Here we stand, here we meet. - Kaylee ♥

Moi qui avais toujours cru que des retrouvailles de plusieurs années se faisaient soit dans le silence et la gêne, soit dans les larmes et les câlins, voilà que je vivais totalement autre chose, certes, nous nous n’étions jamais rencontré avant ce jour, malgré le même sang qui coulaient dans nos veines, mais j’ai plutôt l’impression que tout coule de source d’un coup. Nous ne sommes tout simplement pas aussi cons que nos parents, nous sommes plus jeune aussi, et je pense que cela doit jouer au moins un peu. La génération d’aujourd’hui est comme ça, on nous présente, on voit tout de suite si le feeling est là ou non, mais on ne va certainement pas s’attarder sur les formalités et le politiquement correct. Je n’aime pas faire semblant de toute façon.

Et pour le moment, le feeling, je le sens bien. Je n’ai absolument pas envie de la rejeter, et d’ailleurs elle me parait peut-être un peu plus intimidée que moi, même si son aise semble prendre de plus en plus forme au fil des minutes et de la conversation. De toute façon que je le veuille ou non, je sais au fond de moi que je vais avoir besoin d’elle, de son soutien, de sa simple existence dans ma vie. Je veux lier un véritable lien avec cette jeune fille, je ne veux pas l’abandonner, je veux pouvoir me prouver, et à nos vieux, ce qu’est le véritable sens de la famille. Unie, aimante, protectrice.

Pendant que j’attrape mon gobelet presque brulant, et souffle dessus, ma cousine confirme ce que je viens de lui dire, sur l’égoïsme de nos vieux, et sur l’infidélité de sa mère. J’arque un sourcil, mais étrangement cela ne m’étonne même pas. Même plus. Elle enchaine ensuite pour me dire qu’elle arbore une certaine rage, parce que c’est à cause d’eux si nous n’avons pas pu nous rencontrer avant. Qu’elle est fille unique et qu’elle n’avait que nous. Mon ventre se tord légèrement, je me sens un peu coupable de n’avoir jamais cherché, ne serais-ce, qu’a la joindre. Je baisse la tête, presque honteuse sur l’assiette de pancakes que Skylar commence à dévorer. Je sais que ce n’est pas ma faute, je sais aussi que j’eue d’autre soucis à régler avant ça… d’autres personnes à retrouver… mais tout de même.

Une vieille dame, assise non loin de nous, semble visiblement dérangée par notre simple présence, ou notre discussion, je n’ai pas trop fait attention à ce qui se passait autour de nous, trop absorbée par les paroles de ma cousine. Par contre, cette dernière l’avait bien remarqué puisqu’elle se retourna et lui balança un flot de mots en pleine tête. J’écarquillais les yeux avant de pouffer de rire, avant de me mordre la lèvre pour ne pas partir en fou rire. Pauvre mamy… Mais pour le coup, cela m’a remonté le moral, cette fille me semble tout simplement être génial. Je fais un petit signe de la main en guise d’au revoir à la grand-mère. « Ne t’excuses pas, c’est rien, je suis un peu pareille en fait. »

Et c’était la vérité, je ne comptais plus les fois où j’avais agressée verbalement des personnes dans la rue par simple mauvaise humeur, ou parce que leur têtes ne me revenais pas. Nous étions bel et bien cousines, c’était certain. Un aimant à problèmes ? J’avais plus ou moins hâte de voir ça, j’avais besoin d’adrénaline en permanence, et à deux, nous sommes toujours plus forts, surtout chez nous, les Standford. Elle reprit alors le fil de la discussion, Mes vieux, toujours les vieux. Pourtant il faut bien. « Tu peux pas t’imaginer. Parce que p’tête que selon ma mère, la tienne n’était pas un exemple, mais en matière de cocufiage, elle ferait mieux de surveiller son mari. » Je pique brusquement un bout de pancakes avec ma fourchette.

J’enfourne le morceau dans ma bouche, mâchant rapidement, le simple fait de repenser à cette histoire m’énerve. Dis-je la bouche pleine, en mettant des miettes partout. Sexy hein ? J’avale difficilement, fait passer le tout avec une gorgée de chocolat, et essuie la table d’un revers de manche. Je me laisse tomber sur ma chaise, et fixe le visage de la demoiselle. Je veux rattraper le temps perdu, je veux lui faire plaisir, je veux qu’elle soit heureuse de m’avoir retrouvé, je veux dire… encore plus que ça. « Et si on arrêtait deux minutes de parler d’eux ? Ça m’énerve, maintenant on est ensemble, c’est ce qui compte. On m’a dit que tu serais au bahut, mais si tu veux… Enfin pour le moment il me reste l’appart de Nate, plus pour longtemps mais bon, si tu veux crécher avec moi là-bas en attendant que t’ai ta piaule au lycée, ça ne me dérange pas. » Bien au contraire.

Elle m’affiche un sourire, un sourire qui m’a l’air être vrai. Un qui viens du cœur, chose que je n’arrive franchement plus vraiment à faire depuis un petit moment maintenant. Je dois avoir une gueule pas possible, une gueule à faire peur, les traits tirée, des cernes jusqu’à mes lèvres, des pupilles dilatées a moitié par la fatigue, a moitié par tout ce que j’ingère depuis quelques semaines. J’essaye de faire comme ma cousine, puisqu’il en est ainsi, mais mes joues me tirent, comme si je devais faire un effort surhumain, c’est alors un simple et minuscule sourire que je lui rends. Mais croyez-moi, j’aurais voulu lui rendre beaucoup plus. Je me sens un peu conne, un peu ridicule de ne pas pouvoir lui offrir des retrouvailles digne de ce nom.

Son sourire à elle, se perd finalement légèrement au fur et a mesure qu’elle m’annonce qu’elle n’est pas sure que je la voie de la même manière si elle me racontait tout. Honnêtement j’en doute. S’en ai fini pour moi de juger sur de simples paroles, ou sur de simples actes. Je ne la laisserais pas partir, je ne la laisserais pas tout court. Nous avons le même sang et je ne peux renier ça. Je lui lance un sourire qui se veut compatissant. Je ne vais pas la forcer a me raconter si elle n’en a pas envie, et cela même si maintenant elle a éveillé ma curiosité. Elle se rattrape tout de même en me proposant de tout me raconter quand même autour d’un café, cette fois mes lèvres s’étirent vraiment sans forcer, je suis du regard son doigts qui semble pointer un Starbuck. Mon préféré ça tombe bien.

« Et je serais ravie d’entendre tout ça. T’as pas à t’en faire su ce que je pense ou pas, je t’assure. »

Il y a juste la route à traverser pour se rendre au café, et comme nous ne semblons pas pressées, ni l’une, ni l’autre, j’en profite avant de nous mettre en chemin pour répondre à l’une de ses questions sans vraiment y répondre, je préfère plutôt tourner la conversation sur elle, du moins juste pour le moment, je suis tellement stressé par tout ça que j’en aurais presque les mains moites. Je tire encore un tout petit sourire en coin quand la demoiselle s’essaie à l’humour pour détendre tout ça. Où aurait-elle du aller pour nous retrouver ? Certainement en France, là où nous serions Nathan et moi, certainement plus heureux que jamais… mais surtout réunis et jamais séparés comme nous le sommes aujourd’hui. A cette pensé ma gorge se resserre un peu. Je cligne fort des yeux pour me remettre les idées en place et avale difficilement ma salive sans pourtant décrocher mon sourire.

Elle m’explique brièvement en allumant une cigarette, que de son côté, sa mère à fui la famille quand elle a rencontré son père, Oh que j’ai entendu parler de cette histoire et de ma mère cachant toute les photos d’elle et de ma tante comme si c’était une pestiférée. Je n’ai jamais compris comment on pouvait détester son propre frère ou sa propre sœur. J’écoute la suite avec attention en me concentrant, la blondinette n’a pas l’air de porter son père dans son cœur, voilà qui nous fait un point commun. Au moins un. A cette annonce je me suis même surprise à laisser sortir un tout petit rire de ma gorge, justement pour cette raison avant de me reprendre immédiatement. « … parce que la longue est assez… mouvementée. Et je ne suis pas sûre que tu veuilles prendre un café avec moi après. » Je tapote dans mes mains et me redresse de l’abri de bus.

« Oh que si, j’ai même envie d’en entendre un peu plus ! Allez viens, on se les gèles un peu ici. »

Je la prends doucement par le bras pour l’emmener avec moi avant de remarquer ses bleus sur sa peau blanche. Je fronce les sourcils sans rien dire, et dieu sais que je le voudrais. Je relâche juste un peu ma prise pour ne pas lui faire mal et préfère passer ma main dans son dos pendant que nous traversons. En moins d’une minute nous sommes au Starbuck. J’adore cet endroit... il se veut rassurant et chaleureux. J’indique une table libre à ma cousine pour qu’elle aille s’y installer et commande deux Chococcino avec des pancakes. Si elle ne connaît pas Miami, il faut qu’elle goûte à un de ses fabuleux plats. Rapidement je retourne à ses côtés avec le plateau bien garni.

« Je sens que tu vas m’en apprendre de bonnes. J’ai presque jamais entendu parler de ma tan… enfin de ta mère, ce que je sais, c’est qu’elle était tout, sauf un exemple pour nous. Pourtant la mienne n’en est certainement pas un d’exemple cette vieille aigri accroché au cul de mon paternel. Tu les verrais sérieux… Deux égoïstes pas foutu de s’occuper convenablement de leur gosses, ça me fout la gerbe. »

Je suis devenue une véritable conne. Tellement que je me ferais presque honte. Pendant que je joue un instant avec la cigarette que ma cousine viens de me tendre, je réfléchi rapidement. Mais où est passé la Kaylee que tout le monde connaissait ? Celle qui ne cessaient de sourire ? Celle qui avait dû tact, qui avait de l’humour, qui prenait les choses avec légèreté ? Cette moi-là me semblait bien loin. Comme morte et enterrée. J’ai mes raisons d’être comme ça, mais quelque chose tout au fond de moi me laisse dire que je ne devrais pas. J’ai presque agressé verbalement celle fille… cette fille qui fait partie de ma famille. Nous avons le même sang, et tout ce que je trouve à faire, c’est lui balancer dans la gueule, avec le plus grand tact du monde, les choses horrible qui sont en train de se passer.

Mais cette annonce n’a pas l’air de faire l’effet d’une aussi grosse bombe que cela. Ma cousine –puisqu’elle l’est définitivement- n’a pas l’air si choqué que cela. Pourtant j’imagine déjà la tête de tout le reste de la famille quand ils ont dû voir cette affaire dans les journaux… Y compris celle de mes parents. Mais pas elle. C’est une chance finalement, il n’y aurait rien eu de pire pour m’agacer en moins de deux secondes. J’arrête de jouer avec la cigarette et la cale sur mes lèvres. Je fouille rapidement dans mon jean pour y attraper mon briquet. La nicotine, rien de tel pour se détendre.

Et puis finalement, Skylar fini par s’excuser, parce qu’elle croyait que Nathan avais tout simplement refusé de la voir, ayant débarqué tout à coup, après des années et des années… En effet je comprenais ce qu’elle voulait me dire. Ce que je ne comprenais pas, c’était de faire ça. La famille reste la famille, et tant qu’on ne connaît pas, on ne peut pas définitivement juger. Avoir des aprioris oui… même s’ils s’avèrent être faux. Je hoche la tête pour lui faire comprendre que je voyais tout à fait ce qu’elle voulait dire. Par contre… je la sens mal à l’aise, elle regarde un peu partout, sa main derrière sa nuque… Il faudrait que je désamorce tout ça… mais en ai-je simplement le courage ? Attraper la perche qu’on vous tend.

« Nathan n’est pas comme ça. Il aurait été ravi de te rencontrer. Tu le verras sans doute un jour… mais c’est pas demain la veille, il est sensé bouffer pas mal d’année là-bas. »

Mon estomac se resserre, mon cœur loupe doucement un battement. Je tape calmement mon pied sur l’arrêt de bus. Je la regarde allumer sa deuxième cigarette en moins d’un quart d’heure. J’ai failli lui demander si c’était cette rencontre qui la rendait si nerveuse mais je ravalais mes mots au moment où ma bouche s’entrouvrait. Je préférais la laisser s’exprimer, elle avait surement bien plus intéressant à raconter que moi pour le moment. Son sourire avec sa phrase me fais lui rendre le mien même s’il est encore timide, il est véritable. Comme quoi, dans la famille on sait cacher les cadavres. Chez nous, dès qu’on se démarque un peu plus que les autres, qu’on est pas « à la hauteur » c’est comme si on nous mettait en quarantaine. Comme moi… comme Nathan. C’est d’ailleurs même peut-être pour ça que je n’ai jamais entendu parler d’elle. Et rien que pour ça, j’ai envie de la connaitre encore plus.

« Je serais ravi d’entendre ça. Et après je pourrais te raconter d’affreuses histoires sur ton oncle et ta tante. »

Puis viens les questions banales. Mais nous sommes bien obligé de passer par là. Elle n’a pas l’air d’en savoir plus que ça. Tout comme moi sur elle d’ailleurs.

« Depuis toujours… J’suis née ici, 6 ans après Nate. On aurait mieux fait de se tirer… enfin lui l’a fait pendant deux ans. Pas que je ne sois pas… heureuse de te rencontrer hein ! Mais tu verras que ce n’est pas si génial que ça d’être ici. »

Qu’est-ce que je raconte-moi ? Déjà que j’ai dû m’arracher le mot « heureuse » de la bouche, je vais déjà lui donner envie de repartir. Je fini ma cigarette en pompant jusqu’au filtre rapidement, et me passe les mains sur le visage. Il faut que je reprenne mes esprits doucement. Tout remettre en ordre. Je ne veux pas qu’elle me prenne pour une folle. Je ne la connais à peine que depuis quelques minutes mais j’ai l’impression d’avoir besoin d’elle. Comme d’une alliée, une vraie famille, pas uniquement pas les liens du sang.

« Je suis désolé je dis n’importe quoi. C’est juste que… tu vois c’est bizarre non ? On à pleins de trucs à apprendre sur notre famille je crois. Autant de ton côté que du miens. Alors dit-moi… T’était caché où tout ce temps ? »

Alors que ces derniers temps, tout me semblait gris, morne, j’avais reçu un appel, d’un numéro inconnu. Je mettais jetée sur mon téléphone, pensant que c’était un appel de Nathan, de ses avocats, quelque chose qui pourrais me redonner le sourire, ou non d’ailleurs, juste quelque chose qui me ferait penser que les choses avançaient d’une manière ou d’une autre. Mais ce n’était personne que je connaissais, je n’ai même pas retenu son prénom, ni son nom de famille, tout ce que je sais, c’est qu’une cousine du côté maternelle avait débarqué en Floride, à Miami. Il ne m’en a pas franchement dit plus, simplement une proposition, la rencontrer. J’étais à deux doigts de l’envoyer de faire foutre, lui dire que je ne voulais plus de lien avec ma famille, si égoïste soit-elle. J’avais simplement refusé et raccroché. Ce n’était que quelques minutes plus tard que je mettais rendue compte de mon erreur. J’avais composé le fameux numéro pour changer d’avis, et lui donner le lieu et la date de rendez-vous.

Et si tout ça n’était qu’un simple et banal piège ? Venant de mes parents cela ne m’étonnerais que peu. Mais j’avais changé d’avis, j’avais accepté, parce que si cette fille, cette cousine, était vraiment réelle, il était presque de mon devoir de la rencontrer, ne serais-ce qu’une fois, même si je ne suis clairement plus du genre à croire aux miracles. Le fameux jour arrivé, j’hésitais encore à m’y rendre, j’avais trainé le plus possible et avais fini par me rendre compte que j’étais en retard. Il fallait se motiver, paraitre heureuse de vivre malgré tout. Conneries. Et en plus, je n’ai plus de tabac. En trainant des pieds, je traverse la route sans regarder, la musique à fond dans mes oreilles, frôlant une voiture au passage, n’entendant pas les insultes du conducteur. Je regarde la foule qui m’entoure sans forcément y prêter attention. C’est une jeune blonde, le visage presque angélique, mais visiblement très stressée qui me fait sortir de ma bulle. Je lis son prénom sur ses lèvres et enlève mes écouteurs.

« Skylar ? »

Je ne vois pas qui d’autre de toute façon. Je la regarde discrètement de la tête aux pieds. Pour être honnête je m’attendais à quelqu’un de plus… « Wolf/Standford », de moins… dans ce style-là. Je le vois sur les traits de son visage, dans ses yeux rond, sur ses ongles rongés, ses cheveux en bataille. Je lui fais un bref sourire et range définitivement dans mon sac, mon mp3 pour la journée. Je ne sais clairement pas quoi lui dire, je ne l’ai jamais vu, ou alors quand nous étions trop jeune pour se souvenir. Pour moi, le mot famille signifie Nathan et personne d’autre, pourtant les liens du sang forcent parfois le destin. Elle ne me parait pas si méchante, ni si guindé que ça. Peut-être un peu… sur ses gardes, tout comme moi. En bafouillant légèrement, et juste avant avoir allumée sa cigarette, elle me fait remarquer que mon frère n’est pas là. Je ravale un « Non, sans deconner ! » agrémenté d’un « Pourquoi, ma gueule te reviens pas ? » Mais elle n’est pas sensée savoir, et si je ne lui donne pas une chance, qui le fera ?

« T’a une clope ? J’ai zappé les miennes. »

Répondre à une question par une autre, tout ce que je déteste, et pourtant, je le fais. Je mets mes mains dans les poches, et m’adosse contre l’arrêt de bus branlant. Je ne peux pas lui mentir, et je ne peux pas non plus esquiver sa question. Elle s’attendait visiblement à nous voir tous les deux, et ce n’est pas le cas. Mais selon les mots que je vais choisir, elle risque sans doute de se barrer en quatrième vitesse. Pauvre vieille, dans quoi s’est-elle embarquée… Elle qui s’attendais certainement à trouver une vraie famille unie et heureuse. C’est triste pour elle, tellement, que j’aurais presque honte de la rencontrer dans une telle situation.

« Non… Il ne viendra pas. Et je doute que tu le rencontres dans les mois prochains, sauf si c’est ton kiff d’aller visiter la prison. » Je m’arrête un instant et la regarde dans les yeux. J’écarte les bras, et sur un ton faussement joyeux fini par lancer. « Bienvenue dans la famille ! … Désolé hein, c’est juste... un peu délicat en ce moment.»