Big Girls don't Cry ~ Dudu.

► « Euuuh… sérieusement ? Tu laisserais tomber l’eau pour carburer toute ta vie au Coca ?
- Si le coca t’apporte ce que tu réclames, pourquoi pas ?! » répliqua la brune, qui avait du mal à comprendre où voulait en venir le blond. « Je veux dire, tu vois, le truc c’est que Manuella, contrairement à Juliette, c’est une conne. Un peu le genre fille facile qui se prend pour une star, la poitrine plus grosse que le cerveau et rien de plus qu’un cul de black et un joli minois pour séduire. Celle que tu peux que supporter pour baiser. Et encore, vaut mieux qu’elle l’ouvre pas. Qui voudrait se coltiner ça pour une historie de couple, hein ? Je suis pas maso’. Tu saisis ? » expliqua-t-il à une Lexi totalement désarçonnée. « O…oui… mais il faut que tu décides de quelles sont tes priorités, c’est tout. Si… Juliette veut attendre, et que tu veux une histoire de couple avec elle, je ne vois pas où est le problème. Attends » lui dit-elle. Après tout… c’était bien ce que faisait Dexter avec elle. Alors pourquoi ce type n’en n’aurait-il pas été capable ? Elle qui n’avait jamais goûté au fruit défendu était bien loin de s’imaginer les dégâts que peut provoquer chez un homme le manque de sexe, bien évidemment. La Bible est claire à ce sujet, et c’était par conséquent clair aux yeux de Lexi : le sexe, c’est la procréation. Point, à la ligne.

L’allemand se pencha pour ramasser la serviette réclamée par Lexi, tout en se plaignant de sa foi, qui l’empêchait selon lui d’y comprendre quoi que ce soit. « On n’est plus au XVIème siècle que je sa… oups » fit-il en lançant la serviette de bain à l’Eta Iota. Sauf qu’il venait de la faire tomber par terre, d’où le oups. Il s’approcha et la ramassa. Tout se passa un peu rapidement pour Lexi, qui n’eut pas le temps de réagir. Elle comprit au regard du blond qu’il venait de découvrir un de ses secrets les plus durs à porter.
Lexi se pencha en avant, trop tard. Elle attrapa la serviette et la jeta sur ses pieds, trop tard. Il la voyait nue, mais qu’importe. Il fallait les cacher, absolument ! Mais… trop tard. « Va-t’en » lui ordonna-t-elle d’une voix blanche, à peine audible. Elle avait peur. Peur qu’il se moque d’elle. Peur qu’il en parle à tout le monde et que les gens la prennent pour un monstre. Il tenait sa vie sociale – déjà quasi inexistante – entre ses mains !

► Malheureusement pour Lexi, le jeune allemand n’était visiblement pas d’humeur à bouger ses fesses. Au contraire. Il lui suggéra qu’il l’avait déjà vue nue, ce qui fit écarquiller les yeux de la brunette. Comment osait-il, ce goujat ?! Ce n’est pas parce qu’il avait déjà violé son intégrité en l’observant sous sa douche qu’il avait le droit de recommencer ! Mais, trop timide, Lexi ne répondit rien, se contentant de rester cachée derrière le rideau, à l’observer d’un œil embêté. Le garçon s’installa confortablement et décida de taper causette, ce qui médusa complètement – si ce n’était déjà fait – la jeune rondouillette. « Tiens. Puisque t’es là et que j’ai la preuve que t’es bien une fille, vas-y, rends-toi utile.
- Qu… quoi ?!
- Si t’étais un homme, comment tu pourrais faire comprendre efficacement à ta copine que t’es… comment on peut dire ça ? Hm… Hormonalement plus capable d’attendre ? Tu saisis l’idée, quoi.
- Euh… (réponse très pertinente d’une fille très vierge)
- Parce que vous, les filles, vous n’arrivez jamais à comprendre ça. Vous prenez notre comportement pour de l’impatience, ou de la mauvaise foi, ou du manque d’affection, ou de l’intérêt purement physique, ou de la perversion, ou de l’obsession, ou n’importe quoi. Mais ça n’a rien à voir avec ça. C’est quand même pas à nous de vous dire de réviser vos cours de sciences, sérieux. Mais voilà. Après c’est quand même sur nous que ça retombe quand on se retrouve dans le lit de Manuella alors qu’à l’origine ça part quand même d’une bonne intention, hein.
- Manuella… ?
- Je veux dire, comme ça on brusque personne et tout le monde est content. Seulement ça ça convient pas parce que ci et parce que ça, question de respect et tout le blabla. Je vais pas te resservir un cours de moral. Mais après qu’on me dise, alors, comment je suis sensé faire, moi ? J’ai pas envie de la larguer. Mais je peux plus attendre. Mais j’ai pas non plus envie qu’elle me largue. Mais je pourrais pas m’empêcher d’aller voir ailleurs quand même.
- Tu… tu es sérieux, là ?
- Racine appellerait ça un dilemme. Résous-moi ça, t’as une tête d’intello.
- Je suppose que tu l’as remarqué, vu le cri épouvantable que tu as poussé en me voyant sous la douche, mais je n’ai pas un physique… avantageux. Pour ton information, trouver un copain dans ces conditions n’est pas chose facile, d’une part. D’autre part, mais ça tu ne pouvais pas le savoir, je suis profondément catholique, et je crois au sexe après le mariage. Je crains donc de ne pouvoir t’être d’aucune utilité, désolée » lui répondit-elle, les joues rosies par ses aveux qu’elle jugeait très intimes. « Si tu veux tout de même un conseil, vu que tu ne peux pas attendre, et que tu veux du sexe… largue ta copine et sors avec… Manuella. Elle veut bien t’en donner elle, alors de quoi tu te plains ? » ajouta ensuite la brunette, tout en lançant un regard mi-dégoûté, mi-curieux à son vis-à-vis.

Sans vraiment y prendre garde, Lexi s’était remise droite, à savoir que ses pieds étaient à présent très visibles sous le rideau de la douche. N’y prettant pas attention, la jeune femme lança un regard vers sa serviette qui pendait plus loin. Elle la désigna du menton au blond installé devant elle : « Est-ce que tu peux me passer ma serviette, s’il te plait ? » lui demanda-t-elle en essayant de rester aimable tout de même, afin qu'il accède à sa requête au plus vite.

► Quand Lexi hurla pour la seconde fois, afin de distraire l’attention de l’autre pervers, celui-ci sursauta et cria à nouveau également. Cette scène était à pleurer tant elle semblait ridicule à Lexi. « Hum… Judicieuse réflexion » répondit le blond quand elle lui fit remarquer qu’il était un homme, ce qui donna envie à la jolie ronde de s’enterrer… ou de disparaître volatilisée, au choix. Le ridicule ne tuait pas, mais il pouvait faire mal. Très mal. « Je pense que c’est une situation plutôt… hum… embarrassante » fit alors le blond tout en reculant. Lexi eut envie de lui rétorquer que sa réflexion était tout aussi judicieuse que la sienne, mais elle s’en abstint, au risque de vraiment se le mettre à dos. Enfin, en dehors de ça, elle n’était pas mécontente qu’il s’éloigne enfin, ceci dit en passant. Il passa derrière le rideau, tout en enfonçant ses doigts dans sa chevelure. La dernière chose qu’elle vit fut sa mine à la fois confuse et dégoûtée, et il tira le rideau. Misère. « Je veux disparaîîître » songea-t-elle alors, tout en se rendant compte qu’elle était à présent au bord des larmes. La voix du garçon ajouta « Et je pense qu’il vaut mieux pour nous deux qu’elle reste entre-nous, hein ? C’est… », et il soupira. Certes. Elle ne pouvait pas être plus d’accord avec lui. Ses muscles commençaient à se relâcher très légèrement, du fait de ne plus voir son interlocuteur, quand le jeune homme passa sa tête une nouvelle fois derrière le rideau, beaucoup plus bas cette fois : il s’était assis. « Plutôt confortable comme perspective, tu ne crois pas ? ». Son apparition soudaine fit à nouveau crier Lexi de surprise. Elle attrapa le rideau et tira un grand coup dessus pour recouvrir le visage du garçon, à la fois furieuse et morte de honte. « Très confortable o… oui. Mais par pitié, cesse de passer ta tête comme ça ! » siffla-t-elle, tout en reculant le plus loin possible que le lui permettait la cabine dans laquelle elle était enfermée. Elle attendit de longues secondes, mais il ne se passa rien. Étonnée, ce fut à son tour de passer sa tête de l’autre côté. Pour ce faire, elle avança près de celui-ci. Cela lui fit oublier quelques secondes ses pieds et le risque qu’il les voit. « Tu comptes rester là longtemps… ? » le questionna-t-elle finalement, son corps masqué derrière le rideau, ce qui ne laissait apercevoir que son visage embêté. C’est qu’elle avait envie de sortir de là, elle, mais il lui bloquait le passage et la dernière chose dont elle avait envie, c’était de passer devant lui entièrement nue pour récupérer sa serviette !

► La jeune femme était sous la douche depuis presque un quart d’heure déjà. Elle essayait de se convaincre d’en sortir, mais l’eau était chaude et agréable sur sa peau, et rien que d’imaginer la température une fois hors de la douche, ça ne lui donnait pas envie de stopper son jet bouillant, bien au contraire. Mais elle ne pouvait pas non plus rester là indéfiniment, malheureusement. Alors qu’elle commençait tout doucement à se motiver, Lexi sentit une présence dans la pièce. Ne me demandez pas comment elle s’en rendit compte, toujours est-il qu’elle avait cette impression de ne plus être seule. La main sur le robinet, elle hésita. Si elle sortait maintenant de derrière la protection du rideau, elle croiserait sans aucun doute une de ses condisciples. Et c’était absolument exclu. Elle baissa les yeux et observa ses pieds. Pire qu’exclu : ses pantoufles étaient restées à l’autre bout de la pièce. La jeune femme prit peur, stupidement, quand elle remarqua que le rideau de la douche ne descendait pas jusqu’au sol : il y avait pourtant peu de chance que la nouvelle venue regarde par-dessous celui-ci. Lexi recula quand même d’un pas et se colla au mur carrelé, atrocement glacé. La jeune femme réprima un frisson et tendit l’oreille. Elle espérait entendre l’eau d’une autre douche se mettre à couler. Elle ferma les yeux et se concentra, en essayant de mettre de côté le bruit de sa propre cabine. Soudain, une voix. La brune ouvrit brusquement les yeux, pile au moment où le rideau de SA douche commençait à s’ouvrir. « Salut beaut… AAAAAAH !!!
- AAAAAAAAAAAAAAH !!! » fit-elle, en écho au cri du garçon avec qui elle se trouvait nez à nez, totalement nue. Ils hurlèrent à l’unisson et le jeune homme se cassa la figure en essayant de reculer le plus vite possible. Il portait un jeans mais était torse-nu et à pieds nus. Visiblement, il s’attendait à voir quelqu’un d’autre derrière le rideau. Quelques secondes après être tombé, il força sur ses jambes pour reculer jusqu’au mur, puis il se releva, le tout très rapidement et sous le regard consterné et effrayé de Lexi. Elle ne pensa même pas à refermer le rideau, c’était pourtant ce qui était le plus judicieux à faire. « Mais t’es QUOI toi ?! » l’agressa-t-il alors, visiblement furieux. La brune le regarda sans comprendre l’intitulé exact de sa question. Le fait de se retrouver pieds nus devant ce mec la pétrifiait. Elle n’arrivait pas à penser à autre chose qu’à ça. Et elle n’avait aucun moyen de les cacher. C’est peut-être pour ça qu’elle ne ferma pas le rideau : pour attirer son attention sur autre chose. Son corps nu qu’elle tentait tant bien que mal de protéger de ses bras. Malheureusement, elle avait beaucoup de surface à cacher et seulement deux membres supérieurs. Il la regardait dans les yeux, mais vint un moment où ses yeux partirent vers le bas. Action, réaction. « AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH ! » hurla à nouveau la jeune fille, pour le distraire de sa trajectoire initiale. « Je-je-je m’appelle Lexi » débita-t-elle à une vitesse effrayante. Son visage devait être cramoisi. « Et toi tu-tu-tu es un… un garçon ! Tu n’as rien à faire ici ! » remarqua-t-elle ensuite très judicieusement, en bégayant un maximum. On appelle ça un moment de solitude, voyez-vous.

► Les journées se suivent et se ressemblent toutes. Se lever le matin. Détourner la tête quand on passe devant le miroir du mini-couloir. Entrer dans la salle de bain et enlever son pyjama, en prenant bien soin de tourner le dos à la zone réfléchissante. S'habiller, toujours face au sud. Une fois les amas superflus de graisse masqués, se dépêcher de se maquiller pour reprendre forme humaine. Aller en cours. Supporter les railleries avec le sourire. Porter un masque. Faire croire en l'élève modèle et presque parfaite, si on enlève son excès de poids. Fréquenter quelques filles cool, pour poursuivre l'illusion. Diner, seule. Ingurgiter de la salade fadasse, comme un lapin, avant de se ruer dans les toilettes pour compléter ce "repas" avec des biscuits chocolatés et autres sucreries réconfortantes. S'en vouloir. Retourner en cours. Supporter, encore et encore. Manger avec les filles de sa confrérie, en silence, tandis qu'elles s'amusent toutes ensemble, blondes, belles, et incroyablement minces. Retourner à sa chambre et attendre. Attendre qu'il soit trop tard pour croiser quelqu'un dans les douches.
C'était le même rituel tous les jours. Si ce n'est que maintenant, c'était les vacances, et la journée, Lexi s'ennuyait. Aujourd'hui n'avait pas fait exception aux autres jours. A 23 heures, la jeune femme décida qu'il était temps de se rendre dans les douches, malheureusement communes. Elle détestait ça. Avoir à croiser les corps parfaits des filles de Wynwood la rendait malade. De jalousie, de haine envers elle, envers ces filles. Heureusement, quand elle arriva, il n'y avait personne. Un vendredi soir, tous les jeunes normaux étaient de sortie. Elle ouvrit le jet d'une douche, celle la plus loin de la porte, juste au cas où, et enleva ses vêtements un à un. Elle les laissa sur le sol et se glissa en frissonnant sous le jet brûlant. Son moment préféré de la journée. Celui où elle pouvait laisser couler ses larmes en toute quiétude. Personne ne la verrait, personne ne la jugerait. Et elle pleura, longtemps. Comme tous les soirs, depuis des semaines, en silence.
Elle aurait pu se morfondre pour des quantités de choses. Sa soeur à l'hôpital. Sa mère, en train de mourir d'un cancer. La femme de son père qui la haïssait un peu plus chaque jour. Mais tout ça, elle s'en moquait. Elle pleurait pour elle, seulement pour et sur elle, égoïstement. Elle l'avait toujours été, et ça ne serait pas la présence toute nouvelle dans sa vie d'une soeur aussi parfaite que Sateen qui y changerait quelque chose. Elle et sa mère pouvaient bien mourir, pensait-elle rageusement. Elles avaient gâché sa jeunesse. Sateen en existant, Mary en la comparant sans arrêt à elle. Résultat ? Lexi était là, sous cette douche, en train de pleurer, et tout le monde s'en moquait.