Take The Photographs And Still Frames In Your Mind... [With Mike Harper]

Parler apparence avec Mike était toujours délicat. Pourquoi ? Parce que ça se voyait tout de suite, que lui et ce qu’il rejetait à l’extérieur ne l’importait pas plus que ça. Tenue négligée, sans pour autant paraître sale, mais il ne passait jamais plus de cinq minutes à se préparer, se rasant régulièrement, et se coiffant toujours à la va vite, noisette de gel ou pas, de toute façon son but premier n’était pas de paraître tout beau tout propre et de rentrer dans la catégorie des mecs les plus beaux de l’université, être populaire, tout ça. Il en avait strictement rien à faire, ce pourquoi ça se révélait toujours laborieux quand il s’agissait de débattre là-dessus, parce que visiblement Samuel et Mike avaient tout deux une opinion aux antipodes concernent l’aspect visuel de sa personne. Autant on voyait au premier coup d’œil que Samuel était du genre à coiffer ses cheveux mèches par mèches comme un tatillon qui relève herbe par herbe pour avoir une pelouse parfaite, autant on voyait bien que Mike ne cherchait pas à se faire remarquer, et se fondait aisément dans la masse malgré sa carrure imposante, et le choix très simple de ses vêtements, qui étaient loin d’être au top de la mode.

Alors quand il s’agissait d’évoquer ce qui plaisait le plus aux filles, alors forcément, ils n’allaient pas être d’accord sur beaucoup de points, notamment en vue des opinions subjectives de Mike qui se basaient notamment sur ce qu’il voyait, et non ce qu’il pensait réellement. Et bon tant qu’il y était, autant se mettre à causer de ce que Samuel était capable de comprendre, parce qu’aux yeux de Mike il ne devait pas être capable de grand chose, si ce n’est critiquer le physique des autres, et tout ça n’avait fait que commencer à cause d’une misérable coupe de cheveux, c’est dire.

C’est sur qu’elles iront pas vers un gringalet prétentieux et invivable comme toi, je plains la meuf qui aura à te supporter. Perso comme je cherche pas particulièrement je m’en fous, je te dis, je ne fais que me baser sur ce que je vois, alors tu m’excuseras si les filles salivent plus sur un torse plein d’abdos que sur un corps de crevette comme le tien, faut pas m’en vouloir, je suis né avec, dit-il imitant son interlocuteur avec un brin de prétention dans la voix. Après je dirais que le physique ne compte pas, parce que t’as beau avoir une bonne gueule, si t’as un caractère de merde, ça pèse beaucoup sur la balance aussi, et pas de pot, sur ce point, on est mal partis tous les deux.

Mike a toujours su qu’il ne pouvait compter que sur son physique pour espérer attirer des filles, parce que ce n’était certainement pas à cause de son légendaire tact qu’il allait s’en tirer. Bien sur, il faisait des efforts pour ne pas les faire fuir, quand il avait envie, mais il s’insupportait tout seul à jouer au gars mielleux, avec toujours une petite phrase gentille pour flatter, alors que les flatteries n’étaient pas de son ressort, il n’était pas le roi des compliments. Il avait encore beaucoup à apprendre, tandis que Samuel semblait déjà plus calé dans ce domaine, mais ça il se fichait bien de savoir comment il s’en sortait avec les filles, parce que tout ce qui importait Mike à l’heure actuelle était de continuer ce petit jeu ridicule, et comme Mike avait le sang chaud, il ne se laisserait pas insulter par ce gamin. Quitte à continuer à déblatérer des sottises, pour montrer qu’il était tenace, et qu’il ne lâcherait pas, parce que si c’était le cas, il donnerait raison à l’autre guiche, et ça il refusait catégoriquement.

D’autant plus qu’il était là, appareil en main, un sourire horripilant sur les lèvres qui voulaient clairement dire que Mike avait beau parler, il en avait rien à foutre, et il avait beau être blessant, ça ne changerait rien à la donne, comme si rien ne l’atteignait, ce qui en tout les cas était la même chose pour Mike, sauf qu’il était d’autant plus réactif et impulsif, ce qui le trahissait plus vite que le sourire mesquin et la sérénité sans faille du jeune homme, probablement un Pi Sigma comme Mike les détestait. Déjà qu’il se croyait beau, riche et intelligent, il se permettait en plus de paraître aussi froid qu’un morceau de glace. Et bien qu’il ne l’admettait que rarement, Mike avait horreur de se trouver face à ces insensibles contre qui il avait bien du mal à montrer la moindre autorité, puisqu’ils étaient du même genre, alors ça finissait souvent avec les mains, des mots balancés de ci et là, rien de très constructif au final.

Mais finalement, il avait réussi à irriter ne serait-ce qu’un peu Samuel, en commençant à jouer au fin déducteur, et tirer des conclusions hâtives sur le jeune homme. Mike pouvait se gourer, se gourerait probablement, mais comme il s’en foutait et que son but premier était d’emmerder, il remarqua avec plaisir que ça avait un minimum d’effet, puisque Samuel choisit de s’emporter, et répéter ô combien c’est mal de juger sans connaître. O maman je vais pleurer, penserait Mike en entendant ça, alors que personnellement, il était le premier à subir tous types de jugements, tous les jours, sur qui il était, alors il allait pas se gêner pour en faire de même avec ce casse-couilles de première, et il pouvait lui faire toutes les morales du monde, ça ne changerait rien à la donne.

Si tu me laisses le penser, c’est avec joie que je vais le faire, comme je cherche pas à te connaître, et que réciproquement t’as l’air de juger rapidement sans chercher à aller plus loin, on sera quitte au moins. Par contre, je mettrais juste quelque chose au clair, si t’essaies de me caser dans la catégorie homos et compagnie, là ça va aller moins bien, je cherche pas à draguer, encore moins toi, là ce serait vraiment que je me suis pris un objet en pleine tête, à en devenir complètement fou. Répondit-il avec le même ton de dégout dans la voix, plus homophobe que Mike on ne pouvait pas alors insinuer ça le répugnait encore plus. Et si t’utilisais ton cerveau, comme tu le dis si bien, tu n’aurais même pas chercher à faire ton malin y a de ça quelques minutes, ce qui a entrainé cette conversation, sauf que non, tu veux jouer au plus fort, et en plus de ça tu te permets de juger, et ensuite de me reprocher que je le fais, où est la logique ? Personnellement, ça fait longtemps qu’elle n’est plus de la partie. Il marqua une pause, la coiffure étant remise sur le tapis. Haha très drôle, je suis mort de rire, non mais sérieusement, aller chez ton coiffeur en sachant ce que je risque d’avoir sur la tête à la fin jamais, et en tant que coiffeuse, je pense que ça rentre plus dans tes qualifications, t’as plus le gabarit que moi, fit-il avec un grand sourire hypocrite.

Certes, ça ne volait pas haut, voire ça ne volait pas haut du tout, mais il n’était plus à ça près, et continuait même avec plaisir de le narguer, et rentrer dans ce petit jeu stupide. Mais au moins il arrivait enfin à exaspérer Samuel, qui chercha à le lui faire comprendre, de manière directe, ce qui fit rire Mike.

Elle est bien bonne. Entre nous, j’ai trouvé plus lourd que moi, toi. Il a suffit que tu débarques avec ton vieux sourire hypocrite et ça m’a déjà soulé, alors que tu viens seulement de te dire « oh t’es chiant », comme quoi je le suis pas tant que ça, dit-il moqueur. Et si t’avais pas débarqué alors que j’étais sagement debout à ne rien demander au peuple, tout ça n’aurait pas commencé, donc Monsieur Propre il va demander à l’affreux de se taire, parce que de nous deux je crois que tu es le plus pitoyable, mais ça j’osais espérer que tu avais fini par en prendre conscience à être si maniaque sur tout pour décortiquer tout ce que je te dis. Enfin bref, va gambader dans la gare prendre tes photos, on se retrouve plus tard pour que je puisse voir ta charmante mine quand tu apprendras que tu as perdu.

Suite à quoi Mike s’était engouffré dans la gare à la recherche de ses trois clichés, qui pour lui lui assurerait la victoire sans aucun doute, bien que le juge soit totalement externe à la scène. Il n’avait pas peur, il savait qu’il avait ses chances, plus que ce ringard en couche culottes, ce pourquoi il partait confiant, mais comme la photographie était pour lui quelque chose de sérieux, il avait pris son temps, plus que de coutume pour faire des clichés qui sortaient de ses attributions habituelles, puisque d’habitude il ne se noyait pas dans la foule, il s’en exilait, mais la le défi était de taille, et il ne pouvait le refuser. D’ailleurs, Mike ne refusait jamais aucun défi, surtout si c’était contre un type comme ça.

A la fin du temps imparti, Mike rejoint son adversaire au lieu de rendez-vous : Non, prêt à t’engouffrer la poussière, plutôt.

Tous deux se dirigèrent alors vers un chef de gare lambda qui faisait sagement son boulot sur le quai, se demandant probablement ce que deux énergumènes pouvaient bien trouver à une gare pour en faire un concours improvisé. Il les regarda surpris, mais se laissa tenter, et attrapa les appareils pour visionner les photos, et donc départager le Sigma Mu et le Pi Sigma.

Mike affichait un sourire on ne peut plus confiant, mais semblait perplexe, en voyant que le gringalet s’en tirait pas mal non plus dans son genre, mais avouer la défaite allait être bien plus dur, d’autant plus que ce couillon de chef de gare pointa du doigt l’affreux. Mike en était presque bouche bée et sentait déjà l’imbécile heureux se vanter. Surtout que Mike était du genre mauvais perdant, encore plus quand on se pavanait devant lui.

Je pense qu’il vaut mieux que tu t’abstiennes d’une récompense en effet, je ne suis pas sure que tu apprécies mes gouts en matière de cadeau, surtout que dans l’état actuel Mike avait bien en envie de lui envoyer un gnon en pleine face. Mais contentes-toi de ça, soit heureux, vante-t-en, mais la prochaine fois, ça ne sera pas aussi simple, y aura pas un niais inculte pour juger. Sur ce, je vais te laisser, je suis en train de faire une overdose de ta face de rat. Si je pouvais je dirais à jamais, mais je suis sure que je suis capable de te croiser à Wynwood, ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle, du coup je te dis à bientôt.

C’est sur ces derniers mots que Mike tourna les talons, rangea son appareil et repartit furax de la gare, où il était censé passer du bon temps à prendre juste quelques clichés, alors que finalement ça s’est soldé sur une après-midi stressante, et déplaisante, qui lui donnait envie d’aller se défouler et s’exiler là où il n’aurait pas à croiser des emmerdeurs dans son genre.

Just Take the Photographs and Still Frames in your Mind-Mike  

Est ce que je suis un mec totalement narcissique pour qui le look et l'apparence en général comptent beaucoup ? Oui c'est un fait et je l'admet bien volontiers. Est ce que je suis un type qui passe son temps à réfléchir à des coups bas et des stratagèmes pour pouvoir devenir populaire, pour prendre le dessus sur les autres ? Bien sur que oui et je le revendique même. Est ce que je suis une jeune homme qui joue avec les autres, qui les observe pour pouvoir les manipuler et obtenir d'eux ce que je veux, mais tout à fait. La Voice, j'aimerai tellement savoir qui se cache derrière la Voice, elle qui pense qu'elle fait peur aux autres, c'était d'un ridicule, dilapider des rumeurs comme çà en pensant que les gens vont réagir, bien sur les gens réagissent, certains ont peur, certains s'en fiche et certains comme moi qui se réjouissent que la Voice existe, cette Voice bosse dans mon intérêt, elle colporte des rumeurs, les gens prennent peur et moi j'exploite les peurs des gens. Alors oui je suis un sale gosse, pourri gâté, qui manipule les gens, au caractère impossible et ce n'est pas près de changer.

Cela ne va pas changer, et surtout pas parce que Monsieur Propre me fait la leçon de philosophie et de moralité, ce mec c'est un peu un curé, il te fait la moral mais n'en pense pas un seul mot, voilà ce mec c'est un curé, Monsieur Propre en soutane. Ça se voit, je le vois tellement qu'il a envie de me coller un taquet depuis toute à l'heure il est sur le point de le faire, je pense que la seule chose qui le retienne c'est mon appareil photo, il aurait trop peur de l’abîmer, si un jour j'avais cru que mon appareil me servirai d'assurance vie. Tout ses comportements me confirmaient ce que je pensais de lui à la base, il ne sait pas se contrôler ce type, dès qu'on commence à dire des vérités sur lui, que l'on commence à se montrer un temps soit peu menaçant il perd ses moyens et se met à hurler sur tout ce qui bouge. Alors je décidai de pousser le jeu un plus loin, jusqu'à je pourrai aller avec lui, la manœuvre était toute simple, exacerber ses réactions en le provoquant encore plus, peut-être en apprendrais-je un peu plus sur lui, au pire je lui aurai pourri sa journée et ce sera déjà une grande satisfaction pour moi, peut-être lui aussi deviendrait un pion sur mon échiquier personnel, cette pensée me tire un sourire.

Mais tout n'était pas à jeter chez ce garçon, il aimait la photo, c'était un bon point de départ, il aimait la photo mais je n'étais bien sur qu'il aime les miennes, il est absolument certain que mes photos sont de bonnes qualités juste parce que j'ai un bon appareil j'allais lui prouver qu'il se trompait, que le mec narcissique avec une tonne de plastique sur les cheveux n'est pas qu'un prétentieux, il allait mordre la poussière, j'en faisais le serment. Pourquoi il me parle des filles qui aiment les corps musclés maintenant lui ? « Oh mais c'est sûr tu as tout à fait raison mec c'est sur les filles adorent ce genre de mec les grizzlis, je suis sur qu'elles adorent leur côté gros lourdeau bien beauf aussi, dans le genre sans considération et sans sentiments, mais tu dois connaître çà non, tu rentre visiblement dans la catégorie. »

Visiblement il pensait que ses petites remarques me faisait de l'effet, que ça me vexait, chaque fois qu'il ouvrait la bouche, à chaque fois il se voulait plus offensant. J'en pleurerai presque, de rire bien entendu, c'était ridicule, il allait constamment dans la surenchère pour ne pas perdre la face, il montait sur ses grands chevaux parce qu'au fond il n'a pas le choix, c'était soit çà, soit il laissait filer et si il laissait filer ce serait s'avouer vaincu, j'imagine qu'il n'en était pas question, notre discussion allait donc continuer ainsi, épuisant vraiment. Je passe sur la petite leçon de vocabulaire qu'il essaya de m'infliger, je sais très bien ce que c'est l'ego, le mien est assez surdimensionné comme çà, le sien aussi, bien qu'il ne voulait pas se l'avouer, cette façon dont il voulait toujours avoir raison sur tout, si ce n'était pas une belle démonstration d'ego je ne sais pas ce que c'est d'autre.

Visiblement lui aussi me jugeait, il essayait de savoir qui j'étais et je ne peux pas lui en vouloir, si comme il est photographe l'observation est primordiale, alors qu'il observe, qu'il me jauge et qu'il en tire les mauvaises conclusions sur moi, il s'en mordrait les doigts plus tard. Donc, comme je le disais il critiquait, enfin plutôt il mettait en doute mes capacités à être un bon photographe, pour lui encore une fois, tout venait de mon argent, que je devrai plutôt faire mannequin que photographe et encore quelques joyeuses remarques sur ma coupe de cheveux qui, visiblement à l'air de le passionner, peut-être qu'en plus de curé, il voulait se lancer dans une carrière de coiffeur visagiste, qui étais-je donc pour juger l'orientation professionnelle de ce jeune homme ? « Libre à toi de penser que l'argent fais tout dans ma vie et que tout ce que je réalise est dû au pognon de mes parents. Mais non, si toi tu mise tout sur, comment dis tu déjà, ton corps sculpté, d'ailleurs je ne sais même pas pourquoi tu m'as parlé de çà, si tu essayes de me draguer autant te le dire tout de suite je ne suis pas de ce bord » dis-je avec un air dégoûté « oui donc j'utilise mon cerveau moi, je réfléchis un peu avant de sortir n'importe quoi, tu te donne des grands airs, parce que tu es plus grand et que tu parles fort, alors tu vois tes remarques sur mes cheveux, même sur le fait que tu insinue que je suis une fille ça me passe au dessus de la tête vraiment, sinon ce serait rentrer dans ton jeu qui lui non plus ne vol pas très haut. Au fait toi qui semble aimer la coiffure je peux te donner l'adresse de mon coiffeur, un type super, il pourrait te prendre à l'essai, il recherche des coiffeuses pour l'été. »

Cela se voyait qu'il adorait me sortir ce genre de réplique, si il savait que à quel point je n'en ai rien à faire, que j'ai connu dix fois pire que lui, lui il ne fait que parler, ce n'est pas bien méchant, il me fait sourire, presque rire. « Laisse moi te dire de ma petite voix que tu commence à me saouler vraiment, c'est l'effet que tu fais à tout le monde mec ? Je plains sincèrement ton entourage dans ce cas là, si pour vivre avec toi il faut des boules quies en permanence, alors Monsieur Propre il est bien gentil et il baisse d'un ton avant que tout le monde dans la gare se demande si tu n'es pas pris e démence, ce que je me demande aussi pour te l'avouer. » La dessus je fis une pause, pour reprendre de l'air, avant de continuer. « Et non je n'ai pas peur de perdre mon cher grizzli, je ne perds jamais, comme tu va bientôt le voir, va donc prendre tes photos. »

Nous nous sommes donc séparés pour aller prendre nos photos, les règles étaient fixées trois photos chacun, et un arbitre. Je me dirigeais donc directement vers un des quais de l'immense gare de Miami, ma première photographie sera une photo en mouvement, j'allais me mettre donc au plus prêt du bout de la rame et j'attendis qu'un train passe, alors que la moitié était passé devant l'objectif j’enclenchai l'appareil, le résultat était tel que je le souhaitais, une image nette d'un quai de gare avec un train, en plein mouvement, comme un fantôme en plein milieu d'une gare.

La deuxième, me fut inspirée par un grand photographe que je respectai beaucoup, un français, Robert Doisneau, photographe dont l'une des plus belles œuvres était un baiser, « Le Baiser de l'Hôtel de Ville », une référence en la matière. C'est deux jeunes personnes s'embrassant que je prend pour ma deuxième photo, pas un gros plan, plan large pour que l'on puisse voir le paysage, une démonstration d'amour dans un lieu triste froid et sans âme d'une gare.

Restait un dernier cliché à prendre, peut être celui qui ferai toute la différence, je sortais de la gare une nouvelle fois et posais mon objectif directement contre la vitre créant ainsi une lentille supplémentaire, déformant légèrement l'image, et j'ai pris une photo du hall de la gare comme çà, légèrement déformée, comme un peu usée, comme si de légères rayures étaient apparues sur mon objectif, vieillissement du cliché sans avoir besoin de passer par des filtres artificiels. Ceci fait je rejoignis mon « camarade » photographe. « Oui oui c'est bon, prêt mordre la poussière Monsieur Propre ? »

Nous nous sommes donc dirigés vers le chef de gare que j'avais désigné comme arbitre, je lui explique la situation et il accepte de se prêter au jeu, nous lui tendons tout deux nos appareils photos et le chef de gare se mit à observer longtemps chaque cliché. Après quelques instants, le chef de gare nous rend nos appareils et me pointant du doigt il sort : « C'est difficile de vous départager mais, je crois que c'est vous qui avez fait les plus belles et les meilleures compositions » dit-il avant de repartir vaquer à ses activités. Lentement, très lentement je me suis tourné vers Mike, mon sourire, mon éternel sourire satisfait s’étalait à présent sur mon visage. « Je t'avais prévenu mec, je ne perds jamais, je ne l'accepte pas. Je pense que je ne vais pas te demander de récompense, je vais juste me contenter de ta défaite, c'est amplement suffisant. » J'ai rangé mon appareil dans sa pochette et j'ai ajouté. « Oh tu vas pas pleurer hein, parce que j'ai oublié mes mouchoirs chez moi... »

Code by Drakunet (Scienta Magicam)

Les gars comme lui, Mike n’en faisait qu’une bouchée généralement, bien que celui-ci paraisse plus futé et vicieux que les autres a qui il avait affaire d’habitude, mais ce n’était en aucun cas avec son grand air de monsieur je suis mieux que tout le monde qu’il allait impressionner Mike qui avait horreur de ces m’as-tu-vu prétentieux. Mike pouvait être imbu de lui-même, certes, mais jamais jouer sur la prétention de son physique, il ne faisait pas partie de la catégorie des tarlouzes qu’ils s’aiment plus qu’ils n’aiment le reste de leur vie. En gros des Narcisse sur pattes, qui admirent leur reflet dans leur miroir au moins une demi-heure tous les matins, et n’en ratent pas un seul sur leur chemin. Un miroir, une vitre, toujours le moyen pour s’admirer et se complimenter. Mike ne comprenait pas comment on pouvait tant s’aimer, au point de se croire supérieur, alors que bon il n’y avait pas de quoi se vanter. Quand il en voyait certains se prendre pour les maitres du monde, il se demandait s’ils n’avaient pas de la merde dans les yeux. Après Mike n’était pas du genre à juger le physique des mecs, c’était pas son style, il parlait plus des filles dans ces cas-là, parce qu’il y avait de ces thons qui pourtant visaient toujours tellement haut… Est-ce que c’était parce qu’elles se croyaient au-dessus des critiques, ou était-ce parce qu’on avait jamais osé leur dire ? Mike l’ignorait.

Mais dans le cas présent, s’il le fallait il n’hésiterait pas à critiquer, surtout qu’il faisait face à une de ces personnes égocentriques. C’était tout vu, sa façon de parler, de prendre de haut, et de vouloir prouver ô combien il valait beaucoup rien qu’en montrant son appareil dernier cri. Mais comme disait toujours Mike, il faut bien du bon matériel pour compenser autre chose, pas besoin de dessins, vous aurez saisi l’allusion.

Enfin tout ça pour dire, que malgré l’envie de lui défigurer son joli visage, Mike préférait s’abstenir, pensant qu’il irait de suite trop loin, et surtout qu’il avait un profond respect pour l’objet qu’il tenait entre ses mains. Il ne méritait pas de finir dans un état pitoyable lui, encore que l’autre finisse amoché, ça le dérangeait pas, puisqu’il ne trouvait pas que c’était un canon de beauté, et qu’un œil poché ou pas, ça changerait pas grand chose au personnage, mais bon, il fit mine d’être au-dessus de ça, même si ça le démangeait sacrément.

Evidemment, en tant que m’as-tu-vu à temps plein, reprocher la coiffure des autres c’était typique pour quelqu’un qui se coiffe au cheveu près le matin. Alors forcément quand on a du plastique sur la tête, voir Mike qui se laisse toujours les cheveux au naturel, ça doit faire bizarre, mais on peut pas tout avoir, et si c’était pour se ruiner pour avoir la même chose, Mike préférait encore sa coupe à celui de son interlocuteur. Parce qu’à part ressembler à toutes les tafioles de nos jours, il ressemblait pas à grand chose. Et Mike ne manqua pas de lui faire remarquer, ce qui fit réagir de suite Samuel. C’est sur, critiquer leurs physiques, ça les faisait tiquer ces mecs-là, ils se trouvent tellement parfait qu’il est impossible pour eux qu’on leur dise quoique ce soit de négatif à ce sujet.

J’attaque le physique, pour rentrer dans ton jeu l’affreux, j’y peux rien, tu critiques ma coupe, je n’ai pas le choix que de me rabaisser à ton niveau, qui malheureusement ne vole pas haut. Mais tu m’en verras désolé, mais les filles, ils aiment bien voir un corps un peu sculpté, c’est l’avis général, pas le mien, j’en ai rien à foutre de spécialement plaire ou pas, si tu veux tout savoir. Mais c’est ce qu’on dit, après si tu mises sur ta tête, c’est que tu dois avoir vraiment confiance en toi, dis donc, ce qui voulait sous-entendre qu’il avait une tête de con.

Mike, il ne fallait pas le chercher. Il était pas débile, mais il aimait à le faire croire et à rentrer dans les jeux des autres. Après il s’éclatait à critiquer, parce qu’au fond lui, qu’il ressemble à un mannequin ou pas, c’est pas comme si c’était sa préoccupation principale, même s’il savait que par une chance inouïe, il avait hérité d’un physique non loin d’être déplaisant, il ne le mettait juste pas en avant, puisque son but dans la vie n’était pas de défiler sur un podium, ce qui avait plus l’air d’être du style de la crevette face à lui.

Je n’appellerais pas ça de la vantardise. Pas tout le monde n’a hérité d’une belle gueule, alors il faut bien qu’ils fassent avec, si t’appelles ça de l’égo, va falloir relire une petite partie du dictionnaire. On fait avec ce qu’on peut, tu devrais pourtant être le premier au courant, dit-il cynique.

Ce n’était pas croyable qu’il soit obligé d’apprendre les mots avec un gamin dans son genre. Mais après évidemment, il n’allait pas avouer qu’il avait un égo démoniaque, bien sur que non. Et ce n’était pas du genre du monsieur, c’est ce que se disait Mike en essayant de cerner le jeune homme, décidément pas facile à comprendre, enfin presque impossible à comprendre. Mais la première chose que Mike pourrait dire à son sujet c’est sournois. Même si c’était subtil ça se sentait dans ce regard, cette façon d’observer et de réagir.

Ah ça on sait jamais, y en a qui sont pétés de thunes et qui achètent pour le plaisir d’avoir des choses, sans pour autant savoir s’en servir, souligna-t-il, et franchement t’as pas le profil d’un photographe, plus de celui qui se retrouve derrière, tu sais ceux qui posent ? Bien sur qu’il connaissait, mais il voulait lui faire croire qu’il le prenait pour un crétin. Oh je t’aurais blessé ? Demanda-t-il, que c’est triste. Mes réflexions, je les garde pas pour moi, généralement j’ouvre ma gueule pour dire ce que je pense, alors préjugés ou pas, au moins je suis honnête, tu devrais être content, plutôt. Il revint sur les cheveux. Dis donc, cette remarque sur ta coupe de merde, ça t’as froissé on dirait. Après tout est une question de s’accepter, mais on dirait que tu t’acceptes pas vraiment, parce qu’au point de te faire la même coupe qu’au moins une bonne centaine de gugusse sur terre, c’est que t’as un problème d’identité, ou alors t’aime vraiment ressembler à un balai, à toi de me le dire.

Ce qui était certain, c’est que pour ça, il avait du en claquer de la thune, pour que ce machin reste figé en haut du crane comme ça. Et Mike n’était pas mécontent de sa tignasse mal peignée, comme il dirait, au moins au moindre coup de vent, il ne partirait pas en courant.

Au moins je ne déplore pas la perte de mon fric quand le moindre coup de vent ravage ma coupe, ça doit être dur à vivre, non ? Constamment se recoiffer ? Tu n’as pas l’impression d’être une fille parfois ? Osa-t-il même demander, moqueur.

Au train où avançaient les choses, Mike ne prendrait même plus aucun plaisir à défigurer Samuel, puisqu’au fond le critiquer et le rabaisser l’éclatait tellement plus, il lui faisait croire que c’était qu’un idiot, et ça marchait, mais il faut toujours se méfier de Mike, on ne sait jamais ce qu’il a en tête.

Le plus simple en fait ce sera que tu te la fermes, et qu’on parte chacun de notre côté, comme ça ta voix de castrée ne pète pas mes tympans, et en plus je ne suis pas obligée d’entendre des choses entièrement fausses à mon sujet, mais t’as de la chance, tu m’emmerdes aussi, alors pourquoi voudrais-tu rectifier le tir, alors qu’une entente entre nous relève de l’impossible ? Tu cherches des excuses, c’est ça ?

Si c’était ça, venant de Mike ça n’arriverait jamais, pas de probabilité, c’était un zéro pointé, même s’il savait qu’il avait eu tort et qu’il devait s’excuser, il ne le ferait pas, et certainement pas pour un zigoto comme lui.

M’ouais, fin la gare, c’est pas désert non plus, au pire y a toujours le désert du Sahara, là y a vraiment personne, et surtout y a beaucoup moins de chances que tu en reviennes. Et puis, vu que t’es un gars qui comme toi ne supporte pas les lieux bondés, qui est un emmerdeur de première, bah je vais faire comme tout ceux qui sont venus me plomber ma journée alors que j’essayais d’être tranquille, je vais te pourrir la tienne, ça te va ? Non ? Tant pis.

Bodybuildé ? Il avait pris Mike pour qui là ? Il n’avait pas visité une salle de muscu depuis bien longtemps, il faisait juste du sport régulièrement au sein de l’équipe de foot US, et il ne supportait pas à aller à la plage, c’était pour les imbéciles qui entretenaient leurs bronzages ça.

Désolé, mais je vais devoir imiter ta douce voix, et te redire « tu as l’air plein de préjugés et tu vas me saouler rapidement. » Parce que je sais pas ce qui te fais dire que je suis une de ces boules de muscle qui expose son corps sur la plage, mais tu fais fausse route depuis le début, alors au lieu de gentiment me conseiller d’arrêter avec mes clichés, tu ferais mieux d’en faire de même, pour partir sur de bonnes bases comme tu le dis si bien, dit-il sarcastique. Décidément ce petit ne manquait pas de culot, et Mike avait bien du mal à ne pas partir, pour ne plus avoir à supporter ce supplice. Un concours ? T’as pas peur de perdre toi dis moi. Mais j’accepte, pour le plaisir de te voir ravaler ta fierté, ce sera tellement plaisant comme victoire, même si une récompense à la clé me tente tout autant, mais garde ton appareil j’aimerais pas te l’abimer, j’ai déjà ce qu’il me faut l’amateur, dit-il en désignant sa pochette d’appareil.

D’un pas, il le quitta pour aller remplir sa tache qui était de prendre trois clichés. Pour Mike c’était un jeu d’enfant, mais là c’était plus sérieux, il avait un Titeuf à ratatiner. Il attendit que les portes automatiques s’ouvrent et entra dans la gare, qu’il analysa en premier lieu pour déterminer ses points de vue. Les plafonds des gares étaient toujours très haut, et celui de cette garde tout particulièrement. D’un pas rapide, il chercha les escaliers et commença à grimper à l’endroit le plus culminant pour avoir une vue globale de la gare, des trains, et des passagers. Après tout une gare c’était ça, le voyage, et les voyageurs. Et c’est ce qu’il choisit de représenter pour sa première photo.

Pour la seconde, il redescendit les marches quatre à quatre, et repéra rapidement le thème de sa deuxième photo : la famille. On partait toujours en voyage en famille, et c’était une famille nombreuse, tous en cercle, certains assis sur leurs visages, sur les genoux de quelqu’un d’autre, sur un siège, tous emmitouflés, sur le départ. On pouvait lire leur joie, la flamme qui jaillissait dans leurs yeux, le sourire aux lèvres. Rien de tel que pour montrer la nature humaine et toute sa sensibilité, pas besoin de quelque chose d’extravagant.

Pour la dernière, ça s’avérait déjà plus compliqué. Parce que bon dans une gare, y avait pas trente six mille choses à photographier, ou du moins qui puisse être intéressant, puis ça fit Tilt quand il aperçut non loin de là tout un aménagement végétal, le contraste nature et industrie, l’alliage entre deux thèmes totalement opposées et qui pourtant se marient très bien dans l’ensemble, c’était ce qu’il fit passer dans son dernier cliché.

Ca lui avait pris au moins plus d’une heure à faire tout ça, entre les aller-retour, les tests, les réglages, voir pour la luminosité, photographier au moment propice, quand ce n’est pas du paysage mais des êtres humaines, c’est toujours plus complexe de démontrer toute la sensibilité s’il bouge sans cesse, mais il avait fini par y parvenir et retourna voir Samuel.

Alors minus, t’en as fini avec tes photos, histoire de voir lequel de nous deux est le meilleur ?