Ta présence sera-t-elle un remède à ma souffrance? [Eva]

Rayonnement.

Elle est là. Ses grands yeux marrons m'observent, me parlent, rient parfois, et pleurent lorsque rien ne lui convient. Elle n'est pas encore chez elle. Je l'apprivoiserai. Elle est caractérielle. C'est pour ça que je l'aime. Elle ne respecte aucune règle, fait ce qui lui plait. Elle se complait dans les joyaux, bijoux et magasins. Arthur dit que je la gâte trop. Arthur, c'est Arthur Pontier, l'inspecteur qui prend en charge mon enfant. En fait, le flic a un peu abusé. Il ne me suit pas partout. Il nous accompagne à certaines heures de la journée, puis repart dans un appartement près de chez moi, qu'il a trouvé je ne sais comment. Elle l'aime bien. Elle le trouve drôle avec elle, sévère avec moi. Elle m'a demandé pourquoi mes cheveux étaient rouges. Je lui ai dit que c'était parce que j'aimais être spéciale. Elle m'a demandé si elle pouvait être spéciale avec moi. J'ai ri, en lui tendant son bol de chocolat chaud. Sa petite voix gazouille, anime mes journées, hante mes nuits. Ses cauchemars sont insoutenables. Elle voit les autres enfants. L'endroit insalubre dans lequel je l'ai menée contre mon gré. Je lui ai dit la vérité, même si elle est encore petite. Et je continuerai à la lui répéter. Autant de fois qu'il le faudra pour qu'elle me pardonne. Je veux son bonheur, sa joie. Je veux qu'elle soit à moi. Elle ne me comprend pas. Touche mon violon, pleure quand je lui tape sur les doigts. Aujourd'hui, je la tiens par la main, avec la ferme intention de lui offrir de quoi se distraire. Un livre. Pour s'instruire.

Je franchis les portes de la bibliothèque, la laisse gambader entre les rayons. Je cherche un roman pour moi, tandis qu'elle empile des livres pour enfant "Veux ça. Et ça. Et ça. Et ça." Dans un français impeccable. Elle ne parle ni anglais, ni espagnol, mais elle apprend très vite. Elle est mon cadeau d'anniversaire. J'ôte quelques livres de ses petites mains potelées, elle commence à chouiner.

"Sonata, je veux te faire un cadeau, ou deux, mais pas dix, alors si tu couine encore, on repart les mains vide, compris ?"

Elle n'a pas dû tout comprendre, mais le sens premier y était, au moins. Elle repose cinq livres sur sept. Je souris, et secoue ses cheveux d'un air farceur. Je la connais si peu. Mais elle a mon nez. La peau de son père. La couleur de ses cheveux et son sourire. Quel dommage qu'elle ne me ressemble pas autant que je l'aurais souhaité. Liam hantera toujours mes pensées, tant que mes yeux regarderons son petit corps fragile.

-Eva ! Ca va ?

Je ne connais cette voix que trop bien. Mon ami Caleb, un bouquin sous le nez, me fait un signe. Il n'a pas encore vu Sonata. Cette dernière ronchonne qu'elle a mal aux pieds, alors je la prends tendrement dans mes bras.

Cette gamine sera pourri gâtée.

- Salut Caleb. Je vais très bien... Et toi, la forme ?

Je me tourne vers mon enfant, et la morigène gentiment, en Espagnol.

- Saluda a Caleb por favor, Sonata.

Ma fille, personne ne la connaît. Personne ne savait que j'en avais une. Il est temps que mes amis la découvrent.