Chalet de Ashlyn, Ariana, Arthur, Emeric.

Je n'aimais pas particulièrement Halloween. Fête ridicule qui obligeait les jeunes à revêtir des costumes tout aussi ridicules pour recevoir des friandises qui les rendraient irrévocablement malade. Les gens en profitaient souvent pour droguer les bonbons. Les parents n'y voyaient que du feu. Leur enfant tombait malade et ils trouvaient cela normal. C'était idiot. Sans oublier ses filles qui s'habillaient de façon spécifiquement vulgaire, enfilant corset trop serré, combinaison moulante et escarpins aux talons vertigineux. Attirant le regard de tous les pervers du coin. Et par la suite, elles se demandaient pourquoi elles se faisaient agresser. Conneries. Et puis, il y avait les souvenirs. Des rires, des blagues, des bonbons. Mon père. Toutes ses mémoires me ramenaient à lui. Il animait la maison lors de cette soirée où monstres et princesses envahissaient notre maison. Ma mère ne participait pas. Non, elle restait dans son coin, à se remémorer des souvenirs qu'elle seule savait. Tandis que mon père et moi nous amusions. Jusqu'à l'accident. Puis, plus rien. Plus d'Halloween. Seulement une maison aux lumières fermées qui ne donnait plus de friandises. Et deux âmes meurtries qui s'étaient refermées sur elle-même.

Assise dans l'un des cars de Wynwood qui nous mèneraient au chalet, je repensais à mes motivations à participer à cette activité d'Halloween. Je détestais cette fête, mais ça ne m'avait pas empêché de m'inscrire avec une certaine joie inexplicable. Je ne m'étais certainement pas inscrite uniquement pour le plaisir. Certes, j'aurai du plaisir. Mais ce n'était pas mon but premier. Sortir des murs de l'établissement, faire connaissance avec d'autres. Se retrouver entre amies. Voilà ce que je voulais faire. Et revoir Trevor. Et puis, je serais probablement placée avec des connaissances dans des chalets. Des connaissances avec qui je souhaitais être. Pourvu que je ne me retrouve pas avec un de ses mecs que je ne pouvais blairer. Ce serait vraiment sympa.
Installée avec les filles de l'équipe des cheerleaders à l'arrière du car, nous avions une vue d'ensemble sur le reste des élèves présents. Les boulets, à l'avant, avec qui je souhaitais fortement ne pas me retrouver. J'étais ici pour m'amuser, pas pour réconforter des petits enfants qui avaient peur du noir ou qui entendaient de mystérieux bruits. Mêlés aux boulets, les couples qui voulaient avoir la paix. C'était mignon de les regarder. Mais après un certain moment, ça ne me donnait plus qu'une envie; gerber. Ou bien ceux qui voulaient lire des livres en paix. Ou qui n'avaient personne à qui parler. Un peu plus et j'aurai eu pitié d'eux. Capuche sur la tête, tête baissée, parfait stéréotype de la personne qui se fait intimider. Mis-à-part eux, il y avait les plus bruyants d'entre nous, entassés au fond du car, collés les uns aux autres. Parlant de tout et de rien. C'était sympa. Un petit voyage sur les sentiers cahoteux qui nous mèneraient aux chalets.

Les cars s'étaient arrêtés dans un petit village. Vieux bâtiments, vieilles personnes aux vêtements déteints. L'allure en général était bien peu accueillante, mais j'étais contente d'avoir pu me désaltérer avant de poursuivre notre chemin. Sans parler de ce petit gâteau qui semblait délicieux, mais qui c'était révélé être dégoûtant. Je m'étais retournée pour le cracher, sous le regard froid et calculateur de la vieille dame qui me l'avait donné. Je me demandais désormais si son petit gâteau n'était pas empoissonnée, ou autre connerie du même genre, puisqu'une migraine affreuse ne cessait de me torturer les tempes. Ô joie.

Nous arrivâmes rapidement aux chalets par la suite. Enfin, chalet... Comprenez par là simple petite cabane de bois avec le strict minimum à l'intérieur. Certes, nous y serions confortables, mais bon. Les participants s'étaient rassemblés autour d'une vieille dame, qui semblait distribuer les chalets. Je m'étais approchée à mon tour, écoutant attentivement. Les noms passèrent. Neil se trouvait dans le chalet deux. J'aurais bien voulu être avec lui. Il savait mettre de l'ambiance quand il le voulait. Mais mon nom n'était guère associé avec lui. Puis, vint le chalet cinq. Je me trouvais avec Ashlyn, seule personne que je connaissais pour faire du footing plusieurs fois avec elle. Sinon, il y avait un certain Arthur et puis, merde. Emeric. J'aurais pu me taper n'importe qui. Sauf lui. Je l'avais déjà vu traîner avec Trevor, ou bien Evy. Le genre de personne ignoble que je préférais éviter. Il avait une gueule d'ange, certes, mais il était tout le contraire. Enfin bon, je n'allais pas m'apitoyer sur mon sort. J'étais avec Ashlyn. Nous allions nous amuser. Je n'avais qu'à ignorer Emeric. Caractère typique d'une gamine, mais pour ce que j'en avais à foutre...

Je traînais mon sac de voyage jusqu'au chalet. Et tombait face à face avec une vieille dame au visage brûlé. J'eue un mouvement de recul alors qu'elle approchait son visage près du mien. Une odeur de moisi se porta à mes narines et j'eue un hoquet dégouté. Des morceaux en lambeaux de chair se détachèrent de son visage. Je clignais les yeux et les rouvris brusquement. Et elle avait disparu. Je regardais autour de moi en clignant des yeux. Personne. Seulement deux filles qui se foutaient clairement de ma gueule. Je leur jetais un regard noir avant de poursuivre mon chemin. Ma tête me jouait probablement des tours. Ce n'était pas réel. À moins que je ne sois victime d'un mauvais coup. Mais c'était peu probable. Je passais une main sur mon front moite et brûlant. Je devrais probablement aller me reposer avant de commencer à me préparer. Après le voyage mouvementé sur les petites routes de gravier de la forêt, je pouvais bien me relaxer quelque peu. Je souffrais sûrement du mal des transports.
Arrivée devant la porte d'entrée, j'hésitais à rentrer en regardant la devanture. Et si la vieille cabane nous tombait dessus durant notre sommeil ? Je mourais probablement asphyxiée avant d'avoir pris conscience de ce qui m'arrivait. Mais je tenais tout de même à ma vie et je n'étais pas suicidaire. Mais je n'avais guère le choix. Je franchis le seuil alors qu'Ashlyn s'engouffrait dans une chambre, probablement celle réservée aux filles. Un jeune homme se tenait devant une porte fermée. Sûrement le dénommé Arthur. Nom qui ne collait pas à son allure de punk. Cheveux rouge relevés en pointe, piercing noir aux sourcils. Il me faisait presque penser à la nouvelle prof de musique. Cette Eva. Je fronçais les sourcils et secouais la tête. Puis, je lui offris un timide sourire avant de rentrer dans la pièce où Ashlyn était rentrée quelques secondes plus tôt.
Alors que je rentrais dans la petite pièce, j'entendis la voix d'Ashlyn prononcer : « Qui est-là ? Montrez-vous !
- Je suis désolée si je t'ai surprise, commençais-je alors qu'elle se retournais vers moi. Je voulais pas te faire peur. Est-ce...»
Je lâchais un cri d'horreur en regardant ses cheveux. Je plaquais une main contre ma bouche, dégoûtée. Des centaines de petits vers translucides brillaient sous les feux de la faible lumière. Ils se tortillaient dans tous les sens. Je vis son costume sur le lit. Peut-être était-ce simplement sa perruque ? Mais alors que je relevais le regard vers elle, ses cheveux étaient rendus bleus. « Et merde ! Qu'est-ce que t'as fait à tes cheveux ? »

Ma tête me faisait un mal de chien. Le voyage m'avait exténué et voilà qu'une faible odeur de cigarette flottait dans la pièce, ne faisant qu'empirer mon état. Sans oublier les cheveux d'Ashlyn qui ne cessaient de changer de couleurs. Passant des vers blancs se tortillant sur eux-mêmes au bleu foncé, mais éclatant. Son teint pâle ne s'agençait pas à cette couleur, qui lui donnait l'air d'un schtroumpf. Pas spécialement ce à quoi les gens veulent ressembler, j'en suis certaine.

Lorsque j'avais demandé à Ashlyn ce qu'elle avait fait à ses cheveux, celle-ci prit une de ses mèches... blondes. Bouché bée, je clignais bêtement des yeux et regardais ces cheveux. Ils étaient blonds. Pas bleus. Mais ils l'étaient quelques secondes auparavant, je l'avais bien vu. Et aucune perruque ne traînait, rien. Mais alors, c'était quoi ce bordel ?! « Euh, j’ai rien fait, juste une couleur blonde comme avant, la couleur prune me lassait à force.
- Tu... J'avais... T'avais les cheveux bleus ! »
Et voilà que mon état de santé mental se détériorait à son tour. Charmant.
Dans l'autre chambre, la réplique du dénommé Arthur fusa et je me retournais vers la porte, sourcil arqué. Traité Emeric de pourceau en chaleur ? Merde, fallait avoir du courage à revendre pour oser insulter Emeric de cette façon. Et puis, il l'avait bien cherché, à claquer la porte au nez de son colocataire.
Lorsque je me retournais vers Ashlyn, cette dernière était allée s'asseoir sur son lit et cherchait probablement le reste de son costume dans sa valise. Elle me faisait dos. L'avais-je vexé? Mais je n'avais guère vu sa vraie couleur. Mais essayez, vous, d'expliquer à quelqu'un que vous voyiez des trucs qui n'existent pas. Ça l'air sérieux. Du moins, de moment où vous voulez finir derrière des barreaux, dans un asile. La Rho Kappa me demanda alors : « Sinon, tu vas te déguiser en quoi toi ? » Je m'apprêtais à lui répondre lorsque je vis une ombre passée à ma droite. Je me retournais légèrement et fis encore une fois face à cette répugnante créature qui se présentait devant moi. Ses ongles, longs et crasseux, s'approchaient de mon visage alors que je réprimais un cri. Je reculais d'un pas, faillit trébucher et entendis la voix d'Ashlyn : « Tu as entendu ? Tu crois que c’est les garçons ?
- Et ça... Tu... Tu crois que c'est quoi cette... cette chose ? » demandais-je, paniquée, en lui pointant le cadavre ambulant qui se dirigeait vers nous. « Si c'est les garçons, et bien je ne rigole vraiment plus. »
Alors que la vieille dame s'approchait encore un peu plus, ses yeux commencèrent à tomber et à s'écraser au sol, dans un bruit de substance visqueuse. Et ils fondirent, se répandant partout sur le sol. Je retenais un haut-le-coeur avant de ramener le regard vers le squelette. Qui n'était plus là. Je sursautais alors que je croisais les yeux bleus d'une personne que j'avais tant chérie. Avant qu'elle ne meurt. « Papa? » Une douleur sourde me serrait le coeur alors que j'avançais une main vers lui. Et je retins un cri alors qu'elle passait à travers son poitrail. Et qu'il disparaissait à son tour. Yeux écarquillés, je me retournais vers ma colocataire. « Dis-moi que tu l'as vu... » Je virais folle. C'était indéniable. Mais, Ashlyn elle-même entendait des bruits que je n'entendais pas. Et si tout ne venait pas de nous, mais d'ici?