Quand le passé rattrape le présent [PV Esteban]

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Attentive comme à son habitude, Cassie écouta le jeune homme converser. Après lui avoir rendu sa bouteille d’eau, Esteban s’assit devant elle a même le sol. Il lui raconta qu’il allait rentrer à la fac cette année, confirmant le souvenir de la jeune femme comme quoi il était légèrement plus vieux qu’elle. Il allait faire des études de psychologie. La brune se retient de demander s’il n’avait pas besoin de « cobaye ». Enfin, mauvaise idée. Contrairement à un vrai psy, il ne pourrait pas lui prescrire des antidépresseurs, valait mieux payer un professionnel. Mais à dire vrai, elle était quand même impressionné par son compatriote. Esteban savait ce qu’il voulait faire et était prêt à faire encore plusieurs années d’études pour ça… Cassie, elle risquait de redoubler sa dernière année de lycée et n’avait strictement aucune idée de ce qu’elle voulait faire dans la vie.

Cassie fît une moue lorsqu’Esteban lui parla des confréries. Certes, elle s’y était déjà inscrite et avait croisé quelques personnes sympathiques mais ce système purement américain la laissait en proie aux doutes. Il fallait dire que les films sur les jeunes américains à la fac n’était pas vraiment vu d’un bon œil. Humour grotesque et vulgaire, les confréries était un lieu rassemblant les mêmes catégories de personnes (vive la diversité) ayant les mêmes goûts. Sans compter toutes ses fêtes de mauvais goût qui dégénéré vite, des bizutages et tout ce qui s’en suit. En gros, la jeune femme n’était pas du tout convaincue pour l’instant.

Je me suis inscrite chez les Alphas Psi. Fini-t-elle par avouer. Pas que je sois une artiste, c’est juste que j’aime bien la photographie.

Elle laissa un instant de pause avant de demander :

Tu es dans quelle confrérie ?

Être sociale. Sourire. Changer, grandir, s’épanouir. Être bien dans sa peau. C’était tellement difficile. Pourtant, il fallait qu’elle fasse des efforts. Son psychothérapeute lui avait conseillé d’y aller par étapes. De faire le premier pas, de s’intéressait aux gens. Pas qu’elle s’en moquait en temps normal, Cassie prêtait toujours une oreille attentive quand on se confier à elle, s’était juste qu’elle ne répondait pas vraiment. Relancer la conversation, poser des questions, c’était un très bon début pour se faire des amis. De plus, elle connaissait déjà un peu Esteban, même si elle aurait préféré oublier les souvenir qui lui étaient rattaché.

Doucement, Cassie se décala légèrement sur le banc. Esteban avait surement chaud à être assis comme ça au soleil, puis même si le banc n’était pas ce qu’il y a de plus confortable, c’était mieux que le sol. La jeune femme avait laissé sa bouteille d’eau à côté d’elle, s’il avait envie de boire encore. Cassie le regarda dans les yeux, l’invitant muettement à venir s’asseoir sur le banc s’il en avait envie. Beaucoup de personnes lui avait fait la réflexion que c’était bizarre, qu’elle regardait toujours les gens dans le blanc des yeux, que c’était dérangeant. Elle ne voyait pas pourquoi. On lit beaucoup de chose dans les yeux d’une personne. Esteban avait les mêmes yeux bleus qu’elle, avec une lueur plus chaleureuse.

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Esteban fronça les sourcils le temps d'une demi seconde avant de se reprendre et de coller un doux sourire sur ces lèvres. La jeune femme semblait nerveuse. Sourire forcé, le corps crispé, des signes qui ne trompent pas, enfin pas pour un jeune homme aussi observateur que lui. C'était en quelque sorte un réflexe, une déformation qu'il avait développé durant toute ses années où il était resté en arrière à observer le monde tout en tentant de s'en faire oublier. Une preuve une fois de plus que même les expériences douloureuses doivent être acceptées et respectées pour ce qu'elles sont. De toute cette souffrance, ce mal être, était sorti quelque chose de positif, un don qui avait fait de lui ce qu'il était actuellement et ce qu'il serait dans l'avenir : quelqu'un d'empathique, ouvert à la souffrance des autres. Après tout il avait choisit la psychologie pour ça.

Avalant un cachet non identifié, Cassie lui tendit une bouteille d'eau qu'il prit avec reconnaissance. Sa gorge était si sèche. Il avait tellement chaud ! C'était une sensation hautement désagréable, diffuse et entêtante comme si son corps fondait sous la chaleur. L'eau lui fit du bien. Tendant sa bouteille à la jeune femme, il s'assit dans un soupir de bien être, les jambes en tailleur sur le sol, juste en face du banc sur lequel elle était installée. Penché en arrière, le visage baigné par le soleil, les yeux fermés et les mains enfoncés dans l'herbe rase, il réfléchit à toute allure au comportement de Cassie. Mal à l'aise, elle semblait ne pas apprécier autant que lui le hasard de cette rencontre. Il eu l'envie incongru de passer sa main dans les longs cheveux foncés de l'anglaise pour la réconforter. Évidement il ne le fit pas, ne voulant pas la braquer plus que ça. Certaines personnes n'apprécient pas qu'on les touche sans raison, ce n'était pas le cas d'Esteban mais inutile de tenter le diable. En choisissant de s'installer sur le sol, en dessous et suffisamment loin pour ne pas empiéter sur son espace vital, il avait l'espoir que la jeune femme se détende.

À vrai dire, j'habite ici depuis un an. J'ai fait ma dernière année à Wynwood High School, j'imagine que c'est là que tu seras à la rentrée. J'ai décidé de rester et de continuer mes études ici, j'entre en psychologie à l'université en septembre.

D'ailleurs il fallait qu'Esteban s'occupe de deux ou trois trucs avant la rentrée. Des papiers à récupérer au secrétariat de WHS et il devait d'urgence se trouver un appartement correct dans le centre ville de Miami. L'hôtel s'était bien quelque temps, le jacuzzi, le service aux chambres, tout ça mais il avait vraiment envie d'avoir enfin son chez lui. Un instant il faillit proposer de lui faire faire le tour du campus, mais au dernier moment il s'abstient, il ne voulait pas qu'elle se sente obligé d'accepter ou qu'elle écourte la conversation pour y échapper. Finalement il opta plutôt pour un babillage léger lui laissant les rennes de la conversation.

Tu verras Miami c'est sympa, quand il ne fait pas trop chaud. Ce soleil me tue ! Littéralement. D'ailleurs j'y pense, tu t'es inscrite dans une confrérie ? C'est assez cool comme système, grâce à ça je me suis fait pas mal d'amis intéressants.

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Cassie ?

À l'entente de son prénom, la brune se redressa, étonné que quelqu'un ici puisses la connaître. C'était un brun, pas très grand avec une barbe de trois jours et aux yeux bleus qui semblaient nettement étonné de la voir. Elle mit un certain moment avant de mettre un nom sur son visage.

C'est fou ça ! Depuis quand tu es à Miami ?
Esteban ?

Le coeur de la jeune femme s'emballa, dissipent d'un coup l'effet chimique de ses médicaments. Des souvenirs du passé lui reviennent en bloc, ceux-là même qu'elle tentait d'effacer. Tout lui revient, la drogue, l'alcool, les garçons et les filles à qui on se frotte en dansant dans des endroits glauques partout à travers l'Angleterre. Elle réprima une grimace. Tout ce qu'elle avait tenté de fuir en partant aux États-Unis allait la rattraper ici ? Non, non. Ils ne se connaissaient à peine. Ils avaient bien quelques connaissances en commun, ils avaient bu et fumé ensemble mais cela s'arrêtait là. Jamais ils n'avaient échangé leurs numéros de téléphone ou quoi que ce soit d'autres. Esteban ne devait pas être une menace pour ses résolutions. Son coeur se calma et Cassie se remémora sa question.

Ça… ça alors ! Je suis à Miami que depuis quelques jours. Et toi alors ? Ça fait un moment qu’on ne s’était pas revu.

La brune se força à sourire. L’angoisse de Cassie s’était tus mais la tranquillité de son esprit n’était plus ce qu’elle était il y a dix minutes. Après une dernière bouffé de fumer, la jeune femme éteignit sa cigarette sous sa chaussure avant de jeter le mégot dans une boîte métallique prévue à cet effet qu’elle avait sortie de son sac. Discrètement, en rangeant sa boite Cassie pris un cachet dans son sac et sorti sa bouteille d’eau avant de boire au goulot. Elle tendit ensuite la bouteille à Esteban, lui demanda silencieusement d’un léger coup de tête s’il voulait boire. À en voir son comportement, l’anglais semblait supporté la chaleur aussi bien qu’elle : c’est-à-dire très mal. Il fallait dire qu’en Angleterre, il fessait très rarement chaud. Pourtant la jeune femme avait vécu dans une ville balnéaire au sud de l’Angleterre, où le climat était quand même beaucoup plus doux que dans le reste du pays.

Elle continua à l’observer un moment, essayant de se souvenir ce qu’elle savait de lui. Pas grand-chose à vrai dire. Il faut avouer que les fois où ils s’étaient parlé, c’était lors de fêtes bien arrosés donc on ne pouvait pas vraiment compter sur sa mémoire dans ses moments-là. Ce qui était sûr, c’est qu’il n’était pas de la même ville. Et qu’il était plus vieux qu’elle. Il devait surement être en Licence. Enfin, peut-être. Tous étaient flous.

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L'été en Floride c'est vraiment quelque chose. Et pour Esteban c'était même quelque chose de particulièrement difficile à supporter. Quand on a habité toute son enfance dans une ville où il pleut les trois quarts de l'année, tout ce soleil et cette chaleur ça devient vite totalement ingérable. À vrai dire, c'était le deuxième été que le jeune homme passait à Miami et il possédait maintenant une certaine expérience de la chose. Pour survivre rien de plus simple, il suffit de respecter quelques principes de bases. Esteban s'employait à les honorer à la lettre la plupart du temps. La plupart du temps mais pas ce jour là apparemment puisqu'il avait décidé pour une fois de faire fi des règles. Il se trouvait donc dehors, sans crème solaire ni quoi que se soit pour le protéger du soleil, à se balader dans le parc du campus alors que c'était encore le début de l'après midi.

Marchant au hasard sur l'herbe jaunit par la canicule, il soupira plusieurs fois en ébouriffant ses cheveux dans l'espoir fou que ça atténuerait la sensation désagréable de chaleur qui lui collait à la peau. Rien à faire. À vrai dire, il ne savait même pas ce qu'il faisait ici. Cela faisait à présent deux jours que son avion l'avait déposé à l'aéroport international de Miami et depuis il errait dans la ville sans trop savoir quoi faire. Ces derniers mois, il avait été tellement occupé, toujours à la limite du surmenage que tout d'un coup ne plus avoir de but précis à accomplir le rendait perplexe. Il aurait pu rester dans la chambre d'hôtel qu'il avait loué pour buller à la piscine ou lire un bon livre mais il avait eu envie de venir ici, sur le campus, faire une sorte de pèlerinage.

Repérant un coin relativement à l'ombre, il s'y allongea avec plaisir. Ces bras croisés dernière sa tête remontaient son tee-shirt en coton gris et découvraient son ventre mais il ne s'en souciait guère. Une petite brise bienvenue traversa l'herbes rases qui vint caresser ses mollets dénudés par son bermuda. Ça sentait la chaleur et l'été. Les yeux entrouverts, Esteban contemplait le mouvement dans les arbres au dessus de lui. Paix. Sérénité. Il pouvait rester des heures comme ça et il l'aurait surement fait si un détail n'avait pas attiré son attention. Sur sa droite, une brune fumait sur un banc et il était sur de reconnaître cette silhouette. Sans réfléchir plus que ça, Esteban se leva en époussetant ses cuisses avant de se diriger droit vers la demoiselle qui lui semblait familière.

Cassie ?

Le choc devait se ressentir dans sa voix car il n'avait même pas penser à le masquer. Il n'aurait jamais pensé croiser la jeune femme à Miami. À vrai dire, il ne se connaissait pas tant que ça, ils avaient fréquenté les même personnes à un moment, participé aux même fêtes pendant un temps, ce genre de chose. Il ne l'avait pas revu depuis qu'il avait décidé de s'installer à Miami pour continuer ses études et encore, ça faisait déjà un moment qu'il ne trainait plus avec les même personnes. En même temps, ça lui faisait tellement plaisir de la revoir !

C'est fou ça ! Depuis quand tu es à Miami ?

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Miami, juin 2013.

Une fois son année scolaire terminée, Cassie s'était empressée de déménager aux États-Unis. La rentrée n'était qu'en septembre mais la jeune femme ne voulait plus rester en Angleterre. Seulement, ce qu'elle n'avait pas pensé, c'était que l'été à Miami, il fessait chaud. Trop chaud. Surtout qu'ici l'été devait bien durer jusqu'à octobre. La jeune femme grimaça.

Profitant de son temps libre, la jeune femme avait décidé de faire le tour du campus qui était de taille impressionnante. Mélange de lycée et d’université, le site était relié à un parc et … Une plage ! À cause de la chaleur écrasante, Cassie s’arrêta au premier banc à l’ombre qu’elle vit. En cette fin de matinée et malgré les vacances, beaucoup de monde s’agitait encore sur le campus. On y voyait beaucoup de jeunes allongés dans l’herbe près des étangs, d’autres qui jouaient au foot et beaucoup de personnes allaient à la plage au vu de leurs maillots de bains et de leurs serviettes de plage.

Habillé d’un simple shorty en jean et d’un débardeur noir, Cassie avait abandonné l’idée de mettre ne serais-ce que l’un de ses nombreux colliers ou bracelet. Il fessait définitivement trop chaud. Légèrement maquillé, la jeune femme avait relevé des cheveux en un chignon lâche. Elle hésita un instant à prendre une cigarette dans son sac, puis sortir sa boite métallique et son Zippo. En allumant sa cigarette slim, Cassie se dit que les mauvaises habitudes avaient la vie dure. En achetant des cigarettes slim, Cassie avait espéré réduire sa consommation de nicotine (entre autres), mais cela était loin d’être gagné.

Profitant de son coin d’ombre, la jeune femme étendit ses jambes et soupira d’aise. Même s’il fessait trop chaud à son goût, passer les vacances dans un climat différent de celui de l’Angleterre n’était pas pour lui déplaire. C’était aussi grâce à ses médicaments que la jeune femme se sentait si détendu. Le mélange chimique qu’elle avait avalé quelques heures plus tôt fessait bien effet, rendant la jeune femme plus calme dans sa tête. En effet, dès son arrivée aux States, la jeune femme s’était empressée de trouver un psychiatre pour qu’il lui prescrive des antidépresseurs. La brune ne pouvait clairement plus ternir sans ses pilules.

Etendue sur le banc, la tête en arrière et les yeux fermés, continuant de fumer tranquillement, Cassie se perdit dans un instant de détente. Oubliant au passage la visite qu’elle voulait effectuer du campus. Elle s’était en plus inscrite à une confrérie de pseudo artiste ou on ne sait trop quoi, voulant pousser plus en avant son goût pour la photographie. Mais là elle oubliait tout, elle était juste bien.