Une farce ou un cookie! Elena & Cynthia

« Cynthia et Elena »

La gamine tente de s’assoir sur le fauteuil à côté de moi avant de continuer, encore et toujours, à essayer de me refiler ses cookies. C’est sans compter sur moi, qui, juste totalement sur les nerfs, la pousse sans aucune délicatesse. Elle se taule du fauteuil lamentablement ce qui m’arrache un petit sourire. Je pense que ça l’a découragée… mais non. Elle secoue la tête, et reprend, tout aussi déterminée si ce n’est plus :

« Alors, tu veux acheter ces deux derniers paquets ? 10$ seulement les deux. Bon allez, 2 $ les deux si c'est l'histoire du fric qui te coince ! »

Je prends une très grande inspiration en essayant de me contrôler.

« Tu veux quoi ? Que je bouffe tout tes cookies jusqu’au dernier ? Le fric c’est pas ce qu’il me manque, je veux juste que tu me laisse tranquille parce que ça ne va pas être beau à voir si tu restes là plus longtemps ok ? Je ne veux pas de tes cookies. Qu’est-ce qu’il y a de compliqué là-dedans ? Qu’est-ce que tu ne comprends pas ? Qu’est-ce qu’il te faut pour comprendre ça ? En quelle langue je dois te le dire ? Combien de fois je dois te le répéter ? ».

Ma dernière tirade semble avoir eu l’effet voulu. La petite recule lentement en me fixant, un peu terrorisée, puis murmure :

« C'est bon, c'est bon, je m'en vais. Au revoir Elena ! ».

Nooooon ? C’est vrai ? Elle va enfin me lâcher ? Elle va lâcher l’affaire ? Bon ça aura été long de lui faire comprendre mais c’est enfin la délivrance ! Elle recule, lentement mais sûrement puis se retourne. Je soupir de soulagement. Non mais elle m’a monopolisé combien de temps là ? Je ne lui prête plus aucune attention, je pense même qu’elle est déjà partie quand je me reçois un paquet de cookies dessus. Je relève brusquement la tête pour voir Cynthia s’enfuir en courant. Je baisse les yeux sur le paquet qu’elle m’a lancé dans lequel se trouvent les fameux cookies. J’y suis peut être allée un peu fort non ? En soi, elle m’a pas fait grand-chose. Elle est juste tombée le mauvais jour, fallait pas me faire chier aujourd’hui alors les cookies… Non mais c’est bon, maintenant je vais culpabiliser ! Aller, on s’en fiche non ? Elle est quand même sacrement chiante et collante, faut qu’elle arrête de s’acharner comme ça ! Du coup, maintenant que j’ai ce paquet entre les mains bah… je vais devoir y gouter, que faire d’autre avec ? J’ouvre le sachet, fermé par un joli ruban, puis prends un cookie que je fixe un moment. Il semble me narguer, me crier un truc genre ʺTu vois, tu as terrorisé cette petite qui n’a rien fait de mal à part vouloir te vendre des cookies et au final, elle t’a quand même donné ce paquet. T'aurais pu l’acheter hein, en plus c’était pour la bonne cause…ʺ Je coupe la tirade de mon cookie en l’enfournant dans ma bouche. Oh mais c’est que Ty avait raison, ils sont pas mauvais du tout. Comme quoi, si la mioche avait été un peu plus diplomate et un peu moins gavante, je lui en aurais peut-être pris ! Trop tard maintenant. Ces cookies vont finir dans mon estomac ! Je les aurais bien mérités non mais !

« Cynthia et Elena »

J’envoie balader la mioche, la conseillant fortement d’aller trouver un autre client que moi. Je retiens mes nerfs pour ne pas exploser, me mettre à hurler sur cette gamine qui me tape sur le système et lui faire du mal, je ne suis pas un monstre non plus (quoi que parfois…).

« Qu'est-ce que t'as, t'a tes règles ? Pourquoi tu me parle comme ça ? Je ne t'ai rien fais ! »

Je crache la fumée de ma clope à son visage. Mes poings serré me brûlent, comme si le visage de Cynthia (c’est ça son prénom ? Il me semble ouais) les attiraient. Je me force à prendre une grande inspiration et à me calmer.

« Non je n’ai pas mes règles, tu me fais juste chier à t’obstiner comme ça ! Et de toute façon, même si je les avais, en quoi ça te regarde ? T’attends quoi de moi exacte… »

Je suis coupée par l’entrée précipitée de quelqu’un dans la salle commune qui se rue vers la sale conne qui essaye de me vendre ses cookies. Ce quelqu’un c’est Ty. Il s’empresse de dire à la gamine :

« Vite, vite petite, donne moi tes cookies ! »

Merci Tyyyyyyyyy ! Sauve moi de ce pot de colle ! Je me renfonce dans mon fauteuil et continue à fumer. Ça m’aide à me calmer. Non mais je vous jure, comme si j’avais besoin de ça aujourd’hui. Elle a mal choisi son jour la p’tite. Aucune chance pour engager une conversation là. Tyty chope un paquet de cookie, l’ouvre, et engouffre un biscuit dans sa bouche. Je ne peux m’empêcher de lâcher un mince sourire. Justement, mon frère de confrérie se tourne vers moi :

« Elle essaye de te vendre ses cookies ? »

« Pour mon plus grand malheur, oui. Cette sale mioche me colle depuis deux heures à essayer de me refourguer ses cookies. Tu veux pas lui dire toi que j’en veux pas ? Ça a l’air trop compliqué à comprendre pour sa petite tête et je commence sérieusement à perdre patience. »

Il ébouriffe les cheveux de la gamine en souriant avant de lancer joyeusement :

« Sérieux Elena, achètes-en c'est vraiment trop trop bon ! »

Je ferme les yeux en signe d’exaspération. Bravo Ty, tu viens de lui donner mon prénom, maintenant elle va me coller encore plus parce qu’elle sait qui je suis. Ma cigarette se termine en plus, j’aurais même pas pu en profiter réellement à cause de l’autre là. Ty paye la p’tite et se barre avec toute la charrette. Ouiiiii ! Merci ! Bon débarra ! Au moins, elle, elle va dégager… Attends, non ! Mais pourquoi tu lui rends deux sachets ? Je prie s’il y a quelque chose là-haut que la gamine laisse tomber l’affaire… Bon bah il n’y a rien là haut. Elle se retourne et s’avance vers moi avec un grand sourire exaspérant. Elle me fait signe de me pousser pour lui laisser de la place sur le fauteuil.

« Tu te fous de moi ? »

Je hausse un sourcil et ne bouge pas d’un centimètre, écrasant ma clope dans le cendrier posé sur la table à côté de moi. Mais, bornée comme pas permis, elle s’assoit sur le fauteuil quand même, à moitié sur moi. Elle est sérieuse là ? Mais elle est sérieuse ?! Elle a vraiment décidé de me pourrir ma fin de journée ? Ignorant ce que je viens de lui dire, elle continue, appuyant bien sur mon prénom, tellement fière de le connaitre :

« Tu vois, acheter des cookies, c'était pas bien compliqué ELENA ! Ty l'a fait ! »

Et cette chieuse ne se lève pas en plus. Elle n’arrivera pas à me déloger de ma place, je ne bougerais pas pour elle. Au contraire, c’est elle qui va bouger pour moi ! Je place une main dans son dos et la pousse pas vraiment délicatement de sorte qu’elle se relève où tombe du fauteuil.

« Casse toi de là, si tu veux t’assoir tu prends un autre fauteuil, ou, encore mieux, tu retournes chez toi. »

Mais elle revient à l’assaut :

« Alors, tu veux acheter ces deux derniers paquets ? 10$ seulement les deux. Bon allez, 2 $ les deux si c'est l'histoire du fric qui te coince ! »

Elle me fait des yeux soit dit en attendrissants.

« Tu veux quoi ? Que je bouffe tout tes cookies jusqu’au dernier ? Le fric c’est pas ce qu’il me manque, je veux juste que tu me laisse tranquille parce que ça ne va pas être beau à voir si tu restes là plus longtemps ok ? Je ne veux pas de tes cookies. Qu’est-ce qu’il y a de compliqué là-dedans ? Qu’est-ce que tu ne comprends pas ? Qu’est-ce qu’il te faut pour comprendre ça ? En quelle langue je dois te le dire ? Combien de fois je dois te le répéter ? »

Une petite voix me dit de lui en foutre une mais une autre petite voix me dit qu’elle va enfin comprendre sans que j’ai besoin de la force. J’espère que cette putain de deuxième petite voix a raison ! Mais la première me dit de ne pas me faire trop d’illusion.

« Cynthia et Elena »

« Mais retourne chez ta mère avec tes cookies ! J’en veux pas, qu’est-ce que tu viens me faire chier ? »

Son sourire de gamine s’évanoui sur le champ. Elle ouvre la bouche et écarquille les yeux d’un air choqué dans une moue qui la fait plus ressembler à un poisson qu’à autre chose. Elle bat des cils avant de balbutier, comme si elle allait s’effondrer en larmes d’une seconde à l’autre (en tous cas c’est l’effet que ça donne) :

« Mais...Mais... »

Je lève les yeux au ciel avant de me reconcentrer sur ma clope. Je l’allume et tire dessus.

« Mais pourquoi ? Tu dois aider l'école de danse ! C'est pour un projet ! En plus, ces cookies sont trop bons ! »

Je relève les yeux, crachant un nuage de fumée qui danse quelques secondes dans l’air avant de s’évaporer. C’est pas possible ! Elle s’accroche comme une moule à son rocher !

« Qu’est-ce que tu n’as pas compris dans je n’en veux pas ? Tu m’as bien regardée ? Je m’en fous au plus haut point de ton école de danse. Franchement tu penses sérieusement que j’en ai quelque chose à branler de ton projet bidon ? Tes gâteaux tu vas les vendre à quelqu’un d’autre, un point c’est tout, arrête de t’acharner. »

Je me replonge dans le fauteuil, fumant tranquillement. Cette mioche me tape sur les nerfs…

« Et puis d'abord, pourquoi tu me parles mal comme ça ? Je ne t'ai rien fait ! Je suis nouvelle ici ! »

Je laisse s’échapper un rire sans prendre la peine de relever mon visage vers le sien. Oh la pauvre chérie ! Elle va me lâcher un jour ou c’est trop demander ? Non mais je rêve, elle se prend pour qui ? Je lui parle comme je veux. Je secoue la tête, espérant la décourager, qu’elle se barre enfin mais ça n’a pas l’air d’être dans ses plans.

« Je m'appelle Cynthia Cassie Cox. Je suis la petite cousine d'Alma Rodriguez. Tu dois la connaître, c'est une SM aussi ! »

Je lâche un soupir exaspéré et la regarde de haut.

« Ecoute, je m’en fous. Ta vie, qui tu es, qui est ta cousine, que tu sois nouvelle, j’en ai rien à battre, je m’en fous comme de l’an 1000, tu vas le comprendre ça oui ou merde ? Arrête de me coller aux basques et casse toi avant de t’en prendre une. »

Elle continue sur sa lancée :

« Et toi, comment tu t'appelles ? »

Elle me sourit de toutes ses dents. Retenez-moi, retenez-moi… Je vais péter un câble ! A croire que c’est ce qu’elle veut en plus ! Elle est insupportable cette mioche ! Ok, elle vend ses putains de cookies mais je lui ai dit que je n’en voulais PAS ! Ça ne sert à rien de parler avec moi, je n’en ai aucune envie. Les discussions avec les gamins c’est tout sauf constructif, ça n’en vaut pas la peine alors qu’elle déguerpisse vite fait. Je suis d’une humeur de chien, qu’elle aille pas chialer si elle se prend mon poing dans la gueule.

« Tu sais quoi ? Cherche pas à discuter, je n’en ai aucune envie alors continue ta vente de cookies, comme une gentille fifille, tu ne gagneras rien avec moi d’accord ? »

J’essaye de rester le plus calme possible. Je tire encore une fois sur ma clope, laissant la fumée répandre l’odeur de tabac dans l’air. Respire, ne la frappe pas, pas tout de suite.

« Cynthia et Elena »

Week-end, grasse mat’, footing, déjeuner en ville. C’est comme ça qu’on peut résumer ma journée, des plus banales pour le moment. En plus, je suis d’une humeur massacrante aujourd’hui. Hier je suis sortie pour rentrer à une heure pas possible donc morte de fatigue, motivée à ne rien faire… C’est d’ailleurs un exploit que j’ai réussi à me traîner pour courir ! Je sors du pub où j’ai mangé puis me dirige vers WHS, faisant des détours pour m’occuper parce que de toute façon, je n’aurais rien à faire au bahut, alors autant rester dehors, et marcher pour ne pas s’ennuyer (bah oui, on s’occupe comme on peut !). Je connais ces rues par cœur, j’y ai passé toute mon enfance. Je traverse des endroits peu connus des gens qui ne vivent pas à Miami depuis toujours, où j’ai des souvenirs en tous genre : avec ma bande de potes, l’endroit où j’ai rencontré untel, là où on faisait les cons, ici où on pouvait trouver du shit bon marché… Après, il n’y a pas que de bons souvenirs. Cette ville contient à peu près toute ma vie, les bons comme les mauvais moments, les joies et les peines, qui me retrouvent à chaque coin de rue. Un jour je quitterais Miami pour m’installer loin, très loin, essayer de vraiment me reconstruire. J’arrive dans une rue que je connais bien. Mes pas m’ont menée ici, assez inconsciemment… Je ralentis un peu. LA rue de mon enfance, celle dont je peux donner chaque détail, chaque fissure sur le trottoir sans même avoir besoin de réfléchir. Je passe devant les maisons. Je connais chaque habitant, je sais exactement qui dors sous chaque toit. La rue est vide, heureusement, je ne tiens pas à croiser quelqu’un. J’ai tiré un trait sur mon passé, je ne veux plus aucun lien avec. Puis c’est là. La grande villa, avec le jardin parfaitement entretenu. La plus belle maison de la rue si ce n’est du quartier, et oui, le fric c’est cool. Le sentiment qui m’envahit est assez étrange, je ne saurais le décrire. Je déglutis, plantée devant la grille de cette immense baraque, qui me toise d’un air de reproche. Je devrais entrer, aller les voir, au moins pour leur dire bonjour, leur dire que leur fille ne les oublies pas. Mais à quoi bon ? Je détourne le regard vers l’autre bout de la rue. Non, ça ne servirait à rien. Je serre les poings puis reprends la direction de Wynwood.

Je pousse la porte du bâtiment des SM et me dirige vers la salle commune. Il y a quelques Sigma mais personne que je ne connais vraiment. Je me dirige donc vers un coin un peu à l’écart et me laisse tomber dans un fauteuil avant d’allumer une clope. J’en fume une, puis deux, observant ce qu’il se passe autour de moi même si mon esprit est bien loin de cette pièce.

Ma deuxième clope vient de finir de se consumer. Je m’apprête à en sortir une troisième quand une gamine entre dans la salle. C’est autorisé les gamins de 5 ans dans les bâtiments ? Je l’observe : robe blanche, petites nattes, gros carton dans les bras… Un SM l’a terrorisée pour déménager quelque chose gratos ? Non ça m’étonnerait, elle sourit comme une conne. Les mioches, je ne supporte pas ça. Ça ne sait même pas se servir de sa tête à cet âge ! En tous cas, c’est marrant à faire chier. Je réalise que cette minus se dirige vers moi. Qu’est-ce qu’elle me veut elle !

« Salut! Je vends des cookies pour mon école de danse. Ça t'intéresse? 5$ les 10 cookies! C'est cadeau! »

Ma troisième cigarette, pas encore allumée, entre l’index et le majeur, je la regarde de haut en bas avec mépris. Putain mais elle est sérieuse ? J’ai une tête à me gaver de cookies ? J’ai une tête à filer du blé pour une école de danse ? Je crois qu’elle a pas bien compris où elle était.

« Mais retourne chez ta mère avec tes cookies ! J’en veux pas, qu’est-ce que tu viens me faire chier ? »

Je ne bouge pas d’un pouce. Elle se rend compte qu’elle est pitoyable ou pas ? Comment ça marche ? Son sourire de petite fille modèle me donne envie de lui foutre des baffes, mais bon, je me retiens…