Joyce Maggie Gordon ~ [Terminé]

○ Age : 17 ans
○ Date et lieu de naissance : Ocala, le 9 Novembre 1995 (Floride)
○ Classe : Junior Year
○ Confrérie : Êta Iota
○ Riche ou boursed'étude ? Riche

« Belle. C’est le premier mot qui te vient à l’esprit quand tu me regardes. Et si tu n’es pas de cet avis, c’est que tu as un problème de vision. Je mesure près d’un mètre soixante-dix, pour cinquante-sept kilogrammes. J’ai ce qu’il faut, là où il faut, en général : un peu de fesses, pas mal de hanches, et juste pas trop de poitrine. Mais rassure-toi, je compense sur bien d’autres points …
Je suis blonde, les cheveux mi longs à longs. Je les laisse le plus souvent libres, sous différents aspects. Me coiffer est une étape essentielle avant de partir le matin. Quant à mes yeux … Tu te perds dedans à l’instant même où tu y plonges. Mon œil gauche est bleu, tandis que mon œil droit est bleu et marron. Non, tu ne rêves pas. J’ai un regard hétérochrome. Et ce, depuis ma naissance. Certains n’aiment pas. Je me suis habituée à cette différence. Si tu me regardes une seule fois dans les yeux, une unique fois, il te sera impossible d’oublier ce moment. Mis à part cette particularité, j’ai un visage tout à fait normal, si ce n’est que mes traits sont fins et que je suis belle. Je le sais. Et parfois même, je parais bien plus vieille que mon âge, suivant la manière dont je me maquille. Ce qui est un avantage non négligeable. Tu l’auras compris, je prends aussi beaucoup de temps à me maquiller. Mon miroir est un grand allié. L’apparence est une chose à laquelle je tiens énormément.
Et question vestimentaire ? Tout dépend du moment, de l’effet recherché. Je peux être habillée « simplement » tout comme je peux arborer une tenue très recherchée. Tout est étudié, tout est calculé. Chaque occasion a sa tenue, chaque tenue a son occasion. Je porte toujours de la marque, jamais tu ne me verras avec quelque chose qui n’a pas coûté cher. Je sais me mettre en valeur. Souvent, quand je vais en cours, je porte un slim taille basse, accompagné d’un pull ou T-shirt au décolleté plongeant. Mais dans l’ensemble, je porte de tout. Ma beauté passe aussi par là. J’aime mettre des talons, aussi. Hauts, les talons.
Et bien je crois que j’ai fait le tour. Et surtout, souviens-toi : si tu me croises un jour, tu n’oublieras jamais mon visage. Ni mon corps.
Oh, une dernière chose. Suite à un accident de voiture, j’ai un peu de mal à marcher. Mais ça, ça ne m’empêche pas de vivre. Et puis, ça ne durera qu’un temps, ma mobilité reviendra vite. Donc pour l’instant, je ne porte que des chaussures plates. »

« Mon caractère ? Grande gueule. Indéniablement. Si j’ai quelque chose à te reprocher, t’inquiètes pas, je vais le faire. Et si ça te plaît pas, ça revient au même. Je ne mâche pas mes mots quand je parle parce que je trouve ça stupide. La franchise est une qualité à mes yeux. Je ne suis pas non plus des plus discrètes, quand je passe, on me remarque forcément. J’aime qu’on me regarde, qu’on m’admire. J’aime être le centre d’attention des gens. Et j’aime aussi quand ces gens sont prêts à faire tout ce que je dis.
J’aime faire des excès. Alcool. Sexe. Drogue, pourquoi pas. Danger. Presque rien ne me fait peur. Bon, pour le moment, le sport, c’est plus trop pour moi. Mais quand je remarcherai comme avant, je reprendrai. Parce que des sensations comme celles que me procure le sport, il n’en n’existe aucune autre. Même la drogue n’est pas à la hauteur. Et puis, ça entretient mon corps parfait.
J’aime plaire. Je l’ai déjà dit ? Mais c’est vrai. Et je plais. J’aime étoffer mon tableau de chasse. Et sur celui-ci, il y a deux colonnes : homme et femme. T’as bien compris. Tant que le plaisir est là, je ne crache pas sur un beau morceau. On dit qu’il faut avoir essayé pour aimer. Je savais que j’allais aimer avant même d’avoir essayé. Et j’avais raison. Et ouais, je me tape tout ce qui bouge. Ça ne pose pas de problème, dis-moi ? Et si c’était le cas ? Rien à faire. Il y a d’autres gens ici.
Je suis libre. Libre de tout. Je ne suis personne, aucune règle. Suite à mon accident, j’ai perdu mes souvenirs. Certains sont revenus. Très peu. Ça ne m’empêche pas de savoir qui je suis. Moi au moins, je ne suis pas emprisonnée par mon passé. J’avance comme je l’entends, je ne me retourne pas vers mes regrets. Je n’en ai pas. Je me construis comme j’en ai envie. Et ce que je dois savoir, on me l’a raconté. Je n’ai pas besoin de plus.
Si tu veux en savoir plus, tu n’auras qu’à venir me voir. Je suis pas bavarde, mais si tu me poses des questions, j’y répondrais certainement. Des questions intéressantes, bien sûr. Sinon, je t’enverrai chier. »

« Des yeux. Deux gros yeux jaunes qui la fixaient. Qui se raprochaient. Joyce accélera le pas. Elle ne comprenait pas. Elle s’était déjà repliée sur le bas-côté, mais ne pouvait pas faire plus, ses talons s’enfonçant déjà dans la terre humide. La voiture avait la place de passer. Mais toujours ces deux phares braqués sur elle, accusateurs. Qu’avait-elle fait ? Prise de panique, la jeune fille se mit à courir, de toutes ses forces. Le véhicule accéléra à son tour. Le sang battait à ses tempes, engourdissant sa tête. Elle réfléchissait dans la panique. Elle devait faire quelque chose. Mais elle ne savait pas quoi.
Son talon se cassa, elle perdit l’équilibre. Ce qui la poursuivait gagna de l’avantage. Joyce claudiquait le plus vite qu’elle pouvait. Soudain, elle eut l’impression que son corps se déchirait. Quelque chose la percuta violemment, envoyant son corps désarticulé plus loin. Elle voulut crier, mais les ténèbres l’enveloppèrent avant qu’elle n’y parvienne. La voiture partit, après être passée au ralentit à côté de cette poupée de chiffon. Le silence retomba, on ne distinguait plus que le bruit d’un second talon qui roulait, parcourant la route tranquillement.
Joyce, les yeux grands ouverts, gisait au milieu de son propre sang, seule, immobile, comme une statue de pierre. Froide.

~~~

La radio résonnait dans la petite pièce humide. Dans son coin, Joyce chantonnait sur l’air qu’elle entendait. Dans quelques minutes, la musique allait s’arrêter, et ses parents porteraient beaucoup d’attention à ce qu’il se dirait. Comme à chaque fois. Elle ne comprenait pas très bien pourquoi, d’ailleurs. Du haut de ses sept ans, elle ne comprenait pas toujours le monde autour d’elle. Elle tentait de garder son insouciance, ce qui était assez difficile avec les conditions dans lesquelles elle vivait.
La chanson s’arrêta. L’animateur parla. Joyce n’écouta pas. Ses parents hurlèrent. Pleurèrent. Joyce ne comprit toujours pas. Les paroles de ses parents lui semblèrent étrangères. Parmi le flot de mots qui revenaient, elle entendait « Riches », « Heureux », « Argent », ou encore « Nouvelle vie ». Et toute cette agitation … Pourquoi ?
Son père saisit la petite fille par les épaules, la regarda dans les yeux puis l’étreignit avec force. Elle en eut presque le souffle coupé.
- Tu entends, ma chérie ? Tout va changer maintenant ! Rien ne sera plus pareil !
- Fini la misère ! Renchérit sa mère. Nous sommes riches !
Elle voyait les larmes de bonheur envahir les yeux de la femme qui l’avait mise au monde. Et là, elle comprit. Ils avaient gagné la loterie. Ses parents jouaient de temps en temps. C’était d’ailleurs la seule dépense superflue que le couple se permettait. Et ils avaient gagné. Ils avaient gagné ! Elle était trop jeune pour se rendre compte de la somme, mais Joyce sentait que ce jour signait la fin de leurs problèmes financiers. On le lui avait souvent répété : pas assez d’argent pour acheter ce qu’elle voulait. Des fois même, pas d’argent pour payer le chauffage, le loyer, l’électricité, la nourriture ou les vêtements. Elle avait appris à vivre sans toutes ces choses pourtant importantes pour un petit confort.
Tout alla très vite pour la famille Gordon. En quelques semaines, ils changèrent de maison, de rythme de vie. Tout était plus simple. Prévoyant, son père plaça une partie de l’argent. Ainsi, ils avaient bien assez pour vivre dans la démesure sur trois générations !
Pour la première fois, Joyce goûta au luxe. Elle ne comprenait pas tous les enjeux de la situation, mais elle savait qu’elle aimait ça. Pour la première fois de sa vie, elle faisait et avait tout ce qu’elle avait toujours souhaité.

~~~

Au fond de son lit, Joyce étreignit sa poupée. L’objet lui était précieux, et l’avoir contre elle lui permettait de contenir ses larmes. De l’autre côté du mur, elle entendait les sanglots de son père. La journée avait été difficile. Elle caressa les cheveux blonds de Missy. Sa mère le lui avait offerte pour ses dix ans, quelques semaines plus tôt. Sa mère …
A cette pensée, la petite se recroquevilla. Il y avait quelques jours, cet homme qu’elle admirait tant, son père, avait prononcé des mots qui l’avaient ravagée. Des mots destructeurs.
- Maman est partie, ma chérie. On ne la reverra plus jamais …
- Partie ? Où ça ? Si on veut la revoir, on a qu’à juste la rejoindre !
- Non, Joyce, on ne peut pas. Elle est partie là où on ne peut pas aller. Là où elle se sent mieux qu’ici. On doit la laisser seule pour l’instant. On la rejoindra plus tard. Dans longtemps. C’est d’accord ?
La petite fille avait hoché la tête. Elle savait. Sa mère s’était donné la mort. Son père voulait la protéger, mais elle n’était plus un bébé. Elle savait ces choses-là.
- En attendant, il faut penser à elle et l’aimer tout le temps, avait repris son père.
- Oui, Papa.
Et ce jour-là, ils l’avaient enterrée. Voir le cercueil de sa mère s’enfoncer dans la terre était la chose la plus insoutenable à laquelle elle s’était retrouvée confrontée. Elle allait devoir continuer à vivre cette vie dont sa mère n’avait plus voulu.
Inconsciemment, Joyce se mit à détester cette femme. Cette lâche qui n’avait pas eu assez de courage pour affronter ses problèmes. Et quels problèmes ? Ils n’en avaient plus depuis le jour où cette fameuse radio avait bouleversé leur vie.

~~~

La violence de la douleur l’assaillit avant même qu’elle n’eut fini d’ouvrir les yeux. Un râle de mécontentement passa ses lèvres. Comme à chaque fois qu’elle se retrouvait dans un état second, le réveil était difficile. Chaotique. Voyons … A qui appartenait la main pressée contre son sein gauche ? Douce, chaude … Elle ne se souvenait plus vraiment de la nuit qu’elle avait passée. Mais contre son dos, elle sentait une seconde poitrine. Une femme ? Ce n’était pas la première fois. Certainement pas la dernière. Elle n’avait jamais réussi à se fixer. Garçons, filles … Filles, garçons … Les deux avaient leurs avantages et leurs inconvénients. Non, vraiment, elle ne pouvait faire une croix sur l’un des deux sexes. Quand elle se lassait de l’un, il lui suffisait d’aller vers l’autre. Et inversement.
Joyce fut prise d’une envie de vomir. Elle se leva soudainement, perdit l’équilibre, gémit, et tituba enfin jusqu’aux toilettes –sans savoir comment elle avait fait pour deviner où elles se plaçaient. Quand elle eut rendu son maigre repas de la veille, sa nausée ne la quitta pas. Elle se sentait mal. Peut-être même plus que d’habitude.
- Ca va comme tu veux ? Demanda une voix masculine derrière elle.
- Hum …
Avant qu’elle ne puisse prononcer autre chose, elle vomit une seconde fois. De la bile. A croire qu’elle n’avait déjà plus rien dans l’estomac. D’ailleurs, ce dernier commençait à la brûler.
La jeune fille blonde sentit un corps se rapprocher. Des mains se posèrent sur ses épaules nues, rabattant ses cheveux vers l’arrière.
- Tu as peut-être trop forcé, cette fois. Fit remarquer l’homme.
Joyce respira calmement et put enfin tourner la tête vers lui. Le brouillard qui l’entourait s’évapora un peu. C’était Nick. Elle le connaissait bien. Elle avait connu toutes ses premières expériences avec lui. Alcool. Drogue. Sexe. Il lui avait fait découvrir un monde tellement plus intéressant que celui qu’elle connaissait ! Plus coloré, plus lumineux et sombre à la fois, plus décalé. Avec lui, elle s’amusait.
- Peut-être, avoue-t-elle de mauvaise grâce.
Devant lui, elle ne pouvait pas nier. Un léger détail lui revint en tête : tout à l’heure, il y avait une autre femme. Où était-elle ? Elle eut la réponse à sa question quand elle perçut le bruit d’un corps contre l’encadrement de la porte.
- Comment va la demoiselle ? L’entendit-elle demander avec un brin d’amusement dans la voix.
- Elle va s’en remettre.
Joyce se redressa et s’assit à côté de la cuvette des toilettes. De loin, elle vit une brune aux cheveux longs, bouclés, prendre quelque chose dans un tiroir. Ils étaient certainement chez cette femme. Elle devait avoir pas loin de vingt-cinq ans, alors que Joyce et Nick n’en avaient que seize. Et ils avaient passé la nuit tous les trois ensembles.
- Prends ça, lui conseilla la femme.
La blonde sourit gentiment et avala le cachet qu’on lui tendait. Quelques minutes encore, et elle se relevait pour aller s’habiller et partir. Non, elle ne se souvenait de rien. Mais Nick lui raconterait plus tard. Cela faisait déjà plusieurs mois que leur relation fonctionnait de cette manière.

~~~

Le jour s’était déjà installé depuis deux heures quand un homme en uniforme pénétra dans la petite chambre d’hôpital. Un homme d’environ quarante-cinq ans releva la tête vers lui.
- Monsieur Gordon ?
- C’est bien moi.
- J’aurais quelques mots à vous dire. Si vous voulez bien …
Le policier désigna d’un mouvement de tête la porte qu’il venait de passer.
- Oui, bien sûr.
Les deux hommes sortirent et s’éloignèrent de la pièce, restant tout de même dans le couloir. L’agent ne laissa pas le silence s’installer.
- Nous avons retrouvé le jeune homme qui était au volant de la voiture quand elle a percuté votre fille. Il s’appelle Nick Reilly. Il semblerait qu’il soit dans le même établissement qu’elle et …
- Nick … Reilly ? Oui, ils se connaissent depuis presque deux ans. Mais … Pourquoi a-t-il fait ça ?
La violence de la révélation fit vaciller le père de Joyce. Nick était le plus proche ami qu’elle avait. Presque le seul, d’ailleurs. Alors, pourquoi avait-il fait ça ? Etait-il conscient de son acte ?
- Monsieur Reilly était sous l’emprise de l’alcool. Lorsqu’il a été interrogé, il a avoué en avoir marre d’être transparent pour elle. C’est là que j’en viens à vous poser une question : a-t-elle retrouvé ses souvenirs ?
- Et bien … Pas vraiment. Quelques moments de sa vie, comme ça, mais ça ne l’aide pas à savoir qui elle est. Elle est toujours en état de choc.
L’homme s’adossa contre le mur. C’était surprenant de découvrir que Nick avait fait du mal à sa fille. Elle était réveillée depuis presque une semaine. Il avait trouvé étrange le fait qu’il ne vienne pas lui rendre visite, mais il avait mis ça sur le compte de la peine. Maintenant, il comprenait. Que voulait-il dire par « transparent » ? Joyce était son amie et passait beaucoup de temps avec lui. Etait-il amoureux ? Dans ces cas-là, pourquoi ne pas le lui avoir dit ? Sa fille était dans un lit d’hôpital, déboussolée, incapable de se souvenir de sa vie.
- Merci. C’était tout ce que vous aviez à me dire ?
- Il est mis en examen et sera jugé pour son acte. Passez une bonne journée, monsieur Gordon.
- Vous de même.
Le père de Joyce rejoignit cette pièce où son enfant dormait encore. Elle avait pris un coup à la hanche et aurait du mal à marcher pendant un moment. Ce gamin avait gâché sa vie. Et pourquoi ? Parce qu’il était amoureux ! Il prit sa décision à ce moment-là. Elle devait quitter l’établissement où elle était. Elle devait changer de vie. Il y avait une chance pour qu’elle ne retrouve jamais ses souvenirs. Et il n’allait pas tout lui raconter. Nick n’existait plus.

~~~

Wynwood ? Mais quelle idée ! Mon père a toujours des idées absurdes. Il veut que j’aille étudier à Miami, à la très prestigieuse Wynwood High School. Je crois que cette fois, il est devenu fou. Ou alors, c’est celle greluche qui lui sert de femme qui lui a mis ça dans la tête. Pour profiter d’un nouveau départ, qu’il dit. Mais moi, je ne veux pas forcément d’un nouveau départ là-bas. Un nouveau départ ici, c’est bien aussi. Déjà que je ne me souviens plus de rien ! Mais je crois que je vais accepter quand même. Des nouvelles têtes, des nouvelles proies. Les gens d’ici, je les ai déjà presque tous eu dans mon lit. Et les voir me regarder avec pitié, très peu pour moi.
Moi, je suis presque heureuse de ce qu’il m’arrive. Pas de souvenirs, pas d’attaches. Pas de larmes. Plus de larmes. J’ai dû en verser, sûrement. Maintenant, c’est à moi de faire ce que je veux de ma vie. J’ai la chance de pouvoir la réinventer, autant en profiter. Je n’ai plus mes béquilles, je marche presque normalement, je n’ai presque plus mal. Dans quelques mois, je pourrai reprendre le sport.
Non, en fait, finalement, je crois que pour une fois, cette pouf n’a pas eu une très mauvaise idée. Wynwood High School est une aubaine pour moi. Je vais enfin pour m’amuser un peu.
»