« Mon nom est Cade Stewart et voici mon histoire..
Et ben quoi ? Il fallait bien un début théâtral, histoire d'enjoliver les choses, car, croyez moi, ma vie n'a pas été facile... Enfin, vous me direz, on peut toujours trouver pire que soi ! Bref...
« Toute vie a un commencement »
Commençons par le début : mes parents.
Une jolie rousse au regard sombre, ma mère était irlandaise d'origine, immigrée aux Etats-Unis, sans doute pour trouver une vie meilleure, rêve qui ne se réalisa pas vraiment car elle épousa un pauvre américain de la banlieue de Chicago. Ce dernier, dont je suis le portrait craché (à part mes yeux) travaillait dans une usine de pièces détachées automobiles. Mes parents n’ont jamais roulés sur l’or et ma mère, pour arrondir les fins de mois, s’était trouvé un job de caissière à mi-temps dans la superette du coin…
Après seulement six mois de vie commune, elle tomba enceinte de son premier enfant, elle n’avait alors que 20 ans à l’époque.. Neufs mois plus tard, Chris poussait son premier cri. Pour subvenir aux besoins de sa petite famille, mon père se trouva un deuxième travail : gardien de nuit dans un parking.. Ma mère ne le voyait désormais plus que quelques minutes dans la journée, soit tard le soir, soit tôt le matin.. Et ce train de vie dura un an avant que mon père ne se fasse licencié de son premier boulot. Il pu alors se consacrer un peu plus à sa femme et à son fils… Chose qui entraîna une seconde grossesse… Et Denzel naquit huit mois après, légèrement en avance.. Bientôt la famille dû déménager dans un appartement plus petit, plus minable, plus crasseux, l’argent manquant cruellement.
C’est a cette époque que mon père commença à préparer ses plans foireux.. Livraisons de marchandises de moins en moins claires à des types de plus en plus louches, ce genre de choses.. Il faisait ce qu’il pouvait pour ramener du fric à la maison, on ne peut pas lui en vouloir.. Et même si ma mère désapprouvait au plus au point, elle n’en touchait mot à quiconque, élevant Chris et Denzel avec tout l’amour dont elle était capable..
Il fallu attendre encore trois ans à ce train de vie là, pour que je pointe enfin le bout de mon nez, un printemps de l’année 1984… Je vous épargne, comme pour mes frères, l’épisode des pleurs, des biberons et des couches, ça n’apporte pas grand chose à l’histoire…
Trois ans s’écoulèrent encore, trois ans où mon père enchaîna petits boulots sur petits boulots, plus ou moins honnêtes selon ce qui se présentait. Chris eut alors huit ans et ma mère estima qu’il était assez grand pour s’occuper de ses petits frères. Elle prit un job dans une usine de cosmétiques, travaillant de cinq heures le matin à seize heures l’après midi. Chris, lui, nous emmenait à l’école le matin et tentait de nous protéger comme il pouvait.
« Les années passent et rien n’est rose pour les malchanceux »
Nous grandîmes et notre vie ne s’améliora pas.. Un jour deux flics vinrent sonner chez nous… Evidemment, ce n’était pas une visite de courtoisie. Il venait arrêter mon père pour vente illégale de stupéfiants. Ma mère était effondrée, mais Chris promis de ramener assez s’argent pour qu’on garde la tête hors de l’eau. Il n’avait que quatorze ans mais il menaçait déjà de prendre un mauvais tournant… Un an passa. Mon père était toujours en prison, ma mère s’était trouvé un petit ami. Un homme que je n’appréciais pas du tout et pour cause ! Très vite il démontra une violence inacceptable envers ma mère et moi… Au début, ce n’était que des crises de colère sur des sujets insignifiants, mais très vite aidé par la bouteille, les coups pleuvèrent et je restais impuissant, trop honteux pour oser avouer notre malheur à mes frères… Ils l’auraient tué, purement et simplement et je refusais de voir ma mère en souffrir, même si honnêtement, elle se serait sans doute sentie bien mieux si cet ivrogne avait disparu… En attendant, je faisais ce que je pouvais pour prendre les coups à sa place…
« Et puis un jour, on ne sait pourquoi, tout bascule »
C’est quand j’atteignis l’âge de treize ans que le semblant de vie paisible que nous avions bascula du tout au tout !
Un soir un policier sonna à notre porte, ma mère épuisée, dormait profondément tandis que mon beau père était de sortie.. C’est moi qui ouvris la porte ce soir là et je n’oublierais jamais l’inébranlable indifférence avec laquelle le flic en question m’annonça que le plus âgé de mes grands frères était mort dans une fusillade et qu’il fallait que j’appelle ma mère pour qu’il puisse l’interroger. Hébété, j’avais marché lentement jusqu’à la chambre, j’avais ouvert la porte et répété mot à mot ce que ce type venait de m’annoncer.. Ma mère, choquée, se leva en trombe, ne prit même pas la peine d’enfiler la moindre robe de chambre par dessus son pyjama et fit entrer le policier dans la cuisine avant de m’envoyer dans ma chambre.
Je ne compris que plus tard que Chris s’était trouvé, malgré lui, au cœur d’un règlement de compte entre gangs. Il s’était trouvé au mauvais endroit au mauvais moment, voilà tout.. Mais cette mort, aussi insignifiante soit-elle pour la plupart des gens, entraîna de terribles conséquences au sein de notre famille..
« La mort est cruelle pour ceux qui vivent »
Ma mère sombra dans une profonde dépression. Elle continua à travailler, sans relâche, machinalement.. Elle était devenu un robot dont les sentiments, les émotions, les sourires et les pleures ne transparaissaient plus.. Et Denzel suivit le chemin tout tracé de son grand frère, intégrant le milieu de la drogue.. Oui, il devint un drogué, un drogué déprimé, anéantit par le décès de son idole et il sombra dans cette terrible folie qui le conduisit finalement au suicide à peine deux ans après la mort de Chris.. Et moi, pendant ce temps, je subissais toujours les assauts de mon beau père, sans oser me défendre… Jusqu’à ce jour maudit ou Chris se suicida. Là, ni tenant plus, je pris un couteau dans la cuisine et poignardai l’immonde ivrogne qui m’avait fait tant souffrir… Ceci fait, je m’enfuis aussi loin que possible… Hélas, on me retrouva quelques jours plus tard et on me ramena auprès de ma mère qui m’accueilli sans plus d’enthousiasme… Toutes ces épreuves l’avait rendu indifférente à presque tout. Mon beau père avait survécu mais était sévèrement blessé. Fort heureusement, il ne porta pas plainte et nous réprimes notre train train quotidien dès sa sortie d’hôpital… Il ne leva plus jamais la main sur nous…
« Et on prend les mauvaises routes, choix faciles… »
J’avais perdu mes deux frangins en l’espace de deux ans.. Et ce ne fût pas les pires années de mon existence ! Non.. Car ma mère ayant un mal de chien à joindre les deux bouts, bouffée par son travail, je du reprendre le flambeau de mes frères pour ramener de l’argent à la maison.. Et bien évidemment, c’est tout naturellement que je suivis à mon tour le chemin qu’avaient emprunté mes aînés, au grand damne de ma mère, désespérée..
J’avais seize ans quand je rencontrai Gabriel, un dealer de la pire espèce. Il m’entraîna dans son monde sans que je ne me rende vraiment compte que j’arpentais une pente plus que savonneuse.. Et pendant trois ans je ramenais l’argent sale de l’achat-vente de drogues en tout genre.. Evidemment, je ne pu m’empêcher de goûter à la marchandise qui passait entre mes mains et comme bon nombre de mes collègues, je devins vite accro..
Quand j’eus dix neuf ans, une descente de police démantela notre réseau.. Gabriel fût arrêté, ainsi que toute la bande, moi y compris.. Après un jugement rapide, nous fûmes jetés en prison..
Vous le comprendrez, je préfère occulter ces années sombres de ma vie..
« On tente ensuite de se reconstruire avec les outils qu’on nous a donné »
Je fus libéré au bout de deux ans, deux ans d’enfer dans une prison pour mineurs sans confort aux côtés des pires prototypes de l’espèce humaine… La leçon avait été rude et j’aurais du la retenir, mais…
A ma sortie, un partenaire proche de Gabriel voulu reconstruire notre réseaux, m’entraîner à nouveau dans cette spirale infernale.. Réticent, je refusai au début, persuadé que je pourrai me bâtir une vie meilleure avec un peu de volonté. Mes parents n’avaient pas donné signe de vie durant mon séjour en cabane et j’avais pris la résolution de ne plus retourner dans le foyer familial. J’avais laissé mon passé derrière moi, bien décidé à repartir du bon pied. Et c’est plein de bonnes volontés que je m’inscrivis à l’université, histoire de faire quelque chose de cette vie de merde que le bon Dieu m’avait donné. Au début, je cherchai un petit boulot pour payer le prix exorbitant de ces études, mais je du bien vite me rendre à l’évidence : le seul truc qui rapportait vraiment : c’était le commerce de drogues.. Oh, rassurez vous, je ne me remis pas à en consommer, quoiqu’un petit joint de temps en temps, rien de grave, je la vendais seulement et cela me permis même de m’installer en collocation avec une fille de la fac, pom pom girl et détestable.. Mais bon ! Je m’y fis et je tins comme ça le temps d’une année scolaire, c’est à dire à peine 9 mois..
« Mais on replonge irrésistiblement dans le vice… »
Mais honnêtement, vous voyez vraiment Stewart réussir ses études ?? Non… Je m’étais bercé d’illusions.. Je n’étais pas fait pour ça, je ne l’avais jamais été… Et je du arrêter la fac après m’être lamentablement rétamé lors de mes exams.. Un pauvre type, voilà ce que j’étais.. Et je n’ai pas changé d’ailleurs.. Inévitablement, je retombai bien vite dans l’excès et les commerces illégaux. Gabriel, sorti de prison entre temps, me recontacta et nous reformâmes plus ou moins notre petit réseau… J’avais acquis la confiance de ce type et j’avais pris du galon, inévitablement… Le manège tourna sans encombre pendant deux ans, jusqu’au jour où je fus à nouveau arrêté, seul cette fois, car ce salaud m’avait laissé tombé. Deuxième séjour en prison, tout aussi long que le premier. On me libéra lors de ma vingt-sixième année pour bonne conduite.
« A la fin, seul l’avenir peut encore changer les choses »
Je fus dès lors intégré dans un programme de réinsertion qui paru durer une éternité… Mais cette activité me permis au moins de remonter un peu la pente et de me redonner goût à la vie… Assez agile de mes mains, on pouvait me confier des travaux plus difficiles et je finis par me faire remarquer. Un homme me pris sous son aile et j’appris le métier de menuisier durant près d’une année… Ami avec le vieux concierge d’un lycée de Miami, mon patron me proposa alors de rejoindre cet homme… Prêt à prendre sa retraite il avait besoin d’un remplaçant de confiance et je fus l’homme de la situation… Et c’est ainsi que je me retrouvais à Wynwood High School, employé comme homme d’entretien, jardinier, réparateur, parfois même serveur… Polyvalent, j’exécutais les tâches qu’on me donnais et lorsqu’enfin le concierge prit une retraite bien méritée, je devins le titulaire du poste.
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