Alpha Psi || Tonight we are young !

J’attends avec impatience de voir quelqu’un débarquer. Je ne fais que de penser à Edgard pendant chacune des secondes qui passent. Comment aurait-il trouvé cette idée ? Je suis sûre qu’il aurait été dans un coin à ne pas s’ouvrir aux autres, à regarder le sol. Moi, je serais allée vers lui, l’aurait tiré de sa rêverie pour lui mettre sa trompette dans les mains. Nous aurions ainsi fait de la musique et il se serait lâché avec le temps. J’aurais poussé la chansonnette et sur un air de jazz j’aurais bougé mes jambes dans tous les sens.
Il me manque. Là, alors que je suis seule dans la salle commune, je ressens un immense vide. Je ne sais plus sur qui compter. À chaque fois que je me rapproche de quelqu’un, il faut que tout parte en vrille. Cette fois-ci n’a pas dérogé à la règle. Quand tout ça s’arrêtera-t-il ? Mon cœur s’effrite, je me sens mal et personne n’arrive. Tout effort est-il vain ? Est-ce que ça aussi, ça tombera à l’eau ? Je me pince les lèvres pour empêcher mon désarroi de couler sur mon visage en de chaudes larmes.

Je suis prête à craquer quand quelqu’un arrive dans la pièce. Je lève les yeux vers la personne. C’est Jeff. Notre chef de confrérie. Il m’a envoyé un message pour me dire que mon idée était bonne… J’aurais dû savoir qu’il allait venir. Pourquoi n’y ai-je pas penser ? Pourquoi ai-je cru que j’allais me retrouver seule ? Il faut que j’arrête de dramatiser pour un rien. « Hey, ça va toi ?» Sentir Jeff me tenir dans ses bras me soulage légèrement. Mon cœur est plus léger et je n’ose lui dire comment je vais réellement. « On fait aller…» J’hausse les épaules et tente un petit sourire. Il complimente à nouveau mon idée des bougies et me montre qu’il a apporté d’autre chose. Je suis contente qu’il ait eu cette initiative. Ce qu’il a acheté et justement ce à quoi je n’avais pas pensé. J’ai peut-être un peu trop voulu faire avec mes goûts… Par contre, il va falloir que l’on sorte des sodas pour les mineurs. Car à vrai dire, en Amérique je ne suis pas majeure, ni Jeff en passant… Mais comment refuser un bon verre sur un air de piano ? Sans parler de l’ambiance faite par les lumières vacillantes des bougies. « Et les bacs de peintures ... TRÈS TRÈS bonne idée ! Je vais aller chercher mes guitares dans ma chambre, au cas où, tu me donnes un coup de main ? » Un sourire s’affiche sur mon visage. « Je me suis dit que ça pourrait être intéressant de faire un pan de mur personnalisé… Des traces de main, des coups de pinceau fou…» J’imagine déjà la scène. J’espère que personne ne va se pointer avec une belle robe ou de belles affaires… Parce que j’aimerai bien sortir de cette soirée décoiffée, sale, heureuse, fatiguée, bourrée et tout ce qui va avec… « Y a ma guitare aussi… Et aussi mon iPod avec des musiques et j’ai quelques partitions dans ma chambre…» J’avance plus soulagée en direction de l’escalier. « J’espère que tout le monde viendra…»

Une nouvelle journée. Une nouvelle soirée. Il est plus de 20h et j’ai envie de faire quelque chose pour ma confrérie. J’y pense et y repense depuis plusieurs jours. Ça tourne en boucle dans ma tête. J’essaye de trouver ce qui serait le mieux. J’ai besoin de m’occuper. Je ne peux pas rester une minute sans ne rien faire. Pourquoi ? Si je me pose, je commence à réfléchir et alors… Alors surviennent les larmes et je ne pourrais m’arrêter.
Ma chambre est à nouveau vidée de la présence de mon colocataire. Il est parti. Loin… Trop loin pour que je survive sans lui. Je me sens seule. Trop seule. Encore une fois, un homme important de ma vie a disparu. Edgard est parti, me laissant seule avec mes vieux démons. Un soir, on s’était dit qu’il serait bien de passer une soirée autour du piano avec tous les membres de la confrérie. Un peu d’alcool, de la musique, un peu de nourriture, des mélodies s’enchaînant et des rires.

Pourquoi ne pas réaliser ça ? Histoire de prouver à Ed que je ne tombe pas dans la dépression et que je continue de vivre. Aujourd’hui, j’ai donc passé ma journée à préparer la soirée. J’ai avant tout glissé un petit message sous chacune des portes ce matin avec écrit « Intéressé par une soirée entre nous ? Rendez-vous ce soir dans la salle commune à 20h30. Apporter votre bonne humeur !» Je ne sais absolument pas si cette initiative va fonctionner. Mais j’aurais eu l’audace d’essayer. Ça ne coûte rien !
Alors, je suis allée acheter de bac de peinture de nombreuse couleur, des pinceaux, puis un trombinoscope, j’ai acheté un ensemble de sushi et portion de rien.
Quand j’arrive dans le bâtiment, j’installe tout sur la table. J’ai prévu de prendre des tas de photos de nous tous pour les accrocher au mur. La peinture… Je ne sais pas… Je me suis dit qu’on pourrait peut-être rafraichir les murs… Et puis, j’ai bien deux bouteilles de vin rouge mais je ne pense pas que ça s’allie très bien avec la nourriture japonaise. J’ai pris ça car je me suis dit que ça allait changer de la bonne vieille pizza. De l’audace… J’essaye de faire preuve d’audace !

Je vais chercher des bougies dans ma chambre et je les dispose sur le piano. Je m’installe d’ailleurs sur la queue de celui-ci. Mes pieds se balance dans les airs. Je me mordille les lèvres et j’attends. J’attends de voir ce que cette initiative va fonctionner !