La bibliothèque, c'est chouette ... mais pas tout le temps. { Charlie

Charlie fuyait son regard, Jeff en était conscient. Pourtant, lui était heureux de la retrouver. Pas qu'elle lui avait énormément manqué, mais il s'était un peu senti seul lorsqu'elle avait déserté New York. Pendant de nombreuses semaines voire des mois, elle avait été sa seule amie dans la grande pomme. Et un jour, sans prévenir, elle avait mit les voiles. Il n'avait eu aucunes nouvelles et s'était fait à l'idée qu'il ne la reverrait probablement jamais.

Et pourtant, elle était là, face à lui. Elle lui souriait à peine et son regard était fuyant. Jeff ne comprenait pas encore la gravité de la situation, voilà pourquoi il trouvait son comportement étrange. Elle semblait avoir quelque chose d'important à lui avouer et Jeff commença à paniquer intérieurement lorsqu'elle lui dit :

« Très bien. Viens, je crois que tu vas avoir besoin d’être assis. »

Un air interrogateur sur le visage, l'alpha psi s’exécuta. Enfin, ce fut plutôt Charlie qui le força à s'exécuter en le tirant par le bras vers une table inoccupée. Il s'assit donc à cette table, face à son amie, et attendit qu'elle prenne la parole. Lui n'avait rien dit. Il attendait des explications. Et espérait en avoir.

« Voilà. Avant toute chose, je veux que tu sache que je suis désolée, vraiment. Je ne pensais pas te revoir un jour, tu comprends ? »

Jeff s'apprêta à lui répondre qu'il ne voyait vraiment pas pourquoi elle s'excusait mais visiblement, Charlie voulait en finir au plus vite et ne marqua quasiment pas de pause. Elle reprit.

« Il y a un peu plus d’un an à présent, je ne sais pas si tu te souviens, mais Jane est morte. Ça m’a pas mal perturbé et je suis longtemps restée enfermée chez moi. Bref, je me suis retrouvée toute seule avec ma grand-mère et je ne me souviens plus si je t’en avais déjà parlé, mais ma grand-mère n’est pas vraiment le genre mamie gâteau, elle m’a volé mon héritage, elle était violente et j’en pouvais plus de vivre avec elle. Alors je me suis enfuie. Sauf qu’elle m’aurait tout de suite retrouvée si j’avais gardé le nom de Charlie Anderson, alors j’en ai changé. Et dans l’urgence, j’ai pris celui du seul ami qui avait encore ma confiance. Toi. Alors je suis devenue Charlie Joanna Williams. »

Ça y est. Elle lui avait tout dit. Elle lui avait dit qu'à défaut de s'appeler Charlie Anderson, elle s'appelait désormais Charlie Williams. Williams. Comme lui. Elle lui dit qu'elle lui avait en quelque sorte usurpé son nom de famille, pour fuir. Il connaissait son histoire avec sa grand-mère et avait connaissance de la mort de Jane. Il songea alors qu'il avait été idiot de pas faire le rapprochement entre tout ça et son départ de New York.

Il était bouche bée. Son regard était vitreux et ne fixait même plus Charlie. Ses yeux vides de toute expression semblait regarder le fond de la bibliothèque et les derniers mots de Charlie résonnaient dans sa tête, comme un écho.

Voilà pourquoi elle avait été surprise et effrayée de le revoir. Voilà pourquoi elle avait tenté de fuir tant qu'il en était encore temps et qu'il ne l'avait pas encore reconnut. Mais manque de chance, il s'était au final bien souvenu de son visage. Et l'arrivée intempestive d'un étudiant qui l'avait appelée Williams avait bel et bien piégé la jeune femme. Tout semblait s'illuminer dans la tête de Jeff. Depuis son arrivée à Wynwood, il avait plusieurs fois entendu parler de Williams, mais il en avait conclut que c'était un nom plutôt courant et n'avait pas vraiment cherché plus loin.

Il n'avait plus bougé depuis qu'elle lui avait faite cette révélation. Aucun mot ne sortit de sa bouche. Et même s'il l'aurait voulu, il n'aurait pas su quoi dire, ni comment. Il resta tout d'abord de marbre, abasourdi par la nouvelle, les yeux vitreux, et une expression neutre et indifférente sur son visage.

« Ok » dit-il tout simplement. Il était sur le cul et ne savait vraiment pas quoi lui répondre.

Il aurait aimé s'énerver, lui dire qu'elle était gonflée d'avoir fait ça ainsi que de l'avoir abandonné comme une merde. Mais l'inquiétude et la peur visible sur le visage de la jeune femme lui dirent de ne pas s'emballer. Et puis Charlie, ce n'était pas une fille méchante, bien au contraire. Dans une certaine mesure, il pouvait la comprendre. Mais il en avait déjà trop à assimiler pour l'instant, il préféré donc ne pas se mettre à sa place.

« Je suis désolée Jeff, vraiment. Si j’avais su que je te reverrais un jour, jamais je n’aurais pris ton nom, d’ailleurs je n’aurais pas dû. C’est juste que j’étais désespérée et que je n’avais pas d’autre solution. »

Jeff eut enfin une réaction. Sursautant légèrement, il fixa du regard celle qui fut son amie, autrefois. Il la fixa longtemps, intensément. Il savait qu'elle ne mentait pas. Il savait qu'elle regrettait et qu'elle avait peur. Il savait aussi qu'elle ne méritait pas qu'il la dénonce, qu'il lui en veuille ou même qu'il lui en fasse baver. Et de toutes façons, ce n'était vraiment pas son genre.

Fidèle à lui-même, et ignorant totalement quoi répondre à ça, il préféré adopter le ton de l'ironie.

« Haha... Je comprends mieux pourquoi tu n'es pas très contente de me revoir maintenant ... »

Il était le champion pour ces choses-là. Il n'aimait pas les conflits ainsi que se mettre en colère et préférait de loin lancer des pics dissimulés sous le ton de la plaisanterie.

Et ils étaient là, l’un en face de l’autre. Elle sentait qu’il la regardait, elle connaissait par cœur se regard entre le questionnement et la trahison, celui à mi-parcours, quand on se demande encore si c’est une blague ou bien si un ami vous à vraiment poignardé dans le dos. Malheureusement pour Jeff, comme pour Charlie d’ailleurs, cette fois-ci, c’était tout sauf une blague. Il la regardait donc, elle le savait, mais elle, elle fixait ses pieds, comme s’ils allaient lui donner la réponse, comme si le fait de regarder le sol allait la faire disparaitre. Mais dans la vie réelle, ça ne fonctionne pas comme ça. Elle n’avait aucune idée de ce qu’elle pouvait dire -ou inventer- pour se sortir de cette situation. Elle regrattait bien sûr, après tout, elle ne s’appelait pas Charlie Will… Anderson pour rien, sa vie entière, ou presque, était bercée de remords. Mais jusque là, elle n’avait jamais dû faire face à ses tords d’une manière si soudaine. Quoique, me direz-vous, les morts reviennent assez rarement sur terre pour reprocher aux vivants ce qu’ils leur ont fait. Jeff lui, était bien vivant et elle lui avait usurpé son nom, alors évidemment, il était en droit de demander une explication, il avait même droit à la vérité… En principe. Sauf que ça, c’était impossible, elle n’avait pas quitté New York du jour au lendemain pour avouer ses pêchés au premier type qu’elle reconnaissait. Non, elle s’était reconstruit une vie ici, elle avait même Oprah maintenant, il était juste hors de question de tout gâcher, encore une fois. Seulement deux nouveaux problèmes se posaient, premièrement, elle n’avait jamais été douée pour mentir et deuxièmement, il fallait déjà trouver un mensonge réaliste. Ce qui s’avérait difficile vu la situation.

Elle repensa un instant à ses années à Ne York… Après tout, elle pouvait peut-être avoir confiance en Jeff ? Ou pas. Certes, il avait été un ami. Certes elle lui avait plus ou moins fait confiance auparavant. Mais elle avait également eu une confiance aveugle en Jane qui l’avait conduit à toutes sortes d’addictions avant de mourir. Addictions dont elle avait eu du mal à se sortir d’ailleurs. Bref, si cette épreuve lui avait appris une chose, c’était bien de se méfier de ceux qui étaient censés être ses amis. Ensuite, son secret lui revint à la figure et elle comprit que quoiqu’il arrive, elle ne pourrait pas lui avouer parce que c’était quelque chose d’un peu -beaucoup- trop grave. Et elle ne pouvait pas révéler un truc pareil à quelqu’un quelle n’avait pas vu depuis plus d’un an.

« - M'expliquer quoi ?! »

Elle sursauta. C’était la réponse à la seule phrase qu’elle avait su prononcer, à savoir « je peux tout t’expliquer ». La voix de son ancien ami était montée d’un ton. Et elle avait peur. En temps normal elle avait déjà peur de la plupart des gens, alors là, quand on commençait à parler un peu fort, elle avait juste envie de partir en courant et de ne s’arrêter qu’en Antarctique. Oh oui, quelle bonne idée, l’antarctique, ça devait être si paisible par rapport à Miami. Mais le moment n’était pas à se laisser bercer par de douce pensées, elle avait fait une bêtise et on lui demandait une explication alors elle se devait de répondre. Elle soupira avant de relever des yeux à la fois lassés et inquiets vers Jeff.

« Très bien. Viens, je crois que tu vas avoir besoin d’être assis. »

Et sans réellement lui demander son avis, elle l’attrapa par le bras -geste très surprenant de sa part d’ailleurs- et le tira doucement vers la table inoccupée la plus proche. Et elle attendit qu’il soit assit pour s’asseoir à son tour et se remettre à parler.

«  Voilà. Avant toute chose, je veux que tu sache que je suis désolée, vraiment. Je ne pensais pas te revoir un jour, tu comprends ? »

C’était une question, mais elle n’attendit pas la réponse pour continuer. Elle avait peur de perdre cette once de courage qui lui permettrait de s’expliquer. Elle avait abandonné l’idée de le regardé pendant qu’elle avouait ce qu’elle avait fait, ça s’était trop difficile. Du fait, elle regardait ses mains posées sur la table.

«  Il y a un peu plus d’un an à présent, je ne sais pas si tu te souviens, mais Jane est morte. Ça m’a pas mal perturbé et je suis longtemps restée enfermée chez moi. » Aucun intérêt à raconter son implication dans l’affaire en question, aucun non plus à parler plus longtemps de cette histoire, c’était le déclencheur et elle s’arrêterait là. « Bref, je me suis retrouvée toute seule avec ma grand-mère et je ne me souviens plus si je t’en avais déjà parlé, mais ma grand-mère n’est pas vraiment le genre mamie gâteau, elle m’a volé mon héritage, elle était violente et j’en pouvais plus de vivre avec elle. Alors je me suis enfuie. Sauf qu’elle m’aurait tout de suite retrouvée si j’avais gardé le nom de Charlie Anderson, alors j’en ai changé. Et dans l’urgence, j’ai pris celui du seul ami qui avait encore ma confiance. Toi. Alors je suis devenue Charlie Joanna Williams. »

Comment faire peser une atmosphère lourde sur des retrouvailles en trois leçons par Charlie. Elle releva son regard vers Jeff et soupira une nouvelle fois. « Je suis désolée Jeff, vraiment. Si j’avais su que je te reverrais un jour, jamais je n’aurais pris ton nom, d’ailleurs je n’aurais pas dû. C’est juste que j’étais désespérée et que je n’avais pas d’autre solution. » Et les larmes commençaient à venir alors elle arrêta de parler. Qu’allait-il se passer maintenant ? Et s’il la dénonçait ? Elle regarda ses mains et se rendit compte qu’elles s’étaient mises à trembler, alors elle les cacha en dessus de la table et elle observa la réaction de Jeff. Si celle-ci était mauvaise, elle devrait surement se remettre à fuguer, mais avec une petite nouveauté de trois ans nommée Oprah.

Spoiler:

Charlie Anderson. Jeff se rappelait bien d'elle. Il se rappelait de leurs nombreuses virées nocturnes (ou non) dans New York. Il se rappelait qu'ils s'étaient rencontrés comme ça, par hasard, et qu'ils avaient finit par se revoir et traîner ensemble. Il n'irait pas jusqu'à dire qu'elle était une très grande et très proche amie mais elle avait été un soutien et une compagnie très agréable durant ces années New-yorkaise.

Des années qui furent difficile pour Jeff, qui n'avait pas beaucoup d'amis. Charlie était l'une des seules, d'ailleurs. Et un jour, elle était partie. Comme ça. Sans donner aucunes nouvelles, aucunes indications. Il n'avait jamais su où avait-elle pu partir, et surtout pourquoi. Et avec le temps, il s'y était fait. Il l'avait oublié. Après tout, la vie continuait, bien qu'il s'était souvent fait chier à se balader seul dans la grande pomme, une fois Charlie disparue. Elle lui avait manqué un certain temps, puis c'était passé. Il ne s'attendait pas, d'ailleurs, à la revoir un jour. Ce qui n'empêchait pas l'alpha psi d'être heureux de cette rencontre.

Mais Charlie, elle, ne semblait pas partager sa joie. Au contraire, elle semblait vouloir fuir. Était-elle entrain de l'éviter ? Jeff se pinça légèrement la lèvre à cette vue. Apparemment, elle ne tenait pas vraiment à lui parler. Et avant tout, elle paraissait extrêmement gênée. Ce que Jeff ne comprit pas tout de suite.

« Salut Jeff.
Je… Euh… Je pourrais te poser la même question en fait ! »

Jeff sourit. Elle se rappelait de lui. Il trouva ça cool. Mais après tout, il se souvenait très bien d'elle, pourquoi le contraire serait-il surprenant ? Ils avaient passés plus d'un après-midi ensemble. Les balades à Central Park, les excursions nocturnes, tout ça avait finit par créer des liens, c'était certain.

« Haha, et bien ... je suis ici depuis quelques mois déjà.
J'ignorais que tu était venue ici après New.... »

Mais quelqu'un interrompit Jeff. Non loin des deux anciens amis, un jeune homme venait de crier :

« EH WILLIAMS ! »

Surprit, Jeff tourna la tête vers l'endroit d'où venait la voix. Mais il ne se rendit pas tout de suite compte que Charlie avait tourné la tête au même moment que lui. Il regarda le jeune homme qui venait de l'appeler et à sa grande surprise, remarqua qu'il ne le connaissait pas. Pire encore, il ne semblait pas s'adresser à Jeff.

« Pas toi, elle !
Tu m’aides toujours pour mes maths demain ? »

Jeff resta immobile. Et bouche-bée. C'était quoi ce délire ? Jeff rêvait, non ? Ou le gars venait vraiment d'appeler Charlie ... Williams ? Charlie Williams ? Williams, comme lui ? Haha, c'était une blague. C'était quoi l'explication sinon ? Son nom à elle, c'était Anderson, pas Williams. Jeff ne comprenait rien, et il se tourna vers son ex-amie, en quête de réponses.

« Hein, quoi ? »

Mais elle ne le regardait même pas. La jeune femme se contenta de répondre par un hochement de tête à l'autre gars, qui quitta la pièce. Elle ne regardait même pas Jeff. Et le sentiment que Charlie l'évitait devint de plus en plus fort.

Williams, elle s'appelait Williams ? Pourquoi lui avait-elle caché ? Il l'avait toujours connu avec le nom Anderson. Williams, c'était son nom à lui, celui de son père. Jeff ne comprenait rien. Il fixait toujours Charlie, fronçant les sourcils d'un air interrogateur. Visiblement, il avait besoin d'explications, là.

« Je…Euh… Je peux tout t’expliquer…

- M'expliquer quoi ?! » répondit-il, tandis que sa voix venait de monter d'un ton.

Elle se moquait de lui là, ou bien ? C'était quoi ce bordel, depuis quand elle s'appelait Williams ? Elle faisait quand même pas parti de sa famille ? Parce que là, ça serait le pompon. Décidément, Jeff avait largement eu sa dose de surprise, de révélations et d'emmerdes depuis son arrivée à Wynwood.

Elle était face à Jeff et elle avait peur. Peur qu’il la reconnaisse, qu’il découvre ce qu’elle avait fait et qu’il lui en veuille. Il avait des raisons de lui en vouloir après tout, elle avait fugué de New York du jour au lendemain sans prévenir personne et en bonus, elle lui avait usurpé son nom de famille. Pourquoi celui de Jeff ? Parce qu’elle l’aimait bien à New York, parce qu’elle ne pensait pas le revoir un jour et parce qu’elle aimait bien ce nom de famille. Mais le fait qu’il soit là était des plus dangereux pour elle, à présent qu’elle avait réussi à changer son nom sur tous ses papiers. Et s’il apprenait l’histoire et qu’il veuille qu’elle arrête d’utiliser son nom ? Ou pire encore, s’il la dénonçait ?

Bref, elle était face à lui et il était le seule à ne pas avoir rit de sa chute. C’était gentil, elle l’avait toujours trouvé gentil, même quand ils étaient amis à New York. Il avait un air bizarre qui fit croire à la jeune femme qu’il l’avait reconnu et finalement, il se mit à sourire. Il la fixa droit dans les yeux un moment, ce qui était vraiment inquiétant. Charlie avait l’impression d’attendre un verdict qui changerait le reste de sa vie, son cœur était prêt à lâcher et ses mains commençaient à trembler. Mais il répondit à sa phrase sans paraitre la reconnaitre et elle se détendit. Il lui demanda si elle allait bien et elle se hâta de répondre que oui, de sourire et d’enfin tourner les talons. Sauvée.

Elle retourna rapidement à sa table, attrapa toutes ses affaires le plus vite possible et les enfourna dans son sac avant de se diriger vers la sortie d’un pas rapide. Le plus important maintenant c’était de partir loin de cette bibliothèque et de ne surtout pas y revenir avant un bon moment et puis d’espérer ne plus jamais recroiser Jeff à l’avenir. Au moins, il ne l’avait pas reconnu ce jour là, c’était déjà une bonne chose…

« EH ! Attends ! »

...Ou pas. Elle comprit instantanément qu’il s’adressait à elle, il l’avait reconnu. Elle s’arrêta et se retourna lentement alors qu’il arrivait près d’elle.

« Charlie ?! »

Et en plus, il se souvenait de son nom. C’est qu’il avait une bonne mémoire le bougre ! Et s’il se souvenait de son prénom, il devait surement se souvenir de son vrai nom, ou tout du moins savoir qu’elle ne portait pas le même que lui. La seule chose qui rassurait la khi c’était qu’il avait l’air aussi étonné qu’elle.

« Mais qu'est-ce que tu fais ici ?! »

« Salut Jeff. » Fit-elle, voilà, comme ça, si il y avait encore un doute sur son identité elle venait de l’anéantir. Intelligent pour une khi ! « Je… Euh… Je pourrais te poser la même question en fait ! » Ou comment éviter une question en deux leçons. En même temps, dire la vérité sur pourquoi elle était venue, revenait à avouer son secret, très peu pour elle. Elle le regardait, sans savoir quoi faire, elle avait toujours envie de sa sauver, de partir le plus vite possible, mais là, ça aurait l’air des plus suspects.

« EH WILLIAMS ! »

Jeff et Charlie se retournèrent au même moment -était-ce elle qui voulait ne pas paraitre suspecte quelques secondes auparavant ? En plus, la personne qui venait d’appeler était l’un des garçons qu’elle aidait en mathématiques, chouette, il était surement là pour lui parler à elle et elle allait se faire avoir comme une débutante. Le stress et la peur la faisait réfléchir n’importe comment, d’autant plus qu’elle voyait Jeff prêt à répondre au garçon. Celui-ci regarda Jeff d’un air étonné et cru bon d’ajouter :

« Pas toi ! Elle ! »

Bon ça s’était fait. Là, Charlie aurait aimé pourvoir disparaitre, devenir transparente ou encore prendre ses jambes à son cou, mais elle resta planté là, comme idiote, les joues écarlates, sans rien oser dire.

« Tu m’aides toujours pour mes maths demain ? »

La blonde se contenta d’hocher la tête et le garçon tourna les talons pour rejoindre son groupe d'amis. Elle le regarda s'éloigner avant de se tourner à nouveau vers Jeff, sans trop oser le regarder.

« Je…Euh… Je peux tout t’expliquer… »

Mais elle n’ajouta rien. Oui, elle pouvait tout expliquer…. Bien sûr, mais d’abord, il fallait qu’elle invente une histoire et là, dans l’immédiat, avec la pression, ça n’allait pas être des plus simples !

Jeff continuait de se promener entre les grandes rangées de livres mais non, impossible de mettre la main sur le bon livre. Tous ceux qu'il avait déjà feuilleté ne lui avait servi à rien. Il n'aimait pas perdre son temps, et commençait à s'impatienter. Il n'arrêtait pas de se répéter que si cinq minutes, il n'avait pas trouvé le bon bouquin, il laisserait tomber ce devoir pour aujourd'hui et irait profiter du magnifique soleil et du parc. C'est sur que c'était plus attrayant que de rester dans cette grande bibliothèque silencieuse et à l'odeur de papier. Mais non, il fallait qu'il termine ce devoir aujourd'hui. C'était rare qu'il ai la motivation de travailler ses cours, alors autant en profiter. Mais ne pas trouver ce fichu bouquin commençait à l'agacer au plus haut point. Surtout qu'il tournait en rond. Il devait probablement passer devant, et ne pas le voir, car il avait bien regardé la fiche des livres empruntés et celui qu'il cherchait ne l'était pas. Argh ... Il s'arrêta un instant, passa sa tête dans ses mains et reprit tranquillement ses recherches. Tentant de reprendre son calme, il regarda minutieusement chaque étagères et finit par le trouver. Miracle ! Il commençait à perdre patience. Bon, il avait assez perdu de temps, il devait se mettre au boulot s'il ne voulait pas faire ça toute la journée. Il se dirigea donc vers la table où tout son bordel était installé mais un bruit fort retint son attention. Il se retourna et vit une jeune femme, blonde, étalée de tout son long sur le sol. Apparemment, elle avait trébuché sur un sac qui se trouvait en plein milieu du chemin. Tout d'abord, il eut une irrésistible envie de rire mais se retint, par politesse. Et puis, tous les gens qui se trouvaient dans la bibliothèque était déjà en train de se foutre de la gueule de l'étudiante. Manquait plus qu'il en rajoute ...

Jeff détestait ce genre de personnes. Moqueurs, imbus d'eux-même, il les aurait bien frappé, ou au moins insulté.. Mais il était un peu seul contre une bibliothèque quasi-bombée, il se tut donc. Mais il se dirigea vers la jeune femme pour l'aider à se relever. Mais elle le fit sans son aide, et lorsqu'elle fut relevée, elle se retourna et se retrouva nez-à-nez avec Jeff. Ce dernier, légèrement gêné, lui adressa un léger sourire. Mais il ne dit rien. Il fixait son regard. Il avait l'impression de le connaître. Comme si ces yeux avaient déjà transpercés les siens. Et ce visage. Ce visage lui disait quelque chose également, mais il ne voyait pas quoi. Bon, Jeff se dit qu'il psychotait sûrement, après tout, des blondes bouclées aux yeux clairs, il devait y en avoir des millions dans ce pays. Et il était fort probable qu'il ai déjà croisé une fille qui lui ressemblait. Mais la jeune femme fit une drôle de tête lorsqu'elle aperçut le visage de Jeffrey, juste en face du sien. Comme si elle était mal à l'aise de le voir ici.

« Salut et euh ... Désolé pour le bruit, dit la jeune femme l'air de rien.

- T'inquiètes. C'est plutôt ces bouffons qui devraient s'excuser ... Tu n'as rien ? »

La jeune femme lui adressa un léger sourire et lui répondit que non, tout allait bien. Un dernier sourire, et Jeff tourna les talons. Quand quelque chose se passa dans sa tête. La nostalgie. Des souvenirs. Il ignorait pourquoi, mais voilà qu'il se revoyait jeune - du moins plus jeune que maintenant - dans les rues de New York. Il se revoyait à traîner les rues en compagnie d'une amie, blonde elle aussi ... avec des yeux clairs ... et des cheveux bouclés ... et avec ce regard. Le regard qu'il venait à peine de croiser. Et enfin, Jeff comprit. Il comprit qu'il n'avait pas halluciné. Il connaissait ce visage. Il connaissait cette fille. Brusquement, il fit volte face et rattrapa la jeune femme, qui se trouvait déjà sur le seuil de la bibliothèque, prête à quitter cette dernière d'un pas vif. Jeff accéléra le pas et la rattrapa en un rien de temps.

« EH ! Attends ! »

Cette dernière comprit qu'il s'adressait à elle et s'arrêta. Lorsqu'il arriva à sa hauteur, il la regarda bien et dit :

« Charlie ?! »

Charlie Anderson. Il se rappelait bien d'elle. Il resta sans voix. Charlie, ici ? C'était quoi ce délire ? C'était la réunion de tous les jeunes américains, ici ou bien ? Depuis son arrivée en Floride, l'alpha psi avait retrouvé plusieurs personnes de son passé. Et voilà que Charlie s'ajoutait à ceux-ci. Il se rappelait maintenant qu'elle avait du quitté New York, mais jusqu'à cet après-midi, il ignorait que c'était pour venir à Wynwood. Il n'en croyait toujours pas ses yeux, et d'un air plus qu'étonné, il ajouta :

« Mais qu'est-ce que tu fais ici ?! »

C’était un mercredi après-midi, il faisait beau et pourtant Charlie était à la bibliothèque. Bon jusque-là, rien d’anormal pour une khi, me direz-vous et vous auriez raison, même lorsqu’il faisait très beau dehors, la blonde se retrouvait souvent à la bibliothèque à réviser ses prochains cours, histoire d’être certaine d’avoir son diplôme. Ce jour-là, elle révisait la philosophie, un cours qu’elle aimait beaucoup car il la faisait souvent réfléchir. Mais ce jour-là, elle avait un mal fou à se concentrer. Elle avait appris la mort de son cousin quelques jours auparavant, cette nouvelle l’avait évidemment surprise, d’autant plus qu’elle ne savait pas qu’elle avait un cousin à Wynwood avant d’apprendre son décès. Elle avait également appris que toute sa vie allait changer, étant la dernière survivante de sa famille, elle était la seule héritière de son cousin et donc, la nouvelle responsable légale de sa fille, Oprah. Dans quelques jours, Charlie devrait s’occuper d’une petite fille et ça l’angoissait.

Mais pour l’instant, elle devait travailler, d’autant plus qu’en s’occupant d’un enfant, elle prendrait surement du retard, il était donc essentiel pour elle de prendre le plus d’avance possible…. Sauf qu’elle n’avait pas le bon livre sous les yeux. Par conséquent, elle se leva et se mit à la recherche d’un livre de Platon. Quand, dans l’une des rangées, elle croisa Jeff Williams. Oui, vous m’avez bien entendu, Williams, comme Charlie. Et ce n’était pas une pure coïncidence si Charlie portait le même nom que le jeune homme qu’elle venait de croiser. En réalité, Charlie avait rencontré Jeff à New York quelques temps auparavant quand elle s’appellait encore Charlie Anderson, ils avaient été amis avant que la Khi ne vienne habiter sous le soleil de Miami.

La jeune femme n’avait aucune idée de ce qu’il faisait là. Si elle avait osé lui piquer son nom de famille, c’est qu’elle avait toujours été persuadée de ne plus jamais le recroiser. Sa présence à Miami était d’ailleurs une très mauvaise nouvelle pour elle. Il connaissait son vrai nom, il savait d’où elle venait et s’il venait à apprendre ce qu’elle avait fait, il pouvait tout fait lui pourrir la vie. Fort heureusement, il ne l’avait pas remarqué en la croisant. Il suffisait donc à Charlie de s’éclipser discrètement de la bibliothèque et d’éviter le garçon durant tout le reste de sa senior year, avec un peu de chance, elle aurait son diplôme et ne le verrait plus jamais.

Elle avait juste oublié un minuscule détail : son manque de chance quasiment hors du commun. Alors qu’elle repartait en silence jusqu’à sa table, elle se prit les pieds dans un sac qui n’avait d’ailleurs rien à faire là et s’étala de tout son long par terre à quelques centimètres du garçon qu’elle voulait éviter. Provoquant un bruit éloquent ainsi que quelques rires : elle était immanquable. D’ailleurs, lorsqu’elle se releva, elle se retrouva nez à nez avec lui. Embarrassée et extrêmement mal à l’aise, elle tenta tout de même de sourire et se retint de soupirer.

« Salut et euh… désolée pour le bruit. » Fit-elle d’un air innocent. Après tout avec un peu de chance, il ne l’avait peut-être pas reconnue ? Ou peut-être que si, vu la tête qu’il faisait.