Back from the dead ▬ Nobu Sojiro Soma, ne sera plus jamais Hanazawa.

○ Age : 20 ans sur papiers
○ Date et lieu de naissance : 1 avril 93, sur papiers
○ Classe : Première année université, langues étrangères
○ Confrérie : Lambda
○ Riche ou bourse d'étude ? Riche

« J’ai dû renoncer à tout, en orchestrant ma disparition. A commencer par elle. Maeko. Je peux le dire, elle était l’amour de ma vie. Elle est l’amour de ma vie. Il n’y a pas un jour qui passe depuis ma « mort » sans que je ne pense à elle. Quand je me regarde dans le miroir, malheureusement, je ne vois plus celui qu’elle a aimé. Certes, j’ai le même visage aux traits fins, presque féminins. Mes yeux sont toujours en amande, si foncés qu’ils en paraissent aussi noirs que les tréfonds de l’enfer. Mais leur expression a changé. J’ai changé. A commencer par ma coupe de cheveux. Lorsque j’étais plus jeune, même si cette époque me semble révolue, j’adorais en changer. Mais en la rencontrant, cette envie de changement m’est passée. Je n’avais plus envie que d’une chose : garder mes cheveux noirs, coupés à la perfection. Dans ma tête, cela signifiait la garder elle. Faire preuve de fidélité, envers une coupe comme envers une femme. J’étais si naïf. A présent, mes cheveux sont bruns. Je les ai décolorés, pour me fondre dans le paysage tout en changeant de tête. Ils tombent sur mon front, juste assez pour couvrir mes yeux. Mes lèvres sont toujours aussi pulpeuses, mais elles ne s’étirent plus comme avant. Je ne souris plus. Et pour cause : j’ai passé la dernière année à me terrer, tel un animal. Ceci explique peut-être mon teint pâle à l’extrême. A moins que mes origines japonaises ne se suffisent à elles-mêmes pour se faire ? Et quand mon regard descend vers mon corps, ce qu’il voit lui fait mal. Une cicatrice barre ma poitrine depuis mon épaule gauche jusqu’à mon flanc droit. Elle m’a été infligée par les hommes qui m’ont conduit à organiser ma disparition. Je ne la montre jamais à quiconque, préférant la masquer sous des vêtements qui me déplaisent. Ceux qui m’ont jadis connu pourront témoigner : ma marque de fabrique, à l’époque, c’était les costumes que je portais. J’étais toujours élégant, en toutes circonstances. A cela aussi, j’ai dû renoncer. Je n’ai gardé de cette époque qu’un bracelet Shambala, qui jure notablement avec les jeans miteux que je m’oblige à porter. Par-dessus eux, des tee-shirts, des blousons… et aux pieds des Converses. La basket du pauvre, d’après moi. Mais je dois me fondre dans la masse. Réapparaitre pour disparaitre. Revenir, tout en me faisant assez oublier pour survivre. Plus de vagues, plus de costumes, plus de belles voitures… Juste un pauvre type perdu dans une vie qui ne devait pas être la sienne. »

« Mais il n’y a pas que mon physique qui ait changé, chez moi. Tout le monde se souviendra du Sojiro tape à l’œil, du jeune homme hautain et imbus de sa personne, dragueur, imbuvable et à l’humeur changeante. Ce garçon vit toujours au fond de moi… mais j’ai appris à le maitriser. J’ai eu largement le temps de m’entrainer à cet exercice périlleux qu’est la maitrise de notre comportement naturel. Je sais à présent mettre un frein à mes humeurs, pour rester d’apparence un homme toujours calme. Toujours. C’en est presque effrayant. A m’étouffer ainsi, je me fais peur moi-même. J’étais comme mort, mais peut-être vais-je le devenir pour de bon. Mon absence de réaction me brise, elle tue chaque jour un peu plus Sojiro Hanazawa. Et pourtant, je le sais… j’ai toujours mauvais caractère. Je bous sous la surface. Simplement, je suis comme dans ce livre d’Amélie Nothomb : privé de toute sensation… en apparence. Les gens qui me croiseront diront de moi que je suis, au mieux, calme et au pire, fade. Je ne les blâme pas, car ils auront raison.
Les femmes, je ne les vois même plus. Chacune d’entre elles me rappelle Maeko. Je suis un homme plein de regrets. Sans ces paris d’enfants, sans ce penchant joueur qui me consumait… tout ceci ne serait pas arrivé. Nous nous faisions appeler « Les Players ». Jeunes et insouciants, nous jouions avec le feu. Las Vegas n’avait plus de secrets pour nous. Jusqu’à ce que cela tourne au cauchemar. J’ai épargné la chute à mes amis… et à Maeko. En disparaissant, je leur ai permis d’échapper à la menace qui planait sur nous. Parlerais-je de sacrifice ? Non. Dès cette seconde où ma décision était prise, j’avais changé. D’égoïste, je suis devenu ce jeune homme qui n’a pas peur de faire passer le bonheur des autres avant le sien. Et je suis fier de ça, même si ce n’est pas l’attitude que doit avoir un homme qui a confiance en lui.
Cette année à me cacher du monde a également fait de moi un garçon très solitaire. La seule personne qui ait réussi à voir au-delà de cette carapace immense qui m’enveloppe est Ginger. Ginger Avalon Green, mon unique amie. La seule qui connaisse à présent ma véritable identité, mon passé, mon présent. C’est à elle et à elle seule que je confie mes doutes, lorsque l’isolement devient trop pesant. C’est aussi elle qui m’a encouragé à me refaire une vie, m’assurant que je ne pouvais pas passer le restant de mes jours à m’instruire à la lueur d’une bougie dans un égout miteux. Elle exagère, je n’ai pas vécu dans les égouts : je suis resté un maniaque de la propreté. Simplement, je pense qu’elle a trop regardé les Tortues Ninjas avec Emeric. Lui ne sait pas que je suis encore en vie. Je n’ai pas voulu que Gin’ lui dise. On n’est jamais trop prudent. Et ce trait de caractère là, il s’est collé à ma peau pour ne plus la lâcher, ces derniers mois. Elle est loin, l’insouciance de Vegas. »

« Je parle, je parle… mais vous vous demandez peut-être ce qui a bien pu m’arriver de si terrible pour que j’en sois arrivé à devoir me cacher pendant plus d’un an ? Laissez-moi vous raconter mon Histoire. Toute mon Histoire.

Contrairement à ce qu’il est écrit sur ma nouvelle carte d’identité, je suis né le 17 juin de l’année 1995. Même si je vais sur mes 18 ans, il faut que le monde entier pense que je viens de fêter mes 20 ans, pour ma sécurité. A cette époque, au Japon – mon pays d’origine – les cerisiers étaient en fleur. Mais c’était bien la seule chose d’agréable ce jour-là, pour mes parents. Très riches tous les deux, leur mariage avait été arrangé par leur famille respective, si bien qu’ils ne se sont jamais réellement entendus. Ma naissance n’était pas un incident. Ils avaient simplement besoin d’un héritier pour leur succéder à la tête de leur entreprise. A l’heure actuelle, je suis intimement persuadé qu’ils regrettent amèrement ce fils que ma mère a mis au monde « pour rien ». Surtout que je n’étais pas facile. Normal, j’ai grandi au milieu d’un véritable champ de bataille. Je suis, en quelque sorte, devenu un clone miniature de mes parents. J’ai mis leur enseignement en pratique dès la maternelle, pour le plus grand déplaisir de ma maitresse d’école. Pareil lorsque je suis entré au collège. Je n’ai pas envie de dire que c’était le bon temps. Parce que j’étais un gamin très turbulent, je ne ressentais pas l’amour de mes parents, les autres me craignaient… Certes, je pouvais m’offrir tout ce que je voulais, j’avais deux meilleurs amis tout aussi cruels que moi… mais j’y aurais volontiers renoncé pour vivre une vie normale, avec une famille aimante. Je ne m’en rendais pas compte à l’époque, heureusement.

Mes parents ont divorcés à cause de moi. Un énième appel pour se plaindre de mon attitude fit éclater une violente dispute qui ne fut pas loin de se terminer en bain de sang. Les compagnies de mes parents rompirent leur fusion, et ils passèrent tous deux au Tribunal. Lorsque fut abordée la question de ma garde… ils se battirent pour ne pas l’obtenir. Ma mère ayant un meilleur avocat, mon père se retrouva avec moi à sa charge. Un poids, c’était clair et net.

Nous quittâmes dès lors le Japon pour les États-Unis, où il comptait ouvrir une nouvelle succursale de son entreprise. Ce jour-là changea ma vie. Je pensais que c’était la fin de tout, parce que je quittais mon pays, mes amis, mon école où – il faut bien le dire – je régnais en Maître absolu… pour l’inconnu. Surtout que je ne maitrisais à l’époque absolument pas l’anglais. Je me retrouvai donc inscrit dans une nouvelle école, Erève. C’est là que je fis la connaissance de Maeko. Cette fille, je ne la supportais clairement pas. Le Directeur lui avait demandé de me donner des cours de langue. Des cours de langue de la part d’une chinoise, pour moi c’était tout simplement impensable. Et je le lui ai bien fait comprendre. Seulement, par la force des choses, nous avons fini par trouver un terrain d’entente. Un terrain d’entende concernant nos familles. Nous voulions l’un et l’autre être libres, loin d’eux, chacun pour une raison différente et bien personnelle.

Nous organisâmes donc une fausse-fusillade, dans le lycée. Je le regrette encore, quand j’y pense. Elle devait simplement nous permettre de nous enfuir. Elle ne fit pas que cela, mais Maeko et moi arrivâmes tout de même à quitter New-York pour la première destination possible, à l’aéroport. A savoir, Miami. Mon père était supposé me penser mort, mais il continua à me verser de l’argent assez régulièrement sur mon compte. Je le soupçonne d’avoir deviné, à l’époque, que tout cela n’était qu’une mascarade. Mon corps n’avait pas été retrouvé, après tout… Cette expérience m’a appris beaucoup, pour plus tard. Je n’ai plus refait la même erreur lorsque j’ai dû me faire passer pour mort à nouveau.

Une fois à Miami, Maeko et moi nous inscrivîmes tous les deux à Wynwood High School, qui nous sembla être une très bonne école, réputée et tout ce qu’il fallait. Au début, nous passions notre temps fourrés ensemble. Je ne parlais pas encore bien l’anglais, et elle seule arrivait à me supporter. Puis, petit à petit, nous nous fîmes des amis. Le cours de notre vie était en train de devenir… normal. Jusqu’à ce que l’on monte, à 5, les « Players ». A cette époque, j’avais déjà des sentiments pour Maeko. Notre relation était compliquée, et nous passions notre temps à nous disputer. C’est également durant l’époque des « Players » que j’appris l’existence de Wang, son chinois d’ex, et de l’enfant qu’ils avaient ensemble. Malgré tout, je continuais de l’aimer. Comme un fou, et chaque jour un peu plus. Les virées que nous faisions avec les copains à Vegas nous faisaient nous sentir tous puissants. Nous étions les Maitres du Monde, nous arnaquions les riches propriétaires des casinos en comptant les cartes et nous nous pensions à l’abri de toute réprimande. Jusqu’à ce qu’ils m’attrapent. Ce jour-là, j’aurais pu réellement mourir. Ils me donnèrent un « avertissement ». Je ne sais pas au juste qui ils étaient, pour qui ils agissaient. Mafia, hommes de main des dirigeants que nous avions pillés à Vegas ? Qui pourrait le dire ? Toujours est-il que je compris que je devais disparaitre, pour mon bien, pour celui de mes amis.

Je déboursai une grosse somme d’argent pour organiser une nouvelle fusillade, mais cette fois en faisant les choses bien. Enfin, bien… aussi bien que possible. A l’idée d’organiser ma propre disparition, mes membres en tremblaient. Je n’avais pas revu Maeko, nous nous étions en quelques sortes quittés sur une dispute. Nous venions de trouver un remplaçant à Ginger, pour les « Players ». Elle m’avait fait la gueule toute la soirée, pour une histoire que j’ai même oubliée avec le temps. Je savais que je ne pouvais pas aller la retrouver, au risque qu’elle voit les nombreux hématomes qui me couvraient le corps, ainsi que l’immense plaie qui s’ouvrait sur mon torse. Avec le temps, elle s’est transformée en cicatrice. Une cicatrice qui ne disparaitra jamais, et grâce à laquelle je n’oublierai jamais rien de mon ancienne vie. Je ne lui ai pas laissé de lettre, pas même un « je t’aime » sur son répondeur. Rien, cela aurait été trop suspect. Il fallait qu’Emeric, Ginger, Eva et elle me pensent mort, pour qu’ils renoncent à retourner à Vegas. Il le fallait.

Le jour J arriva. Le jour de la mort de Sojiro Hanazawa. Sauf que je n’avais pas prévu une chose. Eva. Croisée à l’improviste, elle avait décidé de m’accompagner. Je ne sais plus ce que je lui avais dit, mais j’avais essayé de la faire partir, par n’importe quel moyen. Trop tard cependant. Les premiers coups de feu retentirent, alors que nous entrions dans la zone de tir des hommes que j’avais engagés. Par ma faute, elle se prit une balle. Heureusement, elle s’en tira de justesse, mais cela fait partie des choses que je regrette le plus dans ma vie. Les évènements ensuite sont très flous. L’adrénaline, la peur, l’excitation… tout se mélangeait. Et je disparus officiellement de la surface de la terre. Je n’avais pas commis la même erreur, cette fois, si bien qu’ils retrouvèrent un corps identifié comme étant le mien.

Je n’assistai pas à mon propre enterrement. Mes parents non plus. En revanche, Ginger me raconta plus tard à quel point Maeko avait été effondrée par la nouvelle. C’est mon plus regret. Je regrette de l’avoir fait souffrir ainsi, de l’avoir obligée à m’aimer pour ensuite l’abandonner. J’aurais sans doute dû laisser la place qu’elle m’avait accordée à Wang, le père de son enfant. Sans doute… et pourtant, le souvenir de son amour fut ce qui m’accompagna lors des jours les plus sombres. Elle quitta l’Amérique pour aller au Japon. J’aurais pu la suivre, mais je ne le fis pas.

Je restai non loin de Miami, dans un petit village éloigné de la ville, de la civilisation… un endroit campagnard ou personne ne songerait à me chercher. J’achetai cash une vieille bâtisse qui semblait abandonnée et m’y terrai pendant près d’un an. Le seul contact que j’avais avec l’extérieur étant Ginger, qui savait mieux que personne tenir un secret. Elle devint ma meilleure amie, l’épaule sur laquelle s’appuyer, ma confidente. Sans elle, je ne serais probablement plus là pour raconter mon histoire.

Mon histoire ? Elle est terminée.

A présent, laissez-moi vous parler de Nobu Soma. Né le premier avril – ma petite blague à moi – de l’année 1993, il a grandi au Japon. Ses études terminées, il a décroché une bourse pour étudier à la Wynwood University, en langues étrangères.

Une vie banale et sans histoire, à l’image de celle que j’aurais rêvé de vivre. A présent, je vais reprendre contact avec le monde, sous cette fausse identité. Essayer de me sociabiliser un minimum. Pourquoi Wynwood ? Parce que j’y ai malgré tout vécu mes plus belles années. Tout simplement. »