Peut-on trouver un quelconque avantage à tomber en panne ? [Jude]

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« Je trouve que tes parents ont bien fait de te laisser, enfin tu sais, pour que tu te débrouilles. C’est comme ça qu’on apprend à faire face aux aléas de la vie. Ça fait grandir. »

Dess ne put que sourire en l’entendant parler ainsi, elle avait subitement l’impression d’être retombée en enfance. S’entendre dire qu’elle allait apprendre les aléas de la vie grâce à l’éducation que lui avaient donnée ses parents… C’était assez drôle finalement. Non pas que la Rho Kappa ait la prétention d’avoir tout vu, tout découvert et plus rien à apprendre, bien au contraire, mais Jude n’avait que deux ans de plus qu’elle après tout, il devait être encore à un âge où l’on faisait les découvertes. Niveau expériences de vie, il avait peut-être eu le droit à son lot de problème, et peut-être avait-il dû grandir très vite, ce qui expliquait cette remarque, mais ce n’était pas pour autant que ce n’était pas rigolo à entendre. Et puis, qu’il sache de quoi il parlait ou non, Dess ne lui donnait pas tort sur ce coup-là, si jamais elle avait tout eu en claquant des doigts quand elle le souhaitait, jamais elle ne se serait habituée aux échecs. Lorsqu’elle voyait les jeunes filles riches de Wynwood devenir de véritable dépravées au cours du temps, Dess était plutôt contente de son sort et d’avoir réussi à retomber sur ses pieds. Mais ça, c’était avant tout grâce à ses parents, ils ne l’avaient pas gentiment installé sur un petit nuage rose en la prévenant simplement qu’il ne fallait pas se pencher trop au risque de se faire mal. Ils avaient préféré la laisser sur terre, parmi les êtres humains normaux, et c’était donc elle qui regardait tous ces pauvres enfants tomber de leur petit monde de rêve. Quel gâchis… La jeune fille exagérait sûrement un peu, mais sa vision des choses n’était probablement pas si loin que ça de la vérité.

« Tu me dis ça comme si j’étais une gamine de dix ans qui allait découvrir le monde. On a que deux ans d’écarts. Et puis comment tu peux en être sûr ? Toi aussi, tu dois te débrouiller par toi-même ? »

Jusqu’ici, Dess s’était abstenue de poser la moindre question à Jude, craignant de révéler qu’elle en savait beaucoup plus que ce qu’il pouvait s’imaginer. D’accord, elle avait commencé la conversation directement par une énorme boulette, causée probablement par la surprise, et oui elle n’avait pas réussi à la rattraper. Mais maintenant, cette histoire avait dû se tasser dans un coin de la tête du jeune homme et il n’allait pas analyser la moindre de ses paroles pour tenter de déceler un éventuel indice lui permettant de savoir ce qu’elle connaissait sur lui, ou non. Et puis de toute façon, même si elle l’avait réellement voulu, la Rho Kappa n’aurait pas pu s’empêcher de poser cette question. Dans sa tête, il y avait déjà pas mal de réponse, et elle devait bien sûr remercier internet pour ça, mais certaines de ses interrogations n’auraient pas pu être résolues grâce à un simple moteur de recherche. Elle avait enfin l’occasion de savoir ce qu’elle n’avait jamais pu apprendre et en plus, ô miracle, la question n’arrivait pas comme un cheveu sur la soupe, mais bel et bien au beau milieu d’une conversation normale. Dess ne pouvait que se féliciter d’avoir su reprendre le contrôle de ses émotions, ou en tout cas de tenter de le faire, avec un peu plus de succès que d’habitude.

« Tu viens d’où au fait ? Personnellement j’ai toujours habité à Miami. Je rêve de m’évader de cette chaleur insupporte ! »

Evidemment qu’il avait toujours habité à Miami, mais c’était une réponse que Dess ne pouvait pas se permettre de formuler à voix haute. Et puis, il était assez drôle de voir que derrière les informations théoriques de base qu’elle connaissait déjà, il y avait toujours, ou presque toujours, un petit quelque chose en plus qu’elle ignorait. Alors comme ça Jude ne se plaisait pas à Miami ? Pour quelqu’un qui y avait déjà vécu à peu près dix-huit ans, c’était tout de même un peu dommage. Après tout, c’était sa ville natale, celle dans laquelle il aurait dû avoir tous ses points de repère. La jeune fille commençait à se demander quel était l’ambiance familiale dans laquelle évoluait Jude, il n’avait pas l’air d’avoir de véritables racines. Enfin, il aurait pu vouloir partir, voyager, s’installer ailleurs, beaucoup d’adolescents le faisaient à la fin de leur cursus. Il était courant de voir les choix de faculté ses disperser un peu partout en Amérique, et Dess ne ferait probablement pas exception à la règle sur ce coup-là. Mais il y avait un petit quelque chose qui la dérangeait. On quittait Miami pour poursuivre son rêve, faire ses propres expériences, s’éloigner un peu de ses repère et voir comment il était possible de s’en sortir, pas pour échapper à la chaleur. Enfin, Jude avait probablement dit ça pour plaisanter, la conversation avait une légèreté que la jeune fille ne pouvait qu’apprécier, ça faisait du bien d’arrêter de se prendre la tête l’espace d’une soirée.

« J’y ai toujours vécu aussi, mais je trouve qu’on s’habitue à la chaleur au fil du temps. Par contre, pour le sport, c’est pas ce qu’il y a de mieux, on a pas vraiment droit à des températures qui donnent envie de se bouger. »

Jude n’était pas un Rho Kappa et il ne verrait probablement pas les choses de la même façon qu’elle, mais pour Dess qui dormait sport, pensait sport, mangeait sport et allait même jusqu’à respirer sport, tout ceci avait une importance folle. Si elle avait été ailleurs qu’à Miami, elle n’aurait pas forcément été obligée de se lever aux aurores pour son jogging, et même avec cette précaution, elle revenait bien souvent trempée de sueur. La nuit ne permettait pas forcément un refroidissement flagrant de l’air, ici, mais c’était toujours mieux que d’aller se dépenser à deux heures de l’après-midi. Malheureusement, c’était ce qu’elle devait faire lorsqu’elle avait entrainement avec les Cheerleader ou en volley. En même temps, elle n’aurait sûrement pas pu pratiquer son sport favori ailleurs, New-York manquait sacrément de plage, par exemple. Mais elle connaissait peu de sportifs dont l’accessoire principal était la crème solaire. Dess devait toujours s’en enduire lorsqu’elle passait plusieurs heures sur un terrain de sport. Les rayons ultraviolets pouvaient être particulièrement dangereux et même si au fil du temps, se peau bronzée ne craignait plus vraiment les coups de soleil, elle n’aurait arrêté son rituel pour rien au monde. Perdue dans ses pensées, la jeune fille mit un sacré bout de temps à revenir sur terre lorsque Jude ouvrit la bouche à nouveau.

« Sinon, c’est pas grave ! Je m’en charge pour toi. Comme un bon super héros qui est venu à ta rescousse. »

Qu’est-ce qu’il lui demandait au juste ? Ah oui, l’argent, l’essence, son sauvetage… Dess mit quelques secondes à reconstituer les pièces du puzzle. En définitive, il lui proposait gentiment de régler les frais à sa place, histoire de se comporter comme il l’avait fait jusqu’ici. Mais non, elle n’allait pas laisser faire une chose pareille. Compte tenu de la discussion qu’ils venaient tout juste d’avoir sur la valeur de l’argent et le fait que se débrouiller seul était certainement plus compliqué mais plus bénéfique comme l’un comme pour l’autre, elle n’allait pas s’abaisser à demander la charité, à celui qui en avait déjà beaucoup trop fait pour elle de toute façon. Dess plongea donc la main dans son sac, cherchant pendant un bout de temps ce qui était censé être un portefeuille. Elle avait toujours un vrai fourre-tout en guise de sac et il lui fallait toujours un moment pour récupérer ce qu’elle cherchait. D’ailleurs, elle avait remarqué au fil du temps que ce qu’elle cherchait se trouvait toujours au fond, rien que pour l’embêter et cette théorie, bien que certainement fausse avait au moins eu le mérite de faire rire ses amies, ce qui n’était pas plus mal. La Rho Kappa finit tout de même par ressortir victorieuse de son combat et tendit de quoi payer l’essence directement à l’intéressé, évitant de passer par Jude comme elle l’avait fait jusqu’ici.

« Oh non, tu en as déjà bien assez fait comme ça. Qu’est-ce que tu venais faire en ville, d’ailleurs ? Enfin, sans vouloir être indiscrète… »

Il était grand temps d’inverser la tendance, Dess avait l’impression de parler d’elle depuis des heures alors qu’ils ne s’étaient pas rencontrés il y a si longtemps. Et puis, sa vie était d’une telle platitude, le contraire serait certainement beaucoup plus intéressant.

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Mes yeux passent des rétroviseurs, à mon compteur, puis la route et finalement la demoiselle. Cette dernière finit par me répondre. C’est une Rho Kappa et Seyton est le chef de cette confrérie. J’aurais dû me présenter pour être chef moi aussi. Je l’aurais écrasé comme ça ! Je l’aurais lamentablement éliminé. Ce ne sont que des sportifs, on sait très bien qu’à part leurs bras, ils n’ont pas grand-chose. A part l’esprit d’équipe peut-être. Ce qui est pas mal dans le fond. Mais nous chez les Nu Zêta, on est peu nombreux. On n’est pas forcément des écolos dans l’âme. Moi par exemple je ne suis dans cette confrérie que pour faire chier mon père. Principalement. J’aime aussi la nature, mais je ne suis pas en train de faire des manifestations à tout bout de champs. J’ai une voiture et une moto, ce qui n’est pas raisonnable pour la pollution de la planète. Enfin, j’avais une moto. Maintenant que je n’ai plus vraiment d’argent, je suis obligé de la vendre. Je préfère garder le taudis qui me sert de Jeep plutôt qu’une moto que je ne peux utiliser les jours où il fait beau uniquement. Question de pratique. Et si je la vends à quelqu’un du lycée, je pourrais toujours la revoir. En souvenir du bon vieux temps…

La brunette continue en répondant à ma seconde question. Enfin, je ne l’ai pas vraiment posé mais bon… Ce n’était qu’une sorte de piège vaguement discret. Elle me dit avoir voulu échapper à l’ouragan. Je ne comprends pas très bien. Je lui demande sa raison d’être venue à Wynwood. Et on a pu constater que la tempête y a fait pas mal de victime ! L’insécurité ? Ils n’ont pas été capables de mettre en place des plans de secours et d’évacuation pour protéger les élèves ! Ils se sont laissés prendre au piège sans pouvoir réagir ! J’ai été enfermé dans le foyer pendant plusieurs heures. J’avais des morceaux de verre dans le visage, Scott est tombé dans le pomme et Kaylee a été sur le point de perdre l’usage de son bras. Et on s’en est bien sorti ! Alors l’insécurité… Je ne suis pas sûr que ce soit ici qu’elle se trouve. Enfin bon… Peut-être qu’elle vivant dans un quartier vraiment difficile. Ce que je ne comprends pas d’ailleurs. Elle me dit ne pas être née avec une cuillère en argent dans la bouche puis la seconde que ses parents peuvent l’aider financièrement à tout moment. Bon, ok, elle s’est expliquée sur le fait qu’elle n’utilisait pas l’argent et qu’elle se débrouiller. Elle n’a donc pas dû vivre dans un climat d’inconfort énorme. Vraiment ? Elle voulait vraiment échapper à l’insécurité ? Je ne comprends définitivement pas…
Mais bon, je lui pardonne parce que j’essayerai d’éclairer ce point tout à l’heure et parce qu’elle me fait un peu penser à moi. Elle se débrouille sans l’aide de ses parents. Je trouve ça bien. Je fais la même chose depuis toujours. Sauf que désormais je ne peux plus du tout me rabattre sur mes parents si j’ai un problème.

Nous arrivons à la station-service. Je me gare et vais fouiller dans mon coffre. J’en sors un bidon et me dirige vers les pompes en compagnie de la demoiselle. « Je trouve que tes parents ont bien fait de te laisser, enfin tu sais, pour que tu te débrouilles. C’est comme ça qu’on apprend à faire face aux aléas de la vie. Ça fait grandir. » Je lui souris avant de lui demander : « Tu viens d’où au fait ? Personnellement j’ai toujours habité à Miami. Je rêve de m’évader de cette chaleur insupporte ! » Petit trait d’humour avant de lui demander si elle a de l’argent pour l’essence. « Sinon, c’est pas grave ! Je m’en charge pour toi. Comme un bon super héros qui est venu à ta rescousse. »

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« Moi aussi, pas mal de choses me déplaisent dans ce lycée. Et particulièrement la mentalité de certains. Je suis né dans une famille riche mais je n’utilise pas cet argent pour écraser les gens et montrer ma supériorité. Ce qui certains font. Je trouve ça pitoyable… Il devrait y avoir une pompe à cinq minutes d’ici. »

Le petit monologue de Jude sur les gosses de riches ne put que faire sourire la jeune fille. Non pas qu’elle ne soit pas d’accord avec ce qu’il disait, bien au contraire, mais il semblait tellement remonté contre cette génération d’adolescents, composant la jeunesse dorée, que ça en devenait presque comique. Bon, évidemment, Dess ne pouvait que se sentir visée, puisque derrière sa voiture d’occasion, sa volonté d’obtenir une bourse d’étude pour la faculté grâce à ses résultats sportifs et son désintérêt pour le luxe en général, elle avait tout de même vécu dans un milieu très aisé grâce à la fortune de ses parents. Elle était tout de même contente que ceux-ci lui aient imposés de limites. Bien sûr, au départ, elle n’avait pas forcément apprécié cette décision, elle était encore petite, elle voulait simplement que ses géniteurs cèdent à tous ses caprices parce que de toute façon, ils en avaient les moyens et qu’elle était leur seule fille donc elle devait pouvoir en profiter. En grandissant, elle avait compris qu’ils lui avaient plus rendus service qu’autre chose, en ne lui achetant pas forcément toujours ce qu’elle voulait en temps utile. Elle avait appris ce qu’était la valeur de l’argent et ce n’était vraiment pas plus mal. Ils avaient tout de même eu la chance d’avoir une fille qui grandissait rapidement, au moins dans sa tête, puisqu’elle était maintenant à l’âge où toutes les adolescentes rentrent en guerre ouverte contre l’autorité parentale et pourtant, se trouvait bien loin de vouloir se disputer avec ses parents. La crise d’adolescence ne serait probablement pas pour elle. C’était cette maturité précoce qui lui permettait de comprendre vraiment ce que voulait dire Jude. Après tout, il était plus vieux qu’elle, avec une expérience de vie plus importante d’après ce qu’elle avait pu apprendre sur lui en fouillant un peu partout sur internet, avec ses deux ans de plus, il faisait presque office de vieux sage pour la jeune fille qui buvait ses paroles sans chercher à le contredire.

« Je ne sais même pas où je me situe par rapport à ça. Je suppose que mes parents m’ont fait comprendre que je pourrais toujours faire appel à eux financièrement mais que si dans l’idéal, je pouvais me débrouiller seule, ils préfèreraient. »

Dess n’avait jamais vu les choses sous cet angle, mais ça résumait assez bien la situation finalement. Ses parents faisaient toujours en sorte qu’elle se débrouille, gagne son argent par elle-même pour qu’elle sache vraiment ce qu’il pouvait représenter, mais à côté de ça, ils n’hésitaient pas à voler à son secours en cas de besoin sans qu’elle ait besoin de les supplier à genoux. C’était exactement pour cela qu’elle se retrouvait aujourd’hui à Wynwood. Non pas qu’elle ait voulu faire un caprice en demandant de se retrouver dans cette luxueuse école privée qui allait leur couter la peau des fesses, mais ils avaient certainement compris à quel point ce départ était important pour elle et tout ce qu’il représentait. Enfin, tout du moins, c’était ce qu’avait imaginé Dess. S’ils avaient simplement pensé que c’était un caprice d’adolescente qui voulait faire éclater le cocon familial pour partir vivre sa vie à plusieurs kilomètres, jamais ils ne l’auraient autorisé à faire ce choix. La jeune fille ne pouvait d’ailleurs que se réjouir que Wynwood se soit justement trouvé à Miami, choisir une école en dehors de la Floride aurait été une source d’inquiétude permanente pour ses parents qui ne pourraient pas souvent la voir et se demanderaient en permanence comment leur petit bébé pouvait bien se porter. De nombreux élèves de Wynwood venaient pourtant d’assez loin pour profiter de l’école et ne semblaient pas être perturbés plus que ça par l’absence de ceux qu’ils aimaient, mais Dess n’avait jamais osé s’y intéresser vraiment, de peur d’être indiscrète. La seule personne à qui elle pourrait en parler était Casey-Lee, et elles avaient d’autre préoccupations pour lemoment.

« Tu es donc ami avec Seyton ? Enfin, Trevor je veux dire ? Enfin tu n’es pas obligée de répondre… Après tout, c’est personnel. Je t’aurais bien demandé la vraie raison de ta venue ici mais c’est encore pire que demander des comptes sur tes relations… Vraiment désolé..»

Le jeune homme semblait d’un seul coup un peu moins joyeux, comme si elle avait prononcé le mot tabou. Seulement, Dess était loin de comprendre pourquoi et ne voulait pas vraiment le chercher pour le moment. Ce genre de réaction lui rappelait amèrement que malgré toutes ses recherches et les connaissances qu’elle avait pu en retirer, Jude était encore un parfait inconnu pour elle. Il n’était pas encore le garçon avec lequel elle aurait pu savoir quels sujets aborder, ceux qu’elle ferait bien de garder dans un coin de sa tête, les blagues qui le feraient rire et les histoires qu’il trouvait le plus tristes. En même temps, elle ne pouvait pas s’attendre à ce que tout devienne si simple. Cette rencontre était déjà inespérée, elle n’avait pas le droit d’en attendre trop d’un seul coup. Pour l’instant, ils devaient apprendre à faire connaissance, comme si elle n’avait jamais su vraiment qui Jude était, ce qui n’était pas si loin de la vérité finalement. Pour ce qui était des questions que lui posaient le jeune homme, elle ne voyait pas pourquoi elle ne devrait pas y répondre, il n’y avait rien de secret là-dedans, mis à part le fait qu’elle aurait aimé que Trevor soit bien plus qu’un ami pour elle, ce qui semblait un peu difficile à avouer à Jude à ce stade de leur relation.

« Oui, je suis amie avec Trevor, en même temps je suis une Rho et c’est mon chef de confrérie, quoi de plus normal. C’est quelqu’un de bien. Pour ce qui est de ma venue ici, je suppose que je voulais échapper à l’ouragan… Enfin, à l’insécurité surtout. »

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La brunette finit par me répondre alors que ma jeep roule dans la ruelle. Elle me dit être en sophomore. Merde ! Erreur de calcul. Je suis trop bête ! Je voulais absolument trouver une raison pour qu’elle connaisse ma sœur et donc moi pas conséquence. Je me suis précipité et je suis tombé lamentablement. Bon, je me rattraperai au prochain coup ! Au moins cette bourde fait parler la demoiselle qui aligne pour la première fois une vingtaine de mots à la suite. Je souris légèrement en l’écoutant dire qu’elle était encore une enfant. C’est sur qu’en deuxième année, pas troisième, on n’a pas beaucoup d’expérience sur la monde et la vie en générale. Je ne veux pas dire par là qu’avec mes deux ans de plus j’ai toutes les connaissances de la Terre. Bien au contraire. Ce qui m’a formé c’est la vie. Les problèmes, les galères, l’éducation, les trahisons, les doutes, les pleurs, les diners. Tout ça sans parents présents… Mais ne nous attardons pas là-dessus ! Ce que je voulais dire, c’est que ça panne d’essence à une nouvelle explication. Dess ne doit pas être encore très habituée à tout ce qu’une voiture représente. Les frais, le kilométrage, les réparations, les place de parking, les pannes… Sa voiture n’a pas l’air d’être celle qu’offre papa et maman milliardaire à leur petite fille unique pour ses seize ans. Pas de cabriolé rose barbie. Comme moi. Je ne roule pas au volant d’un 4x4 rutilant et polluant comme je ne sais pas quoi. Non, juste une automobile plutôt vieille, avec des problèmes, des pannes, des accidents, des frais, des fuites, des tâches, de la boue… Bref, ma jeep est à mon image.

Ce qui me fait soudainement moins sourire c’est d’entendre que ma sœur sort avec un type. Je sais très bien qui c’est. J’ai entendu parler de leur histoire. J’ai voulu en toucher un mot à Marissa mais avec l’ouragan tout a été plus compliqué. Elle a vu ce garçon mourir et moi je ne peux pas enfoncer le clou en annonçant que Seyton est un gros con. Je suis en train d’aider une des amis de Seyton ! Le mec qui me traite de gay, qui m’humilie, qui a failli tuer une amie et avec lequel je me suis battu. Le gars que j’ai envie de tuer. Mes mains serrent le volant. Mes phalanges en deviennent blanches. J’arrive à un feu. Pour penser à autre chose, je me concentre le chemin à emprunter pour trouver au plus vite une station essence.
Un détail me revient en mémoire. Dess vient de dire que Marissa était dans l’équipe de volley. On avait parlé de son inscription. Ma sœur se socialisait. Je suis contente. Elle rencontre de nouvelles personnes ainsi, elle vit d’autre chose que du piano, du chant et de ses inquiétudes pour moi. Penser à elle me calme. J’inspire profondément avant de redémarrer et tourner à droite.

Elle reprend la parole. Dis donc, c’est qu’elle peut dire plein de choses cette petite ! « Moi aussi, pas mal de choses me déplaisent dans ce lycée. Et particulièrement la mentalité de certains. Je suis né dans une famille riche mais je n’utilise pas cet argent pour écraser les gens et montrer ma supériorité. Ce qui certains font. Je trouve ça pitoyable… Il devrait y avoir une pompe à cinq minutes d’ici. » Je l’informe, histoire qu’elle ne s’inquiète pas. Pour l’histoire de l’argent, je ne pense pas avoir besoin de revenir sur ce sujet. C’est sorti naturellement. Je hais les gosses de riches. Je n’en fais pas parti. Ou tout du moins, je n’en fais plus parti depuis que mon père a coupé les ponts. De toute façon, je n’ai jamais eu besoin de ça pour vivre et m’épanouir !
L’argent ne fait pas le bonheur, j’en suis persuadé. Et à tous ceux qui diront qu’il y contribue, je répondrais que j’ai vécu une enfance misérable dans le luxe. Depuis que j’en suis sorti, ce n’est pas mieux. C’est différent, mais bien plus réel !

« Tu es donc ami avec Seyton ? Enfin, Trevor je veux dire ? » Ma mâchoire n’arrive pas à articuler pleinement les mots. Pourquoi je demande ça ? Disons, que je crois toujours que c’est un coup fourré. Ma théorie est encore plus juste désormais. C’est lui qui a demandé à son amie de me piéger. Je ne sais pas encore comment elle va s’y prendre. Attendons un peu. Laissons-la croire que je n’y vois rien. Je suis trop curieux pour la laisser en plan sur le trottoir. Je m’apprête au pire. Dans tous les cas un homme averti en vaut deux. Tu crois être le chat ma belle ? Mais figure-toi que je ne suis pas une souris.
Quoi ? Moi, méfiant ? Pas du tout ! « Enfin tu n’es pas obligée de répondre… Après tout, c’est personnel. Je t’aurais bien demandé la vraie raison de ta venue ici mais c’est encore pire que demander des comptes sur tes relations… Vraiment désolé..» L’art de faire croire qu’on ne veut vraiment pas savoir en forçant ainsi la personne à en dire plus.
J’espère que cette technique fonctionnera correctement.

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« Dess… Enchanté ! »

La jeune fille ne put que sourire de nouveau. Entendre son prénom sortir de la bouche de Jude avait quelque chose de très… Encourageant ? Ce n’était pas forcément très clair dans sa tête, mais elle aurait aimé qu’il répète inlassablement cette même phrase jusqu’à ce qu’elle ait mal aux lèvres à force de s’extasier. Mais elle ne pouvait pas franchement lui demander de jouer au perroquet sans passer pour une folle et déjà le coup de la voiture était carrément limite, elle avait fait assez de dégâts pour aujourd’hui. En plus, ce n’était même pas son vrai prénom. Dess avait bien trop l’habitude de se faire appeler de cette façon pour y prêter attention, mais elle devait bien s’en rappeler à chaque fois qu’elle sortait sa carte d’identité ou quand elle rendait visite à ses parents. Ils s’imaginaient qu’ils avaient eu l’idée du siècle en la prénommant ainsi. Ils avaient fait d’elle quelqu’un d’unique et d’irremplaçable et même si ça partait d’une bonne intention, la jeune fille ne pouvait pas s’empêcher de leur en vouloir de l’avoir fait partir avec un si mauvais atout dans la vie. Bon, elle s’y était tout de même un peu habituée en seize ans, ou en tout cas, faute de s’y habituer, elle avait réussi à trouver une ou plusieurs alternatives ce qui était déjà pas mal. Son deuxième prénom lui plaisait déjà plus que le premier et elle le donnait de temps en temps quand son surnom la lassait. Cependant, il y avait toujours quelques personnes pour échapper à la règle et lorsque ses professeurs ou ses parents se décidaient à l’appeler à voix haute, elle ne pouvait empêcher une légère grimace de s’installer sur son visage. Elle pouvait tenter d’oublier, mais jamais elle ne s’y ferait réellement.

« Entre, je t’en prie ! »

Toute à ses pensées, Dess avait à peine remarqué qu’ils étaient déjà arrivés à la voiture du jeune homme. Elle dut lui lâcher le bras pour passer du côté passager et l’absence de contact lui manqua presque immédiatement. Non pas qu’elle ait spécialement envie de le toucher en permanence, elle n’allait certainement pas s’assoir sur ses genoux ou tenter de lui frôler la main dans la voiture en faisant passer ces petits gestes pur des accidents, ce n’était pas du tout son but. Seulement, Jude avait quelque chose de particulièrement rassurant et elle n’était pas sûre de pouvoir garder ce même sourire et sa confiance en elle retrouvée alors qu’elle avait l’impression qu’il la laissait un peu tomber à présent… De la folie ? Oui, ça s’en approchait assez bien et Dess le savait, mais malheureusement, elle ne pouvait pas franchement s’empêcher de penser. Ça aurait été bien utile, parfois, voire même assez souvent. Au lieu de se poser plus de question, la Rho Kappa grimpa à l’avant, à côté de Jude et claqua la porte derrière elle. Evidemment, elle ne put s’empêcher de regarder plus ou moins discrètement autour d’elle, comme un enfant qui regarde les vitrines à l’approche de Noël. La voiture aurait eu bien besoin d’un petit peu de ménage, mais elle avait un petit quelque chose qui la différenciait de toutes ces grosses voitures rutilantes que l’on pouvait apercevoir sur le parking de Wynwood. Dess n’avait même pas besoin de photographier de réelles images dans sa tête, pour savoir que si elle remettait un jour les pieds dans cette voiture, elle la reconnaitrait sans aucun mal, même en l’absence de son propriétaire.

« Alors comme ça tu es en Junior ? Comme ma sœur. Je ne sais pas si tu la connais, elle est en B… Tu te plais à Wynwood ? C’est assez spécial comme interna… Que des élèves avec des parents aux revenus élevés, enfin pour la plupart… C’est une ambiance bien différente des écoles publiques ! »

En Junior ? Elle avait dit deuxième année, non ? Dess eut un léger doute sur la question, mais qu’importe. Après tout, l’un comme l’autre avait pu se tromper, il n’y avait pas mort d’homme, bien au contraire. Il était bien trop plaisant d’entendre Jude ouvrir la bouche et engager une réelle discussion pour tenter de savoir si oui ou non elle avait commis une erreur ou pas. De toute façon, ce n’était pas le genre de bourde irréparable qu’elle était bien capable de faire dès qu’elle était angoissée. En parlant d’angoisse, la sienne commençait sérieusement à diminuer, voire même à disparaitre et elle en était plus que ravie. Elle allait enfin pouvoir redevenir elle-même, la Rho Kappa bavarde et pleine de vie que ses amis connaissaient. Elle voulait que Jude ne la prenne pas pour une cinglée coincée, qu’il remarque qu’elle pouvait être une fille agréable et que ses défauts ne soient pas ce qu’il y avait de plus visible en elle. Et des défauts, elle en avait, et en quantité astronomique en plus. Bien entendu, ça ne l’empêchait pas d’avoir aussi des qualités, mais il fallait aller un peu à la pêche pour les trouver dans le bric-à-brac psychologique dont elle souffrait continuellement. Pour une fois, elle avait l’impression de pouvoir commencer quelque chose à zéro et elle ne comptait pas gaspiller une opportunité comme celle-ci.

« Je suis pas en Junior, je suis en Sophomore. Eh oui, je suis encore une toute petite fille. Et toi, j’imagine que tu es en Senior du coup ? Si Marissa est en Junior, c’est forcément le cas. Je connais bien ta sœur, on est dans la même équipe de volley et puis elle sort avec un de mes amis, ça rapproche. »

Et voilà, elle redevenait la jeune fille hyper bavarde que seules ses meilleures amies connaissaient. C’était assez simple en réalité, elle était toujours plus ouverte et plus facile à aborder lorsque c’était des filles. La gente masculine l’avait toujours terrifié ce qui expliquait sans doute l’absence totale d’une quelconque relation amoureuse dans son palmarès. Pourtant, Dess ne pouvait pas nier être douée pour se faire des amis. Elle parlait plutôt facilement, aimait écouter les autres et n’avait pas un caractère très difficile à vivre. Après tout, seules ses appréhensions et ses phobies étaient de réels handicaps dans sa vie de tous les jours, mais un quotidien bien rythmé lui permettait en général d’y échapper. Qui plus était, cette journée était bien la preuve qu’elle pouvait parfois passer au-dessus et aller de l’avant. Lorsqu’elle raconterait à Zoey qu’elle s’était retrouvée en panne sèche, sans téléphone portable ni personne vers qui se tourner, la jeune fille n’en croirait probablement pas ses oreilles. Certes, Dess avait été à deux doigts de verser quelques larmes ou de dormir dans sa voiture de peur d’avoir à demander un peu d’aide, mais ça n’avait pas été le cas, elle venait de laisser un garçon l’inviter à monter dans sa propre voiture et c’était une petite victoire qu’elle n’allait certainement pas garder pour elle.

« Je ne sais pas si je me plais à Wynwood, j'aime beaucoup de choses, mais certaines me déplaisent un peu plus. Je n'ai pas la même mentalité que la majorité des personnes de mon âge... Disons que j’ai voulu m’y inscrire pour une toute autre raison que les autres adolescents de notre âge. Je ne suis pas née avec une cuillère en argent dans la bouche. Je n’ai jamais fréquenté d’écoles publiques, du coup la comparaison est assez difficile, mais j’imagine que les stéréotypes sont moins évidents ou moins poussés surtout… Je ne sais pas… »

Et encore un discours à rallonge. Décidément, elle ne s’arrêtait plus. Entre la jeune fille timide qui attendait trois plombes avant de prononcer deux mots et celle qui parlait très vite pour dire un peu n’importe quoi , sans prendre la peine de réfléchir à ce qu’elle disait, il fallait choisir…

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J’ai pris l’initiative de lui ouvrir la porte. Ce qui aurait pu m’attirer des foudres. En effet elle aurait très bien pu prendre ça pour de la précipitation et par conséquent se sentir agresser. Par chance j’ai tout fait pour la remettre en confiance. C’est le minimum, à mon avis. Elle a l’air tellement chamboulée que je m’apprête à tout. On ne peut jamais prévoir concrètement ce que peut faire une personne en état de stress. Autant j’arrive à analyser et anticiper certains individus. Autant cette demoiselle me laisse encore perplexe. Je ne sais ni qui elle est, ni comment elle va réagir, ni quel est son but réel. Mais je fais abstraction de tout ça. Elle prend mon bras et sort de son véhicule. Rien d’anormal. Génial. Je ne vais pas soupirer de soulagement. Mais mentalement c’est à peu près ça. Je sens comme un léger tremblement dans sa main. A peine perceptible, si je n’avais pas été en tee-shirt. Je perçois quelques coups d’œil. Mais à chaque fois que je tourne la tête, la demoiselle regarde ailleurs. Je ne suis pas certain qu’elle me dévisage, cependant j’en ai l’impression. J’essaye de la lorgner du coin de l’œil. Histoire d’en savoir plus. Elle me remercie. Je souris et acquiesce. Elle ferme sa voiture à clé et j’attends sa réponse. Je ne sais pas comment elle s’appelle. Ce n’est pas un élément essentiel. Je l’ai prouvé en passant une soirée avec ma charmante brune rencontrée en boite de nuit. Je ne parlerai pas de ce qui a pu se passer et encore moins si je sais désormais son nom ou pas. J’adore le mystère qu’il peut y avoir dans une relation avec un inconnu. Ici, c’est différent. En effet, je donne un coup de main. Je ne joue aucun jeu, je ne bois pas d’alcool et je ne suis en pas mode requin. Je veux dire par là que je ne lui tourne pas autour pour la dévorer d’un seul coup sans savoir si sa chaire et bonne ou non.

Suite à ma phrase je crois déceler un petit sourire. C’est déjà ça. J’ai réussi une partie du contrat. Elle n’est plus en train de péter un câble contre son volant. Elle est en vie. Et elle sourit. Plutôt pas mal comme bilan ! J’ai mis combien de temps ? Cinq minutes à peu près ? Pas mal mais peut faire mieux… On verra la prochaine fille en détresse ! Quoi que, je ne sais pas si j’ai assez de bonne volonté pour remettre ça une prochaine fois. Finissons déjà avec la demoiselle et on en reparlera après. « Excuse-moi j’ai complétement oublié de me présenter. Je m’appelle Dess, je suis en deuxième année à Wynwood. On aurait dû commencer par là. » Elle s’est détendue. J’ai même l’impression d’entendre pour la première fois sa véritable voix. La dénommée Dess m’adresse un sourire franc.

« Dess… Enchanté ! » J’essaye de mémoriser le plus rapidement son prénom. Histoire de ne pas à avoir à la tutoyer directement pour cacher mon problème de mémoire. Je n’aime pas les prénoms. C’est toujours difficile au début. Par chance, nous ne sommes que tous les deux. Je n’aurais donc pas moyen de me tromper. Mais qui sait, demain j’aurais certainement déjà oublié. Son visage, son sourire, l’intonation de sa voix, son regard quand elle exprime telle ou telle émotion… Tout ça restera graver en moi. Mais son prénom ! Quelle futilité ! Je m’appelle bien en réalité Lukas… Comme mon père. Mon putain de connard de géniteur. Désolé, beaucoup de vulgarité en une seule phrase… Je mettrai des sous dans le pot à « gros-mots ». On peut facilement comprendre, une fois que l’on connait la relation que j’entretiens avec mon père, que je préfère que l’on utilise mon deuxième prénom. Et ça depuis tout petit. Je ne voulais pas être Junior. La copie de papa. De toute façon je ne lui ressemble pas physiquement ! Et plutôt mourir que d’être comme lui à l’intérieur ! Alors c’était tranché. J’étais Jude. De toute façon Lukas, ce n’est que pour les papiers, pour flatter l’égo de papa. C’est horrible de l’appeler ainsi. Je l’ai définitivement rayé de ma vie. Ça faisait longtemps que je le pensais. Mais depuis qu’il a viré Marissa de la maison, qu’il a voulu m’étrangler, qu’il a menacé de m’emmener au tribunal et qu’il a coupé les vivres. C’est définitif. C’est terminé. Je ne suis plus son fils. Je ne le serais jamais.

On approche de ma voiture. Je vais à ma place et m’installe sur le fauteuil. « Entre, je t’en prie ! » A peine assis, mes yeux se plongent sur le tapis où Dess mettra ses pieds prochainement. Je me précipite pour enlever un paquet de gâteaux vide, une bouteille d’alcool tout aussi remplie et une chaussure. Elle est où l’autre ? Pas le temps de me poser la question. Je planque un paquet de cigarette et une brosse à dent dans la boîte à gants. Vive l’impression que je vais lui faire ! Espérons qu’elle n’est pas tout vu. J’attends qu’elle soit installée pour démarrer le contact et lancer : « Alors comme ça tu es en Junior ? Comme ma sœur. Je ne sais pas si tu la connais, elle est en B… Tu te plais à Wynwood ? C’est assez spécial comme interna… Que des élèves avec des parents aux revenus élevés, enfin pour la plupart… C’est une ambiance bien différente des écoles publiques ! » Je ne sais pas pourquoi je parle de tout ça. Pour faire la conversation sans doute… Pour savoir si c’est une fille de riche qui n’est allée que dans des établissements pour sa catégorie. Pour savoir également si elle va tiquer et faire le rapprochement avec Marissa même si je n’ai pas prononcé son nom. Après tout, Dess me connait et c’est peut-être par ma petite sœur… Elles auraient pu parler de moi. En bien ou en mal. Même si je vois mal Mari me lancer des mauvaises critiques. On se chahute, on se hait parfois mais pas de là à parler dans le dos de l’autre. Surtout pas en ce moment. On est sur la paille, sans parents, avec un frère à New-York et des petits boulots pour nous payer tout ce dont on a besoin pour vivre. Pas d’excès. Bref. Ça ne peut pas être en mal. Et par conséquent Dess ne serait pas une machiavélique prédatrice.

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« Mon carrosse nous attend, dans ce cas. »

Le jeune homme avait fait le tour de la voiture pour ouvrir la portière côté conducteur. Et dire qu’elle n’avait pas été fichue d’en prendre l’initiative, ça aurait été plutôt simple pourtant, il lui suffisait de sortir de la voiture, de la refermer derrière elle pour pas qu’on la lui vole, même si dans l’état dans lequel elle se trouvait, elle ne risquait pas d’aller bien loin en vérité. Dess rit un peu nerveusement à la blague du jeune homme et attrapa son bras en tremblant légèrement, elle ne pouvait s’empêcher de le dévisager de temps à autre, peut-être qu’il remarquerait ses petits coups d’œil en coin, mais elle trouvait tellement bizarre d’être juste à côté de lui, comme ça, maintenant… Enfin, il fallait vraiment qu’elle redescende de la planète où elle était perchée parce que partie comme elle était, il allait la ramener de ce pas à l’asile et non pas à Wynwood. Peut-être était-il en train de se demander justement comment il allait pouvoir se débarrasser d’elle le plus vite possible. Remarque, s’il avait voulu la jeter quelque part, il aurait pu le faire depuis bien longtemps. Rien ne l’obligeait à rester avec elle, rien ne l’obligeait à l’aider et finalement rien n’aurait pu le pousser à s’approcher de sa voiture dans un premier temps. Et pourtant il l’avait fait et jusqu’à preuve du contraire, elle ne lui avait pas encore prouvé sa reconnaissance. Pourtant, elle aurait dû le faire, il apparaissait un peu comme son sauveur sur ce coup-là, et même si elle devait modérer ses ardeurs pour éviter de lui faire croire qu’elle voulait l’entrainer dans une ruelle sombre pour lui sauter dessus, un remerciement ne serait pas de trop. Elle murmura donc un simple mot, en se demandant comment elle pourrait se débrouiller lorsqu’il lui faudrait faire une phrase complète, rien qu’ouvrir la bouche lui paraissait infiniment plus compliqué qu’il n’y paraissait.

« Merci. »

C’était laborieux mais c’était dit. Dess n’était toujours pas sûre de vouloir monter dans la voiture de Jude. Ce n’était pas comme si c’était un inconnu, ses parents lui avaient toujours dit de ne pas faire ce genre de chose, ses chances de tomber sur un tueur ou quelque chose dans le même gout étaient plutôt faibles mais pas négligeables et même si elle pensait le connaitre, la réciproque n’était pas tout à fait vraie. En plus, avec son portable qui ne lui servirait à rien sans batterie, elle se retrouverait dans une fâcheuse situation s’il lui prenait l’envie de la kidnapper et de l’emmener loin d’ici. Elle ne pouvait pas prévenir Zoey, ni Casey-Lee, et encore moins ses parents qui la traiteraient probablement d’inconsciente et lui diraient de ne surtout pas bouger et d’attendre qu’ils viennent la chercher. La dessus son père débarquerait avec sa voiture rutilante et elle aurait l’air d’un bébé couvé par ses parents pour le moindre petit problème, autant la faire monter dans le siège pour enfant qui se trouvait toujours à l’arrière, pendant qu’il y était. Sur cette constatation, la jeune fille verrouilla sa voiture, en s’y prenant à plusieurs reprises puisque le capteur de fermeture automatique ne marchait plus vraiment bien. En général, elle pouvait même passer cinq bonnes minutes à essayer avant de se décider à tout faire à la main. Cette fois-ci, elle avait eu plus de chance, la pauvre voiture devait se dire qu’elle avait eu son quota de ridicule pour la journée et qu’il ne lui était pas franchement utile d’en rajouter une nouvelle couche. Dess aurait presque pu embrasser le capot par reconnaissance, mais heureusement pour elle, Jude reprit la parole avant, lui évitant une énième humiliation.

« Du coup, tu as une longueur d’avance, je ne connais pas ton nom. Avec un peu de chance je suis tombé sur une sérial killeuse ! »

Eh bien, ils pouvaient au moins se vanter d’avoir pensé à la même chose, même si cette troisième pic lui rappelait qu’elle s’était complétement foiré dès le démarrage. Mais bon, perdu pour perdu, il fallait vraiment qu’elle se détende et passe à autre chose. La jeune fille ne prit même pas la peine de nier, elle avait prononcé son prénom à voix haute, il l’avait entendu, fin de l’histoire. Elle ne pouvait pas dire qu’elle avait cru qu’il s’ appelait Jude, c’était complétement insensé et elle n’était pas sûre qu’il apprécie être prit pour un total imbécile ce qui était tout à fait compréhensible. Non, la meilleure façon de faire était sans doute d’ignorer ses remarques voilées sur les connaissances un peu trop poussées qu’elle avait. Et encore… Elle ne lui avait dit que son prénom et qu’elle l’avait croisé à l’école, elle aurait pu faire tellement plus de boulettes que s’en était impression. Le coup de la serial killeuse la faisait quand même sourire. Elle n’aurait pas pu faire de mal à une mouche et qu’ils aient eu la même pensée au même moment était plutôt comique et assez rassurant en quelque sorte. S’il ne prévoyait pas de la tuer dans les minutes qui venaient et pensait même qu’elle pouvait d’elle-même prendre cette initiative, il ne devait pas présenter un grand danger potentiel. La jeune fille se détendit donc légèrement et sa voix reprit une intonation à peu près normale, loin de ce qu’elle avait pu faire jusqu’à présent. Il était vrai qu’il ne connaissait absolument rien d’elle et il était grand temps de l’éclairer un peu sur la question.

« Excuse-moi j’ai complétement oublié de me présenter. Je m’appelle Dess, je suis en deuxième année à Wynwood. On aurait dû commencer par là. »

La jeune fille adressa un sourire nettement plus franc au jeune homme. Elle n’allait pas jouer les bébés pendant cent cinquante ans, ça allait vite devenir un peu trop pesant à son gout pour elle comme pour son sauveur.

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La jeune fille semblait perdue. A peine ma dernière réplique dite, qu’elle s’agita. Comme un enfant que l’on laisse dans sa chambre le soir. Il hurle avoir peur du noir. Et alors, bouge dans tous les sens jusqu’à ce que la porte se ferme. En priant évidement pour qu’il y ait beaucoup de lumière qui passe par l’entrebâillement. Mais dans notre situation, il n’y avait aucun monstre planqué sous le lit. Enfin… Dans la voiture. Elle ne ressemble pas à une fille qui a quelqu’un dans son coffre. Et si c’était le cas, elle ne voudrait pas me retenir. Au contraire ! Alors quoi ? Il y a un homme au coin de la rue. Il s’apprête à lui sauter dessus. Mon regard va rapidement de gauche à droite. Non, personne. A part nous deux, sa pauvre voiture, la mienne pas plus réjouissante et celles des autres automobilistes. Une rue assez sombre. Je ne sais pas si on peut utiliser cet adjectif, ici, à Miami. Mais tant pis ! De toute façon, je dis ce que je veux.

Bon, elle veut de l’aide. Je peux lui en donner. Elle semble avoir besoin d’aide. Je peux assez de la calmer. Si, ce n’est pas un rôle qu’elle se donne. J’ai toujours cette idée en tête. Mais j’essaye encore de me convaincre que tous les gens ne sont pas des méchants. On ne peut pas avoir de mauvaises intentions quand on a un visage pareil ! Elle a l’air tout apeurée. Elle me fait penser à un petit animal, sur une route en pleine nuit, qui aperçoit les feux d’une voiture.
Je ne veux pas la mordre. Je ne lui sauterai pas dessus. Je ne lui signerai pas d’autographe. Je ne tuerai pas. Je ne l’embrasserai pas. Je serais tout à fait normal… Comme une jeune homme qui vient faire sa bonne action de la journée. Plutôt noble de ma part.

Je vais donc pour ouvrir sa portière. D’un geste de gentleman faussement exagéré pour une parodie plutôt drôle. A mon goût…
Mes doigts enclenchent ainsi la poignée et je tire la porte vers moi. De mon bras droit, j’invite la demoiselle à sortir. « Mon carrosse nous attend, dans ce cas. » J’attends alors qu’elle sorte pour lui dire : « Du coup, tu as une longueur d’avance, je ne connais pas ton nom. Avec un peu de chance je suis tombée sur une sérial killeuse ! »

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« Si tu le dis. Je me disais bien que je n’avais encore jamais entendu ta voix. Moi c’est Jude… Mais tu le sais, non ? Ne t’inquiète pas pour moi, mes plans sont très réduits. Et puis, il vaut mieux s’entre aider vu ce que l’on a vécu il y a peu… »

Dess rougit bien malgré elle, grillée, elle s’était grillée. En même temps, il fallait s’y attendre, ses premiers mots n’avaient pas forcément été les mieux choisi et elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même ou en tout cas au choc qu’elle avait eu en voyant apparaitre la tête de Jude à la vitre de sa voiture. Il y avait quoi ? Une chance sur un million pour que ce soit justement le jeune homme qui joue les chevaliers servants et lui vienne en aide ? Oui, ça devait être quelque chose comme ça. La jeune fille n’était pas du tout douée en maths mais le peu qu’elle connaissait lui suffisait à faire cette approximation qui avait d’ailleurs une marge d’erreur assez importante. Heureusement, Jude ne lui avait pas vraiment laissé le temps de bafouiller une maigre explication qui de toute façon ne tiendrait pas la route avant de reprendre la parole. Dess hésitait entre sauter de joie en découvrant que son frère était quelqu’un de perspicace et sûrement de très intelligent ou pleurer sur son sort et sa maladresse en constatant qu’elle avait gâché une première rencontre qui aurait dû se passer tout à fait autrement. De toute façon, elle n’avait pas de dons particuliers pour prédire l’avenir et si elle avait imaginé la conversation potentielle qu’elle aurait eu avec le jeune homme le jour J, elle ne pouvait qu’imaginer ses répliques sans pour autant savoir si elles étaient exactes ou non. Après tout, elle avait beau dire qu’elle le connaissait par cœur parce qu’elle l’avait traqué un peu partout, elle ne connaissait que tout ce qui était administratif, comme son cursus scolaire ou encore sa date de naissance, son âge, ses ambitions, son arbre généalogique, et encore… Toutes ces informations paraissaient encore bien floues dans sa tête. Seulement, aucun site internet ne lui aurait jamais donné le caractère de Jude, elle aurait beau farfouiller un peu partout, elle n’aurait jamais pu savoir qui il était en réalité avant de pouvoir le rencontrer. Il était aussi tout à fait possible qu’il prenne plaisir à jouer différents rôles, jouant avec sa personnalité pour désorienter les autres. Cette explication était un peu tirée par les cheveux, mais la Rho Kappa était bien peu sûre d’elle sur ce coup-là et ça n’allait pas forcément aller en s’arrangeant.

« Oui, j’ai du mal à réaliser que tout ça est réel… La veille tout allait encore à merveille, et maintenant… » Sa voix dérailla légèrement et elle n’était pas sûre d’aimer beaucoup ce qui pourrait suivre. « Le pire est derrière nous, il faut reconstruire et se reconstruire. »

Parler de l’accident était beaucoup plus simple pour elle que d’essayer de rattraper sa bourde. Ce n’était pas de l’irrespect pour ceux qui avaient perdus la vie dans cette catastrophe, ni pour ceux qui regrettaient amèrement une présence qu’ils avaient toujours eu l’habitude d’avoir. C’était une simple constatation, rien d’autre. Elle préférait mille fois parler de l’ouragan que de parler d’une possible rencontre antérieure qui n’avait jamais eu lieu et que Jude ne goberait certainement pas même si elle l’inventait. Ou bien elle pouvait aussi lui avouer toute l’histoire maintenant, qu’elle était sa groupie numéro un qu’elle aurait probablement vendue un bras ou une jambe pour le rencontrer et que maintenant qu’elle était en face de lui, elle perdait littéralement tous ses moyens. La pauvre fille pitoyable dans toute sa splendeur en vérité. Il était absolument hors de question qu’elle s’abaisse à ça. Et puis, le jeune homme venait de lui proposer son aide, elle aurait donc tout le loisir de se rattraper au cours de la conversation qui allait suivre, ou tout du moins elle espérait. Elle avait une tonne de questions à poser et espérait qu’elle parviendrait à les dissimuler sous un tas de banalités. C’était bien ce que l’on faisait lorsqu’on rencontrait quelqu’un pour la première fois, non ? On échangeait les petits détails d’usage, origines, nombre de frères et sœurs, âges… Elle connaissait déjà les réponses, ou tout du moins pensait les connaitre, mais il lui faudrait l’interroger comme si elle ignorait tout de lui et la tâche promettait d’être périlleuse. Dess n’avait jamais été une très bonne menteuse et le serait encore moins si elle était déstabilisée…

« Enfin, à moins que tu ne désires rester seule pour t’occuper de l’essence…»

Non ! Surtout pas ! C’était ce que Dess hurla dans sa tête à peine avait-il prononcé ces quelques mots. Elle ne tarda pas à exprimer le fond de sa pensée à haute voix, tout en tâchant de se raccrocher aux branches pour que la spontanéité et la violence de sa réaction passe inaperçu. Elle se raccrochait à Jude comme si c’était quelqu’un de beaucoup plus important qu’un simple inconnu pouvant lui venir en aide pour un bidon d’essence… Triste constatation. En même temps, ça pouvait très bien passer inaperçu puisqu’elle aurait probablement agi de cette manière avec la première personne qui lui serait tombée sous la main. Elle avait tellement peu l’habitude d’être en situation de crise qu’elle ne savait absolument pas les gérer… Enfin, situation de crise… Ce n’était pas du tout le cas, mais dans l’esprit de Dess, c’était une véritable catastrophe, peut-être pas de la même ampleur que celle de l’ouragan, qui avait quand même été assez impressionnant, mais si Jude n’était pas venu à sa rencontre, elle se serait sûrement mise à pleurer comme une madeleine sur son volant, laissant la jeune fille débrouillarde de côté jusqu’à ce qu’elle trouve la force de chercher une réelle solution à son problème. Finalement, le pauvre Jude se retrouvait face à une gamine de cinq ans complétement paumée et traumatisée par une simple petite panne d’essence, pour ce qui était de redorer un peu son image, elle n’était pas franchement bien partie.

« Non, t’en vas pas ! Enfin… Je veux dire… Je ne serais pas contre un peu d’aide. »

Son problème de voiture avait tout de même pris un peu moins d’ampleur avec l’arrivée de Jude. Maintenant, elle avait un problème plus important. Elle devait le retenir coute que coute, quoi qu’il arrive, il ne devait surtout pas s’en aller…

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J’attends sa réponse avec une impatience bien dissimulée. Je veux en savoir plus. Qui est-elle ? Comment connait-elle mon nom ? Nous sommes nous déjà croisés ? Est-elle une espionne ? Je trépigne déjà d’impatience. Il faut définitivement que je me calme. Inspiration. Expiration. Observation. Inspiration. Expiration… Elle n’ouvre toujours pas la bouche. Son silence en dit long pour moi. Je suppose qu’elle cherche les bons mots, la bonne excuse. Si la réponse aurait été claire, elle aurait été donnée très rapidement et de la manière la plus naturelle du monde. Or ce n’était pas le cas. La demoiselle réfléchit. Est-elle stressée ? A-t-elle une raison de l’être ? Je lui ai probablement fait peur. Ou bien peut-être a-t-elle entendu des rumeurs me concernant. Une de ses amies me connait et m’a pointé du doigt en lançant des tas d’insultes. Ou bien elle me voue un culte. Non, cessons de divaguer. Elle ouvre la bouche. Hourra ! Va-t-elle me laisser entendre à nouveau le son de sa voix ? Attention… Un petit moment de suspens.

« Je suppose, on est dans le même lycée. J’ai dû te voir une fois ou deux, ou je crois, mais on ne s’est jamais adressé la parole avant aujourd’hui, je m’en souviendrais. » Je fronce un sourcil. En quelques mots elle arrive à dire des certitudes puis les nuances de manière totalement contradictoire et fausse. Elle suppose puis affirme que l’on est dans le même lycée. Elle croit m’avoir vu mais est certaine de ne pas m’avoir parlé. Et puis… Sinon elle s’en souviendrait. C’est le plus perturbant. On dirait qu’elle parle à quelqu’un de très charismatique, séduisant, célèbre ou tout autre chose qui marque un inconnu lors du premier échange de mots avec la dite personne. Or, je ne suis rien de tout ça. Je ne me considère pas comme un tombeur de dames, même si Isabelle est « amoureuse » de moi, que Grace m’offre un strip-tease à notre première rencontre et que Cassie me dit toujours que je suis beau ou autre… Enfin. Ce ne sont pas des exemples. Après la beauté est très différente selon les visions. Mais je ne vais pas débattre là-dessus. En ce qui concerne le charisme, je sais que je peux attirer l’attention d’une foule comme me faire discret. Je pense que ma façon d’être peut être une bonne chose. Dans certain cas. Mais je ne suis nullement remarquable aux lycées. Et pourtant… Pourtant elle me parle comme à la mascotte du lycée. Ou bien le Roi de la promo. D’ailleurs je ne m’y inscrirai jamais ! Je suis loin d’être comme ça. Les coutumes américaines me dépassent largement. Surtout celles du lycée ! Ce milieu si hostile, se basant uniquement sur l’apparence et où les comportements sont influencés.

« Si tu le dis. Je me disais bien que je n’avais encore jamais entendu ta voix. Moi c’est Jude… Mais tu le sais, non ? » Je souris, presque taquin. Je lui aurais bien serré la main, histoire de rendre le moment un peu plus grotesque. Je ne me moque pas d’elle ! Attention. Je plaisante gentiment. C’est pour détendre l’atmosphère. Bon, c’est vrai que j’ai un humour très peu compréhensible. Alors ce n’est peut-être pas la bonne solution. Tant pis.
Je ne lui laisse pas le temps de répondre, car immédiatement je reprends : « Ne t’inquiète pas pour moi, mes plans sont très réduits. Et puis, il vaut mieux s’entre aider vu ce que l’on a vécu il y a peu… » Je fais référence à l’ouragan. Marissa m’a fait réfléchir à ce sujet. On devrait savoir plus souvent tendre la main aux autres et les laisser nous aider. Dire tout haut ce que l’on pense tout bas, accepter les sourires, ne pas vivre seul dans son coin.

« Enfin, à moins que tu ne désires rester seule pour t’occuper de l’essence…»

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Le jeune homme ne sembla plus perturbé que ça par son bégayement, et elle retint non sans mal le soupir de soulagement qui voulait à tout prix franchir ses lèvres. Elle avait été sacrément nulle sur ce coup-là. Elle ne le connaissait pas, ou en tout cas seulement de nom, il n’avait probablement jamais entendu parler d’elle et il n’avait pas eu l’air d’être frappé par une illumination divine en apercevant son visage derrière la vitre. Donc il ne l’avait jamais remarqué… Bravo Dess excellente déduction. En même temps, c’était probablement le cas de la plupart des élèves de Wynwood, l’école était tellement grande ! Il était quasiment impossible de rencontrer tout le monde et surtout de se rappeler de tous les visages croisés à un moment ou à un autre. D’autant plus que Jude n’avait pas son âge, ils n’avaient aucun cours en commun ce qui ne leur facilitait pas la tâche. La jeune fille avait déjà essayé de provoquer une rencontre, mais elle reculait toujours au dernier moment, trouvant en permanence une excuse bidon pour ne pas faire le premier pas. Jamais elle ne s’était attendu à faire sa connaissance dans ses conditions et ne savait pas trop comment il allait se comporter avec elle. Dess espérait de tout son cœur que tout allait bien se passer, il fallait que ça se passe bien, comme ce qu’elle avait imaginé en boucle dans sa tête, il n’y avait pas de raison pour qu’il en soit autrement.

« Tu as oublié de faire le plein d’essence ? Bravo ! Si tu en es sûre, je peux t’emmener dans une station essence. Tu en mets suffisamment dans un bidon et on revient ici et… Le tour est joué. Question de mathématique. »

La jeune fille lui accorda son premier sourire, il n’était pas encore très large mais c’était déjà mieux que la tête de gamine perturbée qu’elle lui avait servi dans un premier temps. Il était pile poil comme elle avait voulu. Attentionné, serviable. Il était prêt à lui apporter son aide alors qu’il ne la connaissait même pas. Ce n’était pas comme ça avec tout le monde. Il aurait été tellement facile pour le jeune homme de tout simplement rigoler, faire demi-tour et la planter là. La prochaine station-service ne devait pas être bien loin de toute façon, elle était peut-être une fille, et pas un gros gabarit qui plus était, mais elle n’était pas en sucre. Rien ne l’aurait empêché de se bouger le cul de son siège, de marcher et de transporter le bidon d’essence jusqu’à sa voiture. Une panne sèche n’avait rien de très problématique lorsqu’on y réfléchissait bien. Seulement, la Rho Kappa avait simplement pris plus de temps pour paniquer que pour réfléchir, et c’est seulement les paroles de Jude qui lui firent réaliser à quel point elle devait être pitoyable dans cette situation. D’habitude, les jeunes filles en panne au bord de la route draguaient les beaux jeunes hommes pour qu’ils leur viennent en aide, et elle se contentait de bafouiller deux ou trois mots en essayant le plus possible de contenir ses émotions pour ne pas se mettre à pleurer de soulagement dans les bras de son sauveur. Seulement, Jude avait quelque chose de rassurant, il lui inspirait confiance et déjà son rythme cardiaque ralentissait.

« J’en suis sûre et ça craint. » La jeune fille marqua une pause, assimilant sans peine la bêtise dont elle avait fait preuve. « Ça ne te dérange pas de m’y emmener, tu as probablement d’autres plans pour la soirée. Je devrais sans doute savoir me débrouiller. »

Simple constatation. Oui elle devrait savoir se débrouiller, mais non elle n’en était pas capable et c’était difficile de ne pas en pleurer. Quel âge avait-elle ? Ah oui, seize ans et pas cinq. Pourtant, elle pouvait être tellement débrouillarde lorsqu’il s’agissait de mener une équipe de volley, de préparer un planning pour ses entrainements sportifs, de donner un coup de main à ses parents pour avoir sa nouvelle voiture… Mais elle était comme ça, une fois elle se comportait comme une personne mûre avec des années de vécus derrière elle et la fois suivante elle agissait en gamine, et c’était tellement flagrant qu’elle s’étonnait encore que les passants ne lui donnent pas une sucette dans la rue. Enfin, peu importe, Dess s’aimait comme elle était et ses amies aussi apparemment bien que beaucoup d’entre elles cherchent à la faire sortir de sa petite bulle pour s’ouvrir un peu au monde des adolescents qu’elle n’avait jamais réellement côtoyé. Lorsqu’il y avait une fête en préparation, tout le monde en parlait, il y avait les tenues à choisir, savoir qui serait présent ou qui serait exclu, si les boissons seraient alcoolisées et ce que l’effet de l’alcool pourrait avoir… Mais c’était à peine si elle se rendait compte de l’existence de la dite soirée. Parfois, elle faisait une exception pare que Zoey ou Casey le lui demandait, ou bien elle se rendait compte que Trevor allait être de la partie et elle venait rien que pour pouvoir le contempler de loin sans jamais oser lui parler. Finalement, elle était bien mieux à courir sur sa plage, elle était dans son élément au moins et rien ni personne ne pouvait la mettre mal à l’aise.

« Au fait, on se connait ? On s’est déjà croisé, non ? »

Là par exemple, elle aurait vendu père et mère pour se retrouver à des kilomètres d’ici. Qu’est-ce qu’elle pouvait bien répondre à cette question ? Oui, ils se connaissaient, enfin non, ils ne se connaissaient pas, peut-être ? Peut-être pas ? C’était ridicule, ils ne pouvaient pas se connaitre sans se connaitre et c’était pourtant la réponse qu’elle avait envie de lui apporter. Ils n’avaient absolument aucun lien, ne s’étaient jamais vu de leur vie et pourtant, elle le connaissait, elle avait fait tout un tas de recherche sur lui et avait appris tout un tas de choses. Pouvait-elle réellement lui expliquer ça ? Non, certainement pas, il la prendrait seulement pour une groupie totalement folle et ne lui adresserait plus jamais la parole de toute sa vie. Elle ne pouvait pas prendre ce risque. Il était tout près d’elle, plus près qu’il ne l’avait jamais été. C’était une occasion en or pour Dess, elle allait enfin pouvoir discuter avec celui qu’elle considérait comme son idole, c’était un sentiment étrange, elle avait des papillons dans le ventre. Il fallait qu’elle ouvre la bouche, qu’elle forme des mots sur ses lèvres, qu’elle tente de faire preuve de naturel, ce n’était pas évident mais elle pouvait y arriver. En tant que comédienne, elle était sacrément nulle mais c’était le moment de faire ses preuves. Ils ne s’étaient jamais rencontrés, jamais, jamais et ce n’était pas un mensonge, pas du tout.

« Je suppose, on est dans le même lycée. J’ai dû te voir une fois ou deux, ou je crois, mais on ne s’est jamais adressé la parole avant aujourd’hui, je m’en souviendrais. »

« Je m’en souviendrais »… Non mais quelle idiote ! Il allait s’imaginer des choses, tout un tas de choses qui ne lui étaient même pas passées une seule fois par la tête. Elle ne pourrait pas l’en blâmer, il avait en face de lui une simple fille bizarre, il n’était pas dans sa tête, il ne pouvait pas comprendre, si seulement il avait pu…

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Je me penche un peu plus contre la vitre. Mes mains sont appuyées contre le dessus de la voiture. Par malheur le soleil se reflète légèrement contre le verre et je ne vois toujours pas très bien. Évidement je distingue des formes mais pas de mouvements. J’attends encore un peu. Pas de réactions… Ok, j’ai dû faire peur à la fille. Je savais que mon look effrayerait la première âme, un peu sensible, venue. Je soupire, exaspéré. Prêter main forte c’est définitivement pas pour moi. Et quand je me dis que je n’attendrai plus que deux secondes, je perçois un mouvement. Bon, attendons plutôt cinq secondes. La vitre bouge enfin. Progressivement elle descend. Victoire ! Ou pas d’ailleurs… Je vais peut-être me prendre une insulte et une gentille demande toute polie pour que j’aille voir ailleurs. Ou bien que la personne que j’ai pris pour une jeune demoiselle en détresse et un vieux rockeur maigrichon aux cheveux longs… Allez savoir !

Finalement, je peux confirmer que c’est bien une fille ! Une très charmante demoiselle. Peu souriante par contre. Mais ça, je ne vais pas le critiquer. Je ne suis généralement pas mieux avec les inconnus. Disons que dans mon cas, je m’y oblige. C’est ça de vouloir toujours jouer avec les apparences et les mots pour manipuler ! Même si je préfère jouer avec les mots et deviner ce qu’il se passe à l’intérieur des têtes de mes interlocuteurs.
Là, c’est plutôt compliqué. J’attends d’entendre sa voix et surtout de savoir ce qu’il lui arrive. Je viens de me coller l’étiquette du gentil gentleman. Et si je joue avec ça ? Oui… J’ai bien envie de faire ça ! Je vais être charmeur, adorable et irrésistible !

« Oh mon Dieu ! Jude… Je veux dire… Bonjour… Euh non… Enfin, oui… Je suis en panne, enfin je crois… Je sais pas, je sais plus… »

Changement de plan ! Elle vient de bafouiller mon nom. C’était un petit son presque inaudible mais je l’ai quand même entendu. Je suis pratiquement sûr de n’avoir pas rêvé. Qu’aurait-elle pu dire à la place. Elle me connait ? Et si elle me connait, je ne peux pas jouer un rôle. J’observe avec plus d’attention son visage. Sa voix m’est totalement inconnue, son visage également. Une brune avec des yeux légèrement en amende, une peau lisse, des lèvres bien dessinées qui doivent offrir un sourire parfait. Et de splendides cheveux sombres. J’ai toujours préféré les brunes. Elle a quelque chose de particulier. Elle a un truc en plus. Des origines particulières peut-être… Dans tous les cas, je suis certains de ne l’avoir jamais croisée. Je n’ai pas la mémoire des prénoms, mais les visages restent gravés en moi. Et elle… Il y a un truc mais je ne sais pas quoi.
Ce qui me perturbe le plus, c’est la confusion dans laquelle elle est plongée. Je ne sais pas si c’est moi ou le fait qu’elle soit en panne. Je l’impressionne ? Je lui fais peur peut-être…

La demoiselle se reprend après plusieurs respirations. Je n’ai rien dit, sans doute trop aspirée par ma contemplation. Observation qui est restée discrète et loin d’être insistante ! Je tiens à le préciser.
Elle m’annonce un problème d’essence. C’était tout ? Juste de l’essence ? Ça serait sans doute réglé rapidement… De plus, elle ajoute qu’elle n’est ni douée en maths ni en mécanique. Et bien au moins nous n’avons pas de points communs ! Ce n’est donc pas ça qui nous rapproche non plus… Je ne sais définitivement pas ! Et ça me perturbe horriblement ! J’ai peur de faire une gaffe. Ou bien est-ce un piège ? Peut-être qu’elle s’est renseignée et toute cette mise en scène si clichée n’est qu’un traquenard ! Elle aurait été payée par quelqu’un… Mais qui ? Mon père ? Seyton ? Je secoue la tête. C’est trop bizarre. Je vais garder un peu de distance. Ou alors je joue le jeu… Je fais semblant de tomber dans le panneau ! Oui, c’est pas mal ça !

« Tu as oublié de faire le plein d’essence ? Bravo ! Si tu en es sûre, je peux t’emmener dans une station essence. Tu en mets suffisamment dans un bidon et on revient ici et… Le tour est joué. Question de mathématique. »
Un petit sourire taquin vient s’afficher sur mon visage. J’attends de voir ce qu’elle en pense. C’est quand même grotesque de se garer et de continuer de rouler sans penser à regarder sa jauge d’essence. C’est quand même primordial ! Et puis au bout de longues journées on a le réflexe de se dire qu’il faudrait faire le plein… Ou bien elle a une fuite… Ou encore… Je ne sais pas. Si c’est un mensonge, elle aurait pu trouver mieux !

« Au fait, on se connait ? On s’est déjà croisé, non ? »
Simple technique. Je lui fais croire que je me souviens de son visage pour qu’elle m’avoue que l’on s’est déjà parlé et hop le tour est joué !

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Dess hésite entre la panique, l’exaspération et le désespoir. Cette fichue voiture… Elle était tellement fière de lavoir pourtant, elle est toute neuve, enfin, toute neuve pour elle puisqu’elle reste d’occasion mais lorsqu’on reçoit un cadeau on ne se plaint pas des kilomètres déjà parcouru par le dit cadeau d’autant plus qu’elle n’a pas vraiment eu à la payer finalement. Mais le problème était qu’elle pensait pouvoir tenir un peu plus de temps avant de commencer à avoir des problèmes. Ou bien venir accompagnée comme elle le faisait d’habitude. La Rho Kappa avait toujours eu peur qu’il lui arrive une tuile et pouvoir se protéger derrière quelqu’un dans ce genre de moment était toujours quelque chose de rassurant, au moins ils étaient deux dans la merde, deux à avoir une solution à trouver et deux à réussir enfin à s’en sortir. Plus tard, ils pouvaient rire de leur mésaventure et tout cela devenait carrément moins stressant lorsque les appréhensions étaient divisées par deux. Sauf que cette fois-ci elle était toute seule. Il n’y avait pas de Casey-Lee pour lui porter secours, Zoey était loin elle aussi et elle ne se voyait pas l’appeler pour lui demander son aide. Dess avait toujours réussi à prouver que malgré les années qui défilaient et la maturité dont elle pouvait faire preuve en regardant son année et son cursus, elle se comportait toujours comme une gamine lorsqu’il s’agissait de faire preuve d’autonomie et elle voulait bêtement montrer qu’aujourd’hui serait une exception. La jeune fille n’avait pas beaucoup de choix différents finalement, soit elle dormait dans sa voiture, ce qui n’était pas une perspective très réjouissante d’autant plus que celle-ci ne démarrerait pas plus le lendemain et qu’elle avait tout de même des cours auxquels il fallait assister, puisque malgré son peu d’assiduité, elle tentait tout de même de suivre son emploi du temps à la lettre. Non, il fallait vraiment qu’elle trouve de l’aide. La jeune fille fit alors ce que toute adolescente normalement constituée aurait fait à sa place, elle sortit son téléphone portable pour tenter de téléphoner à un dépanneur et peut-être en temps utile à ses parents pour qu’ils fassent le trajet de Coconut Grove au centre-ville et la redéposent à l’école. Seulement, elle fut confrontée à un problème de taille… La batterie. Un problème n’arrive jamais seul n’est-ce pas ? Et cette fois-ci c’était deux énormes tuiles qui venaient de lui tomber dessus au même moment. Dess laissa tomber son téléphone sur le siège passager avant de cogner une nouvelle fois sa tête contre le volant, bien décidée à ne pas la relever cette fois-ci. Elle ne se voyait absolument pas sortir dans la rue pour implorer de l’aide, jouer de ses charmes pour qu’on lui prête un téléphone, elle était bien trop timide pour faire un truc pareil. Son cœur battait la chamade, elle était dans la merde, et ne savait plus du tout quoi faire pour le coup. Elle aurait pu d’ailleurs rester longtemps dans cette position, bien trop paniquée pour réfléchir, lorsqu’un bruit la fit relever la tête. Quelqu’un frappait sur sa vitre et pas n’importe qui en plus…

« Besoin d’un coup de main ? »

Jude. Jude en personne. Le garçon qu’elle rêvait de rencontrer depuis son arrivée à Wynwood, si elle avait été paniquée jusqu’ici, c’était encore pire à présent. Elle resta sans voix un long moment, se contentant de dévisager le jeune homme alors que son cœur allait se décrocher de sa poitrine. Il fallait qu’elle réagisse sauf qu’elle était incapable de prononcer le moindre mot. Au bout de quelques secondes qui lui parurent tout bonnement interminables, elle se pencha vers la porte du côté passager pour actionner la vitre et la faire descendre, se retrouvant ainsi face à son interlocuteur. Allait-il prendre son absence de sourire et son air atterré pour de la méfiance ? Probablement, quelle crétine ne se serait pas réjoui de trouver enfin un sauveur ? Il n’y avait certainement qu’elle pour se comporter de cette manière. Il fallait qu’elle trouve quelque chose à dire, qu’elle reprenne enfin ses esprits. Un peu de courage ! Sauf que c’était plus facile à dire qu’à faire. Dess était perdue, complétement perdue et les premiers mots qui sortirent de sa bouche furent presque inaudibles. Sa phrase n’avait absolument aucun sens.

« Oh mon Dieu ! Jude… Je veux dire… Bonjour… Euh non… Enfin, oui… Je suis en panne, enfin je crois… Je sais pas, je sais plus… »

Elle n’était pas censée connaitre le prénom du jeune homme. Si elle l’avait déjà repéré de loin à l’école, la réciproque ne devait pas être vrai, après tout, elle était une fille banale, invisible, insignifiante et ils étaient bien loin de Wynwood, il y avait peu de chance pour qu’elle tombe sur quelqu’un venant de la même école qu’elle et pourtant… Seulement, elle ne pouvait pas se permettre de se laisser aller de cette façon. Et dire que ça faisait un an qu’elle répétait presque tous les jours le discours qu’elle servirait au jeune homme lorsqu’elle le rencontrerait enfin. Dess se comportait avec lui comme une groupie voyant enfin une rock star de ses propres yeux et c’était tout bonnement pitoyable. Inspirer et expirer. Reprendre ses esprits, voilà ce qu’il lui fallait. Il était venu l’aider pour sa voiture, rien de plus. Elle était une jeune fille normale et non pas une folle tout juste bonne à se laisser enfermer à l’asile. C’était pourtant l’image qu’il allait avoir d’elle après la superbe démonstration qu’elle venait de lui dire. La Rho Kappa respira donc un grand coup avant de reprendre une fois de plus la parole, mais sur un ton un peu plus serein cette fois-ci, contrastant aisément avec ce qu’elle ressentait. Intérieurement, elle n’en menait toujours pas large.

« Pardon. Je crois que ma voiture est en panne. C’est peut-être un problème d’essence, mais je suis aussi douée en mathématique qu’en mécanique et mon portable n’a plus de batterie. Je suis bloquée. »

Elle avait parlé un peu rapidement, mais c’était déjà mieux que l’atroce bégayement qu’elle lui avait infligé il y a quelques secondes. Elle ponctua ses paroles par un petit sourire gêné, espérant que Jude ne repartirait pas en la laissant en plan ici puisqu’il était malheureusement son seul espoir…

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Destruction. Catastrophe. Pertes. Dégâts. Dommages. Victimes. Blessures. Les mots reviennent en boucle dans toutes les conversations. Et moi j’essaye d’effacer des images de ma tête. Comme celle de ma sœur en train d’embrasser mon pire ennemi. J’essaye de ne pas y penser. Mais comment ? Elle se réfugie dans les bras d’un gars qui me rabaisse, qui a failli tuer une fille qui est amoureuse de moi et avec qui j’ai constamment envie de me battre. Si vous voyez le genre… Ma mâchoire se crispe rien qu’en y pensant. J’essaye de me dire que si elle est heureuse ainsi, je dois l’être pour elle et que je n’ai pas à agir dans cette relation. Mais c’est Seyton ! Je… Je n’arrive pas à me résigner. Enfin, si. Mais par période. A certains moments ma révolte refait surface. Je ne parviens pas à comprendre ce qui peut lier ma sœur à ce type. Puis je me calme et j’essaye d’accepter. Mais pour ça j’ai besoin d’air. Besoin de me vider la tête. J’ai passé mon temps à nettoyer les dégâts. J’essaye de redonner son allure à notre lycée. Pas simple… J’ai régulièrement envie de baisser les bras. Mais si tout le monde réagit ainsi, nous ne sortirons jamais de ce cauchemar. Et puis, Miami vit beaucoup grâce au tourisme, cette ville est pleine de petits vieux qui profitent de leurs derniers jours au soleil… Alors la ville retrouverait son apparence si parfaite pour le mois de juillet. Il y aurait encore des traces, j’en suis certain mais ce sera très discret. Comme le maquillage qui cache les défauts des filles. Et je ne m’inquiète encore moins pour Wynwood, avec le fric qu’a la plupart des élèves de cet établissement, il y aura de quoi payé du personnel pour remettre tout en place. Je ne fais plus parti de cette catégorie depuis que mon père m’a coupé les ponts. J’ai un boulot. Je bosse avec Aaron, un type génial… Je n’ai pas eu de nouvelles de lui depuis l’ouragan, je devrais peut-être l’appeler. J’ai complètement oublié. Je me suis tellement focalisé sur Marissa et ses problèmes. La boîte où je travaille à fermer le temps des réparations. C’est le cas de pas mal d’entreprises, de boutiques, de restaurants… C’est normal après tout. Même si la vie continue. Je suis d’ailleurs passer voir s’il avait besoin de moi aujourd’hui. Ils m’ont répondu par la négative. J’essaye au maximum de faire le moins de trajet possible, histoire de ne pas consommer trop d’essence. Je me demande s’il ne serait pas plus raisonnable de vendre ma moto. Ça pourrait me rapporter un peu d’argent. Mais j’y tiens à cette bécane. Je me souviens du jour où j’ai fait monter Kaylee dessus. Bizarrement je repense régulièrement à cette journée. C’est comme qui dirait gravé dans ma mémoire. C’était tellement exceptionnel. La laverie, la moto, le bar, les hotdogs, les dauphins et j’en passe ! Je suis heureux d’avoir rencontré cette demoiselle. Je pense à elle alors que je gare ma voiture dans une rue un peu éloigné de tout. Je file ensuite à la recherche d’un cadeau. Un bijou peut-être, je ne sais pas encore… C’est pour Angie. Elle est née le 9 juin. Je ne sais pas si je pourrais lui offrir à temps. Avec l’ouragan j’ai complètement oublié de lui préparer un petit quelque chose. Alors je le fais au dernier moment. Je pourrais peut-être lui acheter un vêtement pour bébé. Elle est enceinte… Je secoue la tête. Je ne comprends vraiment plus cette fille. Elle n’est pas soudée de la même façon au groupe. Elle est en position de recul. Peut-être devrions-nous l’évincer… Mais ce serait prendre le risque qu’elle se rebelle contre nous et qu’elle nous balance. Non. Je ne peux pas m’aventurer sur ce terrain-là. Définitivement.

Je passe donc d’une boutique à l’autre. Sans vraiment d’idée. Je cherche. J’envoie un texto à Cassie pour savoir si elle a prévu un truc. Pas de réponse. Je finis par acheter quelque chose. 5 cookies et un sandwish à la boulangerie. Oui, j’ai faim. Ça ne m’aide pas vraiment mais ça calme mon estomac. Déjà une bonne chose, non ?
J’ai quand même un truc. Des petits chaussons et un bracelet où elle pourra rajouter des pendentifs. Ceux qui lui plairont. Comme la première lettre du prénom de son enfant. C’est peut-être nul comme idée mais je n’ai pas trouvé mieux. Et je ne pouvais pas me ruiner. Bref. Je retourne à ma voiture. Tranquillement, deux sacs ridicules dans la main droite alors que l’autre se cache dans ma poche. J’aperçois, de loin, une fille qui claque le capot de sa voiture. C’est peut-être un truc de mec, mais je suis toujours intriguée quand une fille s’intéresse à la mécanique. Non, je rigole. Je sais que beaucoup de garçons sont influencés par cette vision. Et ayant assez de recul, ça me fait rire. D’abord parce qu’ils vont tous vouloir s’approcher et proposer leur aide. Parce que ce sont des hommes et qu’ils se doivent d’aider une femme en cas de problème. Là deux solutions sont possibles. Soit la fille s’y connait et devient alors le grand fantasme du monsieur qui ne fait que baver tout le long de la démonstration. En supposant depuis le début que la demoiselle est agréable à regarder, et encore plus si elle porte un short. Soit, la fille ne s’y connait vraiment pas en mécanique. Et là… Sortez les lunettes de soleil, protégez vos yeux… Il va sortir le grand jeu. Tellement cliché comme scène !

Je me dirige vers ma voiture, ouvre le coffre et dépose les sacs avant de refermer. Je jette un coup d’œil à la voiture garée un peu plus loin. Elle n’a toujours pas démarré. La fille a même abandonné sa recherche de problème sous le capot. J’entre dans ma caisse, allume le contact et la radio par la même occasion. Je commence à démarrer.

Oh et puis merde ! La voiture n’a pas bougée, la fille non plus. Elle est toujours là-bas. Je sens curiosité monter. Je lâche un long soupire et ressort de ma caisse. Je m’approche en secouant la tête. On aura tout vu ! Moi qui prête main-forte à quelqu’un ! N’importe quoi ! Mais bon, c’est une fille, sa caisse ne démarre pas et ce n’est pas la rue la plus surveillée de Miami. D’ailleurs je pourrais lui faire peur avec ma tête de gars mal réveillé. Faut dire que je ne me suis pas rasé depuis deux jours, que mes converses sont dans un état pitoyable et que j’ai le même tee-shirt depuis trois jours. Merci l’ouragan qui a renversé mon armoire, salit mes vêtements et mis en panne ou casser la plupart des machines à laver que je connaisse ! Oui, j’ai des mains, du savon et un lavabo… J’aurais pu le faire à la main. Mais tout ce qui me manque c’est du temps ! Quoi que. J’aurais pu le faire aujourd’hui. Bref. Je n’ai pas d’excuse valable à part que je sois un homme et un feignant en ce qui concerne certaines tâches ménagère.

Je toque à la vitre de l’auto, qui semble en panne, enfin celle qui ne démarre pas depuis mon arrivé dans la rue. « Besoin d’un coup de main ? » J’essaye de lancer un gentil sourire, histoire de ne pas faire peur à la demoiselle. Je ne l’aperçois pas très bien à travers la vitre…

Invité

L’orage avait décidément fait beaucoup de dégâts et malgré le temps qu’elle avait passé avec Trevor à remettre le bâtiment de la confrérie en état, elle avait l’impression que Wynwood ne retrouverait jamais vraiment son ancienne apparence, c’était assez frustrant. Bien sûr, tout le monde avait fini par reprendre le cours de son quotidien, mais elle trouvait l’atmosphère légèrement différente, peut-être tout simplement parce qu’elle avait été plus affecté qu’elle ne voulait le laisser paraitre. Ce qui la dérangeait avant tout était de ne pas avoir été présente. En même temps qu’aurait-elle pu faire de plus ? Une petite crevette face à un ouragan, c’était ridicule lorsqu’on y songeait, elle n’avait rien d’une héroïne et n’avait pas pris la fuite en connaissance de cause. C’était en tout innocence qu’elle était retournée chez ses parents, sans prévoir une seule seconde ce qui allait se passer lorsqu’elle aurait mis les voiles. Elle avait ensuite rappliqué le plus rapidement possible en réalisant ce qu’il s’était passé et que le chef de confrérie aurait probablement besoin de son aide pour faire l’inventaire des dégâts et même l’aider à remettre tout à neuf ou en tout cas à commencer… C’était un long processus, aussi bien dans la tête des élèves que matériellement parlant. Il était évident que malgré les sourires et les fous rires de certains, Wynwood avait été ébranlé et mettrait du temps à s’en remettre. En général, Dess essayait de ne pas mentionner cet épisode avec ses proches, elle ne voulait pas entendre la même histoire encore et encore ni revoir les mêmes images assez dures à la réalité. On pensait que ce genre de chose ne pouvait arriver qu’aux autres avant qu’il nous tombe réellement dessus, ce n’était pas la première fois qu’elle pensait à ça, les histoires d’accidents, elle en avait assez, ne voulait surtout pas en entendre parler, plus jamais.

Aujourd’hui, elle avait donc décidé de s’aérer un peu et de se changer les idées par la même occasion, elle était donc partie assez tôt dans la matinée et avait pris la direction du parking. Ses parents avaient profités de sa venue à la maison pour lui faire la surprise de lui offrir sa première voiture et elle en était plutôt fière. Bon, certes, la plupart des élèves étant très riches, ils avaient droit à des bagnoles luxueuses, mais ses parents tenaient à ce qu’elle fasse les choses par elle-même et mis à part les frais de scolarité qu’ils avaient bien voulu dépenser de leur poche, ils avaient tenu à ce qu’elle accomplisse plusieurs tâches dans la maison ou pour ses voisins avant qu’elle obtienne sa voiture d’occasion. La jeune fille en était absolument ravie. Et dire qu’elle se payait en permanence les interminables trajets en bus pour rendre visite à ses parents à Coconut Grove, cette fois-ci, elle pourrait simplement s’assoir derrière le volant dès qu’elle aurait envie de leur faire coucou. C’était donc une journée merveilleuse qui s’annonçait, elle pouvait être totalement autonome, sa journée ne dépendait pas des horaires des bus et elle en était ravie. Elle passa donc une bonne partie de celle-ci à flâner dans les boutiques puis elle la termina en mangeant une glace et en se promenant sur la plage. Elle finit par retrouver sa voiture assez tard dans la soirée, qu’elle avait garée dans une rue peu éclairée, après quelques minutes à tourner en rond en pestant contre la circulation dans les rues de Miami. Bref, tout était donc très positif et tout aurait d’ailleurs pu le rester, si elle n’avait pas eu un problème de taille une fois assise derrière le volant. A plusieurs reprises, elle essaya de mettre le contact, mais la voiture se contentait de toussoter sans véritablement démarrer. Ses connaissances en mécanique étaient absolument inexistantes et bien qu’elle ait eu son code et son permis assez récemment, elle s’était empressée d’oublier toutes les informations qu’on lui avait enseigné ce qui la laissait dans un sacré pétrin. Evidemment, son premier réflexe fut de faire le tour de la voiture, elle ouvrit même le capot pour scruter le moteur d’un œil amateur et totalement inapte à déceler un quelconque disfonctionnement. La jeune fille finit par se rassoir, tout en posant les deux mains sur le haut du volant et la tête entre ses deux bras, complétement désarmée face à une situation qu’elle n’avait jamais eu l’occasion de vivre.

« Merde, merde, merde, merde… »

Et maintenant ? Il lui fallait réfléchir attentivement pour trouver une solution potable… Mais il y avait un hic, elle était absolument nulle lorsqu’il s’agissait de sortir des sentiers battus et de faire de nouvelles choses sans qu’elles aient été prévues des semaines ou des jours à l’avance.