[Fini] Ceci est l’histoire d’un garçon qui rencontre une fille [...] [Dany]

Ceci est l’histoire d’un garçon qui rencontre une fille.
Mais d’emblée, il faut que vous le sachiez,
ce n’est pas une histoire d’amour

Au final, nous discutions un peu comme deux nouveaux élèves qui apprenaient à se connaître. Le fait qu’elle soit jeune et sympathique donnait presque envie de croire qu’elle était bien étudiante. Sauf qu’elle était bien professeure et que je ne parvenais pas à l’oublier. Je ne détestais pas discuter avec mes enseignants, au contraire, beaucoup oubliaient que derrière cette autorité, ces devoirs, tout ça, se cachaient des êtres humains, comme vous et moi. Avec Dany, il n’était pas difficile de mettre en évidence ce fait.
Cependant, je n’arrivais pas à être détendu au maximum. Elle m’avait invité à boire un verre avec elle et j’avais accepté, espérant au passage que je serais moins mal à l’aise. Après tout, il n’y avait aucun mal. J’aurais très bien pu sympathiser dans la rue et aller dans un bar tout pareil, sans savoir ce qu’elle faisait dans la vie. Elle n’avait pas non plus quarante ans et je n’étais pas un môme de douze ans. Pourtant, je me sentais quand même un peu coupable. Heureusement que nous avons trouvé une discussion qui me permettait de me détendre un peu, parce que sinon, je crois que j’aurais fui en courant devant cette scène un peu étrange. Je lui révélai alors que je dessinais et lui montrais mes tatouages, ceux que je portais avec fierté depuis déjà un petit temps. Oui, j’avais commencé jeune, et je ne comptais pas m’arrêter en si bon chemin. D’ailleurs, mon frère aussi était tatoué, il m’avait suivi pour me « défendre » et nous avions l’Homme de Vitruve tous les deux dans le dos. En tous les cas, ça semblait beaucoup plaire à la prof de musique.

-Magnifiques.... Tu as vraiment du talent. Et le tatoueur avec! Ca signifie quelque chose de particulier, ou ça sort simplement de ton imagination? Si je peux me permettre bien sûr...

- Merci. Oui, ils ont tous une signification, même si je préfère en garder la plupart pour moi.

Notamment la signification de mon tatouage commun avec mon frère, le symbole de l’humanisme. C’était quelque chose qui nous liait tous les deux et dont nous ne parlions à personne. Je sortis alors ma seconde carte, mon autre passion, le tir à l’arc. J’étais plutôt doué d’ailleurs, mais pas suffisamment pour prétendre à un niveau professionnel, j’avais été occupé par autre chose tout le long de mon enfance pour m’entrainer assez pour ça. Évidemment, il y avait bien une troisième passion, mais là encore, je la gardai pour moi. Pour moi et pour mon frère.

-Le tir à l'arc? Intéressant! J'ai toujours voulu apprendre, je sais pas pourquoi ça m'attire! Je devrais peut être prendre des cours! Et puis, on ne s'intéresse jamais à trop de choses! Personnellement je trouve ça plutôt intéressant de se passionner pour beaucoup de choses, de tenter des expériences, de découvrir de nouvelles choses, de tout essayer et d'accrocher à des activités dont tu ne soupçonnais même pas l'existence! Je pense qu'on en apprends jamais trop... Après ce n'est que mon avis!

- C’est pas si compliqué que ça, quand on sait se concentrer. Vous devriez passer au centre d’entrainement, il y a des cours. On pourrait même si recroiser !

Je ne lui proposais pas de lui montrer moi-même, ça serait vraiment trop bizarre. Et puis évidemment, même si je ne le savais pas encore, ça aurait pu m’attirer des ennuis avec mon frère, qui aura la bonne idée de s’enticher de la jolie Coréenne.

- J’aime votre façon de penser. Si j’apprenais tout ce que je voulais, j’aurais pas assez d’une vie je crois ! Mais en attendant, je vais me contenter de m’arrêter à la limite du cerveau humain …

J’avais déjà passé des heures et des heures à faire des recherches sur un sujet qui le passionnait, à chercher le moindre petite détail que je ne connaissais pas, à essayer de savoir aussi ce qui était vrai et ce qui ne l’était pas. C’était du temps et de l’énergie, et malheureusement pour moi, j’en n’en avais pas en illimité. Mais ça ne m’empêchait pas de continuer à essayer de voir tout ce que je pouvais. J’eus alors la brillantissime idée, pour meubler un peu la conversation, de demander si elle avait des musées à me conseiller, elle qui connaissait le coin.

-Euhm.... Laisse moi réfléchir... Oui! Y'a Vizcaza, qui est magnifique, et Perez, un musée d'art moderne, superbe aussi! Et je crois que t'as le musée des sciences pas très loin, toi qui t'intéresse aux sciences! Je t'y emmène si tu veux?

Là, il me fallait quelques temps de réflexion. C’était déjà bizarre de boire un verre avec elle, je me voyais mal me ramener au musée en sa compagnie. Et puis de toute façon, mon frère m’attendait, je lui avais dit que je n’en avais pas pour très longtemps, et je me voyais mal lui dire « oui, j’ai passé l’après-midi à me promener en ville avec une prof que tu risques d’avoir à la rentrée ». Etant donné qu’il chantait et qu’elle était prof de musique, je pensais qu’ils étaient voués à se rencontrer, sans penser que c’était déjà fait. Je lui fis un petit sourire gêné et fus sauvé par le servir qui revenait déjà avec notre commande. Nous le remerciâmes et il quitta la table de nouveau.

- C’est très gentil de votre part, mais j’irai un autre jour. Mon frère m’attend à la maison et je suis sûr que ça l’intéresse aussi !

Buvant nos boissons bien rafraichissantes, nous continuâmes de discuter pendant quelques minutes de tout et de rien. Je me détendais un peu mais ce n’était toujours pas trop ça. Mais au final, j’étais quand même contente de cette rencontre. Bon, Ce n'était pas une future camarade de classe, et je ne l’aurais sans doute pas en cours vu que je ne faisais pas de musique du tout, mais je savais que si j’avais besoin de quelque chose, je pouvais toujours me tourner vers elle, vu comme elle était proche de ses élèves. Je gardai en tête qu’il y avait au moins un prof sympa dans ce bahut, parce que je ne connaissais pas encore les autres. Une fois mon verre fini, je regardai ma montre, ça faisait déjà un petit temps que j’étais parti de l’appartement. Je me levai et sortis mon portefeuille. Je ne savais pas quoi faire. je n’étais pas un gougeât au point de la laisser tout payer, même si c’était elle l’adulte, même si c’était elle qui m’avais invité à venir boire un verre. Mais une prof qui payait un verre à son élève, c’était déjà bizarre, alors un élève qui payait un verre à sa prof, c’était encore pire. Même si techniquement, elle n’était encore rien pour moi. Je décidai donc qu’on allait chacun payer notre part, c’était le plus évident après tout.

- Euh … si ça vous dérange pas, je vais payer ma part et vous laisser la vôtre, sinon, ça serait trop bizarre je crois …

J’allais donc régler ma note avant de revenir à sa table avant de partir.

- Enchanté de vous connaître Dany. Au plaisir de vous revoir dans les couloirs !

Ou à la porte de chez moi. Mais ça, c’était une autre histoire. Je sortis donc du bar et retrouvai le soleil de l’extérieur. Je n’avais pas beaucoup à faire pour rentrer chez moi, j’en étais bien content d’ailleurs avec cette chaleur. Je passais donc la porte de l’appartement en me disant que c’était une rencontre étrange mais que je n’en étais pas mécontent. Mon problème avec l’administration était semble-t-il réglé. Si seulement j’avais su qui elle était réellement … A coup sûr, je n’aurais pas réagi de la même façon. Mais le mal était fait.

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Mais d’emblée, il faut que vous le sachiez,
ce n’est pas une histoire d’amour

L’énervement dû à l’incompétence de l’administration passé, je pouvais discuter tranquillement avec la jeune femme rencontrée. Techniquement, elle n’était pas encore ma prof, vu que ce n’était pas encore la rentrée, mais ça ne m’empêchait pas de lui montrer tout le respect que je lui devais. D’ailleurs, devoir la tutoyer, ou même l’appeler par son prénom, allait être compliqué pour moi, mais j’allais essayer, parce que c’était ce qu’elle voulait. Je lui demandais ce qu’elle enseignait et elle me dévoila que son domaine, c’était la musique. Moi, ce n’était pas mon truc, mais mon frère, Raphaël, était très bon chanteur, j’étais certain qu’ils allaient finir par se rencontrer. Je ne savais pas que c’était déjà fait par ailleurs.

-Peut être oui!

Je lui avouai alors la raison de ma présence ici, et mes origines au passage. Il était vrai qu’en fait, je n’avais rien à faire aux Etats-Unis, j’avais juste suivi mon frère. Mais en fait, c’était plus compliqué que ça, et je préférais ne pas m’étaler dessus, c’était mieux ainsi.

-J'espère que vous le retrouverez... Et je suis sûre que vous vous plairez ici! Il n'y a pas de raison du contraire après tout!

- Sans doute. Le temps nous le dira !

La jeune femme fit alors quelque chose d’inattendu, elle m’invita à aller boire un verre pour discuter un peu plus. J’hésitais, je ne savais pas si je devais accepter, si j’en avais le droit. Mais après tout, nulle part il était écrit que c’était strictement interdit, je ne risquais donc rien, surtout alors que nous étions encore en vacances. Je lui dis donc que j’étais partant, mais que je ne connaissais pas les environs. Je lui faisais entièrement confiance.

-Ca marche! Je connais un endroit sympa! Aller viens!

Je la suivis donc jusqu’à un petit café, pas très loin de l’école. C’était un endroit plutôt tranquille. Quelques personnes étaient déjà installées mais il y avait bien assez de place pour nous. Un type discutais avec le barman, qui, en nous voyant arriver, nous fit un signe de tête pour nous souhaiter la bienvenue et nous faire comprendre qu’il n’allait pas tarder à venir prendre notre commande. Nous nous installions pour discuter et je lui demandais plus de précisions sur la musique, parce que ça pouvait être assez vague.

- Je joue plus du piano et de la guitare. Je t'avouerais que je chante plus que rarement! Mais la musique c'est avant tout une passion, j'en ai juste fais un métier histoire d'avoir une excuse de plus pour faire ce que j'aime! Et toi? T'as des passions?

Tout un tas de choses se bousculèrent dans ma tête. J’étais intéressé par presque tout ce que je pouvais apprendre depuis que j’étais tout petit, bien que certains domaines me passionnent plus que d’autres. Comme par exemple le dessin ou le tir à l’arc. C’était pour moi deux moyens de me détendre, de m’échapper, de pouvoir me concentrer aussi et d’affiner mon esprit. J’étais assez doué dans les deux, même si on ne pouvait pas dire que j’avais un niveau exceptionnel.

- Oui, je dessine pas mal. Donnez-moi une feuille et un crayon, et on ne m’arrête plus ! J’aime tous les types de dessins, même si j’ai une préférence pour les portraits. Peut-être qu’un jour, je vous montrerai. D’ailleurs, je peux tout de suite !

Je lui montrai mes bras, tous les tatouages qui étaient visibles à vrai dire. Hormis deux ou trois, c’était moi qui les avais dessinés, puis ils avaient été reproduis avec succès par le tatoueur. J’enchainais alors avec le sport.

- Sinon, je pratique aussi le tir à l’arc, je me débrouille pas mal. Et en règle générale, j’aime tout ce qui est sciences. Comme mon frère, j’aime beaucoup apprendre, je trouve beaucoup de choses passionnantes, peut-être trop même.

Je lui souris. Je pensais bien à autre chose, mais je préférais me taire. Nous avions convenu de ça avec mon frère. Un serveur vint à notre table et nous pûmes commander. Pour ma part, je demandai une limonade, simplement. Il reparti avec son papier et je pouvais reporter mon attention sur la professeure, bien que je ne savais pas quoi lui dire. J’étais assez mal à l’aise, parce que c’était une situation totalement inédite. Il fallait le temps que je m’y fasse. Je détournai le regard quelques secondes, avant de poser de nouveau mes yeux bleus sur elle. ma part curieuse et Khi Omikron l’emportait sur ma gêne.

- Dites, Dany, vous savez s’il y a de bons musées à Miami ?

Je n’avais rien d’autre en stock, j’étais vraiment désolé pour elle. j’aurais peut-être mieux fait de garder le silence d’ailleurs.

Ceci est l’histoire d’un garçon qui rencontre une fille.
Mais d’emblée, il faut que vous le sachiez,
ce n’est pas une histoire d’amour

-Tout ce que je te demande, c'est de pas m'appeler "Madame" ou "Mademoiselle". Essaye "Dany" hein. Et je t'autorise à me vouvoyez si tu y tiens!

Bon, Dany, ça devrait pouvoir le faire, sans doute. Avec un peu d’effort de ma part. Mais le tutoiement, impossible. Pas pour le moment. Et avec le futur, ça ne risquait pas de changer ! J’étais curieux et je voulais savoir quelle matière elle enseignait. Peut-être que je la recroiserais en cours, qui sait ? Je lui posai donc la question et elle me dit qu’elle était prof de musique, et passionnée qui plus est. C’est mieux quand même quand on veut faire partager ce qu’on sait. Moi, je n’avais aucun don en rapport avec la musique. Les seules choses que je savais faire de mes dis doigts étaient dessiner et tirer à l’arc. Je ne jouais pas d’instrument et je ne savais pas du tout chanter. En fait, quand je poussais la mélodie, ça donnait plus envie de vomir que de s’émerveiller. Pleurer sans doute aussi. Mais Raph, lui, était un excellent chanteur. J’aimais l’entendre. Il m’avait d’ailleurs dit qu’il avait partagé un moment musique avec une demoiselle, et j’étais content qu’il ait trouvé quelqu’un pour partager cette passion avec lui, parce que sur ce coup, il ne fallait pas compter sur moi.

- C’est pas que ça m’intéresse pas, mais je dois pas avoir la fibre musicale. Je suis pas doué du tout. Par contre, mon frère, lui, il chante très bien ! Il s’appelle Raphaël, vous le croiserez peut-être !

Je disais ça sans savoir que c’était déjà fait évidemment. Heureusement que je ne savais pas, sinon, j’aurais été beaucoup moins sympathique avec cette charmante cacheuse de vérité. Je continuais donc mes questions, voulant savoir si elle était ici depuis longtemps. visiblement, elle connaissait le coin. Elle me retourna la question. Même si je parlais bien anglais, j’avais sans doute un petit accent trahissant le fait que je ne sois pas Américain. Et puis, je n’étais pas assez bronzé pour être de Miami ou pour être ici depuis longtemps.

- Vous avez raison. Je suis Suisse. En fait, Raph est pas vraiment mon frère, mais je le considère comme tel. Il cherche son père et je l’ai suivi jusqu’ici. On va bien voir ce que ce nouveau pays va nous offrir.

Moi non plus je ne connaissais pas mon vrai père, mais ça, elle devait s’en douter vu qu’elle savait que j’avais été adopté. D’ailleurs, c’était plus compliqué que « Raph est pas vraiment mon frère » parce que techniquement, c’était plutôt mon cousin. En fait, pour ma part, je n’avais aucune envie de retrouver les parents qui m’avaient abandonné. Ceux qui m’avaient élevé me suffisaient amplement.

-Tu sais quoi, je voulais aller boire un café ou un truc, ça te dis?

Là, sa proposition me prit un peu de court. Euh … Une prof inviter un élève à aller boire un verre ? Même si techniquement nous étions encore en vacances, c’était bizarre. Je ne savais pas si je devais accepter ou non. Mais dans un sens, je ne savais pas si je pouvais refuser, c’était gentiment proposé et sans doute sans arrière-pensée. Je ne risquais rien. A part peut-être faire foirer quelque chose qui me dépassait entre mon frère et la jolie asiatique.

- Si vous voulez ! Je vous avoue que je connais pas le coin, alors je vous suis.

Je sortis mon portable pour prévenir que je ne rentrerai pas tout de suite. Dany sorti de l’école et je la suivis jusqu’à un café qui ne se trouvait pas très loin. Nous nous installâmes à une table en attendant que le serveur vienne prendre commande. J’avais bien envie de continuer mes questions, mais j’avais peur de me montrer impoli et trop curieux. Tant pis, ce n’était pas non plus quelque chose d’hyper indiscret que je voulais lui demander.

- Et niveau musique, vous touchez à quoi ? Vous chantez aussi ou vous êtes simplement musicienne ?

C’était déjà bien d’ailleurs, moi j’étais incapable ne serait-ce que de faire deux notes sur un piano.

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Mais d’emblée, il faut que vous le sachiez,
ce n’est pas une histoire d’amour

Je ne m’attendais pas du tout à être rattrapé par la demoiselle. Je ne la connaissais pas, elle ne me connaissait pas, et notre seul point commun était d’être blasés par l’administration lente et casse-pied. Comme à peu près la terre entière. Je l’observais un instant et elle m’avoua qu’elle avait eu les mêmes problèmes que moi quand elle était en étude. Moi, je n’étais pas encore très avancé, loin d’avoir un diplôme et d’entrer dans la vie active. Je compris alors que si elle n’était pas élève, c’était qu’elle était professeure ici. Sauf que je ne fis d’abord pas attention à ma manière de me comporter avec elle, lui demandant si elle était habituée au passage.

-Ouai c'est clair. C'est quand même pas compliquer à comprendre hein? M'enfin que veux tu, ils sont cons, c'est tout. C'est agaçant oui, et j'avais dû mal à le supporter. Passer je ne sais combien de temps à leur expliquer maintes et maintes fois la même chose et avoir un abruti qui ne comprends rien devant soit, c'est vraiment agaçant. Je t'aurais bien dis "On s'y fais à la longue", mais ce serait faux!

Je lui fis alors une remarque sur la fin de ses études et elle me confirma qu’elle était enseignante. Elle voulait que je la tutoie même. Mais elle était folle ! Jamais je ne pourrai ! Avec mon frère, nous étions bien trop respectueux pour être familiers avec un professeur, aussi jolie et aussi jeune soit-elle. Je lui souris, gêné.

- Je vais … essayer de faire des efforts. Mais je promets rien.

Je l’observais un instant. Même pour une toute récente prof, elle me semblait bien jeune. Mais ce n’était qu’une apparence et je savais par expérience qu’on ne pouvait pas se baser uniquement sur ça. La jeune femme se présenta alors.

- Au fait, moi c’est Dany ! Et toi ?
- Gabriel.

Pour le coup, je crois que ma réponse fut un peu brute. Mais bon, je n’oubliais pas qu’elle était enseignante. D’ailleurs, je me voyais mal l’appeler par son prénom en cours. Mais quel cours ? De quelle matière était-elle une spécialiste ? Juste en la regardant comme ça, je ne pouvais pas le deviner. Je me disais juste que si elle avait cette énergie dans un cours de science, avec son joli sourire aussi, elle allait en intéresser plus d’un !

- Dites, quelle matière vous … tu enseignes ?

Restait à savoir si j’allais être son élève. D’ailleurs, dans un sens, j’étais pressé de reprendre les cours, de rencontrer mes nouveaux camarades. Le seul problème était cette fichue administration qui n’en faisait qu’à sa tête ! La seule chose que je savais déjà, c’était que Raphaël et moi étions dans la même classe. Et pour l’instant, ça me suffisait. Nous avions encore le temps et nous en profitions pour visiter la ville, que nous ne connaissions pas beaucoup.

- Ça fait longtemps que vous êtes sur Miami ?

Décidemment, non, je ne pouvais pas la tutoyer, c’était au-dessus de mes forces. Et si ça ne lui plaisait pas, et bien, ma foi, c’était la même chose !

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Mais d’emblée, il faut que vous le sachiez,
ce n’est pas une histoire d’amour

Comme moi, la demoiselle ne semblait pas très contente de la dame qui s’occupait de l’administration pendant les vacances. Je comprenais que ce n’était pas forcément motivant de devoir rester là, alors que les autres profitaient des grasses matinées et du soleil dehors. Mais c’était son travail et si elle le faisait bien, elle n’aurait pas autant de remontrances de notre part. Une fois ce que je voulais modifier rectifié, je n’avais plus qu’à m’en aller. Je n’allais pas non plus rester ici toute ma vie. Mon chez moi m’attendais.
Je rangeai ce que j’avais sorti et la dame donna aussi quelque chose à la jeune femme présente dans la pièce. Au moins, elle était tranquille, on avait tous les deux ce qu’on voulait. Il ne restait plus qu’à espérer que quelqu’un d’autre ne débarque pas pour l’incendier, un peu comme nous l’avions fait. Je sortis alors du bâtiment, sous le soleil tapant, pressé de retrouver ma liberté. J’entendis des pas derrière moi. Puis, je vis quelqu’un se mettre à ma hauteur. Je n’eus pas besoin de tourner la tête pour deviner qui c’était.

-Je compatis, j'avais le même problème quand j'étais encore étudiante. A chaque fois que je changeais d'établissement c'était pareil. Bienvenu au club!

Elle, le même problème ? Là, je ralentis fortement et braquai lentement mes yeux bleu vers elle. Je ne la connaissais pas, elle était plus vieille que moi. En même temps, du haut de mes seize ans, pas mal des étudiants de cette école l’étaient. Elle était asiatique, blonde, très jolie. Mais pas vraiment mon style. Je lui souris alors, curieux, et content qu’elle comprenne ce que je ressentais.

- Ah bon ? Je n’ai pas changé souvent d’établissement, mais c’est la galère, ça ne me donne pas vraiment envie. Surtout qu’ils sont bouchés, ils ne veulent pas comprendre. A la longue, c’est éreintant. T’arrives à supporter à chaque fois toi ?

C’est à ce moment qu’un détail de sa phrase me revint en tête. Quand j’étais encore étudiante. ça voulait dire qu’elle ne l’était plus. Était-elle prof ou tout juste diplômée ? Je n’en savais rien, mais je montrais toujours un grand respect envers mes supérieurs. Si elle était effectivement enseignante ici, la tutoyer était presque une insulte et une marque de non-respect. Etre aussi familier n’était pas dans mes habitudes et je préférais bien séparer vie scolaire et vie personnelle.

- Tu … vous avez fini vos études ?

Je me permettais de poser des questions parce que c’était elle qui m’avait abordé. Peut-être que je la reverrai à la rentrée si elle était professeur ? Après, ça dépendait de quelle matière elle enseignait. Ou peut-être que je ne la reverrai pas, si elle venait de finir et qu’elle s’en allait poursuivre autre part ou commencer un travail. En fait, je me posais beaucoup de questions, j’étais curieux de savoir beaucoup de choses sur les autres, je me disais que ça pouvait toujours servir. Si je savais réellement qui elle était et la relation qu’elle allait avoir avec mon frère, à coup sûr, je ne serais pas resté longtemps avec elle. Mais je ne savais rien et elle m’avait l’air bien sympathique. Discuter avec quelqu’un dans cette ville, prof ou pas prof, je ne le refusais pas. je lui offris un sourire joyeux, oubliant l’administration qui m’avait tapé sur les nerfs et le fait que j’avais dit à Hope et Raphaël que je rentrais rapidement.

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Mais d’emblée, il faut que vous le sachiez,
ce n’est pas une histoire d’amour

Ce que l’administration pouvait m’énerver. Là, tout de suite, j’avais envie de crier sur cette bande d’incompétents. Franchement, c’était pas compliqué pourtant de ne pas perdre mes papiers ! Il fallait que je passe voir l’administration, alors que c’était les vacances. Sinon, je ne pourrais pas suivre les cours à la rentrée. J’aimerais tous les empailler et les coller quelque part, où ils seraient plus utiles que maintenant. Parfois, j’avais tendance à démarrer au quart de tour. Mais mon frère veillait. En me voyant énervé, il était venu me voir, pour me demander ce qui n’allait pas. Je lui avais alors expliqué le problème. Encore ses satanés papiers. A cause de ma naissance ou je ne savais trop quoi. Mon certificat de naissance, je crois que c’était ça. Comme j’avais été abandonné devant la porte d’un hôpital, ça posait parfois problème. Certains ne comprenaient pas que tout le monde ne naissait pas dans une famille aimante et parfaite.
Enfin bref, je devais quand même me déplacer. Raphaël proposa de venir avec moi, mais je préférais ne pas le déranger. Qu’il reste tranquillement à l’appartement avec Hope, je ne serai pas long de toute façon. Je ne comptais pas m’éterniser près de quelqu’un qui refuse de comprendre qu’il y a toujours des exceptions à un cas général.

Je descendis les marches rapidement. L’appartement n’était pas trop loin de l’école, nous l’avions aussi choisi pour ça. J’y allai donc à pied. Le soleil tapait. A vrai dire, je n’avais pas encore vu la pluie tomber, malgré quelques orages secs. J’étais en marcel gris et bermuda, laissant entrevoir la plupart de mes tatouages. A part peut-être celui que je partageais avec mon frère, l’homme de Vitruve dans le dos. Mes baskets commençaient à être usées, mais ce n’étaient pas ça qui allait me pousser à en acheter de nouvelles.
Quelques minutes de marche et j’arrivai à destination. L’endroit était presque désert, hormis quelques élèves qui restaient dans les bâtiments des confréries pour les vacances. Je ne connaissais personne, vu que je n’avais encore suivi aucun cours. Je passai donc rapidement mon chemin, voulant juste retourner chez moi, dessiner un peu ou zapper la télé en grommelant qu’il n’y avait que des choses abrutissantes. J’ouvris la porte de bâtiment de l’administration et pénétrai dans la pièce. Il y avait une dame, derrière son comptoir. Et une jeune femme qui attendait sur le côté.

- Bonjour, que puis-je pour vous jeune homme ?

Déjà, elle était aimable. C’était ça. Je décidai alors de lui monter la lettre que j’avais reçue, notifiant les problèmes. Je sortis alors un papier de ma poche, plié en je ne savais combien, et lui collai sous le nez.

- Là, on me demande le nom de la mère, mais yen a pas. C’est normal, j’ai été abandonné et adopté. Je peux pas vous le donner, je l’ai expliqué en faisant mon dossier.

D’ailleurs, je ne comprenais pas pourquoi il fallait ça pour une inscription à une école, ce n’était pas logique. Ou alors, c’était en cas de problème, si on devait m’emmener à l’hôpital ou quelque chose comme ça. Ou parce que je n’étais pas Américain. Enfin bon, ce que je savais, c’était que ça me cassait les pieds.

- Votre nom ?
- Diesbach.

Elle chercha dans son ordinateur un instant et fronça les sourcils.

- C’est pas votre mère qui est décédée ?

Bon, d’accord, je sentais la grosse embrouille. Je respirais, afin de ne pas m’énerver. Bien sûr. Mes parents adoptifs avaient aussi Raphaël sous leur tutelle. C’était sans doute lui qu’elle venait de trouver dans ses fichiers. Je m’approchai, récupérai mon papier et la regardai, tentant de garder mon calme.

- Non, ce n’est pas moi. On l’a déjà dit. J’ai été adopté par Mr et Mme Diesbach, vous savez ce que ça veut dire adopté ? Et non Raphaël, lui, c’est leur neveu, et c’est sa mère à lui qui est morte, donc il a été élevé par mes parents, son oncle et sa tante. Faut suivre un peu, vous êtes payée à rien faire ou quoi ?

Elle me regarda un peu méchamment. C’était vrai que je n’avais pas été sympa. Mais j’en avais marre de toujours devoir expliquer la même chose. Ce n’était pas si compliqué que ça. Je m’excusai alors brièvement, me tournant aussi vers la jeune inconnu à l’autre bout de la pièce pour lui adresser un sourire gêné. La dame modifia quelque chose sur son écran et me dit que c’était bon, que je n’aurai plus de problème. Je rangeai mon papier et la remerciai tout de même. Il ne me restait plus qu’à rentrer chez moi.