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 L'arme des humiliés. [Eva]

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MessageSujet: Re: L'arme des humiliés. [Eva]   L'arme des humiliés. [Eva] EmptyMer 15 Mai 2013 - 0:23

L'arme des humiliés
Eva & Lancelot.

Dernière ligne droite.



Les prunelles du jeune homme observent. Calculent. Je laisse faire. Je me tais. Avant de partir, je me suis jurée de ne pas faire d'esclandre, de ne pas jurer, frapper, insulter ou humilier. Non, pas cette fois. Telle que je me présente, correcte et repentante, cela ne doit pas se passer mal. Pas cette fois. Pas maintenant. Il répète le prénom avec une surprise non modérée, et une méfiance à peine dissimulée. Je ne suis pas crédible. Je le sais. J'ai l'air d'une call-girl, avec mon gamin dans les bras, et pourtant je sais que je vaux plus, bien plus que cela. Un temps passe. La réflexion fait son effet, mais dans le mauvais sens. Pendant ce temps, je réfléchis un instant à la raison de ma venue ici. Je sais qu'il est légitime pour Ludivine de me refuser l'entrée dans sa maison, et pourtant, j'ai besoin de le voir encore une fois. Il le faut.

Tellement d'incompréhensions, de mots durs et de haine. Lancelot et moi, cela n'a jamais été une histoire facile. Mais puis-je réellement user du mot "histoire" ? Non. J'ai été atteinte d'une maladie incurable, mais non-contagieuse. Il ne l'a pas attrapée. Il m'a aimée à sa façon, mais ce n'était pas suffisant. Comment réparer les dégâts ? Comment lui expliquer, que désormais tout cela, c'est fini ? Comment lui prouver que malgré cet attachement profond, cet amour puissant que je ressens pour lui, je le laisserai désormais en paix, et le supplierais à genoux de me pardonner ? Mais y arrivera-t-il, rien n'est moins sûr. Je porte en moi quelque chose, un gène peut-être, qui fait de moi celle que je suis aujourd'hui. La plus immonde des femmes, une meurtrière sans états d'âme, prête à tout pour obtenir ce qu'elle veut. Et lui, je le voulais. Mais malgré mes efforts, malgré tout ce que j'ai pu faire, il est resté inaccessible, et je suis devenue folle. Encore une fois, complètement folle. Si j'avais pu lui expliquer. Si j'avais pu lui dire à quel point je m'en veut à présent, de lui avoir fait du mal. Mais comprendrait-il seulement à quel point une femme aux abois peut être dangereuse ? Je ne crois pas. Sans doute n'a-t-il pas vu à quel point ma vie fut parsemée de souffrances et d'embûches. Je n'ai jamais réussi à me faire aimer. Jamais. Ou pas suffisamment pour être la seule tenante du titre. Je n'ai jamais réussi à garder un homme, malgré la douceur et les tendresses. Oui, j'en étais capable. J'en ai toujours été capable. J'ai aimé Liam, Pollo, Lancelot, je les ai aimés tous les trois avec force et détermination, mais surtout, avec chaleur. Si l'un d'entre eux m'avait acceptée, s'ils avaient décidé de consacrer leurs forces à moi, comme je m'offrais à eux, rien ne serait arrivé. J'aurais été la plus douce des amantes. La plus naïve sans nul doute. Mais peut-on obliger quelqu'un à aimer ? Non. Voilà pourquoi j'avais sévèrement déconné.

Et il ne se passait pas une journée sans que je sois rongée par les regrets.

Finalement, le jeune homme reprit, d'une voix suspicieuse, méfiante. Des mots de français, que je ne compris pas, mais dont je saisissais l'intention première ; lui aussi m'interdisait de voir Lancelot. Alors que je m'apprêtais à marmonner quelques mots, des pas retentirent. Mon dieu, et si c'était...
...Mais non.
Ludivine Perez adressa quelques mots à l'adolescent, avant de se planter devant moi. Sa fausse voix mielleuse me procura derechef un frisson glacé dans le dos. Sa silhouette frêle était un contraste parfait avec son regard plein de haine. De haine envers moi, alors qu'elle ignorait tout de qui j'étais, et de ce que j'avais traversé. Une première bouffée de colère me submergeai, mais je la contins. Ne dis rien Eva. Pas aujourd'hui, pas maintenant. Tu es si près du but. Elle fait claquer la porte, menaçante. M'oblige à descendre d'une marche, d'un simple mouvement. Et me toise. Encore, elle me toise. Elle me domine à présent, chose que je ne supporte pas, encore moins de la part d'une franchouillarde maigrichonne que j'aurais eu tôt fait de maîtriser, pieds et poings liés. Mais pas ici. Pas aujourd'hui. Pas maintenant. Non, il ne faut pas. Respire. Et par pitié, ne fait rien de... Stupide.


Mais lorsque sa voix retentit, je sens le spectre de la rage remonter en moi, comme parcourant mes artères dans le seul but d'approvisionner mes muscles en oxygène, pour mieux la jeter à terre. Profonde inspiration. Elle m'a adressé un bonjour, auquel je n'ai répondu que par un froncement presque imperceptible des sourcils. Mais mon regard me trahit. Je la fixe avec hargne, avec haine. Elle m'a menti, la dernière fois que je l'ai vue. M'a obligée à me prosterner. J'ai envie de hurler. Mais pas cette fois. Pas ici. Pas aujourd'hui. Pas maintenant.
Ses mots crachent, menacent. Un venin qu'elle semble contenir depuis trop longtemps. Elle se fait un plaisir de m'adresser ses courtoisies dans un anglais presque parfait. Je ne réponds que par une moue méprisante. Attention, Ludivine. Tu es en hauteur, mais tu n'es à l'abri de rien. Une profonde inspiration de plus. Je ne dois pas me laisser envahir. Surtout pas. Mais elle continue, inlassable. Sa fausse politesse se transforme alors en une flopée d'insultes, toutes aussi cinglantes les unes comme les autres, qui me frappent alors de plein fouet. Je ne m'attendais pas à tant d'agressivité, pas de la part d'un aussi petit bout de bonne femme. Mais c'était sans compter la hargne des français. Nouvelle vague de colère. Nouvelle respiration. Inspiration, expiration, et on se détend. Mais alors que je crois que c'est terminé, elle s'attaque alors à Mateo. Troisième vague de colère. Elles se rapprochent, un peu à la manière de contractions, et elles sont douloureuses, toutes. J'ai envie de la frapper. Mais Mateo me fait l'effet d'un tampon, pense mes plaies. Ma bouche s'ouvre, puis se referme. Ne rien dire.

Mais c'est de plus en plus difficile.

Finalement, elle fait le pas à ne pas faire. La provocation de trop, l'ultime insulte. De sa poche, elle tire un portable, compose rapidement un numéro. Puis l'élève dans les airs, comme un gamin jouerait avec un petit avion. Et elle me menace. Les flics ? ça sent le roussi. Pas pour moi, pour elle. Car si j'ai maîtrisé mes nerfs à la perfection jusqu'à maintenant, je ne suis pas infaillible, loin de là. Le décompte commence. Un.
Cette fois, c'en est trop. Je lui jette un regard furieux, resserre la prise sur Mateo, descends les marches avec prudence, avant de le déposer avec la douceur d'une mère, dans sa poussette. Puis je fais volte-face. La défie du regard. Et remonte les marches. Le fait que je sois descendue a ralenti le décompte. Sans doute a-t-elle cru que je partais, alors elle s'est arrêtée. Mais aussitôt la marche remontée, il reprend. Deux. Tu veux jouer ? On va jouer.

Mon poing, fortifié par la quatrième vague de colère, frappe son plexus solaire avec suffisamment de force pour la faire chanceler, puis s'effondrer par terre. J'entends l'air s'échapper de ses poumons avec un sifflement satisfaisant. Le portable chute. A-t-elle eu le temps d'appuyer sur le bouton "appel" sentant la menace ? Je l'ignore, et je ne regarde pas. J'écrase violemment l'engin d'un coup de talon sec, m'acharne dessus jusqu'à qu'il soit méconnaissable. Je monte prestement la dernière marche qui me sépare d'elle, attrape ses cheveux avec force, l'obligeant à se relever, puis la plaque contre le mur. Ma grande spécialité. Mais l'heure n'est pas au jeu, ni aux souvenirs. J'ai juste envie de lui faire la peau. Mais non. Je prends une autre inspiration, retrouvant un calme apparent. Je m'autorise même à lui sourire. Elle a perdu toute sa superbe, toute sa provocation, ne laissant qu'un visage cherchant l'air, luttant contre la douleur qui doit irradier son ventre. Je jubile. Puis je parle.

"Je ne voulais pas en arriver-là, crois-moi. Mais maintenant qu'on y est, tu vas bien m'écouter, espèce d'immonde petite salope."

Je lâche ses cheveux, mais tient son col d'une main ferme, empêchant toute fuite.

"L'erreur de la nature, comme tu l'appelles, c'est le fils de Lancelot, que tu le veuilles ou non. Alors tu vas gentiment NOUS amener à lui, ou l'amener, à ta convenance. Pas de coups fourrés. Si tu appelles les flics, je te retrouverais. Et ça ne va pas te plaire. Ce que tu viens de prendre, c'est qu'un avant goût. Juste un petit coup dans le ventre pour que tu fermes un peu ta grande gueule."

Je pousse un soupir. Elle m’énerve. Elle m'énerve depuis qu'elle a pénétré dans ma chambre, à l'hôpital. Elle m'horripile, elle et sa fragilité, ses petits os qui pourraient casser à la moindre brise, et sa bouche, sa putain de bouche, qu'elle ouvre et referme uniquement pour cracher sa rage à mon égard.

"Qu'on se le dise, je sais ce que j'ai fait, et je ne viens pas pour l'accuser, ou lui faire plus de mal qu'il en a déjà eu, d'accord ? Je viens seulement lui parler, calmement. Lui expliquer, lui présenter son fils. Ensuite, je m'en irai, je disparaîtrai de sa vie. Il ne verra plus jamais Mateo, si c'est ce qu'il souhaite. Je ne demande pas la moindre compensation financière. Seulement..."

Ma voix se met soudain à trembler. La colère a laissé place, fatalement, à tout ce chagrin que je retiens depuis des mois. Depuis son départ, depuis la naissance de son fils. J'aimerais m'effondrer, là, en larmes, et me laisser crever de dépit, me laisser aller aux larmes, pour une fois, pleurer pendant des heures jusqu'à vider tout mon corps de son eau. Mais je ne peux pas. Mes mains se mettent soudain à trembler, raffermissent leur prise sur le col de Ludivine. Je jette un regard en direction de Mateo. Il dort. Tout va bien pour lui. Quelle chance, il a. Plongé dans cette enfance innocente, il ne comprend rien. Je reprends, pourtant, d'une voix étranglée par les sanglots naissants.

"Seulement lui parler une dernière fois, respecter ma promesse, c'est trop demander, CONNASSE ?!"


La seule insulte que je connais en français. Je rapproche mon visage du sien, et pousse un hurlement strident. Un hurlement de colère et de chagrin, mêlant la rage et les sanglots. Un hurlement puissant, de la chanteuse que je suis. Si tout le voisinage n'a pas entendu... Mais je n'en peux plus d'attendre. Je n'en peux vraiment plus.

"AMENE MOI A LANCELOT, BORDEL DE MERDE !!"
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MessageSujet: Re: L'arme des humiliés. [Eva]   L'arme des humiliés. [Eva] EmptyMar 14 Mai 2013 - 13:07



l'arme des humiliés



Interloqués, les yeux ronds de l’adolescent décryptaient silencieusement la silhouette pantoise de l’étrange petit bout de femme venu sonner à sa porte. Elle ne cillait pas, campée immuablement sur les dalles grises du pavillon, et dans ses yeux de braise, il pouvait discerner toute la gaieté de l’univers se consumer. Ses lèvres s’étaient étirées en un large sourire. Derrière son maquillage resplendissait le bonheur. Mais ce qui par-dessus tout attisait l’expression interdite du garçon, ce n’était ni cette particulière sensation, ni la longue chevelure flamboyant ou cette tenue presqu’indécente qu’elle revêtait. Non. Des yeux trop déguisés, les prunelles masculines glissèrent sur l’enfant qu’elle tenait fermement entre deux bras, véritables personnifications d’une infranchissable place-forte érigée par Vauban. Alors, lorsque les lèvres finement couvertes de rouge articulèrent quelques phrases en un français exécrable, de la surprise, il passa radicalement à la suspicion. Ses sourcils froncés durcissaient lourdement son visage encore enfantin, attitude soulignée par ses bras croisés. À travers le carillon dissonant de ses cordes vocales, il avait cru reconnaître un accent hispanique.

- Lancelot ?

Et des Hispaniques, il savait qu’il était nécessaire de se méfier. Derrière son regard pétillant, qu’est-ce qui pouvait lui certifier qu’il n’y avait guère de masque de comédienne ? Qui pouvait lui promettre qu’elle n’était pas une fabulation façonnée dans la vase, l’une de ces femmes excentriques et irrévérentes constamment parties à la recherche d’une personnalité à laquelle attribuer une naissance, pour la gloire et le prestige ? Jamais son frère n’aurait fréquenté une fille comme elle. Et quand bien même…

- Pourquoi ? Que lui voulez-vous, à Lancelot ? Il n’attend personne aujourd’hui. D’ailleurs comment avez-vous obtenu cette adresse ? C’est une propriété privée ici, et je ne vous connais pas. Si v…

Ses mots s’éteignirent sèchement dans l’atmosphère ambiante. La chaleur douce d’une paume sur son épaule avait attiré ses iris colorés derrière lui. La mâchoire serrée, ils partagèrent un moment un regard interloqué. Un sourire mélodieux éclaira les pâles couleurs du visage de Ludivine et, d’une pression affectueuse, elle invita l’adolescent, accorte mais sévère, à s’écarter de l’entrée.

- Laisse, Tommy. Je m’en occupe.

Ainsi, c’était désormais le cireux visage de l’infirmière qui masquait l’unique parcelle de paysage intérieur offerte à l’Espagnole. Sa physionomie altérée semblait illuminée par ses pommettes relevées et ses dents découvertes, contraste glacial avec le regard dur qu’elle arborait. Candide, elle articula quelques mots dans un anglais dont l’accent était volontairement négligé.

- Eva, quelle surprise… ! Bonjour !

Son pied droit se posa sur le pallier, bientôt suivit du gauche. La démarche décidée, la Française franchit, défiante, le seuil de sa villa, contraignant ainsi celle qui avait eu le culot de s’inviter à descendre d’un pallier. D’un pas lent, les pieds emmitouflés dans une paire de chaussons s’avancèrent jusqu’au bord de la première marche. À cette hauteur, sa petite taille ne lui faisait plus défaut. Bruyamment, la porte en chêne claqua derrière elle, laissant le verre vibrer comme vibrait en elle sa colère. Son visage s’était métamorphosé et chacun de ses traits, chacun de ses muscles étaient dés lors au service de son animosité grandissante. Froides, imperturbables, les deux femmes se défiaient du regard, telles deux chiens de faïence poussiéreux. Ce fut Ludivine qui, la première, laissa se briser sa couverture d’argile.

- Je pensais pourtant avoir été claire. cracha-t-elle à voix basse. Pourquoi tu es venue jusque Paris ? Il n’y a plus rien ici pour toi, Eva. Tu as trop attendu. Tout est détruit maintenant, alors sur quelles fondations espères-tu reconstruire quelque chose ? Tu ne mérites même plus d’apercevoir son visage. Et cet… ce…

Du menton, elle désigna, dédaigneuse, l’enfant maudit protégés par les bras maternels d’Asmodée.

- Tu l’as pris avec toi ? Mais crois-moi, ma grande, jamais cette erreur de la nature n’entrera dans cette maison. Pas plus d’ailleurs que tes godasses souillées par la merde que tu n’as cessé d’étaler dans la vie de Lancelot. Je ne sais pas en quelle langue il faut baragouiner pour que ton petit cerveau de crécerelle enregistre une information mais… je le répète : ta route s’arrête ici, sale putain. Alors tu vas gentiment tourner les talons et quitter cette propriété pour ne plus jamais, tu m’entends ? Jamais laisser entendre parler de toi ou de ta saloperie de progéniture. Maintenant tu dégages ou je te promets que j’appelle la police.

D’un geste agacé, elle glissa sa main dans la poche ventrale de son pull over. De celle-ci, elle sortit son téléphone. Ses doigts blancs s’appliquèrent à taper un court numéro sur le clavier numérique. Son indexe se posa sur le bouton destiné à appeler. Narquoise, elle leva l’engin à la verticale.

- Tu as jusqu’à trois, petite garce. Un…

[Désolée il va vraiment me falloir un moment pour me remettre dans le bain mais... mais... tu pourras chanter l'hallelujah ce soir ! -je crois qu'on bat le record du RP le plus lent du monde-]

made by pandora.




Dernière édition par Emeric Kürschner le Dim 8 Sep 2013 - 21:50, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: L'arme des humiliés. [Eva]   L'arme des humiliés. [Eva] EmptyDim 6 Jan 2013 - 2:05



    L'arme des humiliés. [Eva] Mikelangelo-loconte-20100531-579274

    Regarde-moi.

    Brise mon coeur encore une fois. Déchire mon espace, et dévore le comme une bête assoiffée de sang. Faisde moi un objet de désir et de haine, comme autrefois. Voilà ce que j'ai envie de hurler, lorsque mes mains battent avec rage le bois majestueux de la porte de cette maison. Regarde-moi encore une fois, je te supplie presque. Efface mes erreurs, comme j'ai effacé les tiennes. Une fois, une dernière, reviens dans le passé avec moi, et accomplis la danse majestueuse de ce qui n'est plus, mais de ce qui demeure là-bas, derrière nous. Tourne toi pour le regarder à nouveau, et accomplis-le. Réjouis-toi de sentir quelque chose d'ancien se poser sur ta peau et mordre ton épiderme avec cette hargne qui ne tient que de toi. Réécris nos mots avec ta plume de musicien, compose notre Aria avec mon sang et mes larmes, tout, pourvu que tes yeux se posent sur moi, sur lui, pour la première fois pour l'un, la seconde pour l'autre. Ressens mon extase avec cette fièvre qui n'appartient qu'à toi, au travers de ton affection et de ton besoin. Cours dans mes bras, saute, ne te laisse plus faire par les affres du temps. Immortalise moi au travers de ton regard pourvu que ce soit long, et sans fin. Observe mes talents au jugé des tiens, et ne laisse rien effacer ce que nous avons mis tant de temps à construire et à détruire. Montre moi ce qu'est souffrir, comme si je ne le connaissais pas vraiment. Pleure dans mes bras comme autrefois, laise tes larmes acides brûler ma peau, pourvu que ton bonheur soit entier, ta crainte absolue, aussi. Laisses toi envahir par ce sentiment de sécurité diffus que je te procure, en plus du dégoût nouveau. Regarde-le, lui. Observe le fruit de cette haine débordante d'affection te sourire, attrape sa petite main, entraîne le dans ta danse folle, avant ton dernier soupir. Chante comme moi je le fais, et souviens-toi. Souviens-toi ne serais-ce qu'un instant que c'est la tempête qui nous emporte, que c'est le monde qui nous enchante. N'oublie pas qui tu es, et pourquoi tu coules dans mon sang comme un poison violent. Moque-toi, ris-moi, de tout ce que tu voudras. Use de ta parole pour me rendre faible.

    Souris-moi encore une fois. Et surtout, rappelle-toi.


    L'arme des humiliés. [Eva] Col6
    Rappelles-toi l'étreinte glacée de mes bras tandis que je te noyais dans l'océan de mon affection. Rappelles-toi le souffle court passant la barrière de mes lèvres, tandis que mes mains se promenaient sur le corps interdit mais pourtant à ma portée. Rappelle-toi qu'une fois a suffi, mais que cette fois était la seule qui comptait réellement. Rappelles-toi que tu as compris aussi bien que moi que depuis cet instant il n'y aurait plus de secrets, plus aucun, ni pour toi ni pour moi. Que sans détours, nous nous étions passés dans l'âme de l'autre, sans que rien ne puisse nous arrêter. Rappelles-toi de mes mains mettant à nu corps et esprit, concevant à notre manière un futur que tu avais choisi comme impossible, ton impuissance, quand tu as vu que tu ne pourrais plus échapper à la providence, ton souhait de fuir et de ne plus jamais revenir. Rappelles toi que nous avons écrit ce court passage de roman dans l'encre de nos larmes, et que rien n'a changé. Rien. Seulement ta pensée face à la mienne, et cet affrontement que je juge à présent grotesque. Personne ne pourra m'empêcher de te regarder, de te serrer une fois, encore une fois. Avant de m'enfuir loin encore une fois. Tu as brisé mon rêve, j'ai brisé tes espoirs, je n'ai pas tenu ces promesses gravées au fer rouge sur moi, pourtant. Explique-moi, dis-moi comme tu me hais, gifle-moi, même, si tu le désire, pourvu que finalement tout redevienne comme autrefois. Mes larmes couleront, les tiennes, peut-être. Mes mains s'abattant sur la porte avec un acharnement presque inhumain, monstrueux. Je veux que tu répondes. Je veux que tu répondes. Il faut que tu répondes. Lèves-toi et réponds moi ! Je suis comme toi, je ne veux pas être abandonnée. Tu peux crier, hurler, tu peux me frapper, me tuer, regarde-moi seulement, réponds au silence, par pitié. Et ne m'oublie pas, comme moi je ne t'ai jamais oublié. Je te répèterai peut-être ces mots, ceux-là même que tu as prononcés le jour de ta trahison. Je t'offrirai mon esprit en pâture, mon chagrin en délivrance, je ne te demande même pas ton pardon.

    Seulement toi, par pitié.


    L'arme des humiliés. [Eva] N6700410
    Si je laisse s'abandonner mes mains contre le battant, je laisse mon esprit vagabonder dans les méandres de mes souvenirs, comme je l'ai tant fait pendant des nuits longues et silencieuses, bercées par le souffle doux des étrangers étendus à mes côt"s. Et je me suis rappelée. La chaleur de ta peau, l'odeur douce de tes épaules et de ton cou, la tendresse de ton regard. Rien n'est comparable au cadeau que tu m'as offert, mais celui que je te donne en est le parfait équivalent. Ses yeux sont les tiens, ses cheveux aussi, même son odeur et son regard en sont le parfait identique. Je me rappelle de tous les détails, les uns après les autres, la fraîcheur de tes mains, et la pudeur douce de la mise à nue, cet après midi étendu entre mes draps noirs. J'aurais voulu te parler de tout ça, mais m'aurais-tu écouté ? Je me souviens de tes cheveux passant entre mes doigts fins, la profondeur dense de tes baisers, la dureté de mes mains s'aggripant entre tes omoplates. Je me souviens de ton souffle chaud contre mon cou, de mon regard sur ton corps endormi. Je me souviens de tes bras enserrant ma taille, de mes cheveux chatouillant ton nez, de nous, tout simplement. De ce qui nous appartient, à nous et à personne. Et lorsque je regarde ton fils, je ne me rappelle que de cela, dans les moindres détails. Je me rappelle de tes rires, au travers de ce faux amour que tu m'as offert. Car l'amie que j'étais pour toi n'était pas l'espoir ténu que je gardais au coeur de mon esprit. Je me voyais à ton bras, je me voyais dans ces nuits blanches, comme cet instant passé, fugace. Je me voyais dans ce parc, je me voyais dans ce salon, dans cette chambre, dans cette rue, partout. Je ne voyais que toi, à ce moment-là. Et je n'ai rien oublié de toi. Je le croyais, pourtant. Mais je n'avais seulement qu'oublié. Maintenant, je me souviens. Mes mains me font mal, mes bras. J'ai presque envie de briser mon crâne sur cette porte pourvu que tu ouvres. Pourvu que tu écoutes.

    Ecoutes-moi comme avant.


    L'arme des humiliés. [Eva] EmilieAutumn
    Laisses-moi te supplier. Te dire que rien n'est plus pareil, que je voudrais revenir en arrière. Que je suis désolée. Que je t'implore, te demande une fois de plus de m'accepter, de m'aimer comme je suis, et serais toujours. Comme la soeur que tu as toujours voulu, plus, si tu le désires, moins, si tu le veux. Accepte-le, lui aussi, le fruit de cette matinée pleine de tendresse. Parce qu'il est ton fils. C'est dur à dire, c'est dur à entendre, aussi, pour un enfant de vingt ans seulement. Mais tu dois regarder la vérité en face. Et en sortir grandi.

    Lorsque finalement le battant s'ouvre, mes yeux restent un instant figés sur le jeune garçon qui me fait face. Je croirais voir un fantôme. Un fantôme plus jeune. Un fantôme ressemblant, passionnément ressemblant. Je sais que je serais toujours seule pour porter ce délicieux fardeau, mais lorsqu'au travers de cet enfant qui marmone du français, je crois revoir l'éclat du sourire moqueur et exécrablement adorable de Lancelot Perez. Mais ce n'était pas lui. Pourtant. Malgré le fait apparent qu'il ne s'agissait pas de lui, je restais un moment bloquée sur l'image de celui que je n'avais vu depuis des mois. Les yeux grands ouverts d'étonnement, de joie, aussi. Un sourire franc éclaira mon visage. Un vrai. Rayonnant. Pur. Un des rares sourires sincères que je m'autorisais, parfois, lorsque le moment était réellement important. Alors prendre la langue me semblait le plus approprié pour communiquer ma joie.

    "Bonjour... Yo... Je... veux voir à Lancelot."

    Je lui jetais un regard. Un mélange subtil de joie, de peur aussi. D'angoisse et de chagrin. De bonheur et d'impatience. Il y avait de tout dans mes yeux verts. Cela rendait peut-être mon regard vide. Je l'ignorais. Et dans l'instant présent, je n'y accordais pas la moindre importance.

    "Now. Ahora."


    Il était temps de faire face à la réalité. Et maintenant.


    L'arme des humiliés. [Eva] Trio_210
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MessageSujet: Re: L'arme des humiliés. [Eva]   L'arme des humiliés. [Eva] EmptySam 24 Nov 2012 - 12:25



l'arme des humiliés



En vérité, elle n’était pas venue. La porte était restée close, la clé incrustée dans la serrure. Une semaine s’était doucement écoulée. Puis un mois, deux mois, cinq mois. Et tandis que l’espoir s’évaporait, le soleil cédait sa place aux nuages gris de l’automne. Si Ludivine l’avait sue aussi lâche, jamais d’ailleurs elle n’aurait été la trouver dans son lit d’hôpital. Elle avait sous-estimé sa cruauté. Soit. Il en valait peut-être mieux ainsi. Huit novembre. Comme tous les jeudis à peu près, Ludivine profitait paresseusement de sa journée de congé. Les pieds chaudement glissés dans de grosses pantoufles rembourrées et la taille emmitouflée dans un peignoir touffu, elle était affalée dans un large fauteuil de cuir, les yeux rivés sur la télévision. À ses côtés, un couple plus âgé. Ils ne parlaient pas. Ils ne remuaient pas. Ils étaient immobiles, comme défunts avant l’heure, éternel contraste face à ses nombreuses manies. Machinalement, une tasse de café à moitié pleine tournait entre ses doigts. Et dés qu’elle l’approchait de ses lèvres, la vapeur qui s’élevait vers le haut plafond embrumait les verres de ses lunettes. Pour la cinquième fois déjà, la porcelaine claqua sur le bois laqué de la table basse. Saisissant l’une des branches de ses montures, elle essuya d’un coin de son dessus la buée qui lui gênait la vue. Bâillement. Barack Obama par-ci, Mitt Romney par-là, sur toutes les chaînes, il n’y en avait plus que pour le résultat des élections présidentielles américaines.

- Hum. Ils nous bassinent tellement avec ça qu'on en oublierait presque leurs erreurs à la con. lâcha-t-elle avant de remettre son soutien de vision sur l’arrête de son nez.

Ce matin-là, plus personne ne l’attendait.

- Je crois qu’il y a quelqu’un devant la porte.
- Hm.
- Ça fait cinq bonnes minutes qu’on voit son reflet derrière le rideau. C’est…
- C’est Paris. Si ça te gêne ‘fallait habiter en province, hein. Tu vas pas te plaindre chaque fois que… putain. Si c’est un stagiaire je lui plante une seringue infectée dans l’artère.

Sur la cheminée, son téléphone portable s’était mis à vibrer. Sans enthousiasme aucun, la Française attrapa le petit objet et décrocha. Le numéro était inconnu.

- Ouaip, allo ?

Le numéro peut-être, mais pas la voix. Pas cette voix. L’expression de l’infirmière s’était brusquement raidie et sourcils froncés, elle se bâtait intérieurement pour ne pas raccrocher au nez de son interlocutrice. Elle avait du culot. Beaucoup de culot. Qu’importe, elle détestait ça. Il était un peu tard, désormais. Au bout de cinq mois, l’invitation était largement périmée. Sans parler du fait qu’elle avait dérogé à la règle ; son fils était avec elle. Enfin. Elle pouvait toujours élire domicile derrière la porte et espérer voir un jour Lancelot sortir. Quoi qu’il en soit, elle ne serait pas celle qui l’épaulerait dans son affront.

- Désolée ça doit être une erreur de numéro. Je ne comprends rien à ce que vous dites. Je ne parle pas anglais. Au revoir.

Sur ce, elle raccrocha aussi sèchement qu’elle avait articulé.

- C’était qui ?
- Personne.

Nonchalamment, Ludivine regagna sa place dans le sofa et s’y laissa lourdement tomber. Presqu’aussitôt, la sonnette retentit.

- Inutile d’aller ouvrir. C’est une de mes patientes un peu tarée. J’ai pas envie qu’elle vienne faire chier. J’suis pas de service là.

Pour toute réponse, le couple haussa brièvement les épaules. Satisfaite, la jeune femme s’enfonça un peu plus dans les coussins et remonta une couverture de laine sur ses jambes. Bien sûr, le tintamarre ne s’était pas limité au son perçant de la sonnette et Eva tambourinait désormais violemment à la porte.

- Elle va se lasser.

Quelques minutes s’écoulèrent ainsi et quand la tête enfantine d’un jeune garçon d’une quinzaine d’années passa sa tête par-dessus la rampe d’escaliers, elle ne s’était toujours pas arrêtée. Les yeux plissés et les lèvres pincées, sa petite tête couverte d’une touffe de cheveux châtains, le visage taillé au couteau et le nez aquilin, il semblait être calqué trait par trait sur les formes de son frère aîné. Seule différence, peut-être, ses grands yeux bleus qui dévisageaient étrangement les plus âgés.

- ‘Y a quelqu’un à la porte.
- Belle constatation.
- Je constate surtout que vous n’allez pas ouvrir.
- Ouais. Et tu devrais faire pareil.

L’adolescent leva les yeux au ciel et descendit les marches, mine agacée. Très vite, ses pas le menèrent au couloir et ses doigts firent tourner la clé dans la serrure.

- Tommy, déconne pas.
- J’ai les tympans explosés là, merci.

Il ouvrit la porte. Mais derrière elle, ce n’était ni un facteur ni le visage connu d’un indésirable. C’était juste… une femme ? Sourcils froncés, il la reluqua avec insistance, elle et le gosse qu'elle tenait dans ses bras.

- Euuuh. C’est pour quoi ? J'peux vous aider ?

[Tous les dialogues sont en français]

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MessageSujet: Re: L'arme des humiliés. [Eva]   L'arme des humiliés. [Eva] EmptyJeu 8 Nov 2012 - 2:33

Huit Novembre, 10h57.



    Je ne me souvenais plus de Paris.

    Je m'y étais déjà rendue, une fois. Pour une visite des plus classique, pour une touriste espagnole. Le trocadéro, la Tour Eiffel, la cathédrale de Notre Dame. Un petit restaurant, par ci par là. Mais j'avais oublié le charme profond de Paris. La beauté des rues, des bâtiments. Un endroit où sans doute, vivre toute l'année était difficile, mais pour quelqu'un comme moi qui ne venait jamais, c'était la destination de rêve. La capitale du luxe, et de l'art. J'arrivais à huit heures, ce matin-là. Paris était en pleine ébullition. La ville résonnait de klaxons, de cris et de sirènes. Une ambiance de grande ville, mais à l'échelle de Miami, ce n'était pas grand chose. Revenir en Europe me procura une bouffée d'énergie revigorante. Je fis tout le tour de Paris. Je montais à Montmartre, visitais la basilique. Je passais par les Champs Elysées, en profitais pour ramener un cadeau à Sonata, de la boutique Disney. Je parcourais les rues, en long et en large, m'arrêtais pour contempler la beauté de la Sorbonne. Je fis même une pause dans une petite rue, près de Beaubourg. Une ruelle comme les autres, mais une maison m'intéressait tout particulièrement. C'était une petite maison, une des plus anciennes de Paris. La trouver relevait de l'exploit. Mais lorsque je l'observais, je trouvais son ancienneté fascinante. La plaque commémorative affichait le nom de Nicolas et Pernelle Flamel. Je restais un instant, perdue dans la contemplation de cette maison, et de cette inscription ancienne sur le vieux mur. Puis je repartis. Aussi furtivement que j'étais venue.

    Après tout, je n'étais pas venue ici pour faire du tourisme.

    Le petit être qu'était Ludivine Perez avait hanté nombre de mes nuits. Sa petite voix avait résonné, encore et encore, et j'avais pris peur, tout simplement. Peur de ce que je risquais de trouver, dans cet endroit du seizième arrondissement parisien. Face à qui j'allais devoir rendre des comptes. Alors, je n'avais pas pris l'avion, je n'étais pas partie. J'avais pris la fuite, une fois de plus. Est-ce que l'invitation tenait toujours ? Je l'ignorais. Mais je n'y songeais pas, alors que je faisais mes valises et celles de Mateo, pour un départ express à Paris. Elle m'avait interdit de l'amener. Mais elle aurait dû savoir qu'on ne m'interdisait rien, à moi. Je me considérais, en quelque sorte, comme au-dessus des lois. Quoi qu'elle dise, il viendrait avec moi. Il attendrait dans le couloir, s'il le fallait. Si Lancelot refusait sa présence.

    Lancelot.

    Je n'avais plus prononcé ce nom depuis longtemps. En fait, je l'avais presque oublié, depuis que j'avais fait la rencontre un peu plus approfondie de Cannon. Je n'avais que peu de nouvelles de lui, d'ailleurs. Et cela avait le don de me mettre en colère. Aussi, je n'étais pas allé lui apporter ma demande de congé à lui, mais au conseil d'administration. Et puis j'avais pris mes cliques et mes claques. J'avais briefé mon collègue au sujet des cours, et je lui avais demandé de prendre mes classes, pendant un jour ou deux. Et j'étais partie. Sans prévenir personne. J'étais tout simplement partie, à la rencontre d'un ancien ami, d'un ancien amant. D'une connaissance. D'un futur ennemi.
    Du père de mon fils.

    Trouver l'adresse indiquée par Ludivine fut un expérience un peu compliquée pour moi. Mais je finis par trouver. Et puis, blocage. La main qui s'apprêtait à appeler resta immobile, là, sur le téléphone. Etais-ce réellement ce que je voulais ? Pourquoi ? Comment ? J'avais fui pendant quatre mois le regard meurtrier de Ludivine Perez, ce regard qui avait eu raison de moi le jour où elle était rentrée dans cette chambre d'hôpital. Quelques phrases, ensuite, avaient suffi pour me trainer lamentablement dans la boue. Je n'étais devenue rien de plus qu'une loque à moitié morte, la tête sous la chaussure de la frêle jeune fille. Et je n'avais pas donné suite. Sans doute fut-elle heureuse de cela. J'avais disparu dans la vie de Lancelot, à jamais. Ou du moins, n'étais-je devenue que le fléau, le reflet d'un monstre sans coeur, qui avait détruit sa vie en lui procurant un héritier. J'avais failli à tout ce que j'avais fait. Et j'allais le faire, une fois de plus, lorsque je décidais de tourner les talons, pour rentrer chez moi.

    Et puis je m'en souvins. De ce jour. De Lancelot, qui m'avait pris dans ses bras, et qui avait pleuré sur mon épaule. Pour la première fois, je l'avais vu pleurer. Je me fichais de ce qui était arrivé ensuite. Je voulais tenir ma promesse. J'avais passé des semaines, des mois, à ses côtés, pour le protéger. L'avenir avait façonné un amour en moi, une affection envers lui qu'à un moment donné, je n'avais pas pu réfréner. Je m'y étais prise trop tard. Beaucoup trop tard. Et il fallait que ça change. Je ne voulais pas manquer, une fois de plus, à mes devoirs. Cette fois, ce serait moi. Moi qui irais le voir, faire une moue dégoutée, et lui dire de ne pas gaspiller sa salive, que je connaissais la suite. Que j'irais pourir en Enfer. Ce serait lui, lui qui m'entourerait du voile glacé de la culpabilité. Lui, qui sans doute, n'accepterait pas la venue de Mateo, son entrée dans sa vie. Dans quel état serait-il ? Comment allais-je le trouver ? Froid ? Accusateur ? Allais-je pouvoir me jeter dans ses bras, ou devrais-je supporter le vent glacé émanant de sa colère ? Je l'ignorais. Sans doute étais-ce au nom de l'ignorance, que j'avais décidé de m'en aller. Mais au nom de l'amitié, j'avais fait un nouveau demi-tour, et j'avais composé fébrilement le numéro de Ludivine Perez.

    Il fallait que je le revoie. Que je lui raconte tout. Que je lui explique. Qu'en fuyant, il m'avait faite souffrir, atrocement souffrir. Qu'entretemps, Pollo était mort. Elsa, aussi. Et que je m'étais retrouvée seule. Que maintenant, j'allais mieux. Que je m'étais remise de la souffrance qu'il m'avait causée en partant pour la France sans comprendre que Mateo aurait besoin d'une figure de père. Il fallait que je lui dise. Que l'aimer lui, avait été la plus belle et la plus terrible des expériences, à la fois. Que Kity... Que ce n'était qu'un accident. Que j'aurais préféré qu'il la choisisse. Je devais lui dire. Qu'il y avait Max. Qu'il y avait Sonata, et maintenant Mateo. Qu'il y avait mes amis, ces gens qui m'avaient offert une nouvelle vie. Je voulais chanter pour lui, l'embrasser à en perdre haleine. Mais j'avais peur, aussi. Qu'il ne m'écoute pas. Que comme en prison, il m'envoie mes vérités à la figure comme un couperet tranchant, terrifiant. Qu'il ne me pardonne pas. Qu'il me chasse. Pourtant, je devais tenir ma promesse. Je le devais, tout simplement. Alors, j'appuyais sur le petit téléphone vert. Et lorsque la voix de Ludivine résonna, elle ne me fut aucunement familière.

    "Ludivine ? C'est Eva. Je suis là. A Paris. A ton adresse. Et je veux voir Lancelot."


    Je fis une pause. Un calme maîtrisé. Je veux voir Lancelot. Je voulais le voir. Et elle n'avait plutôt pas intérêt à m'en empêcher.

    "Mateo est avec moi, et je me fiche de ce que tu penses. Si tu m'interdis d'entrer avec lui, je défonce la porte. Et s'il n'est pas là, j'écumerais tout Paris s'il le faut, et même plus loin."


    Je tins un peu plus fermement le téléphone entre mes doigts blancs. l'heure de vérité. Il ne me manquait plus que quelques minutes avant de revoir le message de l'Infâme Adoré.

    "Il... Il a le droit de voir son fils. Viens nous chercher, s'il te plait."

    Comme une écorchure sur une peau trop fragile pour être touchée.



[HRP : c'est du caca en boîte, mais je ferais mieux la prochaine fois, promesse ♥ Et j'ai écrit sur ta jolie musique, pour me faire pardonner cette bouillabaisse puante .____.]
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MessageSujet: Re: L'arme des humiliés. [Eva]   L'arme des humiliés. [Eva] EmptyMer 7 Nov 2012 - 20:39



l'arme des humiliés



On raconte aux enfants qui grandissent que c’est le monde qui s’offre à eux, que leur est donné un univers d’alternatives pour une infinité de personnalités. On leur raconte qu’ils peuvent, s’ils le désirent, devenir acteur et donner de quoi rêver au peuple. Qu’ils peuvent devenir paléontologue ou pilote de chasse, peut-être, et parcourir inlassablement la Terre. Qu’ils peuvent devenir artiste et passer leurs journées à peindre, confinés dans un atelier, devenir astronome et découvrir une nouvelle étoile. Ou devenir urgentiste, pompier, secouriste et savourer la chaleur bienfaisante qui nous envahit quand on sauve une vie. Sept ans, âge de raison. Déjà, Ludivine savait. Et dans le fond, elle l’avait toujours su. Elle était née pour le journalisme. Sa chambre, ses livres et même ses murs en témoignaient. Mais les grands mentaient sans arrêt et elle avait appris à apprendre que rien n’était offert en société. Surtout pas ce choix-là ; le choix d’un avenir. Alors, sagement, elle s’était pliée à son destin et chaque matin, elle revêtait machinalement la blouse blanche qui asphyxiait les méandres de désirs oubliés. Pour un nom, pour un sourire, elle avait sacrifié son bonheur. Plutôt que de soigner les maux d’une société ignorante, elle pansait quotidiennement les blessures d’un souffrant. Gardienne d’une vie, Ludivine Perez qui jamais n’avait aimé les sciences s’était faite infirmière au nom d’une promesse qu’elle, au moins, avait été capable de tenir. C’était pour cela qu’elle était ici, en Amérique, dans cet hôpital. Pas pour elle, pas pour l’enfant. Seulement parce qu’elle savait que même s’il allait protester face à Eva, dans le fond, c’était tout ce qu’il attendait.

Mais cette motivation-là ne pouvait empêcher la haine de compresser ses organes chaque fois que ses prunelles se posaient sur les sombres tableaux que dessinait la chambre. Les lèvres de Satan s’entrechoquèrent, d’abord sans comprendre, ensuite regorgée d’un hideux espoir. L’espoir malsain d’une histoire qui n’avait que trop durée recouvert d’une écœurante couche d’affliction. Quand elle souriait, c’était le tracé du croissant de lune des nuits trop noires qu’elle apercevait. Ses remords, ses remerciements, sa victoire, même, conservait le goût étrange de l’amertume. Oui. Si le choix lui avait été donné, cette garce aurait définitivement été rayée de la vie de Lancelot. Derechef, la voix d’Eva perçait le silence. Presque pressante, elle lui demandait l’honneur suprême ; le revoir. L’indexe de la Française s’arrêta sur la carcasse frêle de l’enfant.

- Sans lui.

Elle haussa maigrement les épaules et glissa une main dans sa poche, à la recherche d’un morceau de papier chiffonné.

- Il n’entrera pas chez nous. Tu ne peux pas imposer ça.

Sur une étagère, elle s’était saisie d’un crayon et, d’un geste rapide, laissa la pointe noircire la feuille de lettres rondes et souples.

- Quand tu pourras sortir d’ici, tu te rendras à l’aéroport et tu prendras un vol qui desserte Paris. Là, tu prendras un taxi et tu lui demanderas de te mener à cette adresse. expliqua-t-elle en lui tendant mécaniquement le papier. C’est dans le XVIème, facile à trouver. En-dessous tu as mon numéro de téléphone. Préviens avant. Questions ?

[Tu n’y croyais plus hein ? ]

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MessageSujet: Re: L'arme des humiliés. [Eva]   L'arme des humiliés. [Eva] EmptyDim 16 Sep 2012 - 22:58

    Je ne change pas.

    Aussi froide que les ténèbres, voici le masque que je porte chaque jour. Celui de la femme forte, qui n'a peur de rien, qui ose tout, sans seulement songer aux conséquences de ses actes. Un monstre, oui. Le regard que tu portes sur moi est le parfait miroir de ce que je suis. Un monstre ignoble, une jeune femme qui ne comprend rien à rien. J'ai fait le mal, je l'ai éparpillé, jeté aux ombres et à la douleur, à la peur. J'ai tué Lancelot, froidement, raccrochant, l'écartant de ma vie, le laissant en proie à sa plus grande peur. Je l'ai tué, je l'ai abandonné, et à présent, rongée par le regret, je laisse mon âme en proie à cette femme que je ne connais pas, presque triomphante, mais aussi pleine d'un mépris dont moi même, je serais difficilement capable. ça venait du coeur, c'était une certitude. Cette petite blonde avait beau être frêle, elle avait le coeur bien solide, et l'âme d'une vraie guerrière. Son envie de rire fit secouer ses épaules, mais elle n'y parvint pas, sembla-t-il. Alors elle se contenta de me toiser. J'avais quitté Lancelot de la manière la plus lâche qui soit, la plus fatale, la plus dure. Et pourtant, elle ne pleurait pas, n'esquissait pas le moindre geste. Elle me haïssait pour ce que j'avais fait. Et elle avait bien raison.

    Mais qui était-elle, finalement ?

    Je voulais changer tout ça. Revenir en arrière. Il me fallait un miracle, pour que je le revoie. Je voulais lui dire adieu, encore une fois, une dernière. Lui présenter son fils, lui demander pardon. Le supplier de me pardonner pour tout ce que je lui avais fait. Cependant, elle, savait-elle que moi aussi, j'avais souffert ? Il n'avait pas été le seul, à en chier, c'était une certitude. Mais il était déjà pardonné. Et il me l'avait déjà demandé. Alors, je devais allez le voir, où qu'il soit. Vivant, mort, cela ne changeait rien. Je voulais seulement mon miracle, un seul, pour le dire, pour entendre sa voix, le voir ne serais-ce que remuer un oeil. Pour lui dire. Le supplier, seulement, de me pardonner. J'étais restée le monstre de toujours, je faisais le mal, et je le faisais bien. Il fallait que je lui montre que je n'étais pas que ça. Que j'avais été celle qui le récupérait, les soirs, au milieu de femmes qu'il ne connaissait pas, qui m'endormait à ses côtés lorsqu'il allait mal, même s'il ne voulait pas me le dire. Que j'avais été son soutien, son pilier, celle qui l'avait soutenue et aimée de toutes les fibres de son être. Je n'étais pas que ce démon qu'elle voyait en moi, elle. Ludivine, donc. Si elle savait. Ignorait-elle seulement que Mateo n'était qu'un accident ? Ignorait-elle que j'étais prête à le perdre, pour ne pas le perdre lui ? Sans doute. Au vu de son regard, sans doute. Et puis, elle ouvrit la bouche, une nouvelle fois. Elle allait sans nul doute me donner la réponse, l'explication sur ce qu'il s'était passé. Car Lancelot était mort, et je voulais comprendre pourquoi.

    Et puis, le miracle.

    - Tu as tué son âme, voilà ce qu’il s’est passé. Merci Eva. Merci. C’est grâce à toi si je dois m’occuper d’un fantôme.

    - Tué son â... Quoi ?

    La nouvelle claque. Elle avait menti. Ou du moins, par omission. Ainsi, Lancelot n'était pas mort, comme je le croyais. Je ne l'avais pas totalement perdu. Sans doute avais-je pris un virage trop important dans ma vie. Le genre de virage à 180 degrés, duquel on ne revient souvent pas. Mais son mensonge m'avait fait comprendre en quelques secondes à peine, ce que je risquais de perdre si je ne réagissais pas. L'ignorance avait été la pire idée que je puisse avoir contre lui. Si j'avais pu avoir cette claque dans la figure un peu plus tôt, sans doute l'aurais-je appelé pour qu'il assiste à la naissance de son fils. Mais égoïste que j'avais été, je n'avais pensé qu'à mon bien, non à celui de mon fils, et de son père.

    Mais ça allait changer.

    Encore trop choquée par mon changement rapide d'attitude à mesure que cette fille parlait, je restais un moment décomposée devant elle. Puis un sourire larmoyant vint éclairer mon visage pâle, accompagné d'un soupir de soulagement.

    "Vous m'avez pris pour la dernière des imbéciles, hein ?"


    Mon regard était dénué de toute animosité. Elle était plus forte que moi. Sans doute une des rares capable de se mesurer à moi. Face à l'étendue de sa haine, je n'étais rien, rien du tout.

    "Mais je suppose que je l'ai bien mérité. Merci. Qui que vous soyez."


    Je la remerciais pour m'avoir ouvert les yeux, et fait la lumière sur ce que j'étais devenue, depuis mon arrivée à Miami. Et il fallait que ça change. Vite.
    Il fallait que je le voie.

    "Conduisez-moi à lui."

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MessageSujet: Re: L'arme des humiliés. [Eva]   L'arme des humiliés. [Eva] EmptyDim 16 Sep 2012 - 20:31



l'arme des humiliés



Lentement, le visage du démon se décomposait. La putréfaction rongeait sa chair et d’innombrables vers se frayaient un chemin à travers ses méninges. Elles atteindraient le cerveau. Les bactéries fragilisaient muscles et tendons et de la charogne s’élevaient peu à peu une émétique odeur. Celle de la mort. La mort de son espoir. Les bras frêles de la messagère se croisèrent fermement, la maintenant hermétique à toute émotion. Son regard vitreux suivait la scène funèbre qui se jouait devant elle, témoin aphasique de l’inébranlable impuissance qui s’était éprise de Lucifer. Ses lèvres blanches s’entrouvrirent. Suffocantes, elles tentaient d’articuler la syllabe maudite. La syllabe qu’elle ne pouvait se résoudre à accepter. Réflexe idiot. Ludivine détourna le regard. Sous sa cage thoracique comprimée s’emballait un cœur perdu qui ne savait plus sur quel rythme danser. Ses muscles se contractèrent et ses ongles rongés s’enfoncèrent fermement dans le cachemire qui composait ses manches. Les yeux clos, elle prit une profonde inspiration. Armé de son pouvoir salvateur, l’oxygène s’infiltra dans ses poumons noircis par le goudron et la pollution, lui conférant un peu de son calme éternel. Devant elle, quelques chose s’était brisé mais ça ne lui faisait ni chaud ni froid. C’était factuel. Un fait parmi d’autres qui ne lui apportait qu’un réconfort si maigre qu’elle ne parvenait à le prendre en considération. Une exclamation jetée aux vents. Elle voulait qu’elle s’en aille. Statufiée, la jeune femme ne bougea pas. L’autre revint sur sa position, ses grands yeux verts durement plantés sur son visage émacié. La défiance d’une seconde. Puis l’oubli. Elle vit la gorge serrée de la sorcière se nouer. Au coin de ses yeux perlaient quelques gouttes de poison. Eva Esperanza pleurait.

La force l’avait abandonnée. Elle s’était laissé tomber en avant, prostrée dans cette chambre d’hôpital comme elle avait retrouvé Lancelot dans la sienne, un matin. Ce matin. Mais ici, il n’y avait pas de fenêtre. Il n’y avait pas de mémoires. Les lèvres pincées, la petite blonde déglutit lentement. Elle revoyait ses yeux, le regard implorant qu’il lui avait partagé. Elle revoyait sa peine et ses pleurs silencieux, toutes ses plaies béantes qu’elle n’avait su panser. Ici, il n’y avait pas d’amour. Éclair suppliant, la question traversa les cordes vocales anéanties. La question… sa question. Le regard épineux se raffermit et ses muscles se relâchèrent doucement. Un sourire vide traversa son expression fantomatique quand elle haussa les épaules, nonchalante. Poussée par le mépris, elle voulait rire mais aucun son ne sortait de sa bouche close. Alors elle se contentait de regarder, une lueur vengeresse agrippée à ses prunelles sombres. Lui dire ce qu’il s’était passé ? Elle n’était venue que pour ça.

- Ce qu’il s’est passé ?

À ses pieds, ce n’était plus une humaine mais la silhouette sale d’un bâtard harassé.

- Tu as tué son âme, voilà ce qu’il s’est passé. Merci Eva. Merci. C’est grâce à toi si je dois m’occuper d’un fantôme.

Et recoller des morceaux qui ne cessaient d’exploser.

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MessageSujet: Re: L'arme des humiliés. [Eva]   L'arme des humiliés. [Eva] EmptyDim 16 Sep 2012 - 18:14


    Et le couperet était tombé, droit, net, me tranchant une dernière fois les artères qu'il me restait, au finfond de mon coeur.

    Je n'avais pas prévu cela. Presque triomphante, j'avais toisé cette gamine avec une assurance peu commune. Venimeuse. Le serpent que j'étais n'avait pas peur de s'attirer les foudres divines. Je ne craignais ni la douleur, ni la mort, mais cela, ça, oui, je ne l'avais pas prévu. Le temps seulement que je déclare ne pas connaitre son nom, elle n'avait pas bougé le moindre cil. Mais son regard avait quelque chose de malfaisant, de glacial, de mauvais. Elle semblait, de plus, parfaitement scandalisée par ce que je faisais, ce que je disais. Sur le coup, je songeais qu'elle était qu'une petite faiblarde de plus, comme les autres, qui osaient se mesurer à moi. Mais la nouvelle tomba bien vite, et sans gants. Elle avait ma tempe, semble-t-il. Et aussitôt que ses mots me tranchèrent la gorge, je sentis cette boule si familière m'étreindre. Cette boule obstruer le fond de ma gorge, me laissant suffocante, mourante d'une surprise et d'un chagrin auquel je n'aurais jamais pu m'attendre, après cette défaite terrible. Pour moi, c'était un échec de plus, une douleur de plus. La sensation que je perdais tout, petit à petit. Comme si la vie me bouffait une dernière partie de mes ressources. La haine qui émanait de cette Ludivine semblait vibrer dans toute la pièce. Moi ? Je ne pouvais rien dire face à cela. Fixe, douloureusement fixe, je laissais passer les secondes avant finalement, de bredouiller quelques mots d'une voix blanche.

    "M...M-m-m-m-mort ?"


    Mort. Lancelot était mort. J'ignorais si c'était un accident ou si sa maladie avait finalement eu raison de lui. J'avais voulu me venger, mais ça avait été beaucoup trop loin. Beaucoup, beaucoup trop loin.
    A lui, j'aurais pu tout offrir. Ma vie, mon âme, ma bonne santé. J'avais fait ma promesse, cette promesse de lui tenir la main à la fin. Une promesse à laquelle j'avais échoué, lamentablement échoué. J'étais un monstre, un horrible monstre. J'étais Judas, Méphistophélès, j'étais une Hydre, j'étais le monstre des mythes, celui qui souffle du poison et qui crache un venin puissant. Je paralysais tous ceux qui me faisaient face, mais à présent, je venais de comprendre ce qui faisait de moi un monstre. J'avais abandonné Lancelot. Lâchement. J'avais refusé ses appels, alors que sans doute, il voulait me prévenir, pour tenir ma promesse. Et moi, stupide que j'avais été, j'avais lâchement raccroché, ignoré, me laissant bercer dans l'illusion simple qu'il ne voulait que se faire pardonner. Juste ça. Il avait besoin de moi, en vérité. Mais... n'avais-je seulement pas envie de lui parler ? Non. La vérité était toute autre.

    J'avais été abandonnée, jetée aux lions, par ce jeune homme que j'adulais jusqu'aux tréfonds de mes nerfs, jusqu'à ce que j'avais de plus cher au monde. Je l'aimais avec une violence telle que la terreur m'avais pris, au moment de son dernier coup de théâtre. J'avais refusé tout contact, de peur d'avoir encore cette mauvaise surprise. "Je ne veux plus entendre parler de toi, Eva." "Je veux assumer mon rôle de père, mais sans toi." "Je vais me marier."

    "Je vais mourir."

    Si seulement je m'étais préparée à ce cas de figure, j'aurais trouvé les mots face à ce petit bout de femme qui me toisait, de toute la hauteur de son mépris à mon égard. Le pire ? C'est qu'elle avait raison. Je pouvais exploser, je pouvais tout faire pour exprimer ma colère et mon chagrin, ce n'était pas de sa faute, mais entièrement de la mienne. Je m'étais trompée, en tout, sur tout. J'avais enchaîné les erreurs, encore et encore. Je n'avais fait que ça. Sans m'arrêter. Je n'avais fait que me tromper, du début jusqu'à la fin. J'avais tout faux. Sur toute la ligne. Si seulement je m'y étais attendue, oui, j'aurais pu dire quelque chose que le maigre balbutiement que je lui avais accordé, en guise de réponse, de réaction face à une fatalité à laquelle j'aurais dû m'attendre. Mais comment aurais-je pu ? A présent, j'étais là, debout, cigarette éteinte à la main, dans mon manteau rouge, incrédule. Aucune larme ne coulait sur mes joues, aspirées en moi par un choc monstrueux, comme si j'avais pris un sérieux coup de marteau en pleine tempe. J'aurais voulu, seulement voulu, être à sa place. Je le méritais, moi. Alors, pourquoi lui ? Pourquoi n'avais-je pas fait un pas, n'importe lequel ? Non, il ne fallait pas que je me dise ça. Sans lui accorder plus d'attention, je me tournais vers la fenêtre. Combien de fois avais-je regardé la ville, alors qu'il était tout près de moi ? Combien de fois n'avais-je que seulement rêvé d'être meilleure, pour lui ? Je l'ignorais. Mais je savais seulement que ça faisait beaucoup.

    Tu es entré dans ma vie, alors que je ne t’avais rien demandé. Tu es entré dans mon monde, par la voie des mœurs, par ce qui nous a toujours relié, la musique. Ta musique. Ma musique. Mon chant combiné à ton talent. Tes doigts se referment sur mes hanches. Nous avons toujours été confrontés à cela. A ce monde qui s’offrait à nous, mais dont nous n’avons pas profité. Une souffrance que nous n’avons pas réussi à comprendre, tous les deux, idiots que nous sommes. Stupides petits êtres, qui ne pensent pas aux conséquences. J’aurais voulu. Te faire comprendre, j’aurais voulu.


    "V...Vous mentez. Allez vous en."

    Regard jeté derrière mon épaule. Un regard plein de souffrance, de haine, de ressentiment.


    "Maintenant tu vas te faire une raison. Tu vas mourir. Tu vas MOURIR ! Et tu vas mourir plus tôt que moi, que ton voisin, que toutes les personnes que tu connais ou presque parce que tu es MALADE, mais pas que de corps, d'esprit aussi !! On dirait que ta maladie te rend complètement stupide ! Tu es devenu une espèce de loque égoïste, qui se repose sur les gens, qui fait miroiter des rêves à des personnes qui n'ont rien demandées ! Mais la vérité elle est là ! Tu vas crever Lancelot, mais tout le monde va crever. Moi aussi je vais crever. Mais est-ce que je fais autant de conneries que toi ? NON ! Savoir qu'on va bientôt mourir ne doit pas empêcher de continuer à vivre. "


    "Non ! Ne partez pas, finalement."

    Un retour en arrière brusque, je te fixe, étrangère, toi qui viens m'annoncer la funeste nouvelle. Je te retiens, du regard, un regard d'affront, pour cacher ma détresse.

    "Il y a des gens comme moi qui méritent de crever, mais qui ne meurent pas. Il y a des gens comme toi qui méritent d'être heureux, mais qui vont mourir à vingt ans... même si je ne peux pas empêcher la maladie de te tuer, je te promets de toujours tenir ta main, jusqu'au bout. Le jour où tu iras dîner avec le créateur, tu sera fier de la vie que tu as eu. Je ferais en sorte que tu sois fier de toi. Et peut-être de moi..."


    Et puis, je laisse le masque tomber. A la place de cette femme forte, pleine d'assurance et de hargne, se tient en face de la petite blonde une jeune femme aux cheveux séchés par les teintures de sang, trop nombreuses. Le visage émacié par les horreurs de la vie. De sa propre vie. Enchainée, elle n'a fait que donner le mal, à chaque personne qu'elle a rencontré. Jeté le mauvais oeil. Croyant sa vie meilleure, en vérité il n'en est rien. Elle se tient devant toi, et soudain, son regard change. Les vrais yeux d'Eva Esperanza font leur apparition. En guise de ce regard de défi habituellement jeté, se tient une jeune femme maigre, aux yeux pleins de chagrin et de détresse, de peur, de rancoeur envers elle-même. Recroquevillée, ramassée sur elle, elle fait plus pitié que peur, à présent.

    "Je vous en prie... Qui que vous soyez. Dites-moi ce qu'il s'est passé, s'il vous plait..."




    " Alors de ma faute, hein ? Bien sûr. Tout est de ma faute. C’est évident. C’est de ma faute si tu es incapable de contenir tes pulsions. De ma faute si tu crèves aveuglée par la jalousie, si tu ne penses jamais aux conséquences de tes actes, si tu as fait de toi le remake de Jack l’éventreur, si tu as recommencé à tuer malgré ce que je t’avais dit. Et c’est aussi de ma faute si t’as tiré une balle dans la tête de Kity, peut-être ?! Tout comme c’était de la faute de Liam et de sa famille, de ses enfants, de ne pas s’être méfiés d’une gamine psychopathe, frustrée parce qu’on venait de lui refuser une faveur, c’est ça ?! Ecoute tes mots, Eva. Ecoute ce que tu dis ! Et là, tu verras à quel point tu es ridicule. Alors arrête un peu ce cinéma et assume, assume ce que tu as fait ! T’as le culot de verser des larmes devant moi après ce que tu as fait, le culot de tenter de m’apitoyer, de chercher à me culpabiliser ! Mais regarde bien et dis-moi. Dis-moi ! Lequel d’entre-nous devrait pleurer, ici ? Tu ne sais pas ? Et bien moi je vais te le dire ! Ce n’est certainement pas toi. Parce qu’appuyer sur la gâchette, tu l’as fait toute seule. Je n’étais pas là pour guider tes doigts et le canon ! Tu l’as fait seule ! Toute seule ! Et t’as complètement perdu la tête parce que…"

    Jet de pierres sur mon coeur écrasé. Des miettes de mon âme se répandent dans le monde de la souffrance. Tue-moi, qui que tu sois. Tout de suite. N'attends pas.

    "Ton argent, ton nom, ton orgueil ou une naissance NE TE DONNENT PAS TOUS LES DROITS !!"

    Si j'avais compris à temps.
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MessageSujet: Re: L'arme des humiliés. [Eva]   L'arme des humiliés. [Eva] EmptyDim 16 Sep 2012 - 13:45



l'arme des humiliés



Menteuse.

Étouffées par le scepticisme, les deux billes pailletées dévisageaient silencieusement le corps impur de Lucifer. D’innombrables sentences s’envolaient, virevoltaient jusqu’à lui et s’implantaient sous sa peau mâte, insidieux reproches. Un temps, elles s’esquivèrent vers l’innocent endormi. L’enfant avait été conçu dans le mensonge. Il était né dans le mensonge. Il serait éduqué dans le mensonge. Combien d’espoir pour un enfant maudit d’un jour, peut-être, devenir bon ? Combien de temps avant que sa génitrice ne haïsse une couleur, un trait, une voix qui lui remémorerait le visage banni d’un souvenir exilé ? Son âme était damnée et sur son visage endormi, elle pouvait presque lire les péripéties d’un triste destin déjà rédigé. La haine, le mépris, le déni, l’oubli, la tromperie. Le mensonge. Les pupilles lumineuses revinrent sur la silhouette féminine. C’était un poison qui coulait dans les veines des deux parents. Oh oui, la tare lui serait transmise. Et un matin, alors qu’elle ne s’y attendrait pas, il serait le traitre qui planterait la lame d’un poignard d’argent dans son dos trop frêle. À l’image de César, son orgueil aveuglant tromperait ses sens et elle ne verrait pas le coup venir. À l’image de Brutus, il n’aurait aucun scrupule à trahir la confiance d’une mère. Sans même savoir qui il était, il vengerait, la mémoire bafouée de son père. La chance tournait. Elle tournerait pour Eva aussi. Parce que c’était une évidence ; pour un être pareil, elle n’avait encore que trop brillé. Sur ce lit d’hôpital, c’était le dessin écœurant d’une gamine dont l’égoïsme n’avait d’égal que l’égocentrisme. Dieu, s’il existait, avait satisfait ses caprices dégueulasses. Et quand il avait manqué à l’appel, elle avait tué. Purement et simplement.

Derrière l’indifférence qui animait le brasier des iris français explosait une teinte de mépris. Si sa main écrasée lançait encore des pics douloureux à ses influx nerveux, elle s’appliqua à ne pas même lui jeter un regard. Muette, elle se contentait d’inlassablement fixer la démone, transperçait son cœur de pierre avec la répulsion qui lui hurlait de sortir d’ici ou de percer les tympans du bourreau. Mais elle ne sortirait pas, pas plus qu’elle ne s’énerverait. Elle continuerait d’imprimer le portrait en décomposition, de calculer ses fautes. Dans le fond, elle avait toujours su que la promesse de cette fille n’était qu’un amas de mots mielleux oubliés aussi vite qu’ils avaient été articulés. Elle s’était appliquée à le lui faire comprendre mais lui, il avait tenu à lui accorder sa confiance. Aujourd’hui, il n’y avait plus qu’elle pour constater avec dégout qu’elle ne s’était pas trompée. Cette victoire avait le goût amer d’une défaite. La garce avait obtenu ce qu’elle avait tant désiré : la progéniture prometteuse d’un enfant prodige. Une semence marchandée, un lot remporté, sourire ravi, comme un cadeau que l’on déballe.

Les lèvres pincées, Ludivine haussa maigrement les épaules, symbole de son évidente incrédulité. Elle n’avait pas de tact. Elle n’en avait jamais eu. Alors, aussi simplement qu’elle était entrée, elle lâcha la bombe.

- Lancelot est mort.

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MessageSujet: Re: L'arme des humiliés. [Eva]   L'arme des humiliés. [Eva] EmptyVen 14 Sep 2012 - 13:32

    Il ne m'avait pas rappelée.

    Finalement, je l'avais bien mérité. Pourquoi avais-je décidé de jouer au silence radio ? A ce petit jeu là, les hommes étaient forts, très forts. Moi, je ne maîtrisais pas très bien le processus. J'étais douée avec mes poings, pas avec ma cervelle. Cependant, je songeais un instant que je l'avais bien mérité. Après tout, il avait sans doute fini par se lasser de mes allées et venues. Et puis, j'avais tiré un trait sur lui, un trait définitif. Il devait seulement savoir. Ensuite, adieu. Et à jamais. Je désirais plus que tout tenir ma promesse, mais comment faire, sans la moindre nouvelle de lui, sans un appel ? J'aurais dû répondre. Voilà ce que je me disais, depuis la naissance de mon fils. Je n'aurais jamais dû abandonner la bataille, me venger, m'enfuir comme une voleuse alors que je lui avais juré de toujours être là. J'avais commis, sans doute, la pire des trahisons. Mais aveuglée par la haine, je n'avais écouté que ma colère, et j'avais jeté le reste aux orties. Je m'en mordais les doigts à présent, mais je restais sur ma position. Cet enfant n'aurait pas de père. Il n'aurait que sa mère et sa soeur, pour l'aimer, le chérir, et prendre soin de lui. Et finalement, c'était mieux comme ça. Je m'en réjouissais dans le fond. Je n'abandonnais rien que je puisse regretter. Lancelot faisait partie de mon passé.

    Ce fut dans ce confort là que je passais ma première nuit à l'hôpital. Dans cette maternité puante. Je haïssais cet endroit. Il me rappelait trop de choses. Trop de choses que je voulais oublier. L'hôpital de Miami. Une vraie usine à gaz. ça criait, ça hurlait, ça chialait, à aucun moment on pouvais respirer un peu. Assise dans mon lit, je poussais un soupir de contrariété. Et je ne vous parlais pas de la bouffe. Mon dieu. Même des porcs n'en voudraient pas.

    Pourtant, paradoxalement, je n'avais pas envie de partir. Ils avaient autorisé les visites pour Sonata, et elle venait régulièrement, accompagné de Malone, un homme de trente cinq ans que j'avais rencontré dans un restaurant français, à Miami. Il avait grandement apprécié ma grande gueule et mon manque de savoir vivre, et je m'étais tissée d'une amitié forte avec cet homme. Grand, aux cheveux légèrement bouclés, il n'était pas particulièrement beau, mais son regard dégageait quelque chose que je ne voyais que très peu chez les hommes ; un mystère insondable. Le même genre de mystère que j'avais vu dans les yeux de Liam. Alors on se voyait, de temps en temps. Il avait refusé mes avances tout net, prétextant que ça ne fonctionnait pas comme ça, avec lui. Et cela m'avait encore plus donné envie de lui courir après. Pourtant je n'en faisais rien. Malone et moi, c'était une complicité solide. Un lien étrange. Encore fragile. Pourtant lorsque je l'avais appelé pour lui demander de prendre soin de Sonata, il avait accepté de bonne grâce, malgré son mépris pour les enfants. Sonata faisait exception. Mateo... pas encore, malheureusement. Aussi, ce jour-là, alors que je me préparais à sortir pour fumer une clope (malgré les interdictions répétées des infirmières, que j'avais envoyées promener sans même les regarder) lorsqu'on frappa à la porte, je songeais que c'était Malone, et que nous allions fumer une cigarette ensemble, histoire de papoter et de dire un mal fou des hôpitaux. Mais lorsque la personne entra, mon sourire se métamorphosa en une curieuse grimace surprise.

    Un sac d'os.

    Devant moi se tenait une blonde si frêle que je songeais qu'un coup de vent pourrait la faire s'envoler. Elle me souriait. Ahahah. Elle ne me connaissait donc que très peu. Parce que ce n'était pas trop dans les habitudes des inconnus de me sourire. En fait, on savait que je pouvais exploser à n'importe quel moment. Aussi, on prenait des gants. Mais elle, me souriait le plus naturellement du monde. Enfin, en apparence. Je percevais sa nervosité. Eh bien, je lui faisais peur ? Tu m'étonnes. Une grosse vache bouffie qui prend son manteau rouge pour aller fumer sa clope, le visage émacié et fatigué, ça doit pas attirer la clientèle. Elle n'était pas très bien non plus, d'ailleurs. Des cernes, le visage creux, et une maigreur horrifiante. Mais je ne la prenais pas en pitié. Elle avait qu'à manger, et puis c'est tout.

    Lorsque sa voix résonna dans la pièce, je m'étonnais qu'elle connaisse mon nom. Pourtant, je ne dis rien, croisais les bras, jetais un "bonjour" sec. Je n'aimais pas trop qu'on se présente de cette façon. Je n'avais jamais vu ni parlé à cette fille. Ni entendu parler d'elle. Son accent français me laissa un instant songeuse. Je ne connaissais pas beaucoup de français. Des Espagnols, certes. Mais des français ? Non, c'était pas possible.

    - Ludivine.


    Ahin.
    Et puis je vis le sourire figé de la petite blonde se métamorphoser en une véritable grimace. Un savant mélange de mépris, de ressentiment, presque de la déception. Les deux derniers mots qu'elle prononça me glacèrent le sang. Ah, nous y étions.

    - Ludivine Perez.

    Sa main tendue me narguait. Perez. Je ne voulais plus entendre ce nom, et pourtant il me suivait partout, comme un clébart en demande de caresse. Je fis un effort colossal pour contenir ma fureur. Je ne voulais pas d'elle ici. Si elle était une Perez, elle n'avait plus qu'à plier bagage. Mais je n'allais pas me laisser démonter la tronche par un vulgaire cintre habillée comme une clocharde qui me tendait la main en me défiant du regard. Mon expression surprise laissa place à un sourire plus que glacial. Je serrais sa main, veillant bien à lui éclater une ou deux phalanges au passage.

    "Perez ?"

    Elle sembla vouloir lâcher ma main, mais je la retins avec fermeté. Certes, l'accouchement m'avait épuisée. Mais pas question de me faire démolir par cette gonzesse sortie de nulle part, qui portait le nom de Lancelot. C'était qui, cette gonzesse ? Sa femme ? Sa soeur ? Aucune idée. Et finalement, je n'en avais strictement rien à carrer.

    "Je ne connais personne de ce nom là."


    On ne rigolait pas avec moi. Son jeu, là, c'était moi qui y jouais.
    Echec et Mat.
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MessageSujet: L'arme des humiliés. [Eva]   L'arme des humiliés. [Eva] EmptyJeu 13 Sep 2012 - 19:24



l'arme des humiliés



Dans un coin, le téléphone sonnait.

Etouffé par l’obscurité ambiante, l’éclat étincelant de deux pupilles vermeilles suivait sans mot le ronronnement régulier du vibreur. Épris d’incessants tremblements, l’appareil offrait une douce caresse au bois vernis de la table de chevet. Sur le visage fatigué s’esquissa le dessin d’un maigre sourire, grimace à la fois teintée d’une élégante satisfaction et d’un brulant écœurement. Sur l’écran tactile se reflétait l’ombre du prénom damné. Les reflets lumineux qui léchaient les murs dansaient un vieux requiem, façonnés par les flammes d’un enfer qui n’avait que trop duré. Et sous la pénombre qui par endroit avait l’audace de percer sa barcarolle, d’égrillards squelettes s’étaient perdus dans la joie macabre d’un ballet maudit. Silence. Devenue muette, l’infernale mélodie avait convié les démons à rentrer dans leurs placards, laissant la frêle silhouette seule aux vastes ténèbres. Maladroite, sa main se referma sur la boîte à remords et, patiente, elle se redressa dans son lit trop moelleux. Une seconde, trois seconde, dix seconde. Derechef, l’effroyable nom clignota. Le verdict tomberait ; il avait derrière lui laissé un message. Les lèvres pincées, l’acteur de son jeu composa d’un geste habile le numéro du répondeur. Il porta le combiné à ses tympans fragiles. Alors seulement, il la perçut. La voix méphistophélique du bourreau. Fidèle à sa nature, il trainait dans son voile de mauvais augure les éclats aiguisés d’un monde dégueulasse. L’enfant de parjure était né. Machinalement, il glissa l’i-Phone dans sa poche. Il saurait où la trouver. C’était le signe qu’il avait guetté, le signe annonciateur du commencement. Désormais, il savait ce qu’il lui restait à faire.

Surplombée par de grosses chaussures de laine, une paire de semelles caoutchouteuses se posa sur le macadam qui ornait les rues ensoleillée d’Amérique. Deux mains chaudement emmitouflées dans des gants de cuir s’échappèrent de leur prison en cachemire. La première se referma sur la poignée d’une valise et la seconde tendait sagement quelques dollars au chauffeur de taxi qui l’avait amenée à destination. Sourire évasif, signe de tête en guise de remerciement. Le grondement des roulettes sur le trottoir s’intensifia et à sa suite se crayonnait le tracé d’une ombre européenne sur les briques. La démarche cadencée, elle contemplait, mutine, sa silhouette hivernale dans les vitrines et les fenêtres translucides. Ainsi, elle parcourut une centaine de mètres. Puis, enfin, elle s’immobilisa. Lentement, elle leva la tête. Devant elle s’élevaient les hautes fondations de l’hôpital de Miami. Elle jeta un rapide coup d’œil à la montre qui bordait son poignet. 16h21. Les visites étaient ouvertes. Avec l’élégance d’un geste déjà imaginé cent fois, elle se faufila dans l’allée du bâtiment blanc. Instantanément, l’odeur des antiseptiques lui piqua le nez. Plissement des paupières. Elle repéra d’un coup d’œil panoramique la secrétaire. Arquée devant son bureau, elle s’éclaircit la voix, récita d’un ton monocorde les mots qu’elle avait appris par cœur. Les sonorités rêches et désagréables d’un francophone baragouinant l’anglais trahissaient vilement le nom de sa terre natale. Qu’importe. On le lui avait communiqué : le numéro de sa chambre.

Une dizaine de minutes s’étaient écoulées avant que les doigts gantés n’écrasent la clinche en plastique de la porte 207. Le temps d’ingurgiter un café et de mettre de côté la valise trop encombrante. Mais elle était là, désormais, et elle pouvait sentir l’odeur nauséabonde de l’enfance mêlée aux artifices médicamenteux à travers tout l’étage. Elle ne s’était pas trompée. D’une maigre pression, elle pénétra dans la pièce. Automatiquement, le mécanisme fit claquer le battant derrière elle. Dans sa poitrine, elle sentit son cœur s’élancer dans une chamade folle. Elle s’approcha, un immuable sourire accroché aux lèvres. À quelques pas du lit, elle s’arrêta.

- Salut Eva ! Tu as peut-être déjà entendu parler de moi.

Devant la jeune maman se tenait la carcasse frêle d’un petit de bout de femme. Elle n'était pas jolie mais un sourire calme bordait ses lèvres fines. Rongée par la fatigue, sa peau avait adoptée une pigmentation livide. D’énormes cernes creusaient ses iris teintés de paillettes d’or et une raie châtain surplombait sa tignasse d'un blond trop clair, trace d'une coloration oubliée. Mine aimable, elle tendit la main.

- Ludivine.

Brusquement, son sourire se figea en une expression glaciale de ressentiment.

- Ludivine Perez.

[ Ici pour sa tête (c'est Carey Mulligan).]

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