe décolletée, récupéra son sac et sa valise pour entrer tout à fait dans la pièce. Elle referma la porte derrière elle et resta là, le dos appuyé contre la planche de bois, ses yeux allant rapidement d’une ordure à l’autre. Ce n’est pas qu’elle était maniaque… mais elle n’aimait pas vivre dans le désordre. Et c’était quoi, cette odeur ?! Elle fronça le nez, plissa les paupières et afficha une mine dégoûtée sur son visage d’ange.

« Mais qu’est-ce qui sent comme ça ? » ne put-elle s’empêcher de dire d’une voix dégoûtée.