▲ Et au milieu de tout ça, il y a... Kora Cohen, dite Coco.

Les draps de coton blanc volèrent sur le côté, tandis que Kora sortait tant bien que mal de son lit. Elle posa un pied fin à terre, en évitant soigneusement de le regarder. Il était petit, comme son homologue gauche. Un joli et classique 37, là n'était pas le problème. Le problème, c'est surtout qu'un pied, c'est moche. Et tout particulièrement les siens. Kora détestait leur forme soit disant de type grec : pour elle, le deuxième orteil qui dépasse tous les autres, c'était surtout une excellente raison de complexer. Jamais elle ne portait de chaussures ouvertes, leur préférant de loin des paires de baskets basses, à la cheville - qu'elle avait fine. Du reste, ses ongles étaient trop longs, il lui arrivait de se blesser quand ses orteils étaient trop compressés : la jeune femme se coupait la peau du deuxième orteil avec l'ongle de celui du centre, particulièrement bien positionné pour écorcher celle-ci. Il n'était pas rare de le voir entouré de pansement, comme c'était le cas ce matin-là. En effet, Kora ne coupait ses ongles de pied qu'au bout d'une lune, quand elle y pensait ou que la douleur la contraignait à le faire. La demoiselle fit un effort surhumain - ou presque - pour se mettre sur ses jambes. Qu'avait dit Jésus, déjà ? Ah oui, lève-toi et marche. Elle avait beau avoir 17 ans, elle ne s'était jamais épilée les jambes. Ses mollets, fermes mais pas réellement musclés, étaient donc parsemés d'un fin duvet blond, habituellement invisible mais que le soleil de Miami ne manquait jamais de mettre en valeur quand ses rayons caressaient la peau de l'adolescente... ce qui arrivait rarement, au vu de sa pâleur. Par endroits, sa peau était même diaphane et on distinguait un réseau de veines bleues qui couraient sous celle-ci. Les cuisses subissaient le même constat : fermes, parsemées de duvet blond, et à peine plus épaisses que les bras du Capitaine des Cannonballs. Kora était en effet plus maigre que mince. On notait également un grain de beauté à l'intérieur de sa cuisse droite, signe distinct que Kora aimait particulièrement chez elle. Lorsqu'elle releva le large tee-shirt d'homme à l'effigie de Steve Aoki qu'elle portait pour dormir, on vit ses côtes. 50 kilos pour 1 mètre 70, elle jouait dans la catégorie poids plume. Pour en revenir au tee-shirt : il n'appartenait pas à son copain. C'est bien simple, la jeune femme n'en avait pas. Pas à son père non plus, elle ne le voyait pas souvent et il ne portait presque que des chemises. A se demander s'il était né avec un balai dans le cul ou si quelqu'un le lui avait rajouté là par la suite. Pas à son frère, elle était fille unique : en réalité, elle se l'était acheté elle-même en rêvant en son for intérieur de pouvoir un jour piquer ceux de son petit-ami. Sous le tee-shirt qui lui faisait presque office de robe de nuit, elle portait une petite culotte "Petit Bateau" en coton, arborant une jolie ancre rose : tout ce qu'il y a de plus banal... pour une fillette de 12 ans ! On ne peut pas dire que depuis cette époque, son corps ait réellement changé. Si bien qu'elle n'avait pas jugé bon d'adapter ses sous-vêtements à son âge. Les soutiens-gorge ? Elle n'en portait pas. Son bonnet A lui permettait de laisser Moche & Méchant - leurs petits noms - libres de leurs mouvements. A dire vrai, plusieurs de ses camarades rivalisaient d'imagination pour lui trouver des surnoms dans le style de "planche à pain". Kora essayait de ne pas y prêter attention, mais elle complexait énormément à ce sujet. Outre le fait d'avoir un copain un jour, un des grands espoirs de celle que ses proches surnommaient Coco était de voir ses seins pousser comme par miracle. Après tout, elle avait bien atteint le mètre 70 en quelques mois lorsqu'elle avait 14 ans. Pourquoi pas le bonnet D en une nuit, hein ?!

Prostrée, comme à son habitude, Kora prit le chemin de la salle de bain. Elle marchait courbée, les épaules tombantes, comme si elle portait tout le poids du monde sur celles-ci. En réalité, il ne s'agissait que d'une conséquence des trop nombreuses heures passées avachie devant un écran d'ordinateur. Ses foulées étaient longues et lentes, mais elle n'avançait pas comme un escargot pour la cause : du haut de ses grandes jambes, la blondinette n'avait pas besoin de se presser pour tenir l'allure d'un petit nerveux court sur pattes. La salle de bain approchait. La jeune femme leva le bras droit et se sentit l'aisselle. Là aussi, elle avait quelques poils. A Miami, les nuits étaient chaudes : Kora eut donc tout le loisir d'étudier l'odeur de sa transpiration, un peu âcre mais somme toute pas désagréable. A force, elle avait presque appris à apprécier cette senteur baptisée – il y avait trois ans de cela – « deux jours sur WoW ». Elle remarqua alors un bleu, sur ce même bras. Sa peau fine marquait terriblement vite. Le ballon de foot balancé par un élève dans la cours du lycée n'avait donc eu aucun mal à laisser une belle trace, chose qui laissa la jeune blonde tout à fait indifférente. Il suffisait qu'elle se cogne – ce qui, heureusement, n'arrivait pas souvent grâce à son adresse – pour avoir le corps recouvert de tâches bleuâtres qui devenaient ensuite violettes, vertes, jaunâtres,... avant de disparaître. Elle en profita pour contracter son biceps, et fut ravie de constater que ses bras étaient toujours aussi musclés, merci l'entraînement de ping pong.

Une fois dans la salle de bain, Kora se débarrassa de son large tee-shirt et se posta devant le miroir. L'horloge indiquait qu'il lui restait 20 minutes pour se préparer et arriver à l'heure en cours. Elle soupira et dirigea sa main vers sa brosse à dents... avant de dévier et d'attraper un petit paquet juste à droite du pot rempli de brosses : un paquet de chewing-gum. La jeune femme avait un rapport à l'hygiène disons... particulier. Elle préférait, et de loin, mâchouiller des boules de gomme goût menthe à longueur de journée plutôt que de perdre 3 minutes de sa vie pour se brosser les dents. Elle avait d'ailleurs un stock effroyable de paquets de chewing-gum à la menthe un peu partout chez elle, dans sa chambre, la salle de bain, son sac de cours, ses poches,... à elle seule, elle pouvait presque faire vivre un travailleur chez « Hollywood Chewing-gum », excusez-la du peu. Cela lui avait d'ailleurs valut d'arborer 3 plombs foncés dans la bouche, résultats de caries passées. Cette habitude n'était, de fait, pas nouvelle, et cela devait expliquer le fait qu'elle n'arrivait pas à s'en défaire. Un coup d’œil vers la cabine de douche, même constat : elle s'était lavée le jour avant et aujourd'hui, elle manquait de temps. Pas grave, un peu de déodorant ferait l'affaire et basta. Pour ses cheveux... bah ! Ils étaient catastrophiques et filasses à longueur de temps, ce n'était pas un peu de shampooing qui allait leur rendre allure humaine aujourd'hui. Quand elle passait ses mains dedans, Kora ne pouvait que constater qu'ils étaient extrêmement rêches, pas vraiment agréables au toucher, ternes... une calamité, en d'autres mots. C'est bien simple, elle n'avait même pas de brosse à cheveux. Considérant qu'il s'agissait d'une cause perdue, la blondinette se coiffait – si on peut dire – avec les doigts... ce qui, en réalité, consistait à enlever les plus gros nœuds en les arrachant à moitié. Ses cheveux lui faisaient penser à de longues baguettes : secs, raides et fins. Incoiffable. Quand leur vue l'exaspérait trop, Kora mettait quelque chose sur sa tête. Sa collection de chapeaux et bonnets était impressionnante : elle en avait accumulé un sacré paquet, depuis le temps qu'elle en portait. Ils cachaient la misère, comme on dit. En revanche, elle aimait beaucoup ses oreilles, qu'elle avait percées. Elle essayait donc de les dégager le plus souvent possible, en calant sa tignasse derrières celles-ci. Pour ce qui était des piercings, elle n'en avait qu'aux oreilles. Et pas question de parler tatouages, bien que c'était une chose qu'elle envisageait dès lors qu'elle aurait 21 ans... ou l'accord de ses parents, mais elle pouvait toujours rêver, pour ça.

Toujours debout devant son miroir, la jeune femme posa son index – aux ongles rongés – sur chacun de ses sourcils, qu'elle avait très épais et plus foncés que ses cheveux, et s'appliqua à les remettre en place. Contrairement à ce que l'on aurait pu penser de prime abord, Kora aimait beaucoup ses sourcils très marqués : à eux seuls, ils suffisaient pour structurer tout son visage. De plus, ils attiraient l'attention loin de ses cernes, qui apparaissaient fortement dès qu'elle n'avait pas ses 8 heures de sommeil au minimum, et de ses yeux de la couleur la plus banale de la Terre : gris. Pas bleu comme l'océan. Pas vert comme une prairie d'herbes fraîches. Pas chocolat, pas noir et mystérieux. Non. Gris. Cela aurait pu être joli, correctement mis en valeur, mais Kora ne faisait rien pour s'arranger. Elle tira la langue à son propre reflet, dans une expression issue de sa bibliothèque personnelle de faces improbables dont elle avait le secret, et sortit de la salle de bain en traînant les pieds. Elle ouvrit sa garde-robe et en sortit les premières choses qui lui tombaient sous la main : un bermuda en jeans, un tee-shirt sans manche avec une image de burger dessus, et un gilet rose. La jeune femme enfila les deux premières chaussettes qui lui passèrent sous la main, une bleue et une noire, et glissa ses pieds dans une paire de baskets basses. Elle ouvrit l'armoire où se trouvaient tous ses couvre-chefs, et en sortit une casquette rouge à l'effigie d'une équipe de foot qu'elle ne connaissait même pas, mais dont le logo lui avait plu. Le tout ne ressemblait absolument à rien, mais Kora avait la flemme d'assortir les vêtements entre eux. Si bien qu'elle s'habillait toujours absolument au pif, ce qui donnait des résultats le plus souvent ignobles. Au passage, elle se frotta la peau du bras en râlant : elle était si sèche qu'elle avait presque l'impression qu'elle allait peler. Cela lui arrivait souvent, mais comme elle ne connaissait pas l'existence de la crème hydratante... Kora subissait, le plus souvent énervée par cette foutue peau sèche qui tiraillait de toute part.

Une fois prête, en mâchant son chewing-gum la bouche ouverte, Kora sortit ses lunettes à grosses montures noires et les glissa sur son nez. Le cours auquel elle partait assister aujourd'hui avait lieu en amphithéâtre, elle était donc obligée de les porter si elle voulait pouvoir suivre quelque chose. Elle jeta ensuite son sac à dos Eastpack gris sur son épaule de la main droite, puisqu'elle était droitière, et se dirigea d'un pas lent et flegmatique vers son premier cours de la journée, sous le regard désapprobateur des quelques personnes qui logeaient avec elle à l'internat de Wynwood High School. Au passage, elle en salua quelques-unes de sa voix grave – très, voir trop grave pour une fille – qui lui avait déjà valut quelques railleries. Saluts qui restèrent, comme souvent avec ces abrutis, sans réponse.

A venir, en cours de conceptualisation.

A venir, en cours d'élaboration.