SAFTOM || The beggining

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Jouons

Edward semblait enthousiaste et cela me rassurait, j’avais peur que finalement, ce projet ne l’intéresse plus. Les enfants devaient effectivement être des minimes à vue d’œil et ils se débrouillaient très bien. Le basket n’était pas un de mes sports favoris car même si je n’étais pas toute petite, j’avais toujours un mal fou à mettre un panier et cela m’agaçait. C’était certainement pour cette raison que je préférais le handball, il y avait bien plus de surface pour marquer un point.

Enfin, aujourd’hui, c’était au basket que nous allions devoir jouer et il ne fallait pas trop compter sur moi pour marquer des paniers, sauf si j’avais énormément de chance aujourd’hui. Les idées d’Edward n’étaient pas mauvaises mais j’avais un peu peur qu’elles ne passent pas. Faire ça avec des amis passait sans problèmes mais avec des jeunes qu’on ne connaissait pas, cela me paraissait plus délicat. C’était plus comme un énorme coup de poker à vrai dire, soit ça passait, soit ils n’allaient pas apprécier qu’on gâche leur partie de basket et on risquait de les mettre en rogne.

J’étais en train de réfléchir, me demandant si j’étais prête à faire l’andouille sur un terrain au lieu de vouloir réellement jouer, c’était quelque chose de difficile pour moi qui aimais la compétition et la victoire également. Avant de prendre ma décision, je devais surtout prendre la température au niveau du terrain et voir si ces jeunes étaient réceptifs à cela.

Un des garçons se détacha du groupe et vint à notre rencontre, nous demandant si nous étions perdus ou non. J’ai regardé Edward avant de détailler rapidement le garçon, tout en répondant à sa question.

« Non, on n’est pas perdus. On passait dans le coin et on vous a vu jouer, du coup, on n’a pas pu s’empêcher de s’arrêter pour voir ça de plus près. »

Ce garçon semblait assez méfiant au premier abord et c’était normal, après tout, nous étions deux étrangers qu’il n’avait jamais vu mais bon, sa petite bande et lui n’avaient pas grand-chose à craindre de notre part puisqu’ils étaient juste quatre fois plus nombreux que nous. Techniquement si quelqu’un devait être sur la défensive, c’était plutôt Edward et moi, car en plus, certains dans l’équipe me dépassaient même d’une tête.

« On se demandait, si ça ne dérange pas évidemment, si on pouvait jouer avec vous, le temps d’un petit match »

Le métisse haussa un sourcil, comme s’il ne s’attendait pas à cette requête et se tourna vers sa bande, les interrogeant du regard. A défaut d’être unanimes, les réponses allaient toutes dans le même sens, pas d’objection pour notre participation, même si l’enthousiasme n’était pas présent chez tout le monde. Le métisse, fouilla dans sa poche de survet’ et en sortit deux foulards, un rouge et un jaune qu’il nous lança à chacun, nous imposant donc nos équipes. J’ai rejeté un regard à mon nouvel adversaire avant de poser amicalement ma main sur son épaule.

« Bon, c’est le moment, on devrait peut-être éviter de faire les andouilles, juste durant les deux premières périodes, qu’en penses-tu ? »

J’ai attendu sa réponse avant de l’accepter, puis je suis allée me placer sur le terrain, me mettant pour le moment en défense, c’était après tout le poste qui me semblait le plus adapté et de toute façon, il y avait déjà assez de monde en attaque. Quelques secondes après, le balon vola dans les airs, au beau milieu du terrain et deux joueurs sautèrent pour le récupérer. Le match venait de commencer et notre test également.

B-NET

Invité

Ashlyn and Edward

Voir ces gosses me rappelle comment j’étais petit. Dans la cours de récré j’étais le genre de garçon à jouer à la bagarre, à faire des matchs de foot ou basket avec des règles complètement inventée en faveur de mon équipe. On s’amusait parfois, très rarement, avec les filles. Une équipe de demoiselle, contre une équipe de gars. Une sorte de chat perché où les gars étaient les méchants. Mais on gagnait toujours car elles ne couraient pas vite. J’étais celui que l’on redoutait dans ces jeux. Rapide, un peu brute et sans pitié. J’esquisse un sourire en y repensant. C’était la belle époque. Le temps où un bout de bois devenait une épée, un arbre se transformait en dragon et un ballon en une bombe géante.
C’était le bon temps, celui de l’insouciance, de l’innocence. À cette époque j’aurais pu croire n’importe quoi. À cette époque, mon père a quitté la maison sans un mot. À cette époque, ma mère me disait qu’il reviendrait et je la croyais… Je pense qu’un enfant ne devrait jamais souffrir de l’abandon d’un de ces parents. Parce que c’est pire que tout. J’attendais tous les soirs qu’il ouvre la porte, je courais vers le téléphone en espérant que ce soit lui qui nous appelle pour donner des nouvelles de ses concerts. J’espérais encore et toujours. Je n’ai pas reçu de lettre d’anniversaire, ni de noël. Rien. Ma mère souffrait en silence. Et moi, j’ai commencé à comprendre. Mon père avait refait sa vie en Argentine. J’ai grandi dans l’idée qu’il avait honte de moi. Comment un petit garçon ne peut-il pas croire ça ? Mon père a abandonné sa famille sans un regret. Il n’est jamais revenu et c’est bien pour une bonne raison. Nous n’étions pas à la hauteur, nous n’étions pas comme il fallait, nous n’étions pas ce qu’il voulait… Il a refait sa vie sans moi. Il a refait quelque chose de mieux loin de nous. A-t-il eu un fils ? Un petit bout de chou qu’il aurait aimé plus que moi. A-t-il souvent pensé à moi ? M’a-t-il dédié une chanson ? Va-t-il bien ? Est-il heureux ? Qu’avons-nous fait de mal ? Des tas de questions se sont toujours bousculées dans ma tête. Elles sont toujours présentes. Mais je ne veux pas retrouvé mon père. Il serait facile de trouver des traces de son ancien groupe pour finalement remonter jusqu’à lui, sa famille, sa vie. Mais je ne veux pas. Pourquoi chercher quelqu’un qui a tout fait pour s’éloigner ?

C’est sans doute pour cela que je suis dans la voiture avec Ashlyn. Je veux aider ces gamins. Je veux leur donner une raison de plus à s’accrocher à cette vie. On souffre tous. Le monde est cruel. Alors autant leur tendre une main dès maintenant, avant qu’il ne soit trop tard. Avant qu’ils soient eux aussi brisés. C’est peut-être un peu trop utopiste de croire que nous serons un brin de lumière dans leurs journées. Peut-être que ça ne fonctionnera pas. Mais j’y crois. Je crois en ce projet, en Ashlyn, en notre duo.
Je la regarde et sourit. Elle étire ses lèvres à son tour. Elle semble prête à faire le premier pas. Il est temps. Le début d’une nouvelle aire commence. Nous allons changer quelque chose. En nous et en eux. On va essayer… Il faut juste espérer que ça fonctionne comme il faut. Et ça… Ce n’est pas gagné d’avance.
Les portes claquent. Mes yeux se plissent pour observer plus attentivement le spectacle. Le petit groupe jouait au basket. Des dribles assurés, des passes correctes, des essais assez beaux malgré des petits défauts dans le geste. Celui qui tente de marquer le panier sans y arriver n’a pas donné assez de puissance à son ballon et ne l’a pas accompagné jusqu’au bout. Je suis plus doué en football américain, je dois l’avouer. Mais je suis un grand fan de la NBA et des matchs entre potes. « Ils se débrouillent plutôt bien non ? Tu en penses quoi ? » J’observe encore un instant avant de répondre. « On est face à une équipe de minimes ! » Je laisse échapper un léger rire. « Ils sont doués, sans doute plus que moi à leur âge ! On essaye d’aller vers eux ? On se place dans une équipe chacun ? On fait des blagues ? On fait les cons ? On s’amuse à les déconcentrer tout en étant super sympas pour les amadouer ? » Mon plan parait simple dit comme ça. Je sais qu’il sera beaucoup plus difficile à le réaliser. Avec les gamins, ça passe ou ça casse. Je me vois déjà en train de faire la poule sur le terrain, puis à courir comme une fille. Je sais faire l’imbécile quand il le faut. Peu de gens au lycée me connaissent ainsi mais Ashlyn aura face à elle une version d’Edward plutôt inédite. Il n’y a pas de mal à ça.

Les jeunes se tapent dans les mains, deux garçons discutent tout en nous regardant. Je me demande si l’un deux aura le courage de venir vers nous. Et si c’est le cas, je conclurais donc que c’est lui la forte tête de la bande. Si on arrive à lui plaire, on plaira à tous. J’attends encore un peu. Un pas… Il faut qu’il fasse juste un pas vers nous.
Et ce fut le cas. Un garçon, plutôt grand, métisse, les cheveux tressés sur le crâne. Il vient vers nous et nous demande : « Vous êtes perdus ? »

Invité

Jouons

Du rêve à la réalité il n’y a qu’un pas. Un matin, on se lève sportif amateur, musicien d’un petit groupe sans renommé particulière et tout d’un coup, un élément déclencheur une rencontre qui change une vie. Il ne fallait pas grand-chose pour changer, grandit et devenir quelqu’un d’autre, en général, il suffisait d’un petit coup de pouce et on devenait quelqu’un d’autre. Grâce ou à cause de nos professeur, Edward et moi allions tenter de devenir ce fameux coup de pouce pour leur venir en aide.

Seulement, de la théorie à la pratique, il n’y avait pas qu’un pas. C’était bien plus difficile d’agir au contact des enfants, tout simplement parce qu’il était bien difficile de prévoir la manière avec laquelle ils allaient réagir. La première impression était la plus importante et elle allait certainement être celle qui allait nous permettre de nous faire une place ou non auprès des jeunes. A aucun moment je n’oubliais que nous venions de Wynwood High School, ce fameux établissement dont la réputation n’était plus à faire mais qui pouvait nous freiner dans notre entreprise. La plupart des jeunes que nous ciblions étaient des enfants qui n’avaient pas forcément beaucoup de moyens, ou en tout cas pas suffisamment pour pouvoir pratiquer le sport comme ils le voulaient et en sachant que nous venions de ce Lycée, certains pourraient très certainement se montrer méfiant et réticent face à nos bonnes intentions.

J’étais un peu stressée, je tentais de ne pas le montrer mais j’avais peur que tout ce que nous ayons prévu finisse par tomber à l’eau. Après tout, je n’étais pas forcément la mieux placée à Miami pour tenter d’établir des liens avec cette partie des jeunes, j’étais une étrange à cette ville et même à ce pays mais pourtant, je voulais aider les gens d’ici et pas d’ailleurs pour le moment. J’étais anxieuse mais peut-être pas pour les bonnes raisons. J’avais peur, mais c’était peut-être parce que je ne me sentais pas à la hauteur, ni à ma place.

Tout était planifié, mais il suffisait d’un seul détail, d’un seul aspect oublié pour que tout s’effondre et je ne cessais d’y penser. Assise dans la voiture d’Edward, mon regard se posa sur lui un moment. On n’avait pris le temps de se parler seulement parce que le prof nous avait mis en binôme. Nous étions dans la même classe depuis le début de l’année mais honnêtement, qui prend réellement le temps d’aller parler à tout le monde pour faire connaissance ? Nous nous étions également croisés en soirée sans pour autant nous adresser réellement la parole mais depuis que nous avons été "obligés" de nous parler et de nous fréquenter en dehors des cours pour progresser plus vite sur notre projet, je dois reconnaître que j’ai appris à apprécier sa présence, même si pour le moment, je n’en savais pas beaucoup sur lui. En réalité, ma connaissance à son sujet se limitait à des on-dit plus ou moins vrais. Je n’aimais pas me faire des idées sur les gens à partir de préjugés, je voulais apprendre à les connaître par moi-même et c’est ce que j’allais faire.

Le soudain silence et l’immobilité de la voiture me tira de mes pensées. Nous étions arrivés. Des enfants jouaient sur un vieux terrain, comme Edward l’avait dit. Ils n’étaient pas très nombreux et c’était peut-être mieux. J’ai reporté mon regard vers mon camarade, esquissant à mon tour un petit sourire.

« Oui, il est temps d’y aller ! »

Je paraissais plus enjouée que je ne l’étais en réalité. Prenant sur moi, j’ai ouvert la porte et petit à petit la crainte laissait presque place à l’impatience. J’ai levé la tête, regardant le ciel et le soleil qui brillait, réchauffant comme tous les jours la ville de Miami. Il n’y avait pas un nuage à l’horizon pour le moment mais pas de vent non plus. Le bruit des portières qui claquaient ne captèrent pas l’attention des enfants qui continuaient à jouer. Le ballon semblait plus important pour eux que les visiteurs que nous étions. Ce manque d’intérêt ne me découragea pas, bien au contraire. En continuant d’avancer, j’ai compris que l’un des garçons m’avait vu. Je me suis arrêtée à une distance respectable, les regardant jouer en silence, observant leur technique, ce qu’ils savaient faire mais également ce qui clochait. Je n’étais pas une pro en basket-ball, loin de là mais je savais tout de même y jouer et je savais apprécier la qualité d’un travail d’équipe, à supposer qu’il y avait un minimum de cohésion dans l’équipe en question.

« Ils se débrouillent plutôt bien non ? Tu en penses quoi ? »

L’avis d’Edward était important pour moi, de plus, c’était un garçon et le courant passerait peut-être mieux avec lui tout simplement. Ils le prendraient certainement plus au sérieux que moi, je n’en doutais pas. A présent je n’attendais qu’une chose, qu’ils terminent leur partie pour pouvoir jouer avec eux ensuite.

B-NET

Invité

Ashlyn and Edward

C’était il y a de ça quelques semaines. Un cours comme les autres, rien de particulier. Sauf que notre professeur nous annonça notre programme. C’est sans doute à partir de ce moment que tout a basculé. Sans le vouloir ce quarantenaire, à la vie banale venait de donner un nouveau sens à la mienne. Ce fut simplement avec ce bout de papier. « Vous allez devoir, par duo créer un projet. N’importe lequel, du moment qu’il respecte ma consigne de base. Je vous distribue à tous un papier… J’ai déjà fait les groupes, pas la peine de me demander des changements. Étant donné qu’il y a 8 garçons et 7 filles dans cette classe, j’ai formé des duo fille/garçon et un trio avec ce qu’il reste… Vous me suivez ? Bolderas et Jones, voici ce que vous allez devoir faire. Spencer et Bird, tenez…» Je me souviens avoir pris la feuille dans mes mains. Mes yeux étaient tombés sur le mot enfant. Aider des enfants… C’était très vaste. Et je n’avais pas la moindre idée de ce que nous pouvions faire. Il y a des tas de trucs qui existent pour les gosses. Et je dois vous avouez que je ne suis pas un pro en la matière. C’était vraiment un sujet pour les filles. Alors, j’ai cherché du regard ma camarade. Je me suis levé, assis en face d’elle. Je pense que mon regard devait être rempli de détresse. Par chance, notre équipe fut des plus efficaces. Elle n’a eu qu’à donner une petite idée pour m’en donner une autre et ainsi de suite…

C’est ainsi que nous sommes aujourd’hui tous les deux dans ma voiture. Le projet a avancé. Ça devait rester purement théorique. On ne devait juste monter une idée de façon réaliste et réussir à la vendre à toute la classe. Prix, frais, lieux etc… Mais on n’a pas pu s’arrêter en si bon chemin.
Notre idée ? Offrir la possibilité à des jeunes de faire du sport sans pour autant dépenser de l’argent pour les inscriptions. Aider les enfants… Voilà ce qu’y était marqué. Évidemment, nous aurions pu avoir le projet de construire une école primaire en Afrique. Il y a des enfants dans le besoin partout. Mais avant de partir à des millions de kilomètres, il faut effacer les problèmes que l’on a sous le nez. Miami a également un taux de population pauvre. Des tas de gosses ne peuvent pas vivre de leur passion. Alors changeons ça. Créons une association qui pourra leur permettre de s’amuser en toute gratuité. Qu’est-ce que ça nous apporte à nous ? Et bien le plaisir de voir des sourires sur leur visage, le bonheur de s’ouvrir un peu aux autres dans une société trop individuelle. Moi le premier, je ne pense qu’à mon petit confort, ma petite vie tranquille seule dans la villa familiale. Ce projet m’a ouvert les yeux.

Alors c’est pourquoi, je roule en direction d’un vieux terrain de sport délabré aujourd’hui. Mon regard quitte un instant la route pour se poser sur Ashlyn, assise juste à côté de moi. Nous deux, c’est une équipe qui roule. Sans ce professeur, je ne serais sans doute jamais allé lui parler. Ou bien pour dire des broutilles. Je ne suis pas le plus social des élèves. Tout le monde sait que j’ai deux années de retard, que j’ai quitté le continent, que je ne suis pas très doué et que j’aime ma petite solitude. Les rumeurs circulent vite. J’attire les regards curieux, on me pose quelques questions sur ce que j’ai vu et fait… Mais personne ne s’intéresse vraiment à moi. Ce n’est pas pour me déplaire.
Sauf qu’avec Ashlyn, j’ai l’opportunité de créer quelque chose de nouveau. Je vais pouvoir parler d’un nouveau sujet : le SAFTOM. Nom à rallonge mais marrant à prononcer.

Je me gare près du terrain. J’y avais déjà vu une petite bande de gosse s’y amuser. Ça n’a pas loupé. Aujourd’hui aussi, ils sont là. J’éteins les moteurs et souris à ma camarade. « On y va ?»